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TRAITE
DES
OBLIGATIONS,
SELON LES REGLES
TANT DU FOR DE LA CONSCIENCE ,
Que du For extérieur.
houveîle Edition revue , corrigée & confidèrablj.*
ment augmentée par l'Auteur»
TOME PREMIER.
* 0. M. i >©* ' «WÛlHErfe^
A PARIS; €lJ-
Chez D I b u r E l'aîné, Quai des JU$l(ftfdfi#/\ffy'
à l'Image S. Paul.
A ORLEANS,
Chez J. Rouzeau-Montaut , Imprimeur du Roi*
de la Ville , & de l'Univerfité.
M. PLf...I.,V V
^w Jppr^miàr^^fHfiïï^du Roi»
IBLIOTHECA
.Y
TA BLE
DES CHAPITRE!^*
A } racles , Sellions & Paragraphes 9
contenus dans le premier Tome.
PREMIERE PARTIE.
T^\ E ce qui appartient à Veffence des
JL-X Obligations , & de leurs effets , Pag. <
Chap. I. De ce qui appartient à l'ejjenu des
Obligations, ibid.
Sec. I. Des Contrats , 6
ART. I. Ce que cejlquun Contrat ; en quoi
ildiffeiede lapollicitation , & des
chojes quon doit principalement
dijtingu,r dans chaque Contrat ,
7
§. I. Ce que c'ejl qiïun Contrat , ibid.
§. II. En quoi le Contrat dijfere-t-il de la.
Pollicitation , o
§ . III. Des trois chojes quon doit diflin met
dans chaque Contrat 9 1 1
Art. II. Divifion des Contrats , 18
ART. III. Des différens vices qui peuvent fe
rencontrer dans les Contrats , i&
Tome I, * ij
ïv TABLE
§. I. De l'Erreur , 27
■§. IL Du défaut de liberté 9 34
§. III. Du Dol, 42
§. IV. I}e la. léjîon entre Majeurs , 4 j
§, V. De la léjîon entre Mineurs 9 51
§. VI. Du défaut de caufe dans un Contrat 7
§. VIL Du défaut de lieu dans laperfonno.
qui promet , 61
Art. IV. Des perfonnes qui font capables
ou non de contr acier 9 63
ART. V. 'De ce qui peut être V objet des
Contrats , Que ce ne peut être qu' une
chofe qui concerne les parties con-
tractantes , fuivant la règle quon
ne peut valablement Jiipuler ni
promettre que pour foi , 70
§. I. Quelles font les raifons du principe
qu'on ne peut jiipuler , ni pro-
mettre pour un autre , 72
§. IL Plujîeurscas, dans lef quels nous Jli-
puions ou promettons effeclive-
ment pour nous-mêmes ? quoique
la convention faffe mention d'un
autre , 76
§, III. Que ce qui concerne une autre per-
fonne 9 que les parties contractant
tes peut être le inode , ou la condi-
tion d'une convention 9 quoiqu'il
ne puiffe en être £ objet , 9 1
§» IV, Qu 'on peut Jiipuler & promettre p ai
DES CHAPITRES v
U miniflere d'un tiers , & que ce
n ' yefï pus JIi vider ni promettre pour
un autre , 9 S
ART. VI. De V effet des Contrats 9 107
Art. VII. Règles pour l'interprétation des
conventions , 112
Art. VIII. Du ferment que les Parties con-
tractantes ajoutent quelquefois à
leurs conventions , 123
SEC . II. Des autres caufes des Obligations ,
.m
§. I. Des quajl '- Contrats , ibid.
§. II. Des Délits & quafi- Délits y 137
§. III. De la Loi , 142
Sec. III. Des perfonnes entre le/quelles peut
fubfifter une Obligation , 1 44
SEC. IV. De ce qui peut faire t objet & la
matière des Obligations , 147
§. I. Thefe génér aie fur ce qui peut être F ob-
jet des Obligations , ib'd.
§. II. Quelles chofes peuvent cire V objet
d'une Obligation , 148
§. III. Quels faits peuvent être V objet des
Obligations , kj
Chap. II. TT% E V effet des Obligations ,
jLJ 159
Art.I. De V effet des Obligations de la
part du débiteur , ibid.
§. I. De C Obligation de donner , ibid.
*iij
;
TABLE
§. II. De l'obligation défaire ou de ne pas
faire 9 164
ART. II. De l'effet de l'Obligation par rap-
port au créancier 9 \6y
§. I. Du cas auquel V Obligation confifle
à donner ? 168
§. II. Du cas auquel l'Obligation confijle.
à faire ou ne pas faire , 1 7 j
ART. III. Des dommages & intérêts refultants
foit de l'inexécution des Obliga-
tions , foit du retard apporté à
leur exécution 9 176
PARTIE II.
7~*\ Es différentes efpeces d'Obligations ,
JLS J 2,01
Chap. I. Expojition générale des différentes
efpeces d'Obligations y ibid.
§. I. Première Divifion , ibid.
§. II. Deuxième Divifion , 204
§. III. ///. IK & V. Vivifions , 205
§. IV. Sixième Divifion 9 208
§. V. Septième Divifion , 209
§. VI. Huitième Divifion , 212
§. V IL IX. X. XL & XII, Divifions, \b\d.
ÇHAP. II. "T\ E la première Divifion des
JLs Obligations > en Obliga-
tions civiles & en Obligations
naturelles y % 1 $
DES CHAPITRES, vîj
CHAP. III. r\ Es différentes modalités
JL^/ fous hj quelles les Obliga-
tions peuventê.trecontraclées, iiy
ART. I. Des conditions fufpenfi\ es , & des
Obligations conditionelles , ibid.
§. I. Quefl-ce qu'une condition &fes diffé-
rentes efpeces , 242.
§. II. Ce qui peut faire une condition qui
fufpende une Obligation , 225
§. III. Quand les conditions font-elles cen-
fées accomplies , 230
§. IV. DeCindivifibilité de t 'accompli/Je-
ment des conditions , 245
§. V. De r effet des conditions , 248
§. VI. Lorfqrf une Obligation a été contraclée
fous plufïeurs conditions , effil
néceffaire que toutes s'accomplit
fcnt, 251
Art. II. Des conditions réfolutoires , & des
Obligations ré/blubles fous une
certaine condition, & de celle dont
la durée ejl limitée à un certain
temps, 252,
Art. III. Du terme de payement , 255
§. I. Ce que c'efl que ce terme de payement
& fes différentes efpeces , ibid.
§. II. De P effet du terme & en quoi il diffère
de la condition , 256
§. III. Des cas auxquels la dette peut être
exigée avant le terme , 259
* IV
vîîj TABLE
§. IV. Du terme joint aux conditions , 245
Art. IV. Du lieuconvcnu pour le payement y
ART. V . Dis Obligations ccntraclees avec la
clame de pouvoir payer à uneper-
fonne indiquée , ou avec celle de
payer une certaine chofe , à la
place de la chofe due , 265
Art. VI. Des Obligations alternativet^zôj
Art. VII. Des Obligations folidaires entre
plu fieurs créanciers , 2 80
Art. VIII. De la folidité de la part des débi-
teurs , 283
§. I. Ce que cejl au Obligation folidaire de
la part des débiteurs , ibicL
§. II. En quels cas T Obligation de plujieurs
débiteurs ejl-elle réputée folidaire y
287
§ . III. Des effets de la folidité entre plufieurs
débiteurs , 292
§. IV. De la remife de la folidité , 302
§« V. De la ceffion des actions du créancier ,
qua droit de demander un debi'
teur folidaire qui paye le total ,
§. VI. Des aUicns que le débiteur folidaire
qui a payé fans fubrogation ypeut
avoir dejor. chef > contre f es codé-
i 'ZUT S ,
DES CHAPITRES. U
CHAP.IV. J~*\E quelques efpeces parti-
J_^S culieres d'Obligations ,
confidérées par rapport aux cho-
fes qui en font f objet , 330
Sec. I. De F Obligation d'une chofe indéter-
minée d'un certain genre , 331
SEC. II. Des Obligations dividuelles & des
Obligations individuelles , 3 40
Art. I. Quelles Obligations font dividuelles ,
& quelles Obligations font indi-
viduelles , ibid.
§. I. Qjïefil-cequ une Obligation dividueU
le , & une Obligation indivi-
duelle } ibid.
§. II. Des différentes efpeces a" indivijibilité 1
346
§. III. P lufieurs efpeces particulières a" Obli-
gations à regard defquelles on
demande fi elles font divi/ibles ou
indivifîbles , 351
De V Obligation de livrer une pièce de terre 9
ibid.
De V Obligation d'une corvée ou journée 9
35 4
De ^Obligation défaire quelque Ouvrage y
3 56
De C Obligation de donner une certaine fom-
me léguée pour la conflruclion d'un Hôpi-
tal , ou pour quelque autre fin , ibid»
ART. II. De la nature & des effets des Obli-
* V
x TABLE
galions divijibles , 3 ey
§. I. Principes Généraux 9 ibid.
§. II. Modifications du premier effet delà di-
vijion de rObligation du côté du
débiteur , y<<^
§. III. Du fécond effet de la divijion delà
dette , qui conjifle en ce quelle
peut être payée par parties , 376
§. IV. Du cas auquel la divijion de la de:U
fe fait 9 tant de la part du créan-
cier , que du débiteur , 385
§. V. Si la réunion des portions rfoit des
héritiers du créancier , foit des
héritiers du débiteur , en une feule
perfonne rfait ceffer la faculté de.
payer la dette par parties , 386
§. VI. Différence entre la dette deplufieurs
corps certains, & celle deplujieurs
chofes indéterminées ? touchant la
manière dont elles fe divifent ,
39 1
Art. NI. De la nature & des effets des Obli-
gations individuelles 9. 3 93
§. I. Principes généraux fur la nature des
Obligations individuelles y ibid.
§. II. De r effet de Vindivifibilité de t Obli-
gation in dando aut in faciendo,
par rapport aux héritiers du créan-
cier , ^ 397
§. III. De l'effet des Obligations in dando
aut in taciendo ,par rapport aux
DES CHAPITRES, x/
héritiers du débiteur , 40 1
§. IV. De L'effet des Obligations indivifibles
in non faciendo , 408
CHAP. V. JT\ Es Obligations pénales ,
i J 4ix
Art. I. De la nature des Obligations péna-
les> . .4M
§. I. Premier Principe , ibid.
§. IL Deuxième Principe , 416
§. III. Troifieme Principe 9 ibid.
Quatrième Principe , 417
Cinquième Principe , 422
Art. II. Quand y a-t-il lieu à l'ouverture
de P Obligation pénale , 429
§. I. Du cas auquel la daufe pénale a été
ajoutée à t Obligation de ne pas
faire quelque chofe , ibid.
§. II. Du cas auquel la claufe pénale a été
ajoutée à t Obligation de donner
ou de faire quelque chofe , 4^1
Art. III. Si le débiteur peut en s* acquittant
par parties de [on Obligation 9
éviter la peine pour partie , 434
Art. IV. Si la peine efl encourue pour le to-
tal & par tous les héritiers du
débiteur , par la contravention de
Vun d'eux , 440
§. I. Décifion de la queflion à V égard des
Obligations indivifibles 9 441
§. II, Décifion de la queflion à l 'égard des.
xij TABLE
Obligations divijibles \ 447
ART. V. Si la peine ejl encourue pour le to-
tal , & envers tous les héritiers du
créancier , par la contravention
faite envers Cun d7eux y 460
CHAP. VI. T\ Es Obligations acceffoires
JL^ desfidéju[jeurs , & autres
qui accèdent à celle £un princi~
pal débiteur , 46 2
Sec I. De la nature du cautionnement : dé*
finition des cautions des fidéjuf-
Jeurs ? & les Corollaires qui en
dérivent, 463
Sec. II. Divijion des fidéjujjeurs ou eau-
dons ? 502
Sec. III. Des qualités que doivent avoir les
cautions ,. 5 04
§. I. Des qualités que doit avoir une per-
Jonne pour contracter un caution-
nement , ibid.
§. IL Des qualités requifes pour qu une per-
sonne f oit reçue à être caution ,
§. III. Des cas auxquels un débiteur ejl tenu
de donner une nouvelle caution
à la place de celle qui a reçue ,
Sec. IV. Pour qui , envers qui > pour quelle
Obligation , & comment le cau-
tionnement peut-il être fait, 5 1 J
DES CHAPITRES, xiij
S. I. Pour qui & envers quiy ibid.
§. II. Pour quelle Obligation , 517
§. III. Comment fe contractent les caution-
nements , ^2.3
SEC. V. De retendue du cautionnement,
5M
SEC. VL De quelle manière s éteignent les
cautionnemens , & des différentes
exceptions que la loi accorde aux
cautions , 5 29
ART. I. De quelle manière s'éteignent les
cautionnemens , ibid.
ART. II. De V exception de difcuffion, 532
£. I. Origine de ce droit , ibid.
§. II. Quelles cautions peuvent oppofer l'ex-
ception de difcuffion , 533
§. III. En quel cas le créancier efi-il obligé
à la difcujjîon , & quand? ex-
ception de difcuffion doit-elle être
oppojée , ^ . 535
§. IV. Quels biens le créancier eji-il obligé de
difeuter , 538
§. V. Aux dépens de qui doit fe faire la dif-
cuffion , 543
§. VI. Le créancier qui a manqué à faire la
difcuffion , ejl-il tenu de Vinfol-
vabilité du débiteur , ibid.
Art. III. De l'exception de divifion, 546
§. I. Origine de ce droit 9 ibid»
§. II. Qui font ceux qui peuvent ou non
oppofer F exception de divijion^t
547
xiv TABLE
§. III. Qui font ceux entre qui la dette
doit être divijée , 548
§. IV. Un cautionnement peut-il fe divifer
avec une caution qui na pas va-
lablement contracté 9 & avec une
caution mineure , 552
§. V. Quand l'exception de divifion peut-
elle être oppofêe , 555
§. VI. De r effet de l'exception de divijïon 9
Art. IV. D la cejjion d'actions ouf abroga-
tion que le créancier efl tenu d'ac-
corder au fidéjufflur qui le paye 9
560
SEC. VIL Du droit qrfa la caution contre le
principal débiteur & contre fes
cofidéjuffeurs , 561
Art. L Du recours de la caution contre le
débiteur principal après quelle a
payé, i 562
§. I. Quelles font les actions qiHa la caution
contre le débiteur principal , après
quelle a payé 9 ibid.
§. IL Quel payement donne lieu à ces ac-
tions , 533
§. III. Trois conditions pour que le paye-
ment fa't par la caution donne
lieu à t action contre le débiteur
principal, 564
Première Condition , 565
Deuxième Condition 9 56^
DES CHAPITRES. x?
Troifieme Condition , 569
§. IV. Quand la caution qui a payé peut-
elle exercer fon recours , ibid*
§. V. Lorfquil y a plufieut s débiteurs prin-
cipaux , la caution a-t-elle aclion
contre chacun d'eux , 6* pour
combien , 5 70
Art. II. Des cas auxquels la caution a
aclion contre le débiteur principal ',
même ayant qiielle ait payé ,
57*
Art. III. Si la caution d'une rente peut
obliger le débiteur au rachat 9
577
Art. IV. Des actions de la caution contre
fes cofidéjuffeurs , 5 90
S£C. VIII. De plujîeurs autres efpeces d'O-
bligations accefjo'v es , $97
Art. I. De f Obligation de ceux qiion ap-
pelle en Droit Mandatores 9 ibid*
Art. II. De l'Obligation des Commettants ,
607
§. L En quelfens les Commettants accè-
dent aux obligations des Contrats
de leurs prépofés ? & en quoi ils
différent des autres débiteurs ac-
cejjoires , 608
§. II. En quels cas y a-t-illieuâl 'obligation
acceffoire des commettants ,610
§. III, De r effet des obligations acceffoires
des Commettants ) 6iz
xvj TABLE DES CHAPITRES.
§. IV. De F Obligation accffo'ne des Corn*
mettants qui naît des délits de
leurs prépofés , 6 1 6
§. V. Des Pères de famille & des Maîtres ,
617
Sec. DERN. Du Pacl conjlitutœ pecuniœ ,
610
§ . I . De ce qui efl néceffaire pour la validité
du pacl conftitutae pecuniae ,
62.6
§. II. Si le pacl conftitutae pecuniae ren-
ferme nécefjairement un terme
dans lequel on promet payer ,
636
§. III. Si on peut par le pacl conftitutae
pecuniae s'obliger à plus que et
qui efl du , ou à autre chofe que
ce qui efl dû , ou s y obliger a" une
différente manière , 637
§. IV. De l'effet du pacl conftitutae pecu-
niae, & de ^obligation qui en
naît , 64J
§. V. De Cefpece de pacl par lequel on pro-
met au créancier de donner cer-
taines sûretés , 662
Fin de la Table des Chapitres.
TRAITÉ
TRAITÉ
DES
OBLIGATIONS.
— ■ »■
.Article préliminaire.
i. Ml lr E terme & Obligation a deux
1 lignifications.
Dans une lignification éten-
- due , lato fenfu, il efl fyno-
nyme au terme de devoir, &c il comprend
les Obligations imparfaites , aufli-bien que
les Obligations parfaites.
On appelle Obligations imparfaites 5 les
Obligations dont nous ne fommes compta-
bles qu'à Dieu , & qui ne donnent au-
cun droit à perfonne pour en exiger l'ac-
complifTement : tels font les devoirs de
charité , de reconnoifTance ; tel eft par
exemple l'obligation de faire l'aumône de
Tom, I% A
i Traite'
fon fuperflu; cette obligation eft une/
véritable obligation , &c un riche pèche
très - grièvement , lorfqu'il manque à
l'accomplir ; mais c'eft une obligation
imparfaite , parce qu'il n'en eft compta-
ble qu'à Dieu feul : îorfqu'il s'acquitte
de cette obligation , le pauvre à qui il
fait l'aumône ne la reçoit pas comme
une dette , mais comme un pur bienfait.
Il en eft de même des devoirs de la recon-
noiftance : celui qui a reçu quelque bien-
fait fignalé , eft obligé de rendre à fon
bienfaiteur tous les fervices dont il eft ca-
pable , lorfqu'il en trouve Poccafion ; il
pèche &. il fe déshonore, quand il y man-
que ; mais fon bienfaiteur n'a aucun droit
d'exiger de lui ces fervices ; &C lorfqu'il
les lui rend , ce bienfaiteur reçoit de lui
à fon tour un véritable bienfait. Si mon
bienfaiteur avoit droit d'exiger de moi
que je lui rendifte dans la même occafion
les mêmes fervices qu'il m'a rendus , ce
ne feroit plus un bienfait qu'il m'auroit
fait , mais un vrai commerce ; &c les fer-»
vices que je lui rendrois ne feroient plus
de ma part reconnoifjhncc , la reconnoif-
fance étant efTentiellement volontaire.
Le terme tf Obligation dans un fens plus
propre &C moins étendu ne comprend que
les Obligations parfaites qu'on appelle
aufli cngagemens pcrfonnds , qui donnent
des Obligations. 5
à celui envers qui nous les avons con-
tractés , le droit d'en exiger de nous l'ac-
complifTement ; & c'efl de ces fortes
d'Obligations dont il s'agit dans ce Traité.
Les Jurifconfultes définirent ces Obli-
gations ou Engagemens perfonnels : un )
lien de droit qui nous aftreint envers un
autre à lui donner quelque chofe , ou à
faire ou ne pas faire quelque chofe , Vin-
culum juris quo neceffztate adjlringimur
allcujus rd folvendœ. Inftit. tit. de oblig.
Obligationum fubjîantia conjiftit ut alium
nobis obflringat , ad dandum aliquid veL
faciendum , vd ptœjlandum. L. 3. ff. de
oblig.
Ces termes vinculum juris , ne convien-
nent au'à l'Obligation civile : PObliea-
tion purement naturelle , qui efl folius
aquitatis vinculum , efl aufli , quoique
dans un feris moins propre , une Obliga-
tion parfaite ; car elle donne , finon dans
le for extérieur, au moins dans le for
de la confeience , à celui envers qui
elle efl contractée , le droit d'en exiger
TaccomplirTement ; au lieu aue FOb-ipa-
tion imparfaite ne donne pas ce droit.
V, infrà N. I97.
Nous diviferons ce Traité des Obliga-
tions en quatre parties : nous verrons
dans la première ce qui appartient à
l'effence des Obligations , &c leurs effets,
Aij
4 Tr. des Oblig,
Dans la féconde , les différentes divï*
fions , & les différentes efpeces d'Obli-
gations.
Dans la troifieme , les manières dont
s'éteignent les Obligations , &c les fins de
non-recevoir , ou prefcriptions contre le
droit qui en réfulte.
Nous ajouterons une quatrième partie
fur la preuve tant des Obligations , que
de leur payement.
-X- -*•
Part. i. Chap. I. 5
PARTIE PREMIERE.
De ce qui appartient a l'essence
des Obligations , & de leurs effets*
CHAPITRE PREMIER.'
DE CE QUI APPARTIENT A L'ESSENCE
des Obligations,
2. T L eft de l'eflence des Obligations ,
jI i°. Qu'il y ait une caufe d'où naiffe
rObligation. i°. Des personnes entre lef-
quelles elle fe contra&e. 30. Quelque
chofe qui en foit l'objet.
Les caui'es des Obligations font les
contrats , les quafi-contrats , les délits 9
les quafi-délits ; quelquefois la loi ou
l'équité feule.
Nous traiterons , 1 °. Des contrats qui
font la caufe la plus fréquente d'où naif-
fent les Obligations.
20. Des autres caufes des Obligations.
30. Des perfennes entre qui elles fe
contractent.
40. Des çhofes qui en peuvent être
r°bJet^\VE
A iij
I 0.
S Tr, des Oblig,
Section première,
Des Contrats,
Nous verrons i°. ce que c'eft qu'un
Contrat ; en quoi il diffère de la polli-
citation , 8z quelles font les chofes qu'on
doit principalement diffinguer dans cha-
que Contrat. 20. Nous rapporterons les
différentes divifions des Contrats. 30.
Nous traiterons des vices généraux qui
.peuvent fe rencontrer dans les Contrats.
40. Des perfonnes qui peuvent ou ne
peuvent pas contracter. 50. De ce qui
peut être l'objet des contrats : nous fe-
rons voir que ce ne peut être qu'une
chofe qui concerne les parties contrac-
tantes , fuivant la règle qu'on ne peut
valablement ilipuler ni promettre que
pour foi , règle que nous tâcherons d'ex-
pliquer &C de développer. 6°. Nous
traiterons des effets des Contrats. 70.
Nous donnerons des règles pour l'inter-
prétation des Contrats. 8°. Nous traite-
rons du ferment que les parties ajou-
tent quelquefois à leurs conventions,
Part. I. Chap. I. 7
Article premier.
Ce que cefî quun Contrat ; en quoi il diffère
de lapollicitation, & des chofes quon doit
principalement dijlinguer dans chaque
Contrat,
§. i.
Ce que cejl qu'un Contrat*
3. Un Contrat eft une efpece de con-
vention. Pour favoir ce que c'efr. qu'un
Contrat , il efl donc préalable de favoir
ce que c'eft qu'une convention.
Une convention ou un pacte ( car ce
font termes fynonymes ) eil le confente*
ment de deux ou de plufieurs perfonnes ,
ou pour former erïtr'elîes quelque enga-
gement , ou pour en réfoudre un précé-
dent , ou pour le modifier ? Duorum vel
plurium in idem placitum confenfus. L. 1.
§. 1. ffl de pacl. Domat. p. 1. 1. 1. t. 1.
L'efpece de convention qui a pour
objet de former quelque engagement efl
celle qu'on appelle Contrat. Les princi-
pes du Droit Romain fur les différentes
efpeces de pactes , &: fur la diftinclion
des contrats & des fimples pactes , n'é-
tant pas fondés fur le Droit naturel , &
étant très-éloignés de fa fimpliciîé ? ne
A iv
8 Tr. des Oblig.
foRt pas admis dans notre Droit : ceux
qui feront curieux de les favoir pourront
conflilter le titre de paciisin Pand. Jujlin.
ou ils font détaillés.
De-là , il fuit que dans notre Droit on
ne doit point définir le Contrat , comme
le définirent les interprètes du Droit
Romain; Conventio nomen habens à jure
tivili , vel caufam ; mais on le doit dé-
finir : Une convention par laquelle les
deux parties réciproquement, ou feule-
ment l'une des deux, promettent &t s'en-
gagent envers l'autre à lui donner quel-
que chofe , ou à faire ou ne pas faire
quelque chofe.
J'ai dit promettent & s'engagent, car il
n'y a que les promettes que nous faifons
avec l'intention de nous engager , & d'ac-
corder à celui à qui nous les faifons , le
droit d'en exiger l'accompliffement, qui
forment un contrat Se une convention.
Il y a d'autres promettes que nous fai-
fons de bonne foi Se avec la volonté ac-
tuelle de les accomplir , mais fans une
intention d'accorder à celui à qui nous
les faifons , le droit d'en exiger l'accom-
pliffement , ce qui arrive lorfque celui
qui promet déclare en même temps qu'il
n'entend pas néanmoins s'engager , ou
lorfque cela réfulte des circonttances ou
des qualités de celui qui promet , & de
Part. I. C h a p. I. 9
celui à qui la promette eft faite. Par exem-
ple , lorsqu'un père promet à ion fils qui
étudie en Droit , de lui donner de quoi
faire dans les vacances un voyage de ré-
création , <?n cas qu'il emploie bien fon
temps ; il eft évident que le père en fai-
fant cette promette , n'entend pas con-
tracter envers fon fils , un engagement
proprement dit.
Ces promettes produifent bien une
Obligation imparfaite de les accomplir,
pourvu qu'il ne foit furvenu aucune caufe,
laquelle fi elle eût été prévue eût empê-
ché de faire la promette ; mais elles ne
forment pas d'engagement, ni par con-
féquent de Contrat.
s- i 1.
En quoi le Contrat diffère- 1- il de la
Pollicitation.
4. La définition que nous avons don-
née du Contrat ? fait connoître cette dif-
férence. Le Contrat renferme le concours
des volontés de deux perfonnes , dont
l'une promet quelque chofe à l'autre , &C
l'autre accepte la promette qui lui eft
faite. La Pollicitation eft la promette qui
n'eft pas encore acceptée par celui à qui
elle eft faite ; Pollïcitatio ejl folius offe-
A v
7o Tr. des Oblig.
rends promifjiim. L. 3 . jf\ de Pollicîtat.
La Pollicitation aux termes du pur Droit
naturel ne produit aucune Obligation pro-
prement dite , & celui qui a fait cette
promefïe peut s'en dédire, tant que cette
promefTe n'a pas été acceptée par celui
à qui elle a été faite ; car il ne peut y
avoir d'Obligation , fans un droit qu'ac-
quiert la perfonne envers qui elle eil
contractée contre la perfonne obligée ;
or , de même que je ne peux pas par ma
feule volonté transférer à quelqu'un un
droit dans mes biens , fx fa volonté ne
concourt pour l'acquérir ; de même je
ne peux pas par ma promefTe accorder à
quelqu'un un droit contre ma perfonne %
jufqu'à ce que fa volonté concoure pour
l'acquérir par l'acceptation qu'elle fera
de ma promefTe ; Grot. de jure bel. &
pac. L. 2. cap. n. ^. 3.
Quoique la Pollicitation ne foît pas
obligatoire dans les purs termes du Droit
naturel , néanmoins le Droit civil qui
ajoute au Droit naturel , avoit rendu chez
les Romains obligatoires en deux cas.
les Pollicitations qu'un citoyen faifo.it
à fa ville. iQ. Lorfqu'il avoit eu un jufte
fujet de les faire , put à , en confidéra-
îjon de quelque magiftrature municipale
qui lui avoit été déférée ob honorent*
%v, Lorfqu'il avoit commencé de les met*
P A R T. I. C H A P. I. II
tre à éxecution, L. i. §. i. & 2. jfl
d. t.
On ne doit plus mettre en queftion
s'il y a des Pollicitations obligatoires
dans notre Droit François ; l'Ordonnan-
ce de 173 1. art. 3. ayant déclaré qu'il
n'y auroit plus que deux manières de dif-
poier de fes biens à titre gratuit, la do-
nation entre-vifs , &: le teilament : il
s'enfuit qu'elle rejette la Pollicitation.
s- IIL
Des trois chofes qu'on doit dijlinguer dans
chaque Contrat.
5. Cujas ne dirtinguoit dans les Con-
trats , que les chofes qui font de l'erTence
du Contrat , & celles qui lui font acci-
dentelles. La diftin&ion qu'ont faite plu-
fieurs Jurifconfultes du dix-feptieme fie-
cle , eft beaucoup plus exacte : ils diftin-
guent trois différentes chofes dans cha-
que Contrat , celles qui font de l'efTence
du Contrat , celles qui font feulement
de la nature du Contrat , & celles qui
font purement accidentelles au Contrat.
6. Les chofes qui font de l'efTence du
Contrat , font celles fans lefquelles ce
Contrat ne peut fubfifter ; faute de l'une
de ces chofes , ou il n'y a pas du tout
A vj
il Tr. des Oblig.
de Contrat , ou c'efl une autre efpecé
de Contrat. I
Par exemple ; il eft de Peffence du
Contrat de vente qu'il y ait une chofe
qui foit vendue , &c qu'il y ait un prix
pour lequel elle foit vendue ; c'en1 pour-
quoi fi je vous ai vendu une chofe que
nous ignorions avoir cefTé d'exifier , i!
n'y aura pas de Contrat , L. 57. ff. du
contr. cmpt. ne pouvant pas y avoir de
Contrat de vente , fans une chofe qui
ait été vendue.- Pareillement, fi je vous
ai vendu une chofe pour le prix qu'elle a
été vendue à mon parent de la fuccefïion
duquel elle m'eft venue , 6c qu'il fe trou-
ve que cette chofe ne lui avoit pas été
vendue , mais lui avoit été donnée , il n'y
aura pas de Contrat , parce qu'il n'y a
pas un prix qui efr. de l'eilence du Con-
trat de vente.
Dans les exemples que nous venons
de rapporter, le défaut de l'une des cho-
fes , qui font de l'efTence du Contrat ,
empêche qu'il n'y ait en tout de Contrat ;
quelquefois ce défaut change feulement
l'efpece du Contrat.
Par exemple , étant de l'efTence du
Contrat de vente qu'il y ait un prix qui
confrfte en une fomme de deniers que
l'acheteur paye ou s'oblige de payer au
vendeur ; s'il efl porté par un traité que
Part. I. Chap. I. i$
j*aî fait avec vous, que je vous vendois
mon cheval pour un certain livre que
vous vous obligiez de me donner pour
le prix dudit cheval; ce traité* ne ren-
fermera pas un Contrat de vente , ne pou-
vant pas y avoir de Contrat de vente fans
un prix qui confifte en une fomme d'ar-
gent ; mais le traité n'erl: pas pour cela
nul ; il contient une autre efpece de Con-
trat , lavoir un Contrat d'échange.
Pareillement , étant de l'effence du
Contrat de vente ,* non pas à la vérité
que le vendeur s'oblige précifément à
transférer à l'acheteur la propriété de la
chofe vendue , dans le cas auquel il n'en
feroit pas le propriétaire ; mais au moins
qu'il ne la retienne pas , s'il en eil le
propriétaire : fi nous fouîmes convenus ,
que je vous vends un certain héritage
pour une certaine fomme &. pour une
certaine rente que vous vous obligez de
me payer, duquel héritage je m'oblige
de vous faire jouir , à la charge néan-
moins que la propriété de l'héritage de-
meurera pardevers moi ; cette conven-
tion ne renferme pas à la vérité un Con-
trat de vente , étant contre l'effence de
ce Contrat que le vendeur retienne la
propriété ; mais il renferme un Contrat
de bail : c'eft ce que dit Labeo en la loi
£q. §. 3. ff. de cont, empt. Nemo potejl yi-
14 Tr. des Ob li g.
deri rem vendidijfe de cujus donùnio id agi-'
tur , ne ad emptorem tranfeat ; fed hoc aut
locatio eji , aut aliud genus contractas.
Pareillement , étant de l'eiTence des
Contrats de prêt, de mandat , &: de dé-
pôt qu'ils foient gratuits : fi je vo.us ai
prêté une chofe , à la charge que vous
me payeriez une certaine fomme pour
l'ufage de cette chofe ; ce ne fera pas un
Contrat de prêt ; mais ce fera un autre
'efpece de Contrat ; favoir , un Contrat de
louage. Par la même raifon , fi en accep-
tant la procuration que vous m'avez don-
née , ou le dépôt d'une chofe que vous
m'avez confiée , j'ai exigé de vous une
certaine fomme pour la récompenfe du
foin que je donnerois à la garde du dé-
pôt , ou à la geftion de l'affaire que vous
m'avez confiée , le Contrat ne fera pas
un Contrat de dépôt , ni un Contrat de
mandat ; mais ce fera un Contrat de
louage , par lequel je vous loue mes foins
pour la geïtion de votre affaire , ou pour
la garde de votre dépôt.
7. 2°. Les chofes qui font feulement
de la nature du Contrat font celles qui,
fans être de Peffence du Contrat , font
partie du Contrat , quoique les parties '
contractantes ne s'en foient point expli-
quées , étant de la nature du Contrat
que ces chofes y foient renfermées ÔC
fous-entendues.
Part. I. C h a p. I. iy
Ces choies tiennent un milieu entre
les choies qui font de l'efTence du Con-
trat, &c celles qui font accidentelles au
Contrat ; & elles différent des unes 6c
des autres.
Elles différent des chofes qui font de
l'eiîence du Contrat , en ce que le Con-
trat peut fubfifter fans elles , &£ qu'elles
peuvent être exclufes du Contrat par la
convention des parties ; & elles différent
des chofes accidentelles au Contrat , en
Ce qu'elles font partie du Contrat , fans
avoir été exprefTément convenues : c'eft
ce qui s'éclaircira par des exemples. Dans^
le Contrat de vente , l'obligation de ga-
rantie que le vendeur contracte envers
l'acheteur eft de la nature du Contrat de
vente ; c'eft pourquoi le vendeur con-
tracte en vendant cette obligation envers
l'acheteur, quoique les parties contrac-
tantes ne s'en foient pas expliquées , &C
qu'il n'en foit pas dit le moindre mot
dans le Contrat ; mais cette obligation
étant de la nature , & non de l'effence
du Contrat de vente , le Contrat de vente
peut fubfifter fans cette obligation ; . &C fi
par le Contrat on eft convenu que le
vendeur ne fera pas obligé à la garantie
de la chofe vendue , la convention fera
valable , & ce Contrat ne laiiTera pas
d'être un véritable Contrat de vente a
16 Tr. des Oblig.
quoique le vendeur ne foit pas obligé à
la garantie,
C'eft aufïï une chofe qui eu. de la na-
ture du Contrat de vente , qu'aufïi-tôt
que ce Contrat a reçu fa perfection par
le confentement des parties , quoiqu'a-
vant la tradition , la choie vendue foit
aux rifques de l'acheteur ; &: que fi elle
vient à périr, fans la faute du vendeur,
la perte en doive tomber fur l'acheteur ,
qui ne fera pas pour cela déchargé du
prix : mais comme cela eft de la nature
feulement , & non de l'effence du Con-
trat de vente , on peut en contractant
convenir du contraire.
Il eit de la nature du Contrat de prêt à
ufage, que l'emprunteur foit tenu de la
faute la plus légère , à l'égard de la chofe
qui lui a été prêtée ; il contra de cette
obligation envers le prêteur par la na-
ture'même du Contrat, & fans que les
parties s'en foient expliquées en contrac-
tant; mais comme cette obligation eitde
la nature , & non de l'erlence du Con-
trat du prêt à ufage , on peut l'exclure
par une claufe du Contrat , & convenir
que l'emprunteur fera tenu d'apporter
feulement de la^ bonne foi pour la con-
fervation de la chofe, &C qu'il. ne fera
pas refponfable des accidens qui arrive-
roient par fa négligence &: fans malice.
Part. I. C h a p. I. 17
Il eft auiïï de la nature de ce Contrat ,
que la perte de la chofe prêtée , lors-
qu'elle arrive par une force majeure ,
tombe fur le prêteur ; mais comme cela
eft de la nature , & non de Feffence du
Contrat , on peut par une claufe du Con-
trat charger l'emprunteur de ce rifque
jufqu'à ce qu'il ait rendu la chofe.
On peut apporter une infinité d'autres
exemples , fur les différentes efpeces de
Contrats.
8. 30. Les chofes qui font accidentelles
au Contrat , font celles qui n'étant pas
de la nature du Contrat , n'y font ren-
fermées que par quelque claufe particu-
lière ajoutée au Contrat.
Par exemple , le terme accordé par le
Contrat pour le payement de la chofe ou
de la fomme due , la faculté qui y eft ac-
cordée de payer cette fomme en plusieurs
parties , celle de payer quelqu'autre chofe
à la place , ou de payer entre les mains
d'une autre perfonne que du créancier ,
&: autres femblables , font chofes acci-
dentelles au Contrat, parce qu'elles ne
font renfermées dans le Contrat qu'au-
tant qu'elles font ftipulées par quelque
claufe ajoutée au Contrat.
Dans le Contrat de vente d'une rente ,
l'obligation par laquelle le vendeur fe
rend refponfable de la folvabilité des dé-
iS Tr, dés Oblig.
biteurs tant que la rente durera , eft une
chofe accidentelle au Contrat ; car le
vendeur ne contracte pas cette obliga-
tion par la nature du Contrat , il ne la
contracte qu'en vertu d'une claufe parti-
culière ajoutée au Contrat , qui eft celle
qu'on appelle la claufe de fournir & faire
valoir ; & cette claufe , quoiqu'afïez fré-
quente dans les Contrats de vente de
rente , y doit être exprimée , & ne s'y
fupplée point.
On peut apporter une infinité d'autres
exemples.
Article IL
Divïjion des Contrats.
9. Les divifions que le Droit Pvomain
fait des Contrats , en Contrats nommés
& Contrats innommés ; en Contrats bonœ
fidei , & Contrats jiricii Juris , n'ont pas
lieu parmi nous.
Celles reçues dans notre Droit font, 1 °.
celles en Contrats fynallagmaîiques ou
bilatéraux , &: en Contrats uni-latéraux.
Les Synallagmatiques ou bilatéraux font
ceux par lefquels chacun des contra&ans
s'engage envers l'autre. Tels fontles Con*
îrats de vente , de louage , &c.
Les Uni- latéraux fonteeuxpar lefquels il
n'y a que l'un des contra clans qui s'engage
envers l'autre,comme dans le prêt d'argent.
Part. I. Chap. I. 19
Entre les Contrats fynallagmatiques ou
bilatéraux , on diftingue ceux qui le font
parfaitement , &C ceux qui le font moins
parfaitement. Les Contrats qui font par-
faitement fynallagmatiques ou bilatéraux
font ceux dans lefquels l'obligation que
contracte chacun des contrattans eft éga-
lement une obligation principale de ce
Contrat; tels font les Contrats de vente,
de louage , de fociété, &c. Par exemple,
dans le Contrat de vente , l'obligation
que le vendeur contracte de livrer la cho-
fe , & celle que l'acheteur contracte de
payer le prix , font également obligations
principales du Contrat de vente. Les Con-
trats qui font moins parfaitement fynal-
lagmatiques % font ceux dans lefquels il
n'y a que l'obligation de l'une des parties
qui foit l'obligation principale du Con-
trat ; tels font les Contrats de mandat ,
de dépôt , de prêt à ufage , de nantifTe-
ment : dans ces Contrats , l'obligation
que contracte le mandataire de rendre
compte de fa commiflion , celles que con-
tractent le dépofitaire , l'emprunteur, ou
le créancier de rendre la chofe qui leur
a été donnée à titre de dépôt , de prêt
à ufage , ou de nantinement , font les
feules obligations principales de ces Con-
trats : celles que contracte le mandant ,
ou celui qui a donné la chofe en dépôt,
/
ao Tr. des Oblig.
ou en nantuTement , ou qui l'a prêtée ,
ne font que des obligations incidentes ,
auxquelles donne lieu depuis le contrat ,
la dépenfe qui a été faite par l'autre par-
tie pour Pexécution du mandat , ou pour
la confervation de la chofe donnée à titre
de prêt , de dépôt , ou de nantiffement.
Au lieu que l'adion qui naît de l'obli-
gation principale s'appelle Aciio dirccia ,
celle qui naît de ces obligations inciden-
tes fe nomme Aciio contraria,
10. iv. On divife les Contrats en ceux
qui fe forment par le feul confentement
des parties , & qui pour cela font appel-
lés Contrats confenfuels , tels que la ven-
te, le louage , le mandat , &cc. & ceux
ou il erl: néceflaire qu'il intervienne
quelque chofe outre le confentement ;
tels font les Contrats de prêt d'argent ,
de prêt à ufage , de dépôt , de nantifTe-
ment, qui par la nature du Contrat exi-
gent la tradition de la chofe qui eft l'ob-
jet de ces conventions ; on les appelle
Contrats réels.
1 1. Quoique le feul confentement des
parties fufnfe pour la perfection des Con-
trats confenfuels ; néanmoins fi les par-
ties , en contractant une vente , ou un
louage , ou quelqu'autre efpece de mar-
ché , font convenues d'en paner un adle
pardevant Notaires , avec intention que
P jtRT. I. CHAP. I. 21
le marché ne feroit parfait & conclu que
lorfque l'acte auroit reçu fa forme entière
par la fignature des parties &: du Notai-
re , le Contrat ne recevra effectivement
fa perfection que lorfque l'acte du No-
taire aura reçu la fienne ; & les parties,
quoique d'accord fur les conditions du
marché , pourront licitement fe dédire
avant que l'acte ait été figné. C'eft la dé-
cifion de la fameufe loi , Contracius 1 7.
cod. de fid. injlr. qui fe trouve aufïi aux
inflit. tit. de cont. empt. Mais fi en ce cas
l'acte ou instrument eft requis pour la
perfection du Contrat , ce n'eft pas par
la nature du Contrat , qui de foi n'exige
pour fa perfection que le feul confente*
ment des parties ; mais c'eft parce que
les parties contractantes l'ont voulu , Se
qu'il eft permis aux parties qui contrac-
tent , de faire dépendre leur obligation ,
de telle condition que bon leur femble.
Obfervez que la convention , qu'il
fera patte acte devant Notaires d'un mar-
ché , ne fait pas par elle-même dépen-
dre de cet acte la perfection du marché ;
il faut qu'il paroifTe que l'intention des
parties , en faifant cette convention , a
été de l'en faire dépendre ; c'eft pour-
quoi il a été jugé par un Arrêt de M95 »
rapporté par Mornac ad d. L. 17. qu'une
partie ne pouvoit fe dédire d'un traité de
24 Tr. des Oblig?
vente fait fous les fignaturcs des pafties,
quoiqu'il y eût la clanfe , qull en feroit
parlé a£re pardevant Notaires , tk. que
cet adte n'eût pas encore été pafîe ; parce
qu'on ne pouvoit pas conclure de cette
claufe feule , que les parties euflent voulu
faire dépendre de l'acte devant Notaires
la perfection de leur marché, cette claufe
ayant pu être ajoutée feulement pour en
afïiirer davantage l'exécution 9 par les hy-
pothèques que donne un a£te devant No-
taire , &. à caufe du rifque qu'un a&e
fous fignatures privées court de s'égarer.
Mais lorfque le marché eft verbal , il
eft. plus facile à la partie à qui on en
demande l'exécution , de s'en dédire en
foutenant que le marché n'étoit que pro-
jeté jufqu'à la fignature de l'acte devant
Notaire qu'on étoit convenu d'en paffer ;
parce que les marchés dont l'objet ex-
cède cent livres , ne pouvant fe prou-
ver par témoins , &: n'y ayant par con-
féquent en ce cas d'autre preuve du mar-
ché , que cette déclaration , elle doit être
prife en fon entier; comme nous le ver-
rons en la partie quatrième, N. 799.
Lorfqif il y a un a£le fous fignatures
privées d un marché qui n'a pas reçu fa
perfection entière par les fignatures de
toutes les perfonnes exprimées par l'adte,
quelqu'une d'elles s'étant retirée fans ft-
PartI. C h a p. I. ij
gner , celles qui ont figné peuvent le
dédire , Se font crues à dire , qu'en fai-
sant dreffer cet acl:e , elles ont eu inten-
tion de faire dépendre de la perfection
de cet acte , leur convention. C'eft fur
ce principe que par Arrêt du 1 5 Dé-
cembre 1654, rapporté par Soefve , /. 1.
cent. 4. chap. 75. La vente d'un office
faite par une veuve, tant en fon nom que
comme tutrice de fon fils* mineur, à un
particulier, par un acte fous fignatures
privées , fut déclarée imparfaite , & ce
particulier , qui avoit figné l'acte , ren-
voyé de la demande de la veuve , aux
fins d'exécution de cet acte ; parce que
l'acte n'avoit point reçu toute fa perfec-
tion , n'ayant pas été figné par le cura-
teur du mineur , qui avoit été nommé
dans l'acte , comme y comparoiffant pour
le mineur, quoiqu'il y fût inutile.
1 2. La troifieme divifion des Contrats 9
cft en Contrats interpelles de part & d'au-
tre , Contrats de bienfaifance , et Con-
trats mixtes.
Les Contrats intéreflés de part & d'au-
tre font ceux qui fe font pour l'intérêt &C
l'utilité réciproque de chacune des par-
ties ; tels font les Contrats de vente ,
d'échange , de louage , de conftitution de
rente , de fociété , 6c une infinité d'autres.
Les Contrats de bienfaifance font ceux
Ï4 Tr, des Oblig,
qui ne fe font que pour l'utilité de l'une
des parties contractantes ; tels font le prêt
à ufage , le prêt de confomption , le dé-
pôt , 6c le mandat.
Les Contrats par lefquels celle des par-
ties qui fait un bienfait à l'autre , exige
d'elle quelque chofe qui efï au-deffous de
la valeur de ce qu'elle lui donne , font
des Contrats jnixtes ; telles font les do-
nations faites fdus quelque charge impo-
fée au donataire.
13. Les Contrats intérefïes de part&
d'autre fe fubdivifent en Contrats commu-
ta tifs , 6c Contrats aléatoires.
Les Contrats corn mutât ifs font ceux par
lefquels chacune des parties contractan-
tes donne 6c reçoit ordinairement l'équi-
valent de ce qu'elle donne ; tel eft le
Contrat de vente ; le vendeur doit don-
ner la chofe vendue & recevoir le prix ,
qui en eft l'équivalent; l'acheteur doit
donner le prix , 6c recevoir la chofe
vendue , qui en eu l'équivalent.
On les diftribue en quatre clalfes : Do
ut des , FACIO utficias , FACIO ut des ,
Do ut fzcias.
Les Contrats aléatoires font ceux par
lefquels l'un des contraclans fans rien
donner de fa part , reçoit quelque chofe
de l'autre , non par libéralité , mais
comme le prix du rifque qu'il a couru ;
tous
Part. I. Chap, I. 15
tous les jeux ibnt des Contrats de cette
nature , auiïi bien que les gageures , &C
les Contrats d'afîurance.
14. Une quatrième divifion des Con-
trats, eft en Contrats principaux & Con-
trats acccjjoires. Les Contrats principaux
font ceux qui interviennent principale-
ment , 6c pour eux-mêmes : les Contrats
acceffoires , font ceux qui interviennent
pour affurer l'exécution d'un autre Con-
trat ; tels font les Contrats de caution-
nement &£ de nantiffement.
15. Une cinquième divifion de Con-
trats , eft en ceux qui font afîujettis par
le Droit civil à certaines règles ou à cer-
taines formes , & ceux qui fe règlent par
le pur Droit naturel.
Ceux qui font affujettis parmi nous
à certaines règles ou à certaines formes ,
font le Contrat de mariage , le Contrat
de donation , le Contrat de lettre de chan-
ge , le Contrat de conftitution de rente :
les autres conventions ne font félon nos
mœurs affujetties à aucunes formes ni à
aucunes règles arbitraires preferites par
la Loi civile ; &c pourvu qu'elles ne con-
tiennent rien de contraire aux loix & aux
bonnes moeurs , & qu'elles interviennent
entre perfonnes capables de contracter ,
elles font obligatoires &c produifent une
action. Si nos loix ordonnent que celles
Tome /, B
16 Tr. des Oblig.
dont Fobjet excède la fomme de cent li*
vres foient rédigées par écrit , elles n'ont
en vue en cela que de régler la manière
dont elles doivent être prouvées , dans
les cas où Ton difconviendroit qu'elles
fuiTent intervenues ; mais leur intention
n'eft pas que l'écrit foit de la fubftance
de la convention ; elle eft fans cela va-
lable , & les contra&ans qui ne nient pas
qu'elle foit intervenue , peuvent être
contraints de l'exécuter ; on peut même
ordinairement déférer le ferment décifoi-
re à celui qui en difconviendroit ; l'écrit
n'eft nécelTaire que pour la preuve , &C
non pour la fubftance de la convention.
Article III.
JDes differens vices qui peuvent fe rencontrer
dans les Contrats»
16. Les vices qui peuvent fe rencontrer
dans les Contrats font l'erreur , la violen-
ce , le dol, la lefion, le défaut de caufe
dans l'engagement , le défaut de lien.
Nous traiterons de ces différens défauts ,
dans autant de paragraphes féparés.
A l'égard des vices qui réfultent de
l'inhabilité de quelques-unes des parties
contractantes , ou de ce qui fait l'objet
des Contrats , nous en traiterons dans les
■"'* y hn fuivans.
Part. I. Chap. I. 17
§• I.
De l'Erreur.
17. L'erreur eu le plus grand vice des
conventions ; car les conventions font
formées par le confentement des parties ,
6c il ne peut pas y avoir de confentement,
lorique les parties ont erré fur l'objet de
leur convention , non videntur qui enanl
confentire 9 L, 1 1 6. §. 2. de R.juris ,L, 57.
de obligat. & acl,
C'eil pourquoi fi quelqu'un entend me
vendre une chofe , 6c que j'entende la re-
cevoir à titre de prêt ou par préfent , il
n'y a en ce cas ni vente , ni prêt , ni do-
nation. Si quelqu'un entend me vendre
ou me donner une certaine chofe , &
que j'entende acheter de lui une autre
chofe , ou accepter la donation d'une au-
tre chofe , il n'y a ni vente , ni dona-
tion : fi quelqu'un entend me vendre une
chofe pour un certain prix, 6c que j'en-
tende l'acheter pour un moindre prix , il
n'y a pas de vente; car dans tous ces cas
il n'y a pas de confentement. Sive in
ipsd emptione dijjentiam , Jïve in pretio ,
Jive in quo alio , emptio imperfecla eji. Si
ego mefundum emere putarem Cornelianum ,
tu mihi te vendere S empronianum putajii 5
Bij
*8 Tr, DES ObLIG?
quia in corporc diffenfimus , empiio nuîlâ
ejl , L. g . fF. de contr. empt.
18. L'erreur annulle la convention,
non-feulement lorfqu'elle tombe fur la
chofe même , mais lorfqu'elle tombe fur
la qualité de la chofe que les contrac-
tants ont eu principalement en vue , 6c
qui fait la fubftance de cette chofe ; c'efl
pourquoi fi , voulant acheter une paire
de chandeliers d'argent > j'achète de vous
une paire de chandeliers que vous me
préfentez à vendre , que je prends pour
des chandeliers d'argent , quoiqu'ils ne
foient que de cuivre argenté; quand même
vous n'auriez eu aucun deftein de me
tromper , étant dans la même erreur que
moi , la convention fera nulle , parce
que l'erreur dans laquelle j*ai été , détruit
mon confentement ; car la chofe que j'ai
voulu acheter eft une paire de chande-
liers d'argent , ceux que vous m'avez pré-
fentés à vendre étant des chandeliers de
cuivre , on ne peut pas dire que ce foit la
chofe que j'ai voulu acheter ; c'eft ce que
Julien décide en une efpece à peu près
femblable , en la loi 41. §. 1. rT. d. t.
& Ulpien en la loi 14. ff. d* t. lorfqu'il
dit 7 fi ces pro auro veneat , non valet.
Il en eft autrement lorfque l'erreur ne
tombe que fur quelque qualité acciden-
telle de la chofe : par exemple, j'açhetç
Part. I. Chap. I. 29
chez un Libraire un certain livre dans la
laufîe perfuafion qu'il eft excellent , quoi-
qu'il ïoit au-defïbus du médiocre ; cette
erreur ne détruit pas mon confentement,
ni par conféquent le Contrat de vente ;
la chofe que j'ai voulu acheter , que j'ai
eu en vue , efl véritablement le livre que
le Libraire m'a vendu &C non aucune au-
tre chofe ; l'erreur dans laquelle j'étois
fur la bonté de ce livre , ne tomboit que
fur le motif qui me portoit à l'acheter ,
& n'empêche pas que ce foit véritable-
ment le livre que j'ai voulu acheter: or,
nous verrons dans peu que le motif, ne
détruit pas la convention ; il fuffit que
les parties n'ayent pas erré fur la chofe
qui en fait l'objet , & in eam rem con-
fenferint.
19. L'erreur fur la perfonne avec qui
je contracte détruit-elle pareillement le
confentement , & annulle-t-elle la con-
vention ? Je penfe qu'on doit décider
cette queftion par une diftin&ion. Tou-
tes les fois que la confidération de la
perfonne avec qui je veux contra&er,
entre pour quelque chofe dans le Con-
trat que je veux faire ; l'erreur fur la
perfonne détruit mon confentement , &
rend par conféquent la convention nulle :
par exemple , li , voulant donner ou prê-
ter une chofe à Pierre , je la donne ou je
#iij
30 Tr. des Oblig.
la prête à Paul que je prends pour Pierre;
cette donation & ce prêt font nuls y par
défaut de confentement de ma part ; car
je n'ai pas voulu donner ni prêter cette
chofe à Paul , je ne l'ai voulu donner ou
prêter qu'à Pierre ; la confidération de
la perfonne de Pierre entroit dans la do-
nation ou le prêt que je voulois faire.
Pareillement fi , voulant faire faire un
tableau par Natoire , je fais marché pour
faire ce tableau avec Jacques que je prends
pour Natoire ? le marché eft nul faute de
confentement de ma part; car je n'ai pas
voulu faire faire un tableau par Jacques ,
mais par Natoire ; la confidération de la
perfonne de Natoire &c de fa" réputation
entroient dans le marché que je voulois
faire.
Obfervez néanmoins que fi Jacques ,
qui ignoroit que je le prenois pour Na-
toire a , en conféquence de cette conven-
tion erronnée , fait le tableau ; je ferai
• obligé de le prendre & de payer , fui-
vant le dire des experts; mais ce n'eft
pas en ce cas la convention qui m'y obli-
ge , cette convention qui eft nulle ne
pouvant produire aucune obligation ; la
caufe de mon obligation eft en ce cas l'é-
quité qui m'oblige à indemnifer celui
que j'ai par mon imprudence induit en
erreur : il naît de cette obligation , une
action qui s'appelle aciio in faclum.
P A R T. I. C H A P. I. 31
Nous avons vu que l'erreur fur la per-
fonne annulle la convention , toutes les
fois que la confidération de la perfonne
entre dans la convention.
Au contraire lorfque la considération
de la perfonne avec qui je croyois con-
tracter n'eft entrée pour rien dans le Con-
trat , & que le Contrat eft un Contrat
que j'aurois également voulu faire avec
quelque perfonne que ce fut , comme
avec celui avec qui j'ai cru contracter;
le Contrat doit être valable : par exem-
ple . j'ai acheté chez un Libraire un livre
en blanc , qu'il s'eft obligé de me livrer
relié ; quoique ce Libraire en me le ven-
dant , ait cru le vendre à Pierre à qui
je rcffemble , qu'il m'ait nommé du nom
de Pierre en me le vendant fans que je
l'aye défabufé ; cette erreur en laquelle
il a été fur la perfonne à qui il vendoit
fon livre , n'annulle pas la convention ,
& ne peut fonder le refus qu'il feroit
de me livrer ce livre pour le prix con-
venu , dans le cas auquel le Livre depuis
le marché feroit enchéri : car quoiqu'il
ait cru vendre fon livre à Pierre , néan-
moins comme il lui étoit indifférent à qui
il débitât fa marchandife , ce n'eft pas
précifément & perfonnellement à Pierre
qu'il a voulu vendre ce livre , mais à la
perfonne qui lui donneroit le prix qu'il
Biv
32. T R. DES Oblig,
demandoit , quelle qu'elle fût 5 &C paf
conféquent il eil vrai de dire que c'en:
à moi qui étois cette perfonne , à qui il
a voulu vendre ion livre , & envers qui
il s'efl obligé de le livrer : c'efl l'avis
de Barbeyrac fur Puffendorf, L. 3. ch.
6* n. 7. Not. 2.
20. L'erreur dans le motif annulle-
t-elle la convention? PufendorfF, /. 3.
chap. 6. n. 7. penie qu'elle l'annulle ,
pourvu que j'aye fait part à celui avec
qui je contraclois de ce motif erronné
qui me portoit à contracter; parce au'en
ce cas les parties doivent , fuivant fon
avis , être cenfées avoir voulu faire dé-
pendre leur convention , de la vérité de
ce motif , comme d'une efpece de con-
dition ; il rapporte pour exemple , le
cas auquel fur un faux avis de la mort
de mes chevaux , j'en aurois acheté , en
faifant part dans la converfation à mon
vendeur de la nouvelle que j'avois eue ;
il penfe que dans ce cas , lorfque j'aurai
eu avis de la faufleté de la nouvelle , je
pourrai me difpenfer de tenir le marché ,
pourvu qu'il n'ait pas encore été exécuté
ni de part ni d'autre , & à la charge par
moi de dédommager le vendeur, s'ilfouf-
froit quelque chofe de l'inexécution du
marché.
Barbeyrac fait très -bien remarquer
Part. I. Chap. T. 3?
Finconféquence de cette raifort ; car s'il
étoit vrai que nous eurlions fait dépen-
dre notre convention , de la vérité de la
nouvelle que j'a\ois eue, la nouvelle fe
trouvant fauffe , la convention feroit ab-
folument nulle , dcfcciu conditionis ; & le
vendeur ne pourroit par conféquent pré-
tendre aucuns dommages & intérêts pour
fon inexécution. Barbeyrac décide enfuite
fort bien que cette erreur dans le motif
ne donne aucune atteinte à la conven-
tion : en effet de même que dans les legs ,
la fauffeté du motif dont le teftateur s'eft
expliqué , n'influe pas fur le legs &: ne
l'empêche pas d'être valable, ( inftit. th. de
hgat. §. 3 2. /. 72. §. 6. ff. decond. & demï)
parce qu'il n'en eft pas moins vrai que le
teftateur a voulu faire le legs , & qu'on
ne peut pas conclure de ce qu'il a dit fur
le motif qui le portoit à léguer , qu'il a
voulu faire dépendre fon legs de la vérité
de ce motif comme d'une condition , il
cela n'eft juftifié d'ailleurs ; de même &
à bien plus forte raifon doit-on décider,
à l'égard des conventions , que l'erreur
dans le motif qui a porté l'une des par-
ties à contracter , n'influe pas fur la con-
vention , &£ ne l'empêche pas d'être va-
lable ; parce qu'il y a beaucoup moins
lieu de préfumer que les parties aye nt
voulu faire dépendre leur convention , de
A v
34 Tr. des Oblig.
la vérité de ce motif, comme d'une con-
dition ; les conditions devant s'interpré-
ter prout fonant , & les conditions qui
n'y peuvent être appofées que par la
volonté des deux parties , devant s'y fup-
pléer bien plus difficilement que dans
les legs»
§. IL
Du défaut de liberté.
il. Le confentement qui forme les
conventions doit être libre ; fi le confen-
tement de quelqu'un des contractants a
été extorqué par la violence , le Contrat
eu. vicieux ; au refte comme le confente-
ment quoiqu'extorqué par violence eft
un confentement tel quel , voluntas coacla
tfl voluntas ( gloffl ad L. it §. 5. ff. quod
met. cauf. ) on ne peut pas dire comme
dans le cas de l'erreur, qu'il n'y ait
point eu abfolument de Contrat ; il y en
a un, mais il eft vicieux; & celui dont
le confentement a été extorqué par vio-
lence , ou bien fes héritiers ou cefîion-
naires, peuvent le faire annuller &c ref-
cinder, en obtenant pour cet effet des
lettres de refcifion.
Que fi depuis que la violence a ceffé ,
il a approuvé le Contrat, foit expreffé-
jnent , foit tacitement en laiffant paffer
Part. I. Chap. I. jj
le temps de la reftitution qui efï de dix
ans , depuis que la violence a ceffé ; le
vice du Contrat eft purgé.
ix. Lorfque la violence a été commife
par celui avec qui j'ai contracté ? ou lors-
qu'il en a été participant , la convention
n'eft pas valable , ni félon le droit civil
qui donne une action pour la faire ref-
cinder , ni même félon le Droit naturel ;
car quand on fuppoferok qu'il réfulteroit
une Obligation de ma part envers vous ,
du confentement que j'ai donné au con-
trat quoiqu'extorqué par violence ; l'in-
juftice que vous avez commife envers
moi , en exerçant cette violence , vous
oblige de votre côté à m'indemnifer de
ce que j'en ai fouffert , & cette indem-
nité confifte à m'acquitter de l'Obliga-
tion que vous m'avez obligé de contrac-
ter ; d'où il fuit que mon Obligation r
quand on en fuppoferoit une , ne peut
être valable félon le Droit naturel; c'effc
la raifon que donne Grotius de Jure belL
lib. 2. cap, //. n. y.
23. Lorfque la violence qu'on a exer-
cée contre moi pour me contraindre à
contracter , a été exercée par un tiers ,
fans que celui avec qui j'ai contracté
en ait été participant ; le Droit civil
ne laiffe pas de venir à mon fecours 5 &C
il lefçlade toutes les Obligations contraç>
36 Tr. des Oïïlig.j
tées par violence , de quelque part q%té
foit venue la violence ; c'efî ce qui ré-
sulte de ces termes de la loi 9. §. 1. ff.
Quod met. Prœtor generaliur * , & in REM
loquitur : mais Grotius prétend que ce
n'eft en ce cas que du Droit civil que je
tiens la refcifion de mon Obligation qui
feroit valable dans les termes du pur
Droit naturel; il n'y a v félon lui, que
le Droit civil qui répute pour imparfait
mon confentement 9 à caufe du trouble
d'efprit que m'a caufé la violence 9 à peu?
près de la même manière qu'il réputé
pour imparfait le confentement des mi-
neurs , lorfqu'il leur accorde la restitu-
tion contre leurs contrats propter infirmi-
tatem fudicii ; mais félon cet auteur , aux*
termes du pur Droit naturel , mon con-
fentement quoique donné dans le trou-
ble que caufe la violence ne laifle pas
d'être un vrai confentement fuffifant pour
former une Obligation , de même que
celui d'un mineur , quoiqu'il n'ait pas
encore toute la maturité d'entendement y
que donne un âge plus avancé.
Pufendorf & Barbeyrac penfent au
*Ideft: itnpeiTonaliter loquitur , de folâ re, de folâ vî
illatâ , non attendens per quem illata fn , an per ip£um.cumj
quo invitus contraxi , an per alium: c'eft pourquoi les Ba-
jiliques ont retranché les tezmesfciente emptere qui fe trou-
Vent dans la Loi 5. cad- de bis qnce vi, C?c. étant indiffé-
rent, que celui à qui j'ai été contraint par violence de vendre^
su eu connoiflançc ou non de cette violente.
Part. I. Chap. I. 37
contraire , que dans les termes même du
pur Droit naturel , lorfque j'ai été con-
traint par violence à contracter , le con-
trat ne m'oblige point , quoique celui avec
qui j'ai contracté n'ait eu aucune part à
là violence.
Voici la raifon qu'en apporte Barbey-
rac. Il eft vrai , dit-il qu'un confente-
ment quoiqu'extorqué par violence eu:
un consentement , coacia voluntas volun-
tas eft'y &. ilfuffit pour nous rendre cou-
pables , lorfque nous confentons , quoi-
que contraints y à faire ce que la loi na-
turelle défend , ou à nous abftenir de ce
qu'elle commande ; ainfi un Chrétien
etoit coupable , lorfqu'il facrifîoit aux
Idoles , quoiqu'il y fût contraint par la
crainte de la mort & des fupplices : mais
quoique le confentement extorqué paf
violence foit un vrai confentement , il ne
fuffit pas pour nous obliger valablement ,
à donner ou à faire ce que nous avons
promis à quelqu'un ; parce que la loi na-
turelle ayant fournis à notre choix libre
& fpontanée , tout ce qu'elle permet ,.
ce ne peut être que par un confente-
ment libre & fpontanée , que nous pou-
vons nous obliger envers quelqu'un , à
lui donner ou à faire, ce que la loi na-t
turelle nous permettoit de lui donner ou
de ne lui pas donner % de faire ou de ne
pas faire.
38 Tr. dès Oblig,
La convention n'en eft donc pas moins
vicieufe , quoique celui avec qui on m'a
forcé de faire cette convention , n'ait
pas eu de part à la violence qui m'a été
faite ; car quoiqu'il n'y ait pas eu de part ,
mon confentement n'en a pas moins été
imparfait ; &c c'eft à cette imperfection
de mon confentement que la loi a égard
pour me délier de l'obligation qu'on pré-
tendrait en réfulter : Nequc enim lex adhi-*
benti vim irafcitur , fed pàjjo fuccurrit; &
iniquum illi yidetur id ratum effe , quo<£
aliquis 9 non quia voluit , paclus efl , fed
quia coacius efl : nihil autem refert per quem
illi neceffe fuit ; iniquum enim , quod ref-
cinditur , facit pcrfona ejus qki pajjus efl ,
non pcrfona facientis. Senec, controver,
IV. 26.
24. Pufendorf excepte un cas auquel
l'obligation , quoique contractée par l'im-
preffion de la crainte , que me caufe la
violence qu'on exerce fur moi , ne laiffe
pas d'être valable; c'eftle cas auquel j'au-
rois promis quelque chofe à quelqu'un
pour qu'il vînt à mon fecours , &: qu'il
me délivrât de la violence qu'un autre
exercoit fur moi : par exemple , fi étant
attaqué par des voleurs , j'apperçois quel-
qu'un à qui je promets une fomme pour
qu'il me vienne délivrer d'entre leurs
ïiïains ; cette obligation y quoique cm-
P A R T. I. CHAP. I. J9
tractée fous l'impreffion de la crainte de
la mort , fera valable. C'eft aufîi la dé-
ciiion de la Loi $. §. i. jff\ Qjiod met,
cntf. Eleganter Pomponius ait :jî qub mu-
gis te de vi hojiium vel latronum tuerer 9
aliquid à te accepero , vel te obligavero y
non debere me hoc ediclo tenzri. . . . ego enim
Qpcrœ potiîis meœ, mercedem accepijje videor.
Néanmoins û j'avois promis une fom-
me excefîive , je pourrois faire réduire
mon obligation à la fomme à laquelle
on apprecieroit la jufte récompenfe du
fervice qui m'a été rendu.
25. La violence qui fait pécher le
contrat , par défaut de liberté ? doit , fé-
lon les principes du Droit Romain , être
une violence capable de faire imprefïion
fur une perfonne courageufe , metus non
vani hominis 9 fed qui, in homine conflan-
lijjîmo cadat , L, 6* ffl diclo litulo.
Il faut que la partie qui prétend avoir
été forcée à. contracter > ait été intimidée
par la crainte d'un grand mal , metu ma-
joris malita'tis , L, 5. ffl d. tit. foit en fa
propre perfonne y foit en celle de fes en-
fans , ou de quelqu'autre de (es proches y
nam nihil interefi infe quis veritusjit 9 an
in liberis fuis , L. S. §. 3. d. tit. Il faut
que ce foit un mal qu'elle ait été mena-
cée d'endurer fur le champ , fi elle ne
faifoit ce qu'on lui propofoit , metum pr*-
.,/'
4ô T r. des Oblig.
fentem , non fufpicioncm inferendi cjus , L,
9. jff. diclo titulo,
Lorfque les menaces dont quelqu'un
s'eft fërvi pour me faire contracter avec
lui quelqu'engagement , ne font que me-
naces vagues Se pour l'avenir, dont je
me fuis vainement intimidé , quoique ,
félon le principe du Droit Pvomain , le
contrat ne foit pas eftimé pécher en ce
cas par le défaut de liberté dans le con-
fentement , il ne faut pas en conclure
que cette manœuvre doive être impunie,
Se que le contrat doive fubfifter. La Loi
7. ffl d. tit. dit bien , Si qui s meticulofus
rem nullam frujîrà timuerit 9 PER hoc
EDI C TU M non rcjlituitur. Mais elle ne
dit pas abfolument non rcfiituitur : fi le
contrat ne pèche pas en ce cas par le
défaut de ce que les loix jugent requis ,
pour la liberté du confentement , il pè-
che par le défaut de la bonne foi , qui
doit régner dans tous les contrats.
Cette manœuvre dont s'eft fervi celui
avec qui j'ai contracté , eft une injuftice
qui l'oblige envers moi à la réparation du
tort qu'elle m'a caufé , & c'eft dans la
refeinon du contrat que confifte la répa-
ration du tort : Grotius y diclo loco.
Que fi c'eft par le fait d'un tiers que je
me fuis lahTé vainement intimider; & que
celui avec qui j'ai contracté ? n'y ait au-
P A R T. I. C H A P. I. 41
fcune part , le contrat fera valable , &
j'aurai feulement l'action de dolo contre
celui qui m'a intimidé.
Tous ces principes du Droit Romain
font très-juftes ck pris dans le Droit natu-
rel , fauf que celui qui ne reconnoit d'au-
tre crainte fuffifante pour faire pécher
un contrat par défaut de liberté , que
celle qui eft capable de faire impreffion
fur l'homme le plus courageux , eft trop
rigide , & ne doit pas être parmi nous
fuivi à la lettre;. mais on doit en cette
matière avoir égard à l'âge , au fexe &C
à la condition des perfonnes ; & telle
crainte qui ne feroit pas jugée fuffifante
pour avoir fufHfamment intimidé l'efprit
d'un homme d'un âge mûr , &t d'un mi-
litaire , & pour faire en conféquence res-
cinder le contrat gif il auroit fait , peut
être jugée fuffifante à l'égard d'une fem-
me ou d'un vieillard. Voyez Brunneman
ad L. 6. ffl quod met. c. & les Docteurs
par lui cites.
26. La violence qui peut donner lieu
à la refcifion du contrat doit être une
violence injurie , adverfus bonos mores ,
Z. 3. §. i.ff.d. tit. Les voies de droit
ne peuvent jamais parler pour une vio-
lence de cette efpece , c'eft pourquoi un
débiteur ne peut jamais fe pourvoir con-
tre un contrat qu'il a fait avec fon créan-
^2 Tr. des Oblic.
cier , fur le feuî prétexte qu'il a été in-
timidé par les menaces que ce créan-
cier lui a faites d'exercer contre lui les
contraintes par corps qu'il avoit droit
d'exercer , ni même fur le prétexte qu'il
a fait ce contrat en prifon, lorfque le
créancier a eu droit de l'emprifonner ; la
Loi 22. ff. quod met. eau), qui dit : qui in
carcerem quem detrufit ut aliquid ei extorque-
ret , quicquid ob hanc caufam ficlum efl ,
nullius momenîi eji , doit s'entendre d'un
emprifonnement injurie. V. WifTenbach ,
P. i. difp. 13./;. 22.
27. La crainte de déplaire à un père ,
à une mère , ou autres perfonnes à qui
on doit des égards , n'eit pas non plus
une crainte qui rende vicieux le contrat
fait par l'impreflion de Cette efpece de
crainte, L. %%. ff, de Rit, nupt. L> 26. §.
i.jf* de pign. & hyp. Duaren ad h. T. &
WifTenbach, difp. 13. th. 13 , &c. Mais
fi celui qui a une perfonne fous fa puii-
fance avoit employé les mauvais traite-
mens ou les menaces pour le forcer à
contracter , le contrat pourrait , félon les
circonflances , être fujet à refcifion.
S- m.
Du Dot.
18. On appelle Dol toute efpece d'ar-
tifice dont quelqu'un fe fert pour tromper
P A R T. I. C H A P. I. 45
lin autre. Labto définit dolum , omntm
calliditatzm , fallaciam , machinationem ,
ad circamvtnundum , falLndum , decipien-
dum alurum ,adhibitam . L. i . §. i.ff.dtdoL
19. Lorfqu'une partie a été engagée à
contracter par le Dol de l'autre , le con-
trat n'eft pas absolument & effentielle-
ment nul , parce qu'un confentement ,
quoique furpris , ne laiffe pas d'être con-
fentement ; mais ce contrat eft vicieux,
& la partie qui a été furprife peut dans
les dix ans, en prenant des lettres de
refcifion, le faire refcinder, parce qu'il
pèche contre la bonne foi qui doit ré-
gner dans les contrats, Ajoutez que û ma
promeffe m'engage envers vous , le Dol
que vous avez commis envers moi , en
furprenant de moi cette promeffe , vous
engage à m'indeïnnifer , & par confé-
quent à me décharger de cette promeffe.
30. Dans le for intérieur on doit re-
garder comme contraire à cette bonne
foi , tout ce qui s'écarte tant foit peu
de la fincérité la plus exacte &: la plus
fcnipuleufe ; la feule dirTimuîation fur ce
qui concerne la choie qui fait l'objet du
marché, que la partie avec qui je con-
tracte auroit intérêt de favoir , eft con-
traire à cette bonne foi ; car nous étant
commandé d'aimer notre prochain autant
que nous-mêmes , il ne peut nous être
%4 Tr. des Obltg.
permis de lui rien cacher, de ce que
nous n'aurions pas voulu qu'on nous ca-
chât , fi nous eufîions été à fa place.
Cette matière a été traitée au long en notre
Traité du contrat de vente , Part, x. ck.z.
Part. 3. S tel. 2.
Dans le for extérieur une partie ne fe-
roit pas écoutée à fe plaindre de ces lé-
gères atteintes que celui avec qui il a
contracté auroit donné à la bonne foi ;
autrement il y auroit un trop grand nom-
bre de conventions qui feroient dans le
cas de la refcifion ; ce qui donneroit lieu
à trop de procès , & cauferoit un dé-
rangement dans le commerce ; il n'y a
que ce qui bleffe ouvertement la bonne
foi , qui foit dans ce for , regardé comme
un vrai Dol fumTant pour donner lieu à
la refeilion du contrat ; telles que toutes
les mauvaifes manœuvres , 6c tous les
mauvais artifices qu'une partie auroit em-
ployés pour engager l'autre à contrac-
ter , & ces mauvaifes manœuvres doi-
vent être pleinement juflifîées. Dolutn
nonnijî perfpïcuis indiciis probari convertit*
X. 6. cod. de dol. mal.
3 1 . Il n'y a que le Dol qui a donné
lieu au contrat , qui puiffe donner lieu
à la refcifion ; c'efl-à-dire le Dol par
lequel Tune des parties a engagé l'autre
à contracter, qui n'auroit pas contracté
Part. I. Chap. I. 45
fans cela ; tout autre dol qui intervient
dans les contrats, donne feulement lieu
à des dommages & intérêts , pour la ré-
paration du tort qu'il a caufé à la partie
qui a été trompée.
32. Il faut auffi pour que je puiffe
faire refcinder mon engagement , que le
dol qu'on a employé pour me porter à
contracter , ait été commis par la per-
fonne avec qui j'ai contracté , ou du
moins qu'elle en ait été participante : s'il
a été commis fans fa participation , &
que je n'aye pas d'ailleurs fouffert une
léfion énorme, mon engagement efl va-
lable , & n'eft pas fujet à refcifion ; j'ai
feulement action contre le tiers qui m'a
trompé , pour mes dommages 6c intérêts,
s- IV-
De la UJlon entre Majeurs.
3 3 . L'équité doit régner dans les con*
t'entions , d'où il fuit que dans les con-
trats intéreffés dans lefquels l'un des con-
traclans donne ou fait quelque chofe ,
pour recevoir quelqu'autre chofe com-
me le prix de ce qu'il donne ou de ce
qu'il fait , la léfion que fouffre l'un des
contra&ans , quand même l'autre n'auroit
recours à aucun artifice pour le tromper^
46 Tr. des Oblig.
eu feule fiiffifante par elle-même pour
rendre ces contrats vicieux. Cari' équité
en fait de commerce confiflant dans l'éga-
lité , dès que cette égalité tû Méfiée , &
que l'un des contractons donne plus qu'il
ne reçoit ; le contrat e# vicieux , parce
qu'il pèche contre l'équité qui y doit
régner.
D'ailleurs il y a de l'imperfe&ion dans
le conientement de la partie léfée ; car
elle n'a voulu donner ce qu'elle a donné
par le contrat , que dans la fauffe fup-
pofition , que ce qu'elle recevoit à la pla-
ce , valait autant que ce qu'elle don-;
noit ; &: elle étoit dans la difpofition ,
de ne \ ouioir le donner , fi elle eût fçu
que ce qu'elle recevoit , valoit moins.
Au refte, il faut obferver i°. que le
prix des chofes ne confifle pas ordinaire-
ment dans un point indivifible ; il a une
certaine étendue , fur laquelle il efl per-
mis aux contraftans de fe débattre ; & il
.n'y a pas de léfion , ni par conféquent
d'iniquité , dans un contrat , à moins que
ce que l'un des contraclans a reçu , ne
foit au-deffus du plus haut prix de la chofe
qu'il a donnée , ou au-defîbus du plus bas,
Voy. notre Traité du contrat de vente >
N« 242.
34. 20. Quoique toute léfion quelle
qu'elle foit, rende les contrats iniques y
Part. T. Chap. I. 47
& par conséquent vicieux , & que le for
intérieur oblige à fuppléef le jufté prix ;
néanmoins dans le for extérieur , les ma-
jeurs ne font point écoutés à fe plaindre
de leurs conventions , pour caufe de lé-
fion , à moins qu'elle ne foit énorme ,
ce qui a été fagement établi pour la su*
reté & la liberté du commerce , qui exige
qu'on ne puiile facilement revenir con-
tre les conventions ; autrement nous n'o-
ferions contracter, dans la crainte que
celui avec qui nous aurions contracté
s'imaginant avoir été léfé , ne nous fît
par la fuite un procès.
On eflime communément énorme la
léfion qui excède la moitié du jufle prix ;
celui qui a fouffert cette léfion peut dans
les dix ans du contrat , en obtenant des
lettres de refcifion , en demander la nul-
lité. V. fur cette a&ion refcifoire notre
Traité du contrat de vente, P. 5 . c. 2 . S. 2.
3 5. Il y a néanmoins certaines conven-
tions dans lefquelles l'égalité efl plus par-
ticulièrement requife , tels que font les
partages entre cohéritiers ou coproprié-
taires, Molin. de ufur. Quœji. 14.77. 182.
A l'égard de ces conventions il fuffit
que la léfion excède le quart du jufte
prix , pour qu'elle donne lieu à la refti-
tution.
C'eft ce que les praticiens appellent lé-
48 Tr. des ObliG.
fion du tiers au quart , c'en> à-dire une lé-
fion qui roule entre le tiers &: le quart
qui peut ne pas aller tout-à-fait jufqu'au
tiers , mais qui doit au moins excéder le
quart : par exemple , fi j'ai été léfé dans
un partage dans lequel il auroit dû me re-
venir douze mille livres pour mon lot , il
n'eft pas né ce flaire pour que je puifie me
pourvoir contre, que la léiion que j'ai
foufferte aille jufqu'à la fomme de quatre
mille livres qui eft le tiers de ce que j'au-
rois dû avoir , il fuffit qu'elle excède celle
de trois mille livres qui en eft. le quart.
Imbert. enchirid. au titre divif. & partage
mal fait.
36. Au contraire il y a certaines con-
ventions contre lefquelles les majeurs ne
peuvent être reftitués , pour caufe de lé-
sion quelque énorme qu'elle foit.
Telles font les transactions fuivant l'E-
dit de François II. du mois d'Avril 1 560.
On appelle tranfa&ions les conventions
qui fe font fur des prétentions pour lef-
quelles il y avoit entre les parties procès
mû , ou prêt à mouvoir.
La raifon de. l'Edit fe tire de la nature
particulière de ces conventions. Dans
les autres contrats inttrejjes , chacun des
contraclans a intention de recevoir au-
tant qu'il donne , & de ne rien relâcher de
ce qui lui appartient : fon confèntement
n'efl;
P A R T. I. C H A P. ï. 49
n'eft donc pas entièrement parfait , lorf-
qli'il elt lefé , puifqu'én ce cas il part
d'une erreur dans laquelle il eft , qu'il re-
çoit autant qu'il donne ; & c'eft fur le
fondement de ce défaut dans fon confen-
tement , qu'il eft admis à fe faire reftituer
contre le contrat. Au contraire dans les
Tranfaclions , par la nature même de ces
conventions , les contra&ans ont inten-
tion d'éviter un procès , même aux dé-
pens de ce qui leur appartient.
De ces principes , il fuit que la difpofï-
tion de l'Edit ne doit pas être étendue à
des conventions , qui ne décideroient
aucune conteftation ? & qui par exemple
ne contiendroient autre chofe qu'un par-
tage , encore bien qu'elles euffent été
qualifiées par le Notaire de Tranfacilon >
car ce n'eft pas le nom que le Notaire
donne à l'a&e , mais la nature de l'acte ,
qui en doit régler l'effet.
37. On n'admet guère non plus la res-
titution pour caufe de léfion dans les con-
trats , dans lefquels le prix de la chofe
qui en fait l'objet étant très-incertain ,
il eft difficile, ou prefqu'impofTible de
déterminer quel en eft le jufte prix , 8c
de juger par conféquent s'il y a léfion
au-delà de la moitié du jufte du prix.
Tel eft le contrat de vente de droit?
fucceflifs ; car l'incertitude des dette*
Tome L C
50 Tr. des Oblig,
qui peuvent furvenîr, rend très-inceN
tain le prix des droits fuccefîifs.
. Tels font tous les contrats aléatoires ;
car quoique les rifques dont fe charge
par ces contrats l'un des contraôans ,
ïbient quelque chofe d'appréciable à
prix d'argent , il faut avouer néanmoins
qu'il eft très-difficile de déterminer que!
en eft le jnfte prix : c'eft pour cette rai-
fon qu'on n'admet guère la refcifïon pour
caufe de léfion , dans les conftitutions
de rentes viagères , dans les contrats
d'amirance , ckc.
3 8. Un acheteur qui acheté un héritage
plus de moitié au-delà du jufte prix , n'eft
pas auffi admis à la reftitution , lorfque
ce qui excède le prix intrinfeque , efr. le
prix de l'arTeclion : c'eït. ce que nous
avons expliqué dans notre Traité du con-
trat de vente , Part. 2. ch. 2. art. 4. g. 2.
39. Les contrats qui n'ont pour objet
que des chofes mobiliaires , ne font pas
au ffi fujets à refcifïon pour la feule caufe
de léflon quelle qu'elle foit. La Coutume
d'Orléans, art. 446.cn aune difpofition.
La raifon de ce droit peut être , que
nos pères faifoient conûfter la richefTe
dans les biens-fonds , & faifoient peu de
cas des meubles : de-là vient que dans la
plupart des matières de notre Droit Fran-
çois, les meubles font peu confidérés.
P A îl T. ï. C H A P. î. Y*
îl y a encore une autre raifon tirée du
troquent commerce des choies mobiliai-
res qui parlent ibuvent en plufieurs mains
en peu de temps. Ce commerce feroit
troublé , fi on admettoit la reltifution
pour caufe de léfion à l'égard des meu-
bles.
On n'admet pas non plus la refritution
pour caufe de léfion contre les baux à
ferme ou à loyer des héritages ; car ces
baux ne renferment qu'une difpofition
des fruits de l'héritage , qui font quel-
que choie de mobilier.
§. v.
De la léfion entre Mineurs.
40. Tout ce que nous venons de dire
fur la léfion , a lieu à l'égard des majeurs j
mais les mineurs font admis à la reftitu-
tion contre leurs conventions , non-feu-
lement pour caufe de la léfion énorme ^
mais pour quelque léfion que ce foit ,
& ils y font admis , même à l'égard des
conventions contre lcfcuelles nous avons
dit que les majeurs n'étoyent point admis
à la reltitution , telles que les tranfaoj
tions.
L'Ordonnance de 1539. art. 134. a 1Ï-.
pute le temps dans lequel ils d rivent de-
jx Tr. des Obiig,
mander cette reftitution ; elle ne permet
pas de les y recevoir , après qu'ils ont
accompli l'âge de trente- cinq ans.
Obfervez que l'Ordonnance n'a pas dit
dans les dix ans après la majorité , parce
qu'il y a des Provinces où, on eft majeur
à vingt ans , comme en Normandie ; elle
a voulu à cet égard égaler tous les ci-
toyens , & qu'ils fuffent tous reflituables,
jufqu'à l'âge de trente-cinq ans accomplis.
41. Il y a certaines conventions contre
lefquelles les mineurs capables de contrac-
ter, c'efl-àdire émancipés, ne fontpas refti-
tués non plus que les majeurs pour la feule
caufe de léfion ; telles font les conven-
tions pour l'aliénation , ou l'acquifition
des chofes mobiliaires ; la Coutume d'Or-
léans en l'article 446. en a une difpofi-
tion.
Nous n'en dirons pas davantage , de-
vant traiter cette matière dans un Traité
particulier.
§. VI.
Du défaut de caufe dans le Contrat.
41. Tout engagement doit avoir une
caufe honnête. Dans les contrats intéref*
fis , la caufe de l'engagement que con-
tracte l'une des parties, eft ce que l'au-
tre partie lui donne , ou s'engage de lui
PartI. Chap. ï. 5?
donner , ou le rifque dont elle fe charge.
Dans les contrats de Bunfaifancc , la li-
béralité que Tune des parties veut exer-
cer envers l'autre , efl une caufe fuffi-
fante de l'engagement qu'elle contracte
envers elle. Mais lorfqu'un engagement
n'a aucune caufe , ou , ce qui efl la mê-
me choie , lorfque la caufe pour laquelle
il a été contracté efl une caufe faufTe , l'en-
gagement eil nul , & le contrat qui le
renferme efl nul : par exemple , û croyant
faufTement vous devoir une fomme de
dix mille livres qui vous avoit été léguée
par le teflament de mon père , qui a été
révoqué par un codicile dont je n'avois
pas connoifTance , je me fuis engagé de
vous donner un certain héritage en paye-
ment de cette fomme ; ce contrat efl nul ,
parce que la caufe de mon engagement,
qui étoit l'acquittement de cette dette ,
efl une caufe qui s'efl trouvée fauffe ;
c'efl pourquoi la faufTeté de la caufe étant
reconnue , non-feulement vous ne pou-
vez avoir d'adtion pour vous faire livrer
l'héritage ; mais fi je vous Pavois déjà
livré , j'aurois aclion pour vous le faire
rendre, tic cette adlion s'appelle condic-
tio fine causa, vid. th. ff] de coud. Jinz
causa.
43. Lorfque la caufe pour laquelle l'en-
gagement a été contracté ? efl une caufe
C iij
ff Tr. ©es Oblig.
qui bleffe la juftke , la bonne foi , ou le*
bonnes mœurs , cet engagement eft nul ,
ainfi que le contrat qui le renferme. Ce
principe fert à décider une qu^ftion qui
ie préfente fouvent : une terre feigneu»
riale a été faifie réellement fur un débi-
teur, & adjugée par décret; la partie
faifie a une convention avec l'adjudica-
taire qu'il lui donneroitune certaine fom-
*ne pour qu'elle lui remit les titres. On
demande fi cette convention eft valable ?
JLa décision dépend de fa voir fi la caufe
de cette convention bleffe la juftice. Il
eft certain qu'elle la bleffe ; car les titres
d'une Seigneurie font un acceffoire de
cette Seigneurie , comme les clefs le font
d'une maifon ; or , il eft de la nature des
chofes acceffoires qu'elles appartiennent
à celui à qui la chofe principale appar-
tient ; accejforia fcquunlur j us ac dominium
rd principalis : les titres appartiennent
donc à l'adjudicataire ; l'adjudication en
lui transférant la propriété de la Seigneu-
rie , lui a transféré celle des titres : la
partie faifie lorfqu'elle a hypothéqué cette
Seigneurie , a confenti qu'à défont de
payement, le créancier pût la vendre par
décret , & elle s'eft dès lors obligée à
la délaiffer , avec les titres , à l'adjudica-
taire , comme û elle l'eût vendue elle-*
même : çlle ne peut donc fans injuftiçg
Part. I. Chap. I. $ï
les retenir ; la convention par laquelle
elle exige de l'adjudicataire de l'argent
pour les lui remettre , a donc une caufe
qui bleffe la juftice , ce qui la rend nulle ;
c'eft pourquoi , non-feulement elle ne
donne aucune action à la partie faifie ,
po-ii* exiger la fomme qui lui a été pro-
inife ; mais fi l'adjudicataire l'avoit payée,
il auroit action contr'elle pour la répéter.
43. Obfervez à l'égard de cette a&ion ,
qu'on doit bien diftinguer , fi la caufe
pour laquelle on a promis quelque choie,
blefToit la juftice ou les bonnes mœurs ,
du côté feulement de la partie qui ftipu-
loit , ou de la part des deux parties : un
exemple du premier cas , eft celui que
nous venons de rapporter ci-defTus : lorf-
que le faifi a ftipulé une certaine fomme
de l'adjudicataire pour qu'il remette les
titres ; ce n'eftque de la part du fam* que
la juftice eft bleftee, l'adjudicataire n'a
de fon côté bleffé ni la juftice ni les bon-
c; mœurs , en promettant cette fomme
pour avoir des titres dont ilavoit befoin,
6c qu'on ne vouloit pas lui remettre fans
cela; c'en1 dans ce cas & dans les fem-
bhbles , qu'il y a lieu à la répétition de
ce qui a été donné en exécution de la
convention.
Un exemple du fécond cas , eft lorf-
iju'un officier a promis une certaine fom-
C iv
56 Tr. des Oblig.
me à un foldat , s'il fe battoit en duel con-
tre un foldat d'un autre Régiment; la
caufe de cet engagement blefle les bonnes
mœurs de la part des deux parties ; car
l'officier n'a pas moins bleiTé les loix &C
les bonnes moeurs , en faifant cette pro-
meuve à ion foldat, que le foldat à qui
il l'a faite. Ce fécond cas convient avec
le premier, en ce que de même que dans
le premier cas , l'engagement eft nul ,
ayant une caufe qui blefTe les bonnes
mœurs ; & en conféquence il n'en peut
naître aucune action , & le foldat qui
s'eil battu en duel, ne peut exiger de
ion officier la fomme qu'il lui a promife
pour cela ; mais ce fécond diffère du pre-
mier , en ce que , û en exécution de ce
contrat, quoique nul, l'officier a payé
la fomme convenue , il n^en aura pas la
répétition comme dans le cas précédent ;
car l'officier qui a promis la récompenfe
n'ayant pas moins péché contre les loix
&c les bonnes mœurs , que le foldat à qui
il l'a promife , il eiï incligne du fecours
des loix pour la répétition de la fomme»
Cette double décifion eil aux termes
des loix mêmes. Ubi dantis & acciphnds
turpltudo verfatur, nonpojfe repctl dlclmus...
Quotlcs auum acclpicntls turpltudo vcrfatur^
repeti potefi , L. 3. & L. 4. §. i. ff.de con*
dut. ob turp. cauf.
Part.!. C h a p. I. 57
44. Il iv cil pas douteux , iiiivant ce que
nous venons d'établir, que fi j'ai promis
quelque choie à quelqu'un pour commet-
tre un crime; putà, pour donner des coups
de bâton à quelqu'un qui eft mon ennemi,
je ne luis -as obLge dans le for extérieur
de tenir certe promette : il y a plus de
difficulté à l'égard du for de la conscien-
ce. Grotius 11. xi. prétend que ces pro-
mettes ne font pas à la vérité obligatoi-
res tant que le crime n'a pas été com-
mis , & que jufqu'à ce temps celui qui a
fait la promette peut s'en dédire en don-
nant un contrordre à celui à qui il l'a
faite ; mais qii'auiîi-tôt que le crime a
été commis , la promette devient obli-
gatoire par le droit naturel , & dans le
for de la confeience : fa raifon eit que
cette promette eu vicieufe en ce qu'elle
ett un appas au crime ; or ce vice cette
lorfque le crime evt commis & confommé:
le vice de cette promette n'exiftant plus ,
rien n'empêche qu'elle ne produife fon
effet, qui eft d'obliger à l'accompliffe-
ment , celui qui l'a faite. Il rapporte l'e-
xemple du patriarche Juda , qui s'acquit-
ta de la promette qu'il avoit faite à Tha-
mar pour jouir d'elle.
Pufendorf penfe au contraire , qu'une
promette faite à quelqu'un , pour lui faire
commettre ua crime , n'ett pas plus obli-
Cv
5$ Tr." des Obli g;
gatoire , après qu'il l'a commis , qu'au-
paravant ; parce que la récompenfe du
crime que renferme l'accompliffement
d'une telle promeffe , après que le cri-
me a été commis , eft une chofe qui n'eft
pas moins contraire au droit naturel &C
aux bonnes mœurs , que l'invitation au
crime. Si après le crime commis , l'ac-
compliffement de la promeffe ne peut
plus être un appas pour le commettre ,
il peut encore être un appas pour en com-
mettre d'autres : d'ailleurs toute obliga-
tion fuppofe un droit dans laperfonne en-
vers qui elle a été contractée ; lorfque
j'ai promis quelque chofe à quelqu'un
pour commettre un crime , l'acceptation
qu'il a faite de la promeffe n'en1 pas moin*
criminelle de fa part, que la promeffe
même ; or un crime peut-il faire acqué-
rir un droit ? Peut-on penfer que la loi
naturelle doive favorifèr les fcélérats juf-
qu'à leur affurer le falaire de leurs for-
faits. Ces raifons me déterminent pour
l'avis de Pufendorf.
45. Je foufcris pareillement à la déci-
fion qu'il donne enfuite , que fi j'ai vo-
lontairement payé après le crime com-
mis , ce que j'avois promis à quelqu'un
pour le commettre , je n'ai pas plus de
droit de le répéter, félon les règles du
for de la confcience , que félon celles du
for extérieur , quoique j'aie payé en cç
Par t. I. C h a p. I. 59
t as une choie que je ne devois pas ; il eft
bien vrai que la loi naturelle 6k le droit
civil accordent la répétition de ce qu'on
a payé fans le devoir , lorfque le paye-
ment a été fait par erreur : on fuppofe en
ce cas que le payement a été fait fous
une efpece de condition qu'il y auroit
lieu à la répétition , au cas qu'on décou-
vrit que la choie n'étoit pas due : quoi-
que cette condition n'ait pas été formelle,
elle étoit virtuelle, elle eft conforme à
la difpofition de volonté, en laquelle étoit
celui qui a payé; l'équité qui ne permet
pas de profiter de l'erreur d'un autre pour
s'enrichir à fes dépens , fait luppofer
cette condition ; mais on ne peut faire
une pareille fuppofition dans l'efpece dont
il s'agit. Celui qui paye , paye avec une
parfaite connoifTance de la caufe pour
quoi il paye ; il ne peut par conféquent
retenir aucun droit pour répéter la chofe
dont il s'eft exproprié volontairement ,
& avec une parfaite connoifTance de cau-
fe ; il eft vrai qu'il eft contre le droit na-
turel , que quelqu'un foit récompensé de
fon crime , & que le repentir que doit
avoir celui qui l'a commis , doit le por-
ter à abdiquer la récompenfe qu'il en a
reçue ; mais cela ne forme qu'une obli-
gation imparfaite , telle que celle dont
nous avons parlé au commencement de
C vj
6o Tr. des Oblig.
ce Traité ,'»•■*. qui ne donne aucun
droit à une autre perfonne.
46. Une promeffe a-t-elle une caufe lici-
te , lorfqu'elle eft. faite à quelqu'un pour
qu'il donne ou faffe une chofe qu'il étoit
déjà obligé de donner ou de faire ? Pu-
fendorf diitingue très-bien fur cette ques-
tion, l'obligation parfaite & l'obligation
imparfaite. Lorfque l'Obligation n'étoit
qu'une obligation imparfaite , la promeffe
a une caufe licite , 6c elle eft obligatoire :
par exemple , fi j'ai promis quelque chofe
à quelqu'un pour qu'il me rendît un fer-
vice , quoique la reconnoiffance des bien-
faits qu'il a voit reçus de moi , l'obligeât
à me rendre ce fervice gratuitement,
néanmoins la promeffe que je lui ai faite,
a une caufe licite , & elle eff obligatoire ;
car n'ayant aucun droit d'exiger de lui
ce fervice , il a pu licitement , quoique
indécemment , exiger de moi que je lui
promiffe quelque chofe , pour me faire
acquérir le droit que je n'a vois pas d'exi-
ger ce fervice.
Au contraire , lorfque l'obligation eft
une obligation parfaite , la promeffe que
je fais à mon débiteur de lui donner quel-
que chofe , pour qu'il faffe ce qu'il étoit
obligé de faire , eft une promeffe nulle ,
& qui a une caufe illicite , lorfque c'efl
lui qui a exigé de moi que je lui û& cette
P A R T. I. C H A P. I. 6 ï
promette ; telle eu celle dont il a été
parlé ci-deiTus , qu'un adjudicataire fait
à la partie faifie , pour qu'il lui remette
les titres du bien qui lui a été adjugé ;
car étant obligé de les remettre , c'eft
de fa part une exaction , que de faire pro-
mettre quelque chofe pour cela.
Mais quoique l'obligation foit une obli-
gation parfaite ; fi la promette que j'ai
faite à mon débiteur pour qu'il fît ce
qu'il étoit obligé de faire , efr. une pro-
mette que j'ai faite volontairement , fans
qu'il Tait exigée ; la promette eft valable,
ck a une cauie licite , & honnête ; la caufe
n'étant autre chofe en ce cas qu'une libé-
ralité, que j'ai voulu exercer envers lui.
§• vu.
Du défaut de lien dans la perfonne qui
promet.
47. Il eft de l'effence des conventions
qui confident à promettre quelque chofe,
qu'elles produifent dans la perfonne qui
a fait la promette , une obligation qui
l'oblige à s'en acquitter; d'où il fuit que
n'y ayant rien de plus contradictoire avec
cette obligation , que l'entière liberté qui
lui feroit laiffée de faire ou de ne pas
faire ce qu'elle a promis , la convention
f?2 Tr. des Oblig,
qui lui laiiTeroit cette entière liberté ,
feroit absolument nulle par défaut de lis 72.
Si donc, par exemple , je convenois avec
vous de vous donner une chofe , au cas
que cela me plût , la convention feroit ab-
folument nulle.
Les Jurifconfuîtes Romains penfoient
qu'il en étoit autrement de la convention
par laquelle quelqu'un promettoitde faire
quelque chofe lorfquil le voudroit^ ils
penfoient que ces termes ne laiffoient pas
au choix de celui qui avoit fait la pro-
mefTe , de faire ou de ne pas faire ce
qu'il avoit promis , qu'ils ne laiffoient
. à fon choix que le temps auquel il le
feroit , & qu'ainfi la convention étoit va-
lable , & oblige oit fes héritiers s'il étoit
mort avant que de l'avoir accomplie , L.
46. §.2. & 3. jf. de vcrb. oblig Mais il
y a lieu de croire que cette diftin£tion
îubtile ne feroit point admife parmi nous ,
&: que cette convention ne feroit pas plus
valable que l'autre.
48. Il y a une vraie obligation lorfque
je promets de vous donner quelque chofe,
Ji je le juge raifonnabk. Car il n'eil: pas
laifTé à mon choix de vous le donner, ou
de ne vous le pas donner , puifque je fuis
obligé , au cas que cela foit raifonnable ,
£. 11. §. j. kg. 30.
Enfin quoique j'aie promis une chofe
Part. I. Chap. I. 63
fous une condition poteftative , de ma-
nière qu'il dépende de ma volonté de
Paccomplir , ou de ne la pas accomplir;-
comme , ii je vous ai promis dix piftoles ,
en cas que j'allaiîe à Paris , la conven-
tion eft valable ; car il n'eft pas entière-
ment en mon pouvoir de ne les pas don-
ner , puifque je ne puis m'en difpenfer,
qu'en m'abft'enant d'aller à Paris : 'il y a
donc de ma part une obligation & un vé-
ritable engagement , L. 3 . jf. de légat, z°?
Article IV.
Des perfonnes qui font capables ou non
de contracter,
49. L'efTence de la convention confif-
tant , comme nous l'avons vu , dans le
confentement , il s'enfuit qu'il faut être
capable de confentir , & par conféquent
avoir l'ufage de la raifon , pour être ca-
pable de contracter.
Il eft donc évident que nî les enfans ,"
ni les infenfés ? ni les fous pendant que
dure leur folie ? ne peuvent contracter
par eux-mêmes; mais ces perfonnes peu-
vent contracter par le miniftere de leurs
tuteurs , ou curateurs , comme nous le
verrons en l'article fuivant , §. 4.
11 eft évident que l'ivreiTe^ lorsqu'elle
^4 Tr. des Oblig.
va jufqu'au point de faire perdre l'ufage
de la raifon , rend la perfonne qui eft en
cet état , pendant qu'il dure , incapable
de contracter, puifqu elle le rend incapa-
ble de confentement.
Les Corps &: Communautés, les Fabri-
quas , les Hôpitaux , ckc. qui ne font
que perfonnes civiles , ne peuvent con-
trarier par eux-mêmes , mais ils peuvent
COMtra&er par le miniftere de leurs Syn-
dics ou Adminiftrateurs.
50. il y a des perfonnes qui étant par
la nature capables de contracter , en font
rendues incapables par la loi civile ; telles
font, dans le pays coutumier, les femmes
mariées, lorfqu'elles ne font pas auforifées
de leurs maris ou par Jultice ; car c'eft un
effet de la puivTance maritale que la femme
ne puiiTe rien faire que dépendamment de
lui , & autorifée par lui ; d'où il fuit que
fans cette autorisation elle eft incapable
de faire aucune convention , & qu'elle
ne peut ni s'obliger envers les autres , ni
obliger les autres envers elle. Nous avons
traité cette matière en notre introduction
au T. 10. de la Coutume d'Orléans, ch. 8.
Ce n'eft. auiTi que la loi civile qui rend
les interdits, pour caufe de prodigalité,
incapables de s'obliger en contractant ;
car ces perfonnes favent ce qu'elles font ,
le confentement qu'elles donnent efi un
Part. T. Chap, I. 65
vrai confentement; ce qui fuffit pour for-
mer un contrat.
5 1. De-là naît une différence entre ces
Interdits , &C ceux qui font interdits pour
folie. Tous les contrats prétendus faits
par un fou , quoi qu'avant fon interdic-
tion, font nuls , fi on peut juftifler , que
dès le temps du contrat , il étoit fou ; car
c'eft, fa folie qui feule & par elle-même
le rend incapable de contracter , indé
pendamment de la Sentence d'interdic-
tion , qui fert feulement à conftater fa
folie : au contraire , les contrats faits par
un prodigue avant fon interdiction, font
valables , quoiqu'il fût dès-lors prodigue;
car ce n'efi: que la Sentence d'interdic-
tion qui le rend incapable de contracter.
Néanmoins fi j'avois contracté avec un
prodigue , quoiqu'avant fon interdiclîon,
en achetant de lui quelque chofe , ou en
lui prêtant de l'argent, ayant connoiffan-
ce qu'il ne vendoit ou n'empruntoit, crue
pour employer incontinent à fes débau-
ches le prix de la chofe , ou la fomme
prêtée ; le contrat feroit nul dans le for
de la confeience , & je ne pourrois en
confeience retenir la chofe qu'il m'a ven-
due , ni exiger de lui la fomme que je lui
ai prêtée ; car en lui fourniffant feiemment
de l'argent pour perdre en débauches, je
lui ai caufé un tort qui m'oblige envers
%6 Tr. des Oéltg,
lui à le réparer , en n'exigeant pas de lût
la fomme qu'il a reçue de moi pour la
perdre en débauches , & en lui rendant
îa cliofe qu'il m'a vendue ; cela efî con-
forme à ce qui efî dit en la fin de la loi
8. ff. pro cmpt, qu'on ne doit pas regarder
comme acheteur de bonne foi , celui qui
a acheté quelque chofe d'unlibertin,ayant
connoifiance qu'il ne vendoit que pour
en porter le prix à des femmes de mau-
vaife vie ; nlji fortlis qui à luxwiofo , &
prouvas fcono daturo pecuniam 9 fervos
en lit , non ufu c api et.
Ces décifions font bonnes pour le for
de la confeience ; mais dans le for exté-
rieur une perfonne majeure & non inter-
e , ne feroit pas recevable à fe pour-
voir contre une vente ou un emprunt
telle auroit fait, en difant que celui
avec qui elle a contracté , favoit qu'elle
ne vendoit ou empruntent , que pour per-
dre l'argent en débauches.
52. Ce n'efl auffi que le droit civil qui
infirme les obligations que des mineurs ,
fous puifTance de tuteur , contractent fans
l'autorité de leur tuteur, lorfqu'au temps
du contrat , ils font dans un âge allez
avancé , & ont un ufage furnfant de leur
raifon, pour comprendre toute l'étendue
de l'engagement qu'ils contractent ; c'eft
pourquoi les mineurs peuvent bien, mê-
Part.!. C h a p. ï. 6?
fhe dans le for de la conicience , ufer du
bénéfice des lettres de refcifion que les
loix leur accordent , contre les contrats
dans lefqueis ils ont été léfés , l'équité
naturelle ne permettant pas que celui qui
a contracté avec eux profite de leur dé-
faut d'expérience ; mais ils ne peuvent
dans le for de la confcience avoir recours
au bénéfice de ces lettres , qui leur efl
offert dans le for extérieur , pour fe dif-
penfer de rendre un argent qu'ils ont re-
çu & qu'ils ont difîipé , lorfqu'au temps
qu'ils ont contracté , ils avoient un ufage
niffifant de leur raifon , &c pourvu que
celui qui leur a prêté l'argent , ait fait
le prêt de bonne foi , fans prévoir qu'ils
employeroient en folles dépenfes l'argent
ou'il leur prêtoit. C'eft. le fentiment de
la Placette , cité par Barbeyrac en fes
notes fur Pufendorf.
Il nous refte à obferverune différence
entre l'incapacité des interdits &C des mi-
neurs , & celle des femmes qui font fous
pui,rance de mari : celles-ci font abfolu-
ment incapables de contracter fans être
autorifées , elles ne peuvent pas plus 9
{ans cela , obliger les autres envers elles
en contractant , que s'obliger elles-mê-
mes ; elles ne peuvent pas même accep-
ter une donation qui leur feroit faite ^
Qrdontit d$ 173 1 , art, 9, au contraire ^
Tr. des Oblig.
les interdits pour prodigalité , & les mi-
neurs qui commencent à avoir quelque
ufage de raifon , font plutôt incapables
de s'obliger en contractant , qu'ils ne font
incapables abfolument de contracter ; ils
peuvent en contractant fans l'autorité de
leur tuteur , ou curateur , obliger les au-
tres envers eux, quoiqu'ils ne puiffent
s'obliger envers les autres , placuit melio-
rem condilionem liccrc eis facere etiam jint
tutcris autorïtate , injlit. tit. de autor. tut*
Is cul bonis interdiclum ejl , Jîipulando jibï
acquirit , L. 6. ff\ de verb. oblig. La rai-
fon de cette différence eu que la puilTan-
ce des tuteurs &t des curateurs n'eft éta-
blie qu'en faveur des mineurs & des in-
terdits ; l'affiftancé des tuteurs &c cura-
teurs n'eft. requife , Iorfque ces perfonnes
contractent, que pour l'intérêt de ces per-
fonnes, &C dans la crainte au'elles ne foient
trompées ; c'efl pourquoi elle devient
fuperflue , toutes les fois qu'elles font leur
condition meilleure ; au contraire , la
puiflance du mari , fous laquelle eft la
femme , n'étant pas établie en faveur de
la femme , mais en faveur de fon mari \
le befom qu'elle a de requérir l'autorifa-
tion de fon mari pour contracter , n'étant
pps requis pour l'intérêt de la femme, mais
comme une déférence qu'elle doit à fon
mari , elle ne peut contracter en aucune
Part. I. C hap. I. 69
manière , (bit à ion avantage , foit à fou
désavantage , fans l'autorité de fon mari,
L'Ordonnance de 173 1. n'a donné au-
cune atteinte au principe que nous venons
d'établir, qu'un mineur peut , fans l'au-
torité de fon tuteur > faire fa condition
meilleure ; c'eïr. mal-à-propos que Furgol
foutient que fuivant l'art. 7. de cette Or-
donnance , les mineurs ne peuvent plus,
fans l'autorité de leurs tuteurs , accepter
les donations qui leur font faites. Cet ar-
ticle n'a décidé autre chofe , finon que
les père, mère & autres afcendans , fans
être tuteurs de leurs enfans, &; fans avoir
par conféquent aucune qualité pour gérer
leurs affaires , pouvoient néanmoins ac-
cepter les donations faites à leurs enfans
mineurs 9 aufïï valablement que le peut
un tuteur , l'affection naturelle fuppléant
en cela à la qualité qui leur manque ;
mais de ce que l'Ordonnance permet par
cet article à ces perfonnes d'accepter les
donations faites à leurs enfans , il ne s'en-
fuit pas qu'elle défende aux mineurs de
les accepter par eux-mêmes , lorfqu'ils
ont l'ufage de la raifon. Foy. notre in*
trod. au titre des donations de la Coutu-
me £ Orléans ? n, j /.
70 Tr. des Ontidi
Article V,
Z)e ce qui peut être ? objet des contrats. Qui
ce ne peut être quune chùfe qui concerna
les parties contractantes , fuivant la règle:
quon ne peut valablement (lipuler ni
promettre que pour foi*
53. Les Contrats ont pour objet ou
des chofes que l'une des parties contrac-
tantes ftipiile qu'on lui donnera , & que
l'autre partie promet de lui donner , ou
quelque fait que l'une des parties contrac-
tantes flipule que Ton fera , ou qu'on ne
fera pas , & que l'autre partie promet de
«faire ou de ne pas faire.
Quelles font les chofes que l'une des
parties peut (lipuler qu'on lui donne ,
& que l'autre partie peut s'engager de
donner ? Quels font les faits que l'une
des paities peut flipuler qu'on fafTe ou
qu'on ne faite pas , Si que l'autre partie
peut s'engager de faire ou de ne pas
faire ? C'eft ce que nous verrons , infrà
chapitre 2. article 2. où nous traiterons
de ce qui peut être l'objet des obliga-
tions , nous y renvoyons pour ne pas
répéter.
Nous nous contenterons de dévelop-
per ici un principe touchant ce qui peut;
P ART. I. CHAP. f. 7ï
être l'objet des contrats : ce principe eft
qu'il n'y a que ce ay.e Tune des parties
c mtraôantes ftipule pour elle-même , &c
pareillement , qu'il n'y a que ce que l'au-
tre partie promet pour elle-même , qui
puirle être l'objet d'un contrat : Alterijli-
pul^ri nemo potcfl Injtit. de inut. (lipuL
§. 18. Ntc pacijcendo , nec Ugem dlcendoy
ncc ftipulando, qwfquam alteri cavere potefl.
L. 73. §. fin. ff. de R. J. verfâ vice que.
alium fa'âiuum promijît videtur in cd tjjh
caufd ut non teneatur niji pœnam ipfe pro-
mijerit. Infiit. D. T. §. 20. Alius pro allô
promittens daturum faciurumve non obliga-
tur ; nam de Ce quemque pramiturt opor-*
Un. L. 83 jf. de v. oblig.
Pour développer ce principe , nous
verrons dans un premier §. quelles en.
font les raifons ; dans un fécond nous
rapporterons plufieurs cas dans lesquels
nous ftipulons & promettons effective-
ment pour nous-mêmes , quoique la con-
vention fafTe mention d'un autre ; dans
un troisième , nous remarquerons que
ce qui concerne un autre que les parties
contra étantes , peur être le mode ou la
condition d'-.me convention , quoiqu'il
n'en puiffe pas être l'objet ; dans un qua-
trième , nous obfc > erons qu'on peit con-
tracter par le miniftere d'un tiers , ô£
que ce n'eft pas ftipuler ni promettre poux
un autre.
jz Tr, des Oblig.
§. I.
Quelles font les raiforts du principe , quon ne
peut jlipulcr y ni promettre pour un autre*
54. Lorfque j'ai ftipulé quelque chofe
de vous pour un tiers , la convention eil
nulle ; car vous ne contractez par cette
convention aucune obligation ni envers
ce tiers , niejivers moi. Il eft évident
que vous n en contractez aucune envers
ce tiers ; car c'efl un principe que les
conventions ne peuvent avoir d'effet
qu'entre les parties contractantes , &
qu'elles ne peuvent par conséquent ac-
quérir aucun droit à un tiers qui n'y étoit
pas partie , comme nous le verrons ci-
après : vous ne contractez non plus par
cette convention aucune obligation ci-
vile envers moi ; car ce que j'ai ftipulé
de vous pour ce tiers , étant quelque cho-
fe à quoi je n'ai aucun intérêt qui puiffe
être appréciable à prix d'argent , il ne
peut réfulter aucuns dommages & inté-
rêts envers moi , du manquement de vo-
tre promette ; vous y pouvez donc man*
quer impunément : or , rien n'eft plus
contradictoire avec l'obligation civile ,
que le pouvoir d'y contrevenir impuné-
ment; c'eil ce que veut dire Ulpien,
lorfqu'il
Part. I. Chap, I. 73
lorfqu'il dit ; alitri fiipulari ncmb potcji ,
inventa funt enim obiigjtiones ad hoc ut
unuj qui/que fibi acquirat quoi fiui intenjl*9
eut cru m ut al il detur nihil interejî mea. L»
38. §. 17. jff'.' de verb. obi.
S 5. Cette première partie de notre
principe , qu'il n'y a que ce que Tune
s parties ftipule pour elle-même , qui
puirfe être l'objet d'une obligation , n'a
lieu que dans le for extérieur, & à l'é-
gard des obligations civiles : mais dans
le for de la confeience , lorique je luis
convenu avec vous , que vous donneriez
quelque chofe à un tiers , ou que vous
feriez quelque chofe en faveur d'un tiers ,
la convention en1 valable : quoique l'in-
térêt que j'y prends ne foit pas un inté-
rêt appréciable à prix d'argent , il ne
lai (Te pas d'être un véritable intérêt : ho-
minls enim intereji , alterum hominem bérle-
ficîo afjîci ; & cet intérêt de pure affeclîon
pour ce tiers , me donne un droit furh-
iant pour exiger de vous dans le for de
la confeience , l'accomplnTement de la
promefTe que vous m'avez faite pour ce
tiers, &: pour vous rendre coupable , fi
vous refufez de l'accomplir , lorfque vous
avez le pouvoir de le faire , & que le
tiers veut bien accepter ce que vous m'a-
vez promis de lui donner. Il eft vrai que
mon intérêt n'étant pas appréciable à prix
Tome /, D
74 Tr. des Oblig.
d'argent , &C ne pouvant par conféquent
être l'objet d'une condamnation , je ne
pourrai exiger de vous dans les tribuaux
aucuns intérêts ni dommages, fi vous man-
quez à votre promerTe ; mais ce pouvoir
que vous avez d'y manquer impunément
dans le for extérieur , eft un obflacle à l'o-
bligation civile , 6c il n'empêche pas l'obli-
gation naturelle. Grotius, L z.c.n.n. 1 8.
Obfervez que l'obligation naturelle qui
réfuïte de cette convention , par laquelle
j'ai flipulé que vous donneriez quelque
chofe à un tiers , eft une obligation qui
eil contractée envers moi , & non pas
envers ce tiers , lorfque c'eft en mon
nom , ôc non au nom du tiers que je
fuis convenu de cela avec vous ; c'efl
pourquoi je peux vous en décharger fans
îe cpnfentement de ce tiers. Grotius ibid.
Pufindorf.
Mais li c'étoit au nom du tiers comme
ayant charge & me faifant fort de lui , que
nous ferions convenus que vous lui don-
neriez , ou feriez pour lui quelque chofe ,
ce feroit ce tiers qui feroit cenfé avoir
contracté avec vous par mon miniftere ,
&: non pas moi. Voyz^ infrà le §. 4
56, La féconde partie de ce principe ,
qu'on ne peut promettre que pour foi-
même eft: évidente ; car lorfque j'ai pro-
mis qu'un autrç vous donneront quelque
Part. I. Chap. ï, 75
chofe ou feroit quelque chofe , fans me
taire fort de lui , ni rien promettre de
ma part ; cette convention ne peut obli-
ger ni ce tiers ni moi. Elle ne peut obli-
ger le tiers ; car il n'eft. pas en mon pou-
voir d'obliger un autre fans fon fait ; elle
ne m'oblige pas non plus ; car puifqu'on
iiippofe que j'ai promis pour un autre &
non pour moi , je n'ai pas entendu m'o-
bli| er.
Au relie , on préfume facilement que
celui qui a promis qu'un tiers donneroit,
ou feroit quelque chofe , n'a pas entendu ,
pure de alio promit tere , mais qu'il a enten-
du promettre aufîi de fe , c'eûVà-dire pro-
mettre qu'il fe faifoit fort de ce tiers ,
quoique cela ne foit pas exprimé.
En ce cas la convention efr. valable ,
&I elle oblige celui qui a promis , aux
dommages & intérêts réfultans de l'ine-
xécution de ce dont il s'eû fait fort. L.
8i. ff\ de verb. oblig.
Lorfqu'en promettant le fait d'un au-
tre , vous vous foumettez à payer une
certaine peine, ou même fimplement aux
dommages & intérêts en cas d'inexécu-
tion , il n'eft. pas douteux qu'en ce cas
vous n'avez pas entendu promettre fim-
plement le fait d'un autre , & de alio tan-
tiim promit tere , mais que vous avez en-,
tendu vous faire fort de lui , & de te pio-
Dij
y6 Tr. des Oblig.'
mittere ; c'eft pourquoi Ulpien dit : fi quis
velit alienum facïum promiture , pœnam vel
quanti ea res cjl pot eji promiture. L. 38.
§. z.ff. d. t. '
$. I ï.
Pluficurs cas , dans Icfquels nous flipulons
ou promettons effèclivement pour nous-mè~
mes , quoique la convention fajje mention
£un autre.
Premier Cas.
«
57. Ce n'eft. pas ftipuler pour un autre,
que de dire que la chofe ou la fomme
que je ftipule fera délivrée ou payée à
un tiers défigné par la convention. Par
exemple , fi par le contrat je vous vends
un tel héritage pour la fomme de mille
livres , que vous payerez à Pierre , je ne
ftipule point pour un autre ; c'en1 pour moi
& non pour Pierre que je ftipule cette
fomme de mille livres : Pierre n'eft. dans
la convention que comme une perfonne
à qui je donne pouvoir de la recevoir
pour moi &c en mon nom ; c'efl ce que
les Romains appelloient , adjecïusfolutio-
nis gratid , dont nous traiterons infrd P.
3. ch. /. art. 2. §. 4.
Ce n'eft. pas en fa perfonne , mais en
la mienne que réfide la créance de cette
PartI. C h a p. I. 77
fomme ; lorfqiwi la reçoit , c'eft de ma
part 6c en mon nom qu'il la reçoit ; &C
en la recevant , il fe forme entre lui &
moi , ou un contrat de mandat , fi mon
intention étoit qu'il m'en rendît compte,
ou une donation fi mon intention étoit
de la lui donner.
Second Cas.
58. Ce n'eft pas ftipuler pour un autre,
mais pour moi , quoique je ftipule qu'on
fera quelque choie pour un tiers , fi j'ai
un intérêt perfonnel 6c appréciable à prix
d'argent que cela fe fafTe ; put à , fi je fuis
moi-même obligé envers ce tiers à le
faire : par exemple , û m'étant obligé en-
vers Jacques à lui reconstruire dans Tef-
pace d'un certain temps fa maifon qui
menace ruine , 6c ayant d'autres ouvra-
ges à faire , je fais marché avec un Ma-
çon , pour qu'il reconftruife dans ledit
temps la maifon de Jacques , je fuis cenfé
ftipuler plutôt pour moi que pour Jacques,
6c la convention eft valable ; car étant
obligé envers Jacques à cette reconstruc-
tion , 6c tenu de fes dommages 6c inté-
rêts , fi elle ne fe fait pas dans le temps
marqué , j'ai un \rai intérêt perfonnel
qu'elle fe fafTe ; c'eft pourquoi en ftipu-
iant qu'on reconftruife la maifon de Jac-
D iij
yS Tr. des Oblig.
ques , ce n'eft que verbo tenus en ce cas
que je ftipule pour Jacques , re ipfâ &C
dans la vérité , je flipule pour moi & à
mon profit ; fi fiipukr alu cùm mua inte~
rejfet... ait Marcellus , Jîipulationem valere.
L. 38. §. 20. 21. 2.1. ff. de rerb. obligat.
59. Quand même avant le marché que
j'ai fait avec le Maçon pour la reconf-
truclion de la maifon de Jacques , je n'au-
rois pas été obligé envers Jacques à lui
reconftruire fa maifon , &c que je n'aurois
eu par conféquent aucun intérêt perfon-*
nel à cette reconstruction , néanmoins
comme par ce marché que j'ai fait, je
gère les affaires de Jacques , &c que je
lui deviens en conféquence comptable de
cette geflion ; dans le temps même de
la convention , que j'ai avec le Maçon
pour la conftru£tion de la maifon , je
commence à avoir intérêt à cette reconf-
tru&ion dont je fuis comptable envers
Jacques; d'où il fuit que même en ce
cas je fuis cenfé ïHpuler pour moi plu-
tôt que pour Jacques , & que la conven-
tion efl valable ; puifque j'ai un intérêt
perfonnel , que le Maçon faffe bien ce
que j'ai fripulé qu'il fît.
60. Mais li je ftipule en mon nom qu'on
faffe quelque chofe pour un tiers , fans
qu'avant le temps de la convention j'aye
eu , ôc fans que j'aye encore au temps
Part. I. Chap. I. 79
de la convention aucun intérêt perfon-
nel que cela le faffe ; c'eft en ce cas vrai-
ment ftipuler pour un autre , &c une telle
convention n'eft pas valable dans le for
extérieur : par exemple , fi par un pur
intérêt d'arfetlion pour Jacques , j'ai con-
vention avec le propriétaire de la maifoti
qui eft vis-à-vis les fenêtres de Jacques y
qu'il fera blanchir le devant de fa maifon
pour éclairer les chambres de Jacques ,
cette convention ne donnera aucun droit
ni à Jacques qui n'y étoitpas partie, ni à
moi qui n'ayant aucun intérêt perfonnel
& appréciable à prix d'argent à l'exécution
de cette convention , ne peux prétendre
aucuns dommages &c intérêts réfultans de
fon inexécution.
Troisième Cas.
61. C'efl ftipuler ou promettre pour
nous-mêmes & non pour autrui, lorfque
nous ftipulons ou promettons pour nos
héritiers , puifqu'ils font en quelque fa-
çon la continuation de nous mêmes : hères
ptrfonam defuncli fujlinet ; c'eft pourquoi
il n'eft pas douteux , que nous pouvons
ftipuler pour nos héritiers , heredl caverc
conceffum ejl , L. 10. ff. de pacl. dot, L.
3#. §. 14- ff. de verb. oblig.
62. Obfervez que nous ftipulons' vala-
blement, lorfque nous ftipulons pour nos
D iv
s
8o Tr. des Oblig.
héritiers en tant que nos héritiers ; mais
û nous fcip nions pour un tel , quand mê-
me ce tel par la fuite devienclroit notre
héritier , la ftipulation ne feroit pas pour
cela valable , L. 17. §. 4. f. de p a cl.
Julien a porté la rigueur de ce prin-
cipe , jufqu'à décider que lorfqu'un dé-
biteur étoit convenu avec fon créancier ,
qu'il n'exigeroit pas la fomme qui lui
étoit due , ni de lui , ni d'une telle fa
fille , la flipulation n'étoitpas valable par
rapport à fa fille , quoiqu'elle foit deve-
nue héritière du débiteur. D. §. 4. Bru-
nsman ad D. L. eu. d'avis avec raifon ,
que cette décifion trop littérale ne doit
pas être fuivie ; car lorfque je flipule de
mon créancier qu'il n'exigera ni de moi ,
ni de ma fille une telle , la fomme que je
lui dois , il eft vifible que je ftipule cela
pour ma fille , dans le cas auquel elle en
feroit débitrice ; or , elle ne le devien-
dra qu'en devenant mon héritière : je ili-
pule donccela pour le cas auquel ma fille
fera devenue mon héritière , &c par con-
féquent je fuis cenfé ftipuler pour ma fille
en fa future qualité de mon héritière,
quoique cela ne foit pas exprimé.
On peut d'autant plus s'écarter de cette
décifion de Julien , qu'il paroît que les
Jurifcorifultes Romains n'ont pas été d'un
fentiment unanime fur cette queftion;
Part. I. Chap. I. Si
Celfe paroît avoir pente différemment en
la loi 33. (f. de pa'à.
63. Non-feulement nous pouvons va-
lablement ïtipuler pour nos héritiers ,
mais nous ibmmes cenfés ordinairement
l'avoir fait, quoique cela ne foit pas ex-
primé : qui pacifeitur , fibi , herediquefuo
pacifei intclligitur.
Cette règle fouffre exception. 1 °. Lors-
que ce qui fait l'objet de la convention 9
eft un fait qui eu perfonnel à celui envers
qui l'obligation eft contractée ; comme
lorfqueje fais marché avec un barbier qu'il
viendra me rafer deux fois la fémaine à
ma campagne pendant la vacance. 20. Elle
reçoit exception à l'égard de la claufe des
contrats de mariage, par laquelle la fem-
me ïtipule la reprife de fon apport , en cas
de renonciation à la communauté. Nous
avons traité amplement de cette claufe en
notre introduction au titre de la Commu-
nauté de la Coût. d'Orl. c. 2. a. 2. §. 5.
30. Enfin, lorfqu'on s'efl expliqué clai-
rement par la convention , que celui qui
s'obligeoit ne s'obligeoit qu'envers la per-
fonne avec laquelle il contra&oit , &C non
envers les héritiers; mais il faut que cela
foit expliqué clairement dans la conven-
tion : au refte de ce que la perfonne en-
vers qui je contracte quelqu'engagement
eft nommée par la convention , il ne s'en-
Dv
Si Tr. des Oblig.
fuit pas que l'intention des parties ait été
de reftreindre à fa perfonne le droit qui
en réfulte ; on doit penfer au contraire
qu'elle n'eït nommée que pour marquer
avec qui la convention eSt faite \phrumqut
perfona pacio inferitar , non ut perfonalc
paclum fiât , fed ut demojijlretur cum quo
paclum fiât. L. 7. §. 8. wijjembach ad tit,
ff. de pacl. n°. 7.
64. Nous pouvons auSTi restreindre
notre Stipulation à l'un d'entre nos hé-
ritiers : non obftat uni tantîim ex heredibus
provideri , fi hères faclus fit , cœteris autetn
non confiai , L. 33. ff. de pacl. Par exem-
ple , fi j'étois convenu avec mon créan-
cier qu'il ne pourroit exiger fa dette ni
<le moi ni de ma fille une telle , &z que je
laiffaSTe pour héritiers cette fille & un
fils , la convention n'auroit d'effet que
par rapport à ma fille , comme y étant
feule comprife , ck le créancier pourroit
exiger fa dette de mon fils pour la part *
pour laquelle il eSt mon héritier. D. £.
33-
Il ne faut pas néanmoins , de ce qu'une
perfonne a Stipulé nommément pour un
tel fon héritier , en inférer toujours que
l'intention des parties contractantes a été
de restreindre la Stipulation à cette per-
* C'elt mal à propos que la Glofle dit que le créancier
pourra lui demander le total] Cujas a relevé cette erreur.
Part. I. Chap.'I. 83
forme ; il y a bien lieu de l'inférer, ft
lors de la convention , celui qui a flipulé
de cette manière favoit devoir avoir d'au-
tres héritiers ; car en ce cas il ne paroît pas
d'autre raifon pour laquelle il auroit fli-
puié nommément pour un tel , que celle
de reilreindre la flipulation à ce tel. Au
contraire , fi celui qui a flipulé pour un
tel fon héritier , a voit, lors de la conven-
tion , lieu de croire , que ce tel devoit
être un jour fon héritier unique ; il y a
en ce cas lieu de p enfer que ce.n'efl que
par pure énonciation que ce tel a été
nommé dans la convention , & non dans
la vue de reftreindre à fa perfonne l'effet
de la flipulation : c'efl ce que Papinien en-
feigne dans l'efpece fuivante.
Ayant marié ma fille, à qui j'avoîs
promis une dot dont je faifois rente ; dans
la penfée où j'étois que je n'aurois pas
d'autres enfans que cette fille qui fe trou-
voit pourvue , & dans le deffein où j'é-
tois d'inflituer un jour mon frère pour
mon unique héritier , j'ai flipulé par la
conflitution de dot, qu'au cas où ma fille
mourroit fans enfans pendant le mariage ,
( auquel cas la dot , félon le droit du di-
gefle , étoit acquife en entier au mari , )
mon frère mon héritier , pourroit rete-
nir la dot pour moitié ; depuis m'étant
furvenu d'autres enfans que j'ai laides
D vj
84 Tr. des Oblig.
pour mes héritiers, & le cas de la mort
de ma fille fans enfans durant fon mariage
étant arrivé , il y a eu queftion fi mes en-
fans mes héritiers , pouvoient en vertu
de la convention retenir la moitié de la
dot. La raifon de douter fe tiroit de ce
que la ftipulation étoit faite nommément
pour mon frère , d'où il pouvoit paroître
qu'elle étoit reflreinte à fa perfonne , &
au cas où il auroit été mon héritier; mais
Papinién décide que mes enfans font fon-
dés à retenir la moitié de la dot , en vertu
de la convention ; parce qu'en ftipulant
cette rétention au profit de mon frère
mon héritier , j'étois cenfé par ce terme ,
mon héritier , l'avoir ftipulée au profit de
mes héritiers quels qu'ils fuflent , &: n'a-
voir nommé mon frère cfii'enunùativk , &Z
pour marquer qu'il étoit celui que je
croyois devoir être mon héritier. Ea con-
yentio lïberis pojleàfzifceptis & hercdibus tef-
tamento reliclis proderit , cîim inter contra-
hentes id aclum fit , ut heredibus confulatur ,
& Mo tempore quo pater aliosfiUos non ha-
buit , in fratrcm fuum judicinm fuprtmum
contuiijje videatur , L. 40. §>fin.ff. de paci.
C'eft pourquoi Cujas ad Papinian. fur
cette loi , penfe que cette décifion auroit
lieu, quels qu'euflfent été les héritiers
que j'aurois laifles , quand môme ce n'euf-
fent pas été mes enfans.
Part. I. C h a p. î. 85
Il refte à obierver qu'on peut bien ,
lorfque je ftipule de mon créancier qu'il
n'exigera pas ce que je lui dois , reitrein-
dre , la convention à l'un de mes héritiers,
à l'effet qu'il n'y ait que lui qui foit dé-
chargé de la dette pour la part dont il en
avoit été tenu , comme nous l'avons vu
fuprà ; mais lorfque je ftipule de quelqu'un
qu'il me donnera une certaine fomme
d'argent , ou quelqu'autre chofe divifible ,
je ne peux pas reftreindre la convention
à l'un de mes héritiers , à l'effet de faire
pavïer pour le total à lui feul la créance
qui réfulte de la convention. Sciendum eji
qubd dari (iipuhmur , non pojje per nos uni
ex heredibus adquiri ^fed necejje eji omnibus
adquiri , * L. 13J. §. fin. ff. de V. oblig.
6 5 . C'eft une conféquence de notre prin-
cipe , que nous ne pouvons ftipuler vala-
blement pour quelqu'un , qu'entant qu'il
fera un jour notre héritier , & dans la
qualité de notre héritier qu'il doit avoir
un jour ; d'où il fuit qu'il ne peut nous
fuccéder pour le total au droit qui réfulte
* Ce qui eft dit fed neceflle eji omnibus àefuiri , doit s'en-
tendre du cas auquel la reftriétion à l'un des héritiers, n'a
. éré faite que ('.ans la vue de faire paffer à cet héritier, à
l'exclu fion des autres, le total de la créance, & non dans
la v e de décharger le débiteur : mais je peux valablement
convenir , que fi je n'ai pas exigé la dette de mon vivant,
mon débiteur n'en fera tenu après ma mort que pour la
part a laquelle fuccéd.-ra l'un de mes héritiers, cV qu'il en
fera déeturgé pout les parts de mes autres héritiers.
86 Tr. des Oblig,
de cette convention ; mais pour la part
feulement pour laquelle il fera notre hé-
ritier.
Il en eft autrement à l'égard des con-
ventions qui ont pour objet quelque
chofe d'indivifible , telles que font la plu-
part de celles qui font in facundo ; car
comme dans ces conventions chacun des
héritiers fuccede pour le total à la créance
qui en réfulte, par la nature de cette
créance qui n'eft pas fufceptible de par-
ties ; je peux, en ftipulant nommément
pour un tel , l'un de mes héritiers , le faire
fuccéder feul pour le total à la créance
qui en réfulte ; at cum quid ficri jlipula-
mur , unius perfonam recle comprehendi , D,
L. 737. §. 8. Par exemple, fi dans la
vente d'un héritage que j'ai faite à un
peintre , il y avoit une claufe portant que
par forme de pot de vin , il s'obligeoit
envers moi & envers un tel , l'un de mes
enfans & héritiers futurs , de nous faire
un tableau de la circoncifion de N. S. d'une
telle hauteur, & que je ftnTe mort avant
qu'il fe fût acquitté envers moi de cette
obligation^ celui de mes enfans , qui eft
nommé dans la convention , fuccéderoit
feul pour le total à cette créance contre
le peintre ; fauf néanmoins que dans nos
coutumes , qui ne permettent pas à un
père d'avantager l'un de fes enfans , ve-
P A R T. I. C H A P. î. 87
nant à la fucceiîion plus que les autres ,
il feroit obligé d'en récompenser tes co-
héritiers pour leurs parts.
66. De même que nous fommes cen-
(és ilipuler pour nos héritiers tout ce que
nous ltipulons ; de même nous fommes
cenfés promettre pour nos héritiers , &C
les engager à tout ce que nous promet-
tons ; à moins que ce qui fait l'objet de
notre obligation , ne foit un fait qui nous
foit perfonnei , ou qu'il y ait une claufe
à ce contraire.
Pareillement dans les obligations divi-
fibles , de même que nous ne pouvons fti-
puler pour quelqu'un qu'autant & pour
la part qu'il fera notre héritier ; de même
nous ne pouvons obliger quelqu'un de
nos héritiers que pour la part pour la-
quelle il fera notre héritier : c'eft pour-
quoi inutilement un débiteur compren-
droit-il nommément dans la convention
un tel qui doit être l'un de fes héritiers;
car il ne fera tenu de la dette que comme
les autres héritiers qui: n'y ont pas été
compris. Te & Titïiun heredem tuum decem
daturum [pondes ? Titii perfonà fupervacuh
comprehenfa ejl ; Jive enimjo lus hères exti-
uru y infolidum tenebitur : Jive pro parte ,
todem modo quo cœteri coheredes ejus , L»
i6. §. /. fi de Verb.obl.
88 T r. des Oblig.
Quatrième Cas.
67. Ce que nous ftipulons par rapport
à une chofe qui nous appartient, nous le
pouvons valablement ftipuler , non-feule-
ment pour nous &C nos héritiers , mais
pour tous nos fuccefTeurs à titre fingulier
à cette chofe ; lefquels font compris fous
le terme d'ayant-caufe, ufité dans les con-
trats ; ce n'eft point en ce cas ftipuler pour
un autre. . . Par exemple , je peux valable-
ment convenir , que vous ne ferez jamais
valoir contre moi, ni contre mes héritiers
ou ayant-caufc , les droits de Ja fubftitu-
tion qui pourroit être un jour ouverte à
votre profit , par rapport à un tel héritage ;
& cette convention a effet , même par
rapport à ceux qui acquerroient parla fuite
de moi cet héritage à titre fingulier.
Cela efl indubitable à l'égard de ceux
qui 1 acquerroient a titre onéreux ; car
étant tenu envers eux à la garantie , j'ai
intérêt que vous ne leur apportiez aucun
trouble dans cet héritage, ce qui fuffit pour
que ce que je ftipule pour eux, je fois
cenfé le ftipuler pour moi ,fuprà n°. 58,
Mais la décifion a lieu aufîi à l'égard de
ceux qui acquerroient de moi par la fuite
à titre de donation, L. /7-§. S.ff.ck paci,
quoique je ne fois pas tenu envers eux de
P ART. I. CHAP, I. 89
la garantie ; car l'intérêt que j'ai de con-
ter la libre difpolition de ma chofe ,
eft liirKfant, pour que je puiffe valable-
ment convenir avec vous que vous ne
ferez aucun trouble à ceux envers qui je
jugerai à propos d'en difpofer , à quelque
titre que ce foit.
68. Dans cette convention Se les au-
tres fembîables , que nous faifons par rap-
port aux choies qui nous appartiennent 9
non-feulement nous pouvons ftipuler va-
lablement pour nos ayant-caufe : mais
lis fommes cenies l'avoir fait, quoique
cela ne foit point exprimé , foit que la
convention foit conçue in rem, comme
lorfqu'il eft dit par une tranfaclion parlée
entre nous , que vous vous engagez à ne
jamais faire valoir les prétentions que vous
pourrie^ avoir par rapport à un tel héritage 9
fans dire contre qui ; foit que la conven-
tion foit conçue in perfonam , comme
lorfqu'il eft dit que vous vous engagez
à m jamais faire valoir contre M OI vos pré-
tentions , par rapport à un tel héritage : en
l'un & l'autre cas, je fuis cenfé avoir fti-
pulé pour tous mes fuccefleurs même à
titre fingulier , même à titre de donation.
Paclum conventum cumvenditore , (î in rem
conflituatur , fecundUm Proculi fententiam ,
& emptori prodejl. . . . Seenndùm autem Sa-
bini fententiam 9 etiamji in perfonam con-
90 Tp. des Oblig,
ctptum efi 9 & in tmptorem , qui hoc
ejje exijiimjt , \ :: ncm ju..
ftiïU .::, L. /-. §. 5. ffl de paB. La raifon
eit qu'en : ?our moi , je fuis cenie
ftipuler pour tous ceux qui me repreien-
tent ; or non-feulement mes héritiers ,
mais tous ceux oui me fuccederont mc-
diatement , ou immédiatement , & à quel-
qu ? titre que ce foit , à l'héritage qui a fait
L'objet de fa convention , me représentent
par rapport à cet héritage.
. Que fi j\ lié nommément
pou .... crois pas cenfé
avoir étendu ma inpulation à mes avant-
cauiè, c'elt-à-dire à ceux : [ui me iuccé-
deroient à t:: re fing . lier : en ce cas , ûp-
clujîo unius , fit exclufio alterius ; Fexpr::-
fion de mes hênù : Lut les aurres litc-
cefleurs : Par exemple , fi par une tra:>
facfion avec le v . .ir de qui mon hé-
ritage relevé en heî , ^e fins convenu avec
te toutes les ::is que mon fief tom-
heroît en rachat, il ne pourroit exi:
n . plus d'une piftole pour ion
jit de rachat ; cette conventionné pro-
filera pas à des tiers , qui auroient acquis
de moi, ou de mes héritiers . .. titre :
gulier : il en feroit autrement fi dans la
claufe il n'etoit pas parle d'héritiers, &
qu'il fin dil uidéfinimc ne toutes les
fois que le fief tomberoit en rachat, le
Part. I. Chap. I. 91
Seigneur ne pourroit exiger plus d'une
piilole ; ou qu'après le terme d' héritiers 9
on eut ajouté un &c. En l'un &L l'autre cas ,
la claufe ^'étendroit à tous les ayant-caufe.
§. m.
Que ce qui concerne une autre perfon ne , qut
Les parties contractantes peut être le mode,
ou la condition d'une convention y quoi-
qu'il ne puijfe pas en être P objet,
70. Donner à un tiers , faire quelque
chofe pour un tiers , & généralement tout
ce qui ne concerne point l'intérêt per-
fonnel de la partie qui le ffipule , ne peut
à la vérité être l'objet du contrat , mais
cela peut être in conditione aut in modo,
Ainii je ne peux pas à la vérité ftipuler
utilement en mon nom, que vous ferez
préfent à Jacques du Thefaurus de Meer-
man ; parce que c'eftftipuler pour autrui;
c'eft fripuler une chofe à laquelle je n'ai
aucun intérêt ; mais je peux utilement fti-
puler, quefi dans un tel temps vous ne
faites pas préfent à Jacques du Thefaurus
de Meerman , vous me payerez vingt pif-
toles pour le pot de vin d'un marché que
nous faifons enfemble ; car en ce cas , le
préfent que vous devez faire à Jacques ,
n'eft qu'une condition ; l'objet de la fti-
91 Tr. des Oblig.
pulation eït que vous me donnerez la fom-
me de vingt piïïoles ; & cette fomme que
je ftipule , efr une chofe que je flipule pouf
moi & que j'ai intérêt d'avoir. Cela efl
conforme à ce qu'enfeigne Juitinien , Tit.
de inut.Jiipul. §. 20. Alteri Jlipuuiri nemo
poteji. . . plané Ji quis veiit hoc faare , pœ-
nam fiipulari conveniet , ut niji ita factum
fit ut cjl comprchenfum , committatur pœnce
Jlipulatio etiam ci cujus nihil interejl.
7 1 . Ce qui concerne l'intérêt d'un tiers
peut aurli être in modo, c'eft-à-dire que
quoique je ne puhTe pas directement iti-
puler ce qui concerne l'intérêt d'un tiers,
néanmoins je peux aliéner ma chofe , à
la charge que celui à qui je la donne fera
quelque chofe qui concerne l'intérêt d'un
tiers. Par exemple , quoique je ne puiffe
pas fHpuler en mon nom directement ,
que vous ferez préfent du Thefaurus de
Meerman à Jacques , je peux vous don-
ner utilement une fomme ou tout autre
chofe , à la charge que vous ferez à Jac-
ques ce préfent.
Suivant les principes de l'ancien Droit
Romain , l'effet de cette condition fe bor-
noit à ce que faute par vous d'accomplir
la charge 5 fous laquelle vous avez reçu
de moi une fomme ou autre chofe , j'é-
tois en droit de répéter de vous ce que je
vous avois donné ; car ne vous l'ayant
Par t. I. C h a p. I. 95
donne , &c vous ne l'ayant reçu qu'à cette
charge , il s'eft formé entre nous une con-
vention implicite , que vous me reftitue-
riez la choie, ii vous n'accompliriez pas
la charge fous laquelle je vous l'ai don-
née ; d'où n'ait le droit de répéter la cho-
fe , par une action que les loix appellent
condicïio , ( feu repetitio ) ob caufam dati f
causa non feeutd.
Au refte luivant les principes de cet
ancien Droit, le tiers qui n'avoit pas été
partie au contrat de donation , par lequel
je vous donnois quelque chofe , à la char-
ge que vous feriez quelque chofe qui
l'intéreflbit, ou à la charge que vous lui
donneriez quelque chofe , n'avoit aucune
action contre vous pour le demander; Se
cela étoit fondé fur ce principe , que les
contrats n'ont d'effet qu'entre les parties
contractantes ; d'oii il fuit qu'il ne peut
naître d'un contrat aucun droit à un tiers
qui n'y a pas été partie : mais fuivant les
conftitutions des Empereurs, les tiers en
faveur defquels le donateur appofe une
charge à fa donation , ont une action con-
tre le donataire pour le contraindre à
cuter; c'eff. ce que nous apprenons
de la loi 3 . Ccd. de d-mat; quxfub. mod.
72. Cet engagement que contracte le
donataire envers ce tiers , d'accomplir la
charge fous laquelle la donation a été fai-
94 Tr. des Oblig,'
te , & d'où naît cette a&ion , eft un enga-
gement qui n'eft pas à la vérité propre-
ment formé par le contrat de donation ;
ce contrat ne pouvant pas par lui-même ,
&C proprid vu tut e , produire un engage-
ment envers un tiers , & donner un droit
à un tiers qui n'y étoit pas partie ; c'cft
l'équité naturelle qui forme cet engage-
ment ; parce que le donataire ne peut fans
blefler l'équité, & fans fe rendre coupa-
ble de perfidie , retenir la chofe qui lui a
été donnée , s'il n'accomplit pas la char-
ge fous laquelle la donation lui a été faite,
&: à laquelle il s'eft fournis en acceptant
la donation. C'eft pourquoi l'action qui
eft accordée à ce tiers , eft appellée en la
loi 3. ci-defius citée , aciio utilis , qui eft re
nom que les Jurifconfultes Romains don-
noient aux actions qui n'avoient pour
fondement que l'équité ; qtiœ contra fub-
tilitatcm juris , ut'ditate. ita exigente , ex
fold œquitate concedebaniur.
73. De-là naît une autre queftion, qui
eft de fçavoir , fi vous ayant donné une
chofe à la charge de la reftltuer à un tiers
dans un certain tems , ou de lui donner
quel qu'autre chofe , je peux vous remet-
tre cette charge , fans l'intervention de
ce tiers qui n'étoit pas partie à l'aele , &
qui n'a pas accepté la libéralité que j'exer-
çois envers Ini , en vous impofant cette
Part. I. Chap. I. 95
charge : les Auteurs ont été partagés fur
cetie queilion. Grotius de jure belli & pa-
cis ti. ix. 19. décide pour l'affirmative :
cYit. auiîi l'avis de Bartole , de Duaren Se
de pluiieurs autres Docleurs , & en par-
ticulier celui de Ricard, trait, des fubjlit.
p. i.ch. 4. La raifon fur laquelle ils fe
fondent , eft que le tiers n'étant pas in-
tervenu dans la donation , l'engagement
que le donataire contracte de donner à
ce tiers , en acceptant la donation fous
cette charge , efl contracté par le con-,
cours des volontés du donateur & du do-
nataire feulement ; 6c par conséquent peut
fe réfoudre par un confentement contraire
des mêmes parties , fuivant ce principe de
droit , nïhiltam naturale ejl , quœque eodem
modo difjolvi quo colligata funt ; le droit
qui eft acquis à ces tiers, efl donc , fé-
lon ces auteurs , un droit qui n'efl pas ir-
révocable ; parce qu'étant formé par le
feul confentement du donateur & du do-
nataire , fans l'intervention du tiers , ce
droit eftfujet à être détruit par la deflruc-
tion de ce confentement, qu'opérera un
confentement contraire des mêmes par-
ties ; ce droit ne devient irrévocable , que
lorfque la mort du donateur empêchant
qu'il ne puiffe déformais intervenir un
confentement contraire , le confentement
qui a formé ce droit ceffe de pouvoir être
détruit
96 T R. DES ObLIG.
L'opinion contraire a aufîi (es défen-
feurs ; c'en1 celle de Fachinœus , Controv.
Vlii. 89. &. des Docteurs par lui cités.
Les raifons fur lesquelles ces Auteurs fe
fondent font , que la clauie de l'acte de
donation qui contient la charge impofée
au donataire , de donner quelque chofe
à un tiers , renferme une féconde dona-
tion , ou une donation fîdéiconimifTaire ,
que le donateur fait à ce tiers. Cette fé-
conde donation, ians l'intervention de ce
tiers à qui elle eft faite , reçoit fon en-
tière perfection par l'acceptation que le
premier donataire fait de la donation fous
cette charge ; puifque par cette accepta-
tion , il contracte envers ce tiers , fans
qu'il intervienne à l'acte , un engagement
d'accomplir cette charge dans fon temps :
de cet engagement naît un droit qu'ac-
quiert ce tiers , d'exiger en fon temps
l'accbmplifTement de cette charge : ce
droit eft un droit irrévocable , & il ne
doit pas être au pouvoir du donateur d'en
décharger le premier donataire au préju-
dice du droit acquis à ce tiers; car la claufe
qui renferme cette féconde donation , ou
donation fidéicommiftaire , faite à ce tien
par le donateur , étant une claufe qui fait
partie d'un acte de donation entre- vifs ,
la donation fidéicoaimifTaire renfermée
dans cette claufe , eft de même nature ,
&
Par t. I. Chap, I. 97
&: eft par conféquent une donation entre-
vifs &: par conféquent irrévocable ; il ne
doit donc plus être au pouvoir du dona-
teur de la révoquer , en déchargeant le
premier donataire de la charge qu'il lui
a impofée , & de rengagement qu'il a
contracté envers ce fécond donataire, A
l'égard des règles de droit qu'on oppofe ,
eu z que eodern modo dijjolvuntur quo colli-
gata funt : qu<z confenfu contrahuntur con-
fenfu diffolvuntur : ces règles ont lieu en-
tre les parties contractantes feulement,
ck non au préjudice d'un droit qui auroit
été acquis à un tiers ; c'eft. ce qui re-
faite de la loi dernière , ff. de paci. qui
décide que la caution qui a acquis un
droit de fin de non-recevoir, par le pael
intervenu entre le créancier & le débi-
teur principal , ne peut être malgré elle
dépouillée de ce droit, par un pact. con«
traire des mêmes parties.
Ce dernier fentiment a été confirmé
par la nouvelle Ordonnance des fubftitu-
tions , part. 1. art. 11. & 12. Mais les
queflions décidées par cette Ordonnance
n'étant que pour l'avenir , la queftion de-
meure entière pour ce qui fe feroit paiTé
avant l'Ordonnance.
Nous traiterons plus amplement des
donations fidéicommiflaires que ces clau-
fes renferment , dans un Traité particu-
Tom. I, E
98 Tr. des Oblig;
ter des donations que nous devons don-
ner.
§. v.
Qu'on peut Jilpuler , & promettre par U
minijiere d'un tiers , & que ce 7iefi pas
Jlipuler ni promettre pour un autre.
74. Ce que nous avons dit jufqu'à pré-
fent , que nous ne pouvions rien flipuler
ni promettre , que pour nous-mêmes , Se
non pour un autre , s'entend en ce fens
que nous ne le pouvons , lorfque nous
contractons en notre nom ; mais nous pou-
vons prêter notre miniriere à une autre
personne , pour contracter pour elle , fti-
puier & promettre pour elle ; & en ce
cas ce n'eft pas proprement nous qui con-
tractons ; mais c'eiï cette perfonne qui
contra cle par notre miniftere.
Ainfi un tuteur , lorf qu'il contracte en
cette qualité , peut ftipuler & promettre
pour fon mineur ; car c'eft le mineur qui
eft cenfé contra cler , ftipuler & promettre
lui-même par le miniftere de fon tuteur;
la loi donnant un caraclere au tuteur qui
fait réputer le fait du tuteur , pour le fait
du mineur dans tous les contrats qui con-
cernent Fadminiftration de la tutelle.
Ii en eft de même d'un curateur ôc de
tout autre adminiftrateur légitime ; il en
Part. I. Chap. L 99»
eft de interne d'un Procureur ; car la pro-
curation que lui a donnée celui au nom
duquel il contracte , fait regarder celui
qui a donné la procuration comme con-
tractant lui-même par le miniftere de ce
procureur.
75. Si je contracte au nom d'une per*
fonne qui ne m'avoit point donné de pro-
curation , fa ratification la fera pareille-
ment réputer comme ayant contracté elle-
Bme par mon miniftere ; car la ratifica-
tion équipolle à procuration , ratihabido
mandato comparatur.
Si elle ne ratifie pas , la convention'
eft nulle à fon égard ; mais fi je me fuis
fait fort d'elle ;• fi j'ai promis de la faire
ratifier; cette promerfe dé la faire rati-
fier eft une convention que j'ai eue en
mon nom avec la perfonne avec qui j'ai
contracté, par laquelle "je ' me fuis en
mon nom obligé envers elle , au rapport
de cette ratification ; &£ faute par moi de
la rapporter, en fes dommages & inté-
rêts , c'eft- à-dire , entoutce^ru'eile fouf-
fre ou manque de gagner , par le défaut
de ratification.
76. Pour que quelqu'un foit cenfé avoir
contracté par le miniftere de fon tuteur,
curateur , adminiftrateur , &c. il faut que
le contrat n'excède pas le pouvoir de ces
perfonnes. Par exemple, fi un tuteur en
^A E ij
0 ..1 '
ïoo Tr, des Oblig/
fa qualité de tuteur avoit fans le décret du
Juge , vendu quelque bien immeuble de
fon mineur , le mineur ne feroit pas cenfé
avoir fait ce contrat par fon miniftere ;
& il n'en téfulteroit aucune obligation
contre lui , la vente des immeubles étant
une chofe qui excède le pouvoir des tu-
teurs.
Pareillement , pour que quelqu'un foit
cenfé avoir contracté par le miniftere de
fon procureur , il faut que le procureur fe
foit renfermé dans les bornes de fa procu-
ration ; s'il les a excédées , celui au nom
duquel il a contracté , n'eft pas cenfé
avoir .contracté par fon miniftere , à
moins qu'il n'ait ratifié.
77. Il n'eft pas douteux qu'un procu-
reur excède les bornes de fa procuration ,
lorfqu'il fait autre chofe que ce qui y eft
contenu, quand même cela feroit plus
avantageux. Par exemple , fi j'ai donné
procuration à quelqu'un pour m'acheter
une certaine terre pour un certain prix,
6c qu'il en acheté une autre en mon nom,
êc comme fe difant avoir procuration de
moi ; quoique ce marché foit plus avan-
tageux , il ne m'obligera point , & je ne
ferai point cenfé avoir fait ce marché par
fon miniftere , à moins que je ne veuille
bien le ratifier; I. 5. §. z.ff. mandat.
78. Un procureur a excédé aufli les
Part. I. Chap. I, 101
bornes de l'a procuration , lorfqu'il a fait
en mon nom le contrat que je lui avois
donné pouvoir de faire , mais à des con-
ditions plus défavantageufes que celles
que je lui avois prefcrites par ma pro-
curation. Par exemple , fi je lui avois
donné procuration pour acheter une cer-
taine terre pour le prix de 28000 liv.
6c qu'il Tait achetée en mon nom pour
28200 liv. je ne ferai point cenfé avoir
contracté par fon miniftere , & je ne ferai
point obligé par le contrat ; parce qu'il
a excédé les bornes de fon pouvoir en
achetant à un prix plus cker que celui
que j'avois prefcrit.
Néanmoins s'il ofFroit de me mettre
au même état auquel je ferois , s'il s'étoit
renfermé dans les bornes de la procura-
tion; par exemple , fi dans l'efpece ci-
deffus , il ofFroit de m'indemnifer de loo
liv. je ferois obligé de ratifier. L. 3.§. 2.
& L. 4. ff. mand.
Il eft évident qu'un procureur ne peut
être cenfé avoir excédé les bornes de la
procuration, lorfqu'il a contracté à des
conditions plus avantageufes que celles
qui lui étoient prefcrites. 1. 5. §. 5. J^T
dici» tit,
79. Pour que je fois cenfé avoir con-
tracté par le miniftere de mon procureur ,
& que le contrat qu'il a fait en mon nom
E iij
$02 TR. t)ES ÔbLIG.
m'oblige , il fufKt que le contrat n'excède
pas ce qui eft contenu dans le pouvoir
qu'il a fait apparoir à celui avec lequel il
a contracté ; & il ne ferviroit de rien de
rapporter un autre pouvoir contenant
des inftructions fecretes qu'il n'auroit pas
fuivies : ce pouvoir fecret me donne bien
une action en dommages & intérêts con-
tre mon procureur , pour n'avoir pas fui-
vi les inftructions fecretes que je lui avois
données ; mais il ne peut me dégager en-
vers celui avec qui il a contracte entmon
nom , conformément au pouvoir appa-
rent qu'il lui a repréfenté ; autrement il
n'y auroit aucune sûreté^ contracter avec
des abfens.
80. Par la même raifon, quoique la
procuration finirTe par la révocation -9
néanmoins fi mon procureur contracte en
mon nom avec quelqu'un depuis la révo-
cation , mais avant qu'elle ait été connue
à celui avec qui il contracte , je ferai
cenfé a\ oir contracté par fon minute re ,
ôc ce contrat m'obligera.
81. Pareillement, quoique le mandat
finifle par la mort de celui qui le donne ,
ÔZ qu'il paroifte répugner que je puiffe
être cenfé avoir contracté par le miniftere
de celui qui depuis ma mort a contracté
en mon nom ; néanmoins s'il a contracté
en mon nom depuis ma mort , mais avant
PartI. Chap.L 103
qu'elle pût être connue dans le lieu où .
le contrat s'eil: fait , ce contrat obligera
ma fucceiiion , comme fi j'avois effecti-
vement contracté par le miniftere de ce
procu eur.
On peut pour cette déciiion &C pour la
précédente , tirer argument de ce qui efl
décidé en Droit , que le paiement fait à
un procureur eiï valable , quoique depuis
la mort du mandant , ou depuis la révo-
cation du mandat ; fi la mort &: la révo-
cation n'étoient pas connues , L. 12. §.
2, & L. 3 2..jfT de folut.
82. Nous contractons par le miniflere
d'un autre , non- feulement lorfque quel-
qu'un nous prête purement fon miniftere,
en contractant en notre nom , & non au
fien ; comme lorfque nous contractons
par le minifïere de nos tuteurs , curateurs,
procureurs , &c. qui contractent en leur
qualité de tuteur , curateur , procureur ,
ôcc. & non en leur propre nom. Nous
fommes aufTi cenfés contracter par le mi-
niftere d'un autre , quoiqu'il contracte
lui-même en fon nom , lorfqu'il contracte
pour des affaires auxquelles nous l'avons
prépofé ; car en le prépofant à ces affai-
res , nous fommes cenfés avoir adopté
& approuvé d'avance tous les contrats
qu'il feroit pour les affaires auxquelles
nous l'avons prépofé , comme fi nous
E iv
104 T R» D E s ÛBLIG.
avions contracté nous-mêmes ; &: nous
fommes cenfés avoir accédé à toutes les
obligations qui en réfultent.
C'eft fur ce principe qu'eft fondée l'ac-
tion exercitoria , que ceux qui ont contrac-
té avec le Capitaine d'un navire , pour
des affaires relatives à la conduite de ce
navire , ont contre l'Armateur proprié-
taire du navire 3 qui a prépofé ce Capi-
taine.
C'en1 fur le même principe que font
fondées , l'action injîitoria , que ceux qui
ont contracté avec le prépofè à un com-
merce ou à une manufacture , pour des
affaires relatives à ce commerce, ont con-
tre le commettant -9 & Faction utilis inf-
titoria , qui a lieu pour les contrats faits
avec un prépofé à quelqu'autre efpece
d'affaires que ce foh%
Nous traiterons de c e actions , infrà y
part. z. ckap. GifeSL 8.
Obfervez une différence entre tous ces
prépofés , & les tuteurs , curateurs , pro-
cureurs , fyndics , administrateurs , fabri-
ciers , &:c. lorfque ces prépofés contrac-
tent , ce font eux-mêmes qui contractent
& qui s'obligent ; leurs comme ttans font
feulement cenfés accéder à leurs con-
trats , & aux obligations qui en réfultent ;
au lieu que les autres ne font pas cenfés
contracter eux-mêmes , mais feulement
Part. I. Chap. I. io?
prêter leur miniftere pour contrarier , à
ceux qui font fous leur tutele ou cura-
tele , ou dont ils ont la procuration , ou
aux corps dont ils font les fyndics , ou
aux hôpitaux & fabriques , dont ils ont
l'adminiftration ; c'cft pourquoi ce ne
font pas eux qui s'obligent , mais ceux
qui contractent par leur miniftere.
83. Nous fommes aufti cenfés contrac-
ter par le miniftere de nos aflbciés , lors-
qu'ils contractent , ou font cenfés con-
tracter pour les affaires de la fociété ; car
en contractant fociété avec eux , & leur
permettant la geftion des affaires de la
fociété ; nous fommes cenfés avoir adop-
té & approuvé d'avance tous les contrats
qu'ils feroient pour les affaires de la fo-
ciété , comme û nous euftbns contracté
nous-mêmes conjointement avec eux ; &C
nous avons accédé d'avance à toutes les
obligations qui en réfuhent.
Obfervez qu'un aftbcié eft cenfé con-
tracter pour les affaires de la fociété,
toutes les fois qu'il ajoute à fa fignature
ces mots & Compagnie , quoique par la
fuite , le contrat n'ait pas tourné au pro-
fit de la fociété. Par exemple , s'il a em-
prunté une fomme d'argent de quelqu'un,
à qui il en a donné un billet , avec ces
mots & Compagnie à la fin de fa fignature ;
quoiqu'il ait employé cet argent à fes
E v
106 Tr. des Oblig.
affaires particulières , ou qu'il l'ait perdu
au jeu; il ne laiffe pas d'être cenfé avoir
contracté pour les affaires de la fociété ,
& d'obliger en conféquence (es affociés ,
comme étant cenfés avoir fait l'emprunt
conjointement avec lui , &: contracté par
fon miniftere : car fes affociés doivent
s'imputer d'avoir contracté une fociété
avec un affocié infidèle ; mais ceux qui
contractent avec lui ne doivent pas être
trompés , & fouffrir de fon infidélité.
La fignature & Compagnie n'obligeroit
pas néanmoins mes affociés, s'il paroiffoit
par la nature même du contrat , qu'il ne
concerne pas les affaires de la fociété ;
comme fi j'avois mis cette fignâture à la
fin d'un bail , d'un héritage qui m'appar-
tient , & que je n'ai pas mis en fociété.
Lorfque l'afîbcié n'a pas figné & Corn-*
pagnie , il eft cenfé avoir contracté pour
fes affaires particulières , & il n'oblige
pas fes affociés , à moins que le créan-
cier ne juftifie d'ailleurs quil a contracté
au nom de la fociété , & que le contrat
concernoit effectivement les affaires de la
fociété.
84. Une femme commune en biens avec
fon mari , eft auffi cenfée contracler avec
lui & par fon miniftere dans tous les con-
trats que fon mari fait durant la commu-
nauté , & accéder à toutes les obligations
Par t. I. C h a p. I. 107
qui en réfultent , pout la part qu'elle a
dans la communauté , à cette condition
néanmoins , qu'elle ne fera tenue que
jufqu'à concurrence de ce qu'elle aman-
de ra de ladite communauté.
Article VI.
De F effet des Contrats.
85. Les contrats produifent des obli-
gations ; nous renvoyons fur ce qui con-
cerne l'effet de ces obligations, à ce que
nous en dirons infrà chap. 2. en traitant
en général de l'effet des obligations; nous
obferverons feulement un principe qui
eft particulier à l'effet des contrats & de
toutes les conventions.
Ce principe eft qu'une convention n'a
d'effet qu'à l'égard des chofes qui ont fait
l'objet de la convention , & feulement
entre les parties contractantes. Animad-
venendum eji ne conventio in alla re facla.
aut cum alla pafond , in aliâ re 9 aliâve
petfond noceat. L. ij. §, 4. ff. de paciis.
86. La raifon de la première partie de
ce principe eft évidente. La convention
étant formée par la volonté des parties
contractantes , elle ne peut avoir d'effet
que fur ce que les parties contractantes
ont voulu 3 & ont eu en vue.
E vj
io8 Tr. des Oblig.
On peut apporter pour exemple de cet-
te première partie de ce principe , les fti-
pulations de propres. Lorf qu'en apportant
par mon contrat de mariage une certaine
Jomme à la communauté, j'ai ftipulé que
le furplus de mes biens me demeureroit
propre ; cette convention n'aura pas l'ef-
fet d'exclure de la communauté , le mo-
bilier des fuccefÏÏons qui m'écherront
pendant le mariage ; parce qu'elle n'a eu
pour objet que d'exclure de la commu-
nauté le furplus des biens que j'avois lors
démon mariage. Voye^ d'autres exemples ,
in l. 27. §. 7. /. 47. §. .1. /. 56, if. depac-
tis & pajjîm.
87- La raifon de la deuxième partie du
principe n'eft pas moins évidente ; l'obli-
gation qui naît des conventions, & le
droit qui en réfulte étant formés par le
eonfentement & le concours des volon-
tés des parties , elle ne peut obliger un
tiers , ni donner de droit à un tiers, dont
la volonté n'a pas concouru à former la
convention.
La loi 2 J. cod. de paciis , nous fournit
un exemple de cette féconde partie de
notre principe. Je fuis convenu avec mon
cohéritier qu'il fe chargeroit feul d'une
certaine dette de la fucceffion ; cette con-
vention n'empêchera pas le créancier de
cette dette de l'exiger de moi, à raifort
P A R T. I. CHAP. î. 109
de la part pour laquelle je fuis héritier ;
car cette convention ne peut avoir aucun
erFet vis-à-vis de ce créancier qui n'y étoit
pas partie. Dzbitorum paclionibus , credi-
torum paitio nec tolli > nec minui potefî. D,
I. On peut apporter une infinité d'autres
exemples : ce n'eft pas une chofe con-
traire à ce principe , qu'un afîbcié en con-
tractant, oblige fes afîbciés, un prépofé
ion commettant , un mari fa femme ; car
comme nous l'avons vu à l'article précé-
dent , ces perfonnes font cenfées avoir
été elles-mêmes parties contractantes par
le miniftere de leur afîbcié, de leur pré-
pofé , de leur mari.
88. 11 fembleroit qu'on pourroit oppo-
fer avec plus de fondement contre notre
principe , ce qui s'obferve à l'égard des
contrats d'attermoyement, lorfqu'un dé-
biteur qui fe dit hors d'état de faire hon-
neur à (es dettes , a fait une convention
avec les trois quarts de fes créanciers ( ce
qui s'eftime non pro numéro perfonarum ,
fed pro cumulo debiti ). Cette convention
qui contient des termes &c des remifes
accordés au débiteur , peut être oppofée
-aux autres créanciers , quoiqu'ils n'ayent
pas été parties au contrat , & le débiteur
peut , en les aflîgnant , faire déclarer com-
mune avec eux la convention , fauf qu'elle
ne pourra préjudicier à leurs hypothe-
ïio Tr. des Oblig,
ques & privilèges , s'ils en ont. Voye^
l'Ordonnance de 1673. tltt ^CI* artt ^' ^'
7. 8. & L. 7. §. /£. L. 8.L. g.L. 10.ff.de
pacl. ^
Ceci n'eft pourtant pas proprement
une exception à notre principe ; car ce
n'eft pas la convention faite avec les trois
quarts des créanciers , qui oblige per fe y
par rçlle-même & par fa propre vertu , les
autres créanciers , qui n'ont point été par-
ties , à faire les remifes qui y font por-
tées ; cette convention ne fert qu'à faire
connoïtre au juge, que c'eft l'intérêt com-
mun dés créanciers que cette convention
foit exécutée par tous les créanciers ; la •
préfomption étant que ce grand nombre
de créanciers ne s'eft réuni à accorder
ces remifes , que parce qu'il étoitdel'in-
térêt^ommun des créanciers de les accor-
der , pour avoir le paiement du reriant ;
& comme il n'eft pas jufte que la rigueur
de quelques créanciers nuife à l'intérêt
commun des créanciers , le Juge les con-
damne à accéder à la convention , &c à
accorder au débiteur les remifes &tes ter-
mes qui y font portés : m^is ce n'eft pas
la convention à laquelle ils n'ont pas été
parties , qui les oblige à accorder ces re-
mifes & ces termes ; c'eft l'équité feule
qui forme en eux cette obligation , & qui
les oblige à accéder à cette convention y
Par t. I. C h a p. I. nr
étant contre l'équité, que par une rigueur
contraire à leurs propres intérêts , ils em-
pêchent l'avantage commun des créan-
ciers.
89. Notre principe , que les conven-
tions n'ont d'effet qu'entre les parties
contractantes , lbuffre une efpece d'excep-
tion à l'égard des cautions ; car les con-
ventions qui interviennent entre les créan-
ciers Se le débiteur principal , profitent
aux cautions , quoiqu'elles n'y ayent pas
été parties ; &c elles leur font acquérir
contre le créancier, les mêmes droits-,
qu'elles font acquérir au débiteur princi-
pal. Nous en verrons laraifon infrap. 2.
ch. G.
90. Notre principe fouffre encore une
autre efpece d'exception , à l'égard des
fubiiitutions portées par un acte de do*
nation entre-vifs : car lors de l'événement
qui y donne ouverture , les peribnnes ap-
pellées à ces fubftitutions , quoiqu'elles
n'ayent pas été parties dans Facle qui les
renferme , acquièrent le droit de deman-
der au donataire qui en eft grevé , ou à fa
fuccefîion , les chofes qui y font compri-
fes : voyez ce que nous avons dit,fufrà
en l'article précédent §. 3.
in Tr. des Oblis,1
Article VIL
Règles pour l'interprétation des Conventions,
Première Règle.
91. On doit dans les Conventions ré-
chercher quelle a été la commune inten-
tion des parties contractantes, plus que
le fens grammatical des termes.
In conventionibus contrahentium volun-
tatem potins , quam verbafpeclari placuit ,
L.zicj.jf. de verbor.Jignif.
Voyez un exemple de cette règle dans
la loi citée.
En voici un autre : vous teniez à loyer
de moi un petit appartement dans une
maifon dont j'occupois le reile ; je vous
ai fait un nouveau bail en ces termes ij'ai
donné a loyer à un tel MA MAISON pour
tant d'années , pour le prix porté au précédent
bail : ferez- vous fondé à prétendre que }e
vous ai loué toute ma maifon ? Non ; car
quoique ces termes ma maifon , dans leur
fens grammatical , lignifient la maifon en-
tière & non un (impie appartement ; néan-
moins il efl vifible que notre intention
n'a été que de renouveller le bail de l'ap-
partement que vous teniez de moi , Se
cette intention dont on ne peiVt douter
doit prévaloir aux termes du bail.
p a r t. i. c h a p. i. 1 1 j
Seconde Règle.
91. Lorfqu'une claufe eft fufceptible
de deux fens , on doit plutôt l'entendre
dans celui dans lequel elle peut avoir
quelque effet , que dans celui dans le-
quel elle n'en pourroit avoir aucun.
Quoties in fiipulationibus ambigua or a*
tïo cfi , commodijjimum efi id accipi quo res
de qua agitur in tutb fit y L. 80. de verb»
oblig.
Par exemple ; s'il eft dit à la fin d'un
a&e de partage : il a été convenu entre Pierre
& Paul , que Paul pourroit pajjer fur fes
héritages ; quoique ces termes fes hérita-
gts , dans le fens grammatical , puiflent
s'entendre aufîi bien de ceux de Paul , que
de ceux de Pierre ; néanmoins il n'eft pas
douteux qu'ils doivent s'entendre de ceux
de Pierre ; autrement la claufe n'auroft au-
cun effet ; Paul n'ayant pas eu befoin de
ftipuler qu'il pourroit paffer fur fes pro-
pres héritages.
Troisième Règle.
9^. Lorfque dans un Contrat , des ter-
mes font fufceptibles de deux fens , on
doit les entendre dans le fens qui convient
le plus à la nature du Contrat.
îi4 Tr. des Oblig.
Par exemple , s'il étoit dit par un acte 9
que je vous ai loué pour neuf ans un cer-
tain héritage pour la lomme de 300. liv.
tes termes , Lafomme de 300. liv. ne s'en-
tendent pas d'une fomme de 300. liv. une
fois payée , mais d'une fomme annuelle
de 300. liv. pour chacune des neuf an-
nées que durera le bail , étant de la natu-
re du Contrat de louage , que le prix con-
fifte dans une ferme annuelle.
Il en feroit autrement s'il étoit évident
que la fomme de 300. liv. eft la valeur
des neuf années de ferme , puta , parce
que par les baux précédents , l'héritage
n'avoit été affermé que pour le prix de
30. ou 40. livres de ferme annuelle.
Voici un autre exemple de la règle : par
un bail à ferme , il efl dit , que je vous ai
loué un certain héritage à la charge de
300. liv. de ferme aunuelle , & des répa-
rations ; ces termes & des réparations ;" doi-
vent s'entendre des locatives ; les fermiers
&: locataires n'étant tenus que de celles-
là , fuivant la nature du Contrat.
Quatrième Règle.
94. Ce qui peut paroître ambigu dans
un Contrat , s'interprète , par ce qui efl
d'ufage dans le pays \Jemper in ftlpulatio-
nibus & in cœteris contratîibus id fequimur
P A R T. I. C H A P. I. 1 1 ?
4juod aclum efi , aut jl non appanat quod
aclum cfl , erit confequcns ut id fequamur
quodinregionc in quâ aclum cjlfrcqucntatur9
L. 34. ffl de regulis Juris.
Suivant cette règle , fi j'ai fait marché
avec un vigneron à une «certaine fomme
par an , pour cultiver ma vigne , fans
m'expliquer fur le nombre de labours
qu'il donneroit , nous fommes cenfés être
convenus qu'il donneroit le nombre de
labours , qu'on a coutume de donner dans
le pays.
Cinquième Règle.
95. IAifage efl d'une fi grande autorité
pour l'interprétation des conventions ,
qu'on fous-entend dans un Contrat les
claufes qui y font d'ufage , quoiqu'elles
ne foient pas exprimées , In contraclibus
tacite veniunt ea quœ funt moris & corz-
fuetudinis.
Par exemple , dans le Contrat de loua-
ge d'une maifon , quoiqu'on n'ait pas ex-
primé que le loyer feroit payable par
demi-termes , à la St. Jean & à Noël , &
que le locataire feroit obligé à faire les
réparations locatives , ces claufes y font
fous-entendues.
Pareillement dans un contrat de vente,
quoique la çlaufe que le vendeur fera te-
ti6 Tr. des Oblig;
nu de défendre &de garantir l'acheteur J
des évitions , n'y foit pas exprimée , el-
le y en1 fous-entendue.
Sixième Règle.
96. On doit interprêter une claufe ,
par les autres claufes contenues dans l'ac-
te , foit qu'elles précédent , ou qu'elles
fuivent.
La loi, 126. ff. de verb.Jign. fournit
un exemple de cette règle. Dans l'efpece
de cette loi , il étoit dit dans un contrat
de vente , par une première claufe , que
l'héritage étoit vendu uti optityus maxi-
mus , c'eft-à-dire , franc de toutes charges
réelles : par une féconde claufe , il étoit
dit , que \t vendeur n'entendoit être ga-
rant que de fes faits : cette féconde claufe
fert à l'interprétation de la première, &
en reftraint la généralité des termes à ce
fens ; que le vendeur , par cette première
claufe , n'a entendu promettre & afTurer
autre chofe , finon qu'il n'a voit impofé
aucunes charges fur cet héritage , & qu'il
étoit franc de toutes celles qu'il eut pu
y impofer , mais non pas afTurer qu'il fut
franc de celles qui avoient été impofées
par fes auteurs dont il n'avoit pas de c$n-
noifiance.
p\
Part. I. C h a p. I. 117
Septième Règle.
97. Dans le doute , une claufe doit
s'interpréter contre celui qui a ftipulé
quelque chofe , & à la décharge de celui
qui a contracté l'obligation.
In fiipulaùonlbus cum quxrltur quld
aclurn fit , vtrba centra Jllpulatorem in-
urpretandafunt, L. 38. §• 18. ffi. de verb,
oblig.
Fere fuundùm promiffbrem interpretamur.
L. 99.^ d. tit. Le créancier doit s'impu-
ter de ne s'être pas mieux expliqué.
Par exemple , fi par un bail à ferme il
étoit dit que le fermier livreroit au bailleur
en certain temps, une certaine quantité de
bled de ferme annuelle , fans qu'il fut dit
où la tradition de vroit s'en faire , la claufe
doit s'entendre en ce fens qu'elle devra
fe faire en la maiion du fermier , à ceux
qui y viendront chercher le bled de la
part du bailleur ; ce fens étant celui qui
eft le plus à la décharge du fermier qui
a contracté l'obligation. Lorfque le bail-
leur veut que le bled lui foit rendu dans
le grenier, il doit s'en expliquer parle
bail.
Huitième Règle.
98. Quelque généraux que foient les
n8 Tr. des Oblige
termes dans lefquels une Convention efl
conçue , elle ne comprend que les chofes
fur lefquelies il paroît que les parties con-
tractantes fe font propofé de contracter ,
&: non pas celles auxquelles elles n'ont
pas penlé. Inïquum eji perimi pacfo ? id de
quo cogitatum non efl , L, y. §. fin, ffl
de tranf.
Suivant cette règle fi nous avons tran-
figé enfemble fur toutes nos prétentions
refpectives , & que nous en ayons com-
pote à une fomme que vous vous êtes
obligé de me payer ? au moyen de quoi
nous nous fommes tenus quittes de part
& d'autre de toutes chofes : cette tran-
fadlion ne préjudicie pas aux droits que
j 'a vois contre vous , dont je n'a vois pas
pu avoir connoiiTance lors de la tranfac-
tion. His tantùm tranfaciio obejî de quibus
aclum probatur : non porrlgitur ad ea quo~
rum acliones competere pojlcà compertum
cfi , d. L 9. §. fin.
Par exemple , fi un légataire a compo-t
fé avec l'héritier à une fomme pour fes
droits réiultans du teftament du défunt,
il ne ïera pas exclus de la demande d'un
autre legs à lui fait par uu codicile qui
n'a paru que depuis la tranfa&ion , Z. 3«
§. 1. L. 12. ffl de trqnfacl.
Part. I. C h a p. I. ïi$^
Neuvième Règle.
99. Lorfque l'objet de la convention ^
eft une univerfalité de chofes , elle com-
prend toutes les chofes particulières qui
composent cette univerfalité , même cel-
les dont les parties n'avoient pas de con-
noiflance.
On peut apporter pour exemple de
cette règle , la convention par laquelle je
compofe avec vous , à une certaine fom-
me , pour vous abandonner ma part dans
une hérédité; cette convention comprend
toutes les chofes qui en font partie , foit
qu'elles ayent été ou non à notre connoif-
fance , notre intention ayant été de trai-
ter de tout ce qui la compofoit ; c'efl
pourquoi il eft décidé que je ne puis pas
être admis à revenir contre la convenu
tion , fur le prétexte qu'il s'eft trouvé
depuis la convention, beaucoup de cho-
fes dépendantes de la fuccefïion , qui n'é-
toient pas à ma connoifTance. Sub prœ-
textu fpecierum pofi repertarum , generall
tranfaciione finita refcindi prohibent jura 9
L. 29. cod. de cran/ a ci.
Pourvu néanmoins que ces chofes nç
m'ayent pas été cachées par mon cohé-
ritier , avec qui j'ai traité de ma part en
la fuccefïion , 6c qui avoit ces chofe%
iiô Tr. des Oblige
pardevcrs lui; car en ce cas, c'eftun
dol de fa part qui donne lieu à revenir
contre la convention ; c'eft pourquoi il
eft dit en la même loi : error circà pro-
prietatem rei apud alium EXTRA PERSO*
NAS TRANSIÇENTIUM , tempore tran*
factionis , confiitutœ , nilùl potefl nocere.
Notre règle étant fondée fur la pré-
fomption que les parties qui traitent d'une
univerfalité de chofes , ont intention de
traiter de toutes les chofes qui la compo-
fent , foit qu'elles en ayent connoif-
fance ou non ; elle fouffre exception ,
lorfqu'il p'aroît au contraire , que les par-
ties n'ont entendu traiter que des chofes
contenues fous cette univerfalité , qui
étoient à leur connoiffance ; comme lors-
qu'elles ont traité relativement à un in-
ventaire ; putà , fi par un acle entre mon
cohéritier & moi , il eït dit que je lui cède
pour une certaine fomme , ma part dans
tout le mobilier de la fuccefîion compris
dans l'inventaire ou fuivant l'inventaire ;
il eft clair en ce cas que notre intention
n'a été de traiter que de ce qui eft com-
pris dans l'inventaire , &c non de ce qui
a été omis , &c n'étoit pas encore à notre
connoiffance,
Dixième
P A R T. I. C H A P. I. î 1$
Dix.ieme Règle.
ioo. Lorfque dans un contrat on a ex-
prime un cas , pour le doute qu'il auroit
pu y avoir , fi rengagement qui réfulte
du contrat s'étendoit à ce cas ; on n'eft
pas cenfé par là avoir voulu reftreindre
l'étendue , que cet engagement a de droit,'
à tous ceux qui ne font pas exprimés.
Quœ dubitationis tolUndœ caufd , con~
tracllbus inferuntur , jus commune non Ice»
dunt , L. Xi.jflde regu/is juris ? L. (£•
Mand.
Voyez un exemple de cette règle en
la fufdite loi 56. d'où elle eft tirée : en
voici un autre. Si par un contrat de ma-
riage il eft dit ; Les futurs époux feront
en communauté de biens , dans laquelle
communauté entrera le mobilier des fuc-
cefîions qui leur écheront; cette claufe
n'empêche pas que toutes les autres cho-
fes qui de droit commun entrent dans la
comunauté conjugale , n'y entrent , n'é-
tant ajoutée que pour lever le doute que
les parties peu inftruites ont cru qu'il
pourroit y avoir , û le mobilier des fuc-
se fiions y de voit entrer.
Tome /,
f!2 Tr. des Oblig.
Onzième Règle.
ioi. Dans les contrats, de même que
dans les teftamens , une claufe conçue au
pluriel , fe diftribue fouvent en plufieurs
claufe s fingulieres.
Par exemple , û par le contrat de do-
nation que j'ai fait à Pierre & à Paul
mes domeftiques , d'un certain héritage ,
il eft dit , à la charge qu après leur mort
fans enfans , ils le ref hueront au dona-
teur ou à fa famille ; cette claufe conçue
au pluriel, fe diftribue en ces deux claufes
fingulieres , à la charge que Pierre après
fa mort fans enfans , refituera V héritage
pour la part qu'il a eu , au donateur , &c,
& pareillement , à la charge que Paul après
fa mort fans enfans , refituera , &c, Arg.
L. 78. §. 7. ff. ad fc. Trebel.
Douzième Règle.
102. Ce qui eft à la. fin d'une phrafe
fe rapporte ordinairement à toute la
phrafe , & non pas feulement à ce qui
précède immédiatement, pourvu néan-
moins que cette fin de phrafe , con-
vienne en genre & en nombre à toute la
phrafe.
Par exemple , fi dans le contrat de
Part. I. C h a p. t. 113
vente d'une métairie, il eu dit qu'elle efl
vendue avec tout ce qui s'y trouve de
bleds , menus grains , fruits , & vins ,
qui y ont été récoltés cette année , ces
termes , qui y ont été récoltés cette année -,
fe rapportent à toute la phrafe , & non
pas feulement aux vins ; & en confé-
quence les bleds vieux ne font pas moins
exceptés de la vente que les vins vieuXé
Il en feroit autrement s'il étoitdit, & le
vin qui y a été recueilli cette année ; ces
termes , qui y a été recueilli cette année ,
qui font au fmgulier , ne fe rapportent
qu'au vin , & non pas au refle de la phrafe,
n'étant pas concordans en nombre. V, in
Pand. Jujlin. tit. de leg. n, 189. & 190,
Article VIII.
Du ferment que les parties contractantes
ajoutent quelquefois à leurs conventions.
103. Les Parties contra clames em-
ployent quelquefois le ferment pour afïii-
rer davantage l'accomplifTement futur des
engagemens qu'elles contractent.
Le ferment dont il efl ici queflion efl:
un a£te religieux par lequel une perfonne
déclare qu'elle fe foumet à la vengeance
de Dieu , ou qu'elle renonce à fa mifé-
ricorde , fi elle n'accomplit pas ce qu'elle
F ij
124 Tr. des Obltg."
a promis ; c'eft ce qui réiulte de ces for*
mules j ainfi Dieu me foit en garde ou en
aide : je veux que Dieu me punijje Ji jz
manque a ma parole 9 &c.
104. Les prétentions des gens d'Eglife
avoient autrefois rendu bien commun
l'ufage du ferment dans tous les contrats ;
ils prétendoient que la connoiflance de
toutes les contestations fur l'exécution
des contrats qui étoient confirmés par
ferment appartenoit au juge d'Eglife ; par*
ce que le ferment étant un acle de reli-
gion , oc le refus d'exécuter une obliga-
tion confirmée par ferment , étant un vio-
lement de la religion du ferment , la re«
Ik'.ion paroiffoit intéreffée dans les con-
têftations fur l'exécution de ces engage-
mens , ce qui devoit les rendre de la
compétence du juge d'Eglife.
C'eft pourquoi les Notaires qui étoient
gens d'Eglife , ne manquoient pas d'infé-
rer dans les contrats qu'ils paffoient, que
les parties avoient fait ferment de ne con-
trevenir à aucune claufe du contrat &
de les exécuter fidèlement , afin d'affii-
rer aux Jnçes d'Eglife la connoiflance de
l'exécution du contrat : ce ftyle fe voit
encore dans plufeurs anciens a£tes.
Il y a très-long-temps que les gens d'Egli-
fe ont été forcés d'abandonner ces préten-
4Jgns auxquelles l'ignorance avoitdonnq
Part. I. Chap. I. ny
lieu ; Se l'ufage des fermens a ceffé clans
les contrats dos particuliers ; néanmoins
comme il arrive encore quelquefois que
des personnes empîoyent le ferment pour
afîiirer l'accompliftement futur de leurs
promettes ; il ne fera pas hors de propos
d'examiner fommairement quel peut être
l'effet de ce ferment.
105. Ce ferment n'a que peu ou point
d'effet dans le for extérieur; car , ou l'o-
bligation eft. valable par elle-même dans
le for extérieur ,ou elle ne l'eftpas ; lorf-
qu'elle eft valable par elle-même , le fer-
ment ëft ftiperftu ; puifque fans qu'il inter-
vienne , le créancier envers qui elle a été
contractée , a action contre fon débiteur
pour en exiger l'accompliffement ; le fer-
ment n'ajoute rien à cette action, & ne
donne pas plus de droit au créancier ,
qu'il en auroit eu , s'il n'eût pas été inter-
pofé.
Lorfque l'obligation par elle-même
n'eft pas valable dans le for extérieur , 6c
eft de celles pour lefquelles la Loi civile
a jugé à propos de dénier Faction , le fer-
ment eft pareillement de nul effet dans le
for extérieur ; caria loi civile n'en dénie
pas moins l'action au créancier.
Par exemple, un cabaretier ne laifTe
pas d'être non-recevable à demander en
juftice à des domiciliés le payement des
F iij
n6 Tr. des Oblig.
dépenfes faites en fon cabaret; un joueur
ne laiffe pas d'être non-recevable à de-
mander le payement d'une dette, du jeu ;
quoique dans Fun & dans l'autre cas le
débiteur fe foit obligé par ferment de
payer. La raifon eu que le ferment étant
un acceffoire de l'engagement y la loi qui
réputé nul l'engagement , doit par une
conféquence néceffaire réputer nul le fer-
ment , fuivant cette règle de droit : quum
principalis caufa non confijlit ; ne ea quident
quœ fequuntur locum habent y L. 129. §. 1.
g.dtRIJ.
Ajoutez qu'il ne doit pas dépendre des
particuliers en interpofant le ferment , de
rendre valables des engagemens , que la
loi civile a jugé à propos de réprouver f
&: d'éluder par ce moyen la loi.
106. Suivant les loix Romaines , le fer-
ment que Tune des parties fait d'entrete-
nir la convention , n'a à la vérité aucun
effet \ lorfqu'elle efl nulle, par rapporta
ce qui en efl l'objet , qui eft en foi quel-
que chofe d'illicite , L. 7. §. / G.ff. depaci.
ou par rapport à la violence qu'on y a
employé , auth. Sacramenta ? cod. jî adv.
vend. Mais lorfqu'elle n'efl: attaquable que
pour caufe de minorité de l'une des par-
ties contractantes, le ferment que le mi-
neur , qui a exécuté la convention , fait de
pe pas fe pourvoir contre , a l'effet de l'y
P A R T. I. CHAP. I. 1 1?
rendre non-recevable. C'eft ce que décide
Alexandre Sévère, dans Pefpece de la
vente d'un héritage faite par un mineur,
qui s'étoit engagé envers l'acheteur, de ne
pas revenir contre : me perfidiœ , lui ré-
pond l'Empereur, neeperjurii mcauthorem
tibi futuriim fperarc debuifli , L. i. cod. Ji
adv. vend.
Automne , fur cette loi nous apprend ,
que cette décifion n'eft pas fuivie dans
notre pratique Françoife ; la raifon eft
qu'autrement les loix qui fubviennent aux
mineurs, feroient toujours éludées , étant
facile à ceux qui contractent avec eux de
leur faire interpofer ce ferment. La coutu-
me de Bretagne, art. 471. décide for-
mellement que les contrats des mineurs
ne font pas valables par leur ferment.
C'eft principalement dans le for de la
confeience , que le ferment par lequel
quelqu'un s'eft engagé à l'accompliffe-
ment de ce qu'il a promis , peut avoir
quelque effet. Il a cet effet de rendre
plus étroite l'obligation , & de rendre
plus coupable celui qui y conrevient ; car
celui qui s'étant engagé par ferment man-
que volontairement à fon engagement ,
ajoute à l'infidélité qui réfulte de toute
contravention volontaire à un engage-
ment , le crime de parjure.
1 07. Le ferment a cet effet , lorfque
F iv
»i$ Tït. dés Oblig;
l'engagement eu en foi valable , au moïrlj
dans le for de la confcience ; mais fi l'en-
gagement étoit nul , même dans le for
«de la confcience , le ferment qu'on auroit
fait de l'accomplir fera-t-il nul. ? C'ell: ce
que nous allons examiner en parcourant
les difFérens vices qui peuvent rendre
nuls les engagemens.
Lorfque l'engagement eu nul par rap-
port à ce qui en fait l'objet ; putà ; lorf-
que quelqu'un s'eft obligé a donner une
chofe qui eft hors du commerce ; ou lorf-
qu'il s'eft obligé à faire quelque chofe qui
cfl impoffible ; il eu évident que le fer-
înent qu'on a fait de l'accomplir , ne peut
pas être obligatoire , ni avoir aucun effet.
Tous conviennent aufîi que le ferment
d'accomplir un engagement illicite , n'eft
pas obligatoire, qu'on pèche en faifant
ce ferment , & qu'on pécheroit double-
ment en l'accompliffant : en ce cas fce-
lus ejl fi de s.
Cette décifion a lieu , non-feulement
lorfque la chofe eu illicite par le Droit
naturel ; mais même lorfqu'elle eu illicite
par le Droit civil ; car nous fommes obli-
gés en confcience d'obéir à la loi civile ,
& le ferment ne peut nous difpenfer de
cette obligation.
Lorfque le vice d'erreur dont nous
avons traité fu'pxà , art. 3. §. j^t rend la
Part T. C h xp. I. 129
convention nulle , elle rend pareillement
nul le ferment dont elle feroit accompa-
gnée : car la convention étant abfolument
nulle , il i-Cen peut naître aucun engage-
ment que le ferment puiffe confirmer.
108. Il y a plus de difficulté à l'égard
d'un vice de violence. Grotius convient
qu'une promerle qui a été extorquée par
une violence injurie, n'oblige point celui
.qui l'a faite , à l'accomplir ; parce que ,
quand il feroit vrai qu'il naîtroit de cette
promeiTe une obligation qui donneroit
un droit contre moi à celui à qui je l'ai
faite -, il feroit de fon côté , pour répara-
tion de la violence injuile qu'il a exercée
contre moi , tenu de m'acquitter. Mais
îorfque cette promefTe extorquée par
une violence injurte , a été confirmée par
ferment 9 quoique pareillement extorqué ,
Grotius prétend que je fuis en confcien-
ce obligé de la tenir; £>arce que fi je ne
fuis pas obligé de la tenir vis-à-vis de
celui à qui je l'ai faite , par les raifons ci-
deflus rapportées, je m'y trouve obligé en-
vers Dieu , à qui je fuis cenfé l'avoir pro-
mis par le ferment que j'ai fait ; c'eft pour-
quoi fi je n'accomplis pas cette promerTe,
lorfqu'il efl en mon pouvoir de le (aire ,
je me rends coupable de parjure. G rot,
Lib. z. ckap. 13. n. 14.
Le même Auteur obferve que l'héritier
Fv
130 Tr. des Oblig.
de celui qui a fait ce ferment n'eft pas te-
nu de l'obligation qui en réfulte ; parce
que mon héritier qui fuccede à ma per-
fonne civile , & qui me repréfente entant
que membre de lafociété civile , fuccede
bien à mes obligations contractées envers
les hommes dans le commerce de la fo-
ciété civile ; mais il ne fuccede pas à mes
obligations envers Dieu. lbid. n. 17.
109. St. Thomas , 1 1 . 2. Q. 89. art. 7.
a aum* penfé qu'une promette , quoiqu'ac-
compagnée de ferment, n'étoit pas à la
vérité obligatoire vis-à-vis de celui qui
l'a voit extorquée par une violence in-
jufte , mais qu'elle l'étoit devant Dieu Se
dans le for de la confcience ; que cette
obligation n'étoit pas à la vérité fondée
fur aucun vœu ou fur aucune promeffe ,
mais qu'elle étoit fondée fur le refpeéï
dû au faint nom de Dieu qui étoit violé ,
lorfque nous n'accomplifîions pas ce
que nous avions promis par ce faint
nom.
Il apporte néanmoins ce tempérament ,
qu'après que j'ai fatisfait à mon ferment
«n payant la chofe que l'on m'a forcç
de promettre par ferment, je peux en
pourfuivre en juftice la répétition , fi
je peux prouver la violence qu'on m'a
faite.
Ce tempérament fouffre difficulté ; car
Part. I. Chap, ï. 131
eft-ce véritablement payer une chofe Ô£
Satisfaire à fbn ferment, que de la payer dU
cis causa, & dans l'intention de répéter
ce qu'on a payé ? C'eft pourquoi Grotius
réfute ce fentiment. Probare non pojjum ,
dit-il , quod à quibufdam traditum ejl , eum
qui prœdoni quicquam promiferit , momen-
tanée Jolutione pojje defungi ; ità ut liceat
quod folvit recuperare ; verba enim jura-
menti quoad Deum Jîmplicijjîmï , & cum
ejfeclufunt accipienda. d. cap. 13. n, 15.
1 1 o. Les Papes ont auïîi décidé qu'une
promette accompagnée de ferment , quoi-
qu'extorquée par une violence injurie ,
obligeoit devant Dieu ; c'eïr. la décifion
d'Alexandre III. au ch. 8. extra de jurejur.
Céleftin III. ch. 15. d. t. dit que les Papes
lorfqu'ils abfolvent du viole ment de ce
ferment , n'entendent pas porter ceux qui
ont fait de pareils fermens à les violer ,
mais feulement ufer d'indulgence pour ce
violement , qui doit être traité avec l'in-
dulgence que méritent les fautes véniel-
les , & non pas puni avec la rigueur que
méritent les fautes mortelles. Non eis di-
caïur ut juramenta non fervent ^fidji non ea
atunderint , non ob hoc tanquam pro mor~
tali crimine puniendi.
ni. Pufendorf IV. 2. 8. penfe au
contraire qu'une promefle extorquée par
violence, quoique confirmée par ferment,
F vj
132 T r; des Oblige
n'eft pas plus obligatoire devant Dietï
que devant les hommes. Ses raifons font ,'
1 °. qu'un tel ferment , lorfqu'il eu adreffé
à la perfonne à qui je promets une chofe,
n'eft qu'une attefïation folemnelle &c re-
ligieufe de ta promefie que je fais à cette
perfonne ; mais ce n'efl pas un vœu j il
ne contient pas une promefTe particulière
que je faffe à Dieu d'accomplir la promef-
fe que j'ai faite à cette perfonne , ni par
conféquent aucune obligation envers
Dieu. 2a. Quand même on concevroit
dans ce ferment ? une efpece de vœu que
je ferois à Dieu d'accomplir la prtfmefTe
que j'ai faite ; ce vœu ne feroit.pas obli-
gatoire envers Dieu ; car de même que
les promeifes qu'on fait aux hommes , ne
font obligatoires qu'autant} qu'elles font
acceptées par ceux à qui on les fait ; de
même les vœux que l'on fait à Dieu y
n'obligent point envers Dieu , qu'autant
qu'on peut croire que Dieu les agrée &
les accepte: or peut -on croire que ce
foit une chofe agréable à Dieu, & que
Dieu agrée , qu'un innocent fe dépouille
de fes biens au profit d'un fcélérat , qui
a extorqué fa promeffe , par une violence
injufte qu'il lui a faite.
A l'égard du refpeft dû au faint Nom
de Dieu , fur lequel faint Thomas fonde
l'obligation de tenir ce qui a été promis
Part. T. CffAi». T. il*
** If/
par ferment; on ne peut pas à la vérité
diiconvenir que c'eït manquer au reipecl
du au faint Nom de Dieu , &c pécher griè-
vement, que de promettre avec ferment,
quoique par violence , ce qu'on n'a pas
intention de tenir; puifque c'eft faire fer-
vir le faint nom de Dieu à un menfonge *
& Pufendorf n'en fçauroit difconvenir.
Mais après que ce ferment a été fait ,
foit que la perfonne eût véritablement
alors l'intention d'accomplir fa promette ,
auquel cas il n'y a pas eu de péché*, foit
que dès ce terrtps , elle n'eût pas cette in-
tention , auquel cas elle a péché en faifant
ce ferment ; le violement de ce ferment
ne paroît pas à Pufendorf être de même
un péché , & une chofe contraire au cul-
te de Dieu. Le repentir que doit avoir
la perfonne d'avoir fait le ferment , avec
intention de ne pas tenir fa promette ,
peut paraître exiger qu'elle donne ce
qu'elle a promis ; 6c dans le cas auquel
elle avoit alors l'intention de le donner,,
la crainte qu'elle peut avoir de fcandalifer
les foibles , peut aufli la porter à donner
ce qu'elle a promis de donner ; mais dans
ces cas , Pufendorf penfe qu'elle fera
mieux de l'appliquer à des œuvres pies ,
que de le donner à celui qui a extorqué
dVJe^la promette qu'elle lui a faite ; à
qui cela n'ett pas dû , &c qui s'en fer vir oit
pour continuer fes crimes,
134 Tr. des Oblig,
i 1 2. Il nous refte à dire un mot du
dol. Il n'eft pas douteux qu'une promette,
quoiqu'atteftée par ferment , qui m'a été
furprife par le dol de celui à qui je l'ai
faîte , n'eft pas plus obligatoire vis-à-vis
de lui , que le feroit une promette extor-
quée par violence ; car fon dol ne l'oblige
pas moins envers moi à m'en acquitter,
que l'y obligeroit la violence. Mais ce
ferment oblige-t-il devant Dieu à tenir fa
promette ? Dans le fyftême de Pufendorf
qui penfe que celui extorqué par vio-
lence , n'oblige pas ; celui-ci ne doit pas
obliger non plus. En adoptant le fenti-
ment de Grotius , & des autres qui pen-
fent que le ferment extorqué par vio*
lence oblige , il n'en faut pas toujours
conclure que celui qui a été furpris par
le dol de celui à qui la promette a été
faite , oblige pareillement ; car lorfqu'il
eft confiant que ce ferment a pour fonde-
ment la fairtTe fuppofition de quelque
fait , fans quoi la promette n'auroit pas
été faite; Grotius ibid. n, 4. convient que
le ferment n'a aucun effet même devant
Dieu. La raifon de cette différence eft
que celui qui promet ? quoique contraint,
promet abfolument y & fans faire dépen-
dre fa promette d'aucune condition; au
lieu que celui-ci a intention de faire dé-
pendre fa promette en quelque façon de
Part. I. Chap. I. rj?
la vérité du fait qu'il fuppofe , & qui y
iert de fondement.
Section II.
Des autres caufes des Obligations.
§. i.
Des quafi- Contrats,
. 1 1 3» On appelle quafi-Contrat , le fait
d'une perfonne permis par la loi , qui
l'oblige envers un autre , ou oblige une
autre perfonne envers elle , fans qu'il in-
tervienne aucune convention entr'elles.
Par exemple , l'acceptation qu'un héri*
lier fait d'une fucceffion efl: un quafi-Con-
trat vis-à-vis des légataires ; car c'eft un
fait permis par les Ioix , qui oblige cet
héritier envers les légataires, à leur payer
les legs portés par le teftament du dé-
funt, fans qu'il foit intervenu aucune con-
vention entre cet héritier , & les léga-
taires.
Un autre exemple de quafi-Contrat,
c'eft lorfque quelqu'un paye par erreur
de fait, une chofe qu'il ne doit pas. Le
paiement de cette chofe eft un fait qui
oblige celui qui l'a reçue , à la rendre à
celui qui l'a payée ; quoiqu'on ne puiffe
pas dire qu'il foit intervenu en ce cas en-
tr'eux aucune convention pour la restitu-
tion de cette chofe,
£?£ Tr, 0és Oblig;
La geflion que quelqu'un fait des. affai-
res d'un abfent qui ne l'en a point char-
gé , eu aufïl un quafi- Contrat qui l'oblige
à en rendre compte , fk oblige l'abfent
envers lui à l'indemnifer de K>ut ce qu'il
a débourfé.
Il y a quantité d'autres exemples de
quafi-Contrats que nous pailbns fous fi-
lence.
114. Dans les contrats, c'efl le con-
fentement des parties contractantes qui
produit l'obligation ; dans les quafi-Con-
trats , il n'intervient aucun confentement,
& c'eil la loi feule ou l'équité naturelle
qui produit l'obligation , en rendant obli-
gatoire le fait d'où elle réfuîte. C'efl pour
cela que ces faits font appelles quafi-Con*
trats ; parce que fans être des contrats ,
ni encore moins des délits , ils produifent
des obligations comme en produifent les
contrats.
115. Toutes perfonnes , même les en-
fans 6c les infenfés qui ne font pas. capa7
blés de confentement, peuvent, par le
quaïi-contrat qui réfulte du fait d'un au-
tre , être oî^ligées envers lui , & l'obliger
envers elles ; car ce n'eil pas le confen-
tement qui forme ces obligations ? & el-
les fe contractent par le fait d'un autre ,
fans aucun fait de notre part. L'ufage de
ïa raifon eft à la vérité requis dans la per?
l'Aftt. I. C tf A P. f. r^'7
nne dont le fait forme un quafi-contrat ,
nais il n'eft pas requis dans les perfon-
ries par qui , ou envers qui , les obliga-
tions qui reluirent de ce fait , font con-
tractées.
Par exemple , fi quelqu'un a géré les
affaires d'un enfant , ou d'un infenfé , cet-
te geftion qui eft un quafi-contrat oblige
cet enfant ou cet infenfé , à tenir compte
à celui qui a géré fes affaires , de ce qu'il
a utilement dépenfé , & oblige récipro-
quement envers lui celui qui a géré (es
affaires , à rendre compte de fa geftion.
Il en eft de même des femmes qui font
fous puiiTance de mari ; elle peuvent de
cette manière être obligées envers les au-
tres , & obliger les autres envers elles,fans
être autorifées de leurs maris ; car la loi
qui leur défend de s'obliger ni de rien faire
que dépendamment de leurs maris, &l avec
leur autorité , n'annulle que ce qu'elles
feroient fans fon autorité , 6c non pas les
obligations qui font formées fans aucua
iait de leur pan.
§. IL
Des Délits & quafï-Dilits.
1 16. Les Délits font la troisième caufe
fepii produit les obligations ? ck les quafi-
JPclits la quatrième.
138 Tr. des Oblig;
On appelle Délit le fait par lequel une
perfonne par dol ou malignité , caufe du
dommage ou quelque tort à un autre.
Le quaJî-Délit eil le fait par lequel une
perfonne fans malignité ? mais par une
imprudence qui n'eft pas excufabîe , caufe
quelque tort à un autre.
1 17. Les Délits ou quafi-Déîits diffé-
rent des quafi-contrats 3 en ce que le fait
d'où réfulte le quaii-contrat eu un fait
permis par les loix, au lieu que le fait qui
forme le Délit ou quafi-Délit , eft un fait
condamnable.
1 1 8. Il réfulte de la définition que nous
avons donnée des Délits &C quafi-Délits,
qu'il n'y a que les perfonnes qui ont l'u-
fage de la raifon , qui en foient capables ;
car celles qui ne le font pas , tels que font
les enfans ék: les infenfés , ne font capa*
blés ni de malignité , ni d'imprudence.
C'eft pourquoi fi un enfant ou un fou
fait quelque chofe qui caufe quelque tort
à quelqu'un , il n'en réfulte aucune obli-
gation en la perfonne de cet enfant ou
de ce fou ; car ce fait n'eft ni un Délit ,
ni un quafi-Délit , puifqu'il ne renferme
ni imprudence, ni malignité , dont ces
fortes de perfonnes ne font pas fufeep-
tibles.
On ne peut pas précifément définir
l'âge auquel les hommes ont l'ufage de
Part. I. Chap. L 139
la raifon , & font par conféquent capa-
bles de malignité , les uns l'ayant plutôt
que les autres ; cela doit s'eflimer par les
circonftances : mais dès qu'une perfonne
a l'ufage de la raifon , & qu'on apperçoit
dans le fait par lequel elle a caufé quel-
que tort à un autre , de la réflexion & de
la malignité , le fait eft un Délit , & la
perfonne qui l'a commis , quoiqu'elle n'ait
pas encore atteint l'âge de puberté , con-
tracte l'obligation de réparer le tort qu'elle
a caufé ; de là naît cette maxime. Nemi-
mm in ddiclis mas txcufat ; l'imprudence
s'excufe bien plus facilement dans les jeu-
nes gens.
1 1 9. Quoique l'yvrefTe faife perdre l'u-
fage de la raifon, une perfoni e ne laifTe
pas d'être obligée à la réparation du tort
qu'elle fait à quelqu'un dans l'état d'y-
vreffe ; car c'eft fa faute de s'être mife
volontairement dans cet état, &c en cela
un homme yvre diffère des enfans Se des
infenfés , auxquels on ne peut imputer
aucune faute.
1 20. Il n'efl pas douteux qu'un inter-
dit pour caufe de prodigalité , s'oblige à
la réparation du tort qu'il caufe par les
délits ou quafi-délits qu'il commet , quoi-
qu'il ne puiffe contracter aucune obliga-
tion en contractant. La raifon de cette dif-
férence eft évidente : ceux avec qui il a
T R. DÈS ÔBLÎG.
contracté doivent s'imputer d'avoir cori^
tracté avec lui , une interdiction étant pu-
blique tk devant par conféquent leur
être connue ; mais on ne peut rien impu-
ter à ceux à qui il a caule quelque tort
par {es délits ou quafi-délits , ils ne doi-
vent pas îbuffrir de fon interdiction , elle
ne doit pas procurer l'impunité de fes
délits. Cette raifqn fert aufîi à décider
qu'un interdit peut être condamné à des
am p. des pécuniaires pour {es délits ou
quàfi~ délits ; contre l'avis de la Gloffe ad
L. fi q7vs 7. cod. unÛ vi ; de Bartoîe ai
L. 1 qui bonis , 6. ff. de verb. obL &l de.
quelques autres Docteurs , qui difent
que poteji quidem fe ob/igare ad pxnam
corpr ralem^fed non ad pœnam puuniariam %
quia resfuas alienare non poteji ; car l'in-
terdiction neft établie que pour l'empê-
cher de contracter témérairement , & non
pour lui procurer l'impunité de fes délits.
Tout ce que nous venons de dire des
interdits reçoit application à l'égard des
mineurs pubères , ou voifins de la puber-
té , qui font encore fous puiffance de
tuteur, fauf que les fautes dimpruden-
ce , que nous appelions quafi-dèlits , s'ex-
Cufent plus facilement dans ces perfonnes,
que dans les majeurs interdits pour pro-
digalité.
m. Non-feulement la perfonne qui a
P ART. ï. C H A P, I. 141
commis le délit ou le quafi-délit , eft obli-
gée à la réparation du tort qu'elle a cau-
ic ; celles qui ont fous leur puiflance cette
peribnne , tels que font les pères , mères,
tuteurs, précepteurs font tenus de cette
obligation , lorique le délit ou quafi-dé-
lit a été commis en leur préfence , &C gé-
néralement lorique pouvant l'empêcher
elles ne l'ont pas fait; mais fi elles n'ont pu
l'empêcher , elles n'en font point tenues,
Nullum crimèn patitur ïs qui non prohiba ,
quum prokiberc non pouji , L. 109. ff. de
TtguL Jur. quand même le délit auroit été
commis à leur vu 6c fçu ; culpd caret qui
feit , fed prohibere non potejl ? L. ^o.ff. d.t.
On rend aufli les maîtres refponfables
du tort caufé par les délits & quafi-délits
de leurs ferviteurs ou ouvriers qu'ils em-
ployent à quelque fervice : ils le font me*
me dans le cas auquel il n'auroit pas été
en leur pouvoir d'empêcher le délit ou
quafi-délit , lorfque les délits ou quafi-
délits font commis par lefdits ferviteurs
ou ouvriers dans l'exercice des fonctions
auxquelles ils font employés par leurs
maîtres , quoiqu'en l'abfence de leurs
maîtres ; ce qui a été établi pour rendre
les maîtres attentifs à ne fe fervir que
de bons domefHques.
A l'égard des délits ou quaf -délits^
commettent hors de leurs fonction!
maîtres ïïqïi font point refponfabh
142 Tr. des Oblig.
i 22. Obfervez que ceux qui font tenus
de l'obligation d'un délit commis par une
autre perfonne, auquel ils n'ont point
concouru, en font tenus différemment de
l'auteur du délit ; quoique celui-ci foit
contraignable par corps au paiement de
la fomme à laquelle il aura été condamné
pour la réparation du tort qu'il a caufé ,
lorfque le délit efl de nature à donner lieu
à cette contrainte : les perfonnes qui en
font refponfables , ne le font que civile-
ment, & ne peuvent être contraintes que
par faifie de leurs biens , & non par em-
prifonnement de leurs perfonnes.
§• m.
De la Loi.
123, La Loi naturelle efl la caufe ait
moins médiate de toutes les Obligations;
car fi les Contrats , Délits & quafi-Délits
produifent des Obligations , c'eft primi-
tivement , parce que la Loi naturelle or-
donne que chacun tienne ce qu'il a pro-
mis , & qu'il répare le tort qu'il a com-
mis par fa faute.
. C'eft aufli cette même Loi qui rend
obligatoires les faits d'où il réfulte quel-
que obligation , & qui font pour cet effet
appelles auafi - Contrats , comme nous
l'avons déjà remarqué.
Part. I. Chap. T. 145
II v a des obligations qui ont pour feule
& unique caufe immédiate la Loi ; par
exemple , ce n'cft en vertu d'aucun con-
trat ni quafi-contrat , que les enfans , lors-
qu'ils en ont le moyen, font obligés de
fournir des alimens à leurs père &C mère ,
qui font dans l'indigence : c'eft la Loi
feule qui produit en eux cette obligation.
• L'obligation que contracte la femme
de reftituer la fomme qu'elle a empruntée
fans l'autorité de fon mari , lorfque cette
fomme a tourné à fon profit, n'eft point
non-plus formée par aucun contrât , ni
quafi-contrat ; car le contrat de prêt qui
lui a été fait de cette fomme fans l'auto-
rité de fon mari étant nul , ne peut par
lui-même produire aucune obligation :
quod nullum ejî , nullum producit effèc-
tum ; fon obligation eft donc produite
par la loi naturelle feule qui ne permet
pas que quelqu'un s'enrichifTe aux dé-
pens d'autrui : neminem œquum tfl cum
altcrius damno locupletari , L, 106. ff*dt
Reg. Jur.
L'obligation en laquelle eft. le proprié-
taire d'une maifon de la ville d'Orléans
de vendre à fon voifin la communauté de
fon mur qui fépare les deux maifons ,
lorfque ce froifin veut bâtir contre , eft
une obligation qui a pour feule & unique
caufe la loi municipale qui en a une dif-
pofition.
:i44 Tr. des Oblig."
On peut rapporter beaucoup d'auffë*
exemples d'obligations qui ont pour feulç
6c unique caufe la Loi.
i
Ces obligations produifent une ac~tioj|
que Ton appelle ? condiclio ex Ugz%
Section III.
Des perfonnes entre kfqiulles peut fubjî (1er.
une Obligation.
124. Il ne peut y avoir d 'obligation!
fans deux personnes, l'une qui ait con-
tracté l'obligation , &C l'autre envers qui
elle foit contractée.
Celui au profit duquel elle a été con-
tractée s'appelle créancier , celui qui l'a
contraclée s'appelle débiteur.
iz<>. Quoiqu'il foit de l'effence de l'o-
bligation qu'il y ait deux perfonnes , dont
l'une foit créancier ck l'autre débiteur ;
néanmoins l'obligation ne fe détruit pas
par la mort de l'une ou de l'autre ; car
cette perfonne eft cenfée furvivre à elle-
même dans la perfonne de fes héritiers
qui fuccédent à tous (es droits & à tou-
tes fes obligations.
1 26. Quand même le créancier ou le
débiteur ne laifTeroit aucun héritier , il
ne laifTeroit pas d'être cenfé furvivre à
lui-même , par fa fuçceffion vacante ; car*
U
Par t. T. Chap. I. 14^
la fuccefîion vacante d'un défunt le repré-
sente , tient lieu de fa perfpnne , &
fuccede en tous Tes droits comme en tou-
tes les obligations : kereditas perforiez de-
funcli victm fufiinet , & cette perfonne
fictive , foit du créancier, foit du débiteur
iuffit pour faire fubiiflcr l'obligation après
la mort , foit de l'un , foit de l'autre.
Non - feulement une obligation peut
continuer de fubfifter dans la perfonne
fictive d'une fuccefîion vacante , ou en-
vers une telle perfonne fictive ; il y a
même certaines obligations qui peuvent
être contractées par une telle perfonne
fictive , ou envers une telle perfonne fic-
tive.
Par exemple , lorfqu'un curateur créé
à une fuccefîion vacante , adminifïre les
biens de cette fuccefîion , il contracte en-
vers la perfonne fictive de la fuccefîion
vacante , l'obligation de rendre compte
de fa geflion ; & vice versa cette perfonne
fictive de la fuccefîion vacante , contracte
envers ce curateur, l'obligation de lui
faire raifon de ce Qu'il, lui en a coûté
pour fa geflion.
On peut apporter plufieurs autres exem-
ples d'obligations contractées par une fuc-
cefîion vacante ; telle eft celle qu'elle
contracte envers le Ciiré qui a enterré
le défunt , pour le paiement de fes droits
Tome I. G
146 Tr. des Oblig.
de funérailles. Vice versa, fi quelqu'un
vole quelque effet d'une fuccefîion va-
cante v ou y caufe quelque dommage ,
il en réfulte des obligations qu'il con-
tracte envers la fucceiïion vacante.
127. Les corps & communautés font
des efpeces de perfonnes civiles , qui peu-
vent contracter des obligations , & en-
vers qui on en peut contracter,
1 28. Il eft clair que les fous , les infen-
fés , les erifans ne font pas capables de
contracter les obligations qui naiffent des
délits ou des quafi-délits , ni de contrac-
ter par eux-mêmes celles qui naiïfent
des contrats , puifqu'ils ne font pas ca-
pables de confentement , fans lequel il
ne peut y avoir ni conventions, ni délit
ou quaii-délit ; mais ils font capables de
contracter -toutes les obligations qui fe
contractent fans le fait de la perfonne qui
la contracte. Par exemple , fi quelqu'un
a géré utilement les affaires d'un fou ,
d'un infenfé , d'un enfant ; cet enfant ,
cet infenfé , ce fou contracte l'obligation
de rembourfer cette perfonne de ce qu'il
lui en a coûté pour cette geftion , com-t
n%e on l'a déjà vu , N. 115. Ils contrac-
tent auiïi toutes les obligations que leurs
tuteurs & curateurs contractent pour eux
& en leur nom , N. 74.
Par le Droit Romain , il ne fe pouvoit
Par t. I. Chap. I. 147
contra&er d'obligation entre le père oc
Tentant qui étoit fous la puiifance , fi ce
n'étoit ex certis caufis , put à ex causa Caf-
trenjis peculii. La raifon eit que l'enfant
qui étoit fous cette puiffance , ne pour-
voit extra lias caufas rien avoir en pro-
pre, & acquéroit à fon père tout ce qu'il
acquéroit. La puiffance paternelle n'ayant
point dans notre Droit cet effet , rien
n'empêche qu'un père contracte des obli-
gations envers fes enfans , ck que {qs en-
fans en contractent envers lui.
Section IV.
De ce qui peut faire l'objet & la matière
des obligations.
1 29. Il ne peut y avoir d'obligation ,
qu'il n'y ait quelque chofe qui foit dû
qui en faffe l'objet & la matière.
§. I.
Tkefe générale fur ce qui peut être V objet
des obligations,
1 3 o. L'objet d'une obligation peut être
ou une chofe proprement dite , (tes) que
le débiteur s'oblige de donner ; ou un fait
(faclum ) que le débiteur s'oblige de faire
G'ii
148 T R. DES ObLIG,
ou de ne pas faire : c'eit ce qui réfuïté*
de la définition que nous avons donnée
de l'obligation.
Non-feulement les chofes mêmes (r:s)
peuvent être l'objet d'une obligation , le
fimple ufage d'une chofe , ou la fimple
poftefîion de la chofe , en peut être l'objet.
Par exemple, lorfque quelqu'un loue fa
chofe , c eu Pufage de fa chofe plutôt
que la chofe même, qui efl: l'objet de
l'obligation qu'il contracte.
Lorfque quelqu'un s'oblige à me don-
ner quelque chofe en nantifTement , c'eft
plutôt la poiTefîion de la chofe , que la
chofe même qui efl: l'objet de fon obli-
gation. On peut apporter mille autres
exemples.
§. n.
Quelles chofes peuvent être V objet d'une
obligation.
131. Toutes les chofes qui font dans
le commerce peuvent être l'objet des
obligations.
Non-feulement un corps certain &c dé-
terminé, comme un tel cheval , peut être
l'objet d'une obligation : quelque chofe
d'indéterminé peut aura* §n être l'objet;
comme lorfque quelqu'un s'engage à me
donner un cheval fans déterminer quel
P \ . R T. î. C.HAP, I. I49
cheval. Il foui ne m noin > que la chofein-
déttrm l'objet de l'obligation,
ait dan Germination une certaine
conûde i:ùon morale : oportet ut genirs
tur 9 hcbe.it certain finitlomm >
comme lorsqu'on a promis un cheval ,
une v ache , un chapeau en général ; mais
fi l'indétermination de la choie eft tel-
le , qu'elle la réduife prefque à rien ,
il n'y aura pas d'obligation , faute de
choie qui en foit. l'objet ck la matière ;
parce que , dans l'ordre moral , prefque
rien , eft regardé comme rien. Par exem-
ple : de l'argent , du bled , du vin, fans
que la quantité foit déterminée , ni dé-
te minable, ne peuvent être l'objet d'une
obligation; parce que cela fe peut ré-
duire à prefque rien comme à un denier ,
à un grain de bled , à une goutte de vin.
C'eft par cette raifon que la loi 94.^
de verb. oblig. décide que la ftipulation ,
triticum dare oportere , ne produit aucune
obligation , lorfqu'on ne peut fçavoir la
quantité que les contractons avoient en
vue.
Au refte , il n'eft pas néceffaire que la
quantité qui fait l'objet de l'obligation foit
actuellement déterminée , lorfque l'obli-
gation eft contractée , pourvu qu'elle foit
déterminable. Par exemple , fi quelqu'un
s'eft obligé de m'indemnifer des dommages
G iij
150 Tr\ des Oblig.
&c intérêts que j'ai foufferts , ou que Je
pourrai. foufFrir en une telle occafion ;
l'obligation eft valable, quoique lafom-
me d'argent à laquelle ils montent ne foit
point encore déterminée ; parce qu'elle
eft déterminable par l'eftimatiôn qui s'en
fera. Pareillement fi quelqu'un s'eft obli-
gé de me fournir du bled pour la nourri-
ture de ma famille pendant un an , l'obli-
gation eu valable , quoiqu'il n'ait pas dér
terminé la quantité ; parce qu'elle eft dé-
terminable par l'eftimatiôn qui fe fera de
ce qui eft néceflaire pour cela.
132. Les chofes qui h'exiftent pas en-
core , mais dont on attend Pexiftence %
peuvent être l'objet d'une obligation, de
manière néanmoins que l'obligation dé-
pende de la condition de leur future exif-
tenec. .
Par exemple , lorfque Je m'oblige à li-
vrer à un marchand de vin , le vin que
je recueillerai cette année ; l'obligation
e,ft valablement contractée , quoiqu'il n'e-
xifte pas encore. Mais fi mes vignes gè-
lent 6k qu'il n'y en ait point à recueillir %
l'obligation s'évanouit , faute de chofe
qui en foit l'objet, comme fi elle n'avoit
jamais été contractée.
Cette règle , que les chofes futures
peuvent être l'objet d'une obligation , re-
çoit une exception par les Loix Romaines
Par t. I. Chap.I. 151
à Tcgard des fuccefîions futures. Ces loix
profcrivent comme indécentes &t con-
traires à l'honnêteté publique , toutes les
conventions par rapport aux fuccefîions
futures , foit celle par laquelle une per-
fonne traiteroit ou difpoferoit de fâ pro-
pre iuceeffion future envers une autre
perfonne à qui il promettroit de la lui
laifTer ; quand même cette convention fe
feroit par un contrat de mariage , L. 15.
cod. de paci. foit celles par lefquelles des
parties traiteroient de la iiicceflion future
d'un tiers , que lefdites parties ou Tune
d'elles s'attendent de recueillir, L. fin.
cod. de pacl. à moins que ce tiers n'inter-
vint &c ne donnât fon confentement à la
convention, d. L L. fin.
Dans notre Droit François , la faveur
des contrats de mariage y a fait admet-
tre les conventions fur les fucceflîons fu-
tures. Nous pouvons par le contrat de
mariage d'une perfonne , nous engager
envers elle , de lui lahTer notre fuccef-
fion future en tout ou en partie : nous
pouvons pareillement nous engager de la
laiflerauxenfans qui naîtront du mariage.
C'eft ce qui fe fait par les institutions d'hé-
ritier contractuelles , qui font en ufage
dans nos contrats de mariage , & dont
nous avons traité en l'appendice qui eft
à la fin de notre introd. au tit. desjuccejjl
G iv
ftji Tr. des Oblig.
de la Coût. d'Orléans. On peut pareille-
ment par les contrats de mariage faire
pour l'intérêt de l'une des deux familles
contractantes , telles conventions qu'on
juge à propos fur les fuccefîions futures
ides tiers ; les fKpulations de propre à ceux
du côté & ligne , font des conventions de
cette efpece ; nous en avons traité en no-
ire introd. gén. fur la Coût. d'Orléans , ck,
3. art. 4. §. 3. Hors les contrats de ma-
riage , les conventions fur les fuccefîions
futures font rejettées par notre Droit
François , de même qu'elles l'étoient par
le Droit Romain.
Il ne faut pas confondre avec une fuc-
çefîion friture , la fubfKtution ou le fîdéi-
commis des biens d'un défunt qui me
les a laifTés à la charge de les rendre h
quelqu'un après ma mort ; cette fubftitu-
tion ou fidéicommis n'efl pas une fuccef-
fion future ; elle ne fait pas partie de ma
iuccefïion future r c'efl une fimple dette
dont je fuis tenu .après ma mort envers
ceux qui font appelles à la fubftitution ,
ck dont ils peuvent traiter de mon vivant,
foit avec moi, foit entr'eux , X. 1. & 16.
cod. depacl. L. 11. cod. de tranf.
La règle que les chofes futures peuvent
être l'objet d'une obligation , reçoit une
autre exception par les loix de police
Selles que font celles , qui défendent aux,
Part. I. Chap.I. 153
Marchands d'acheter les bleds ouïes foins
avant la récolte , les laines avant la tonte ,
6c déclarent tels marches nuls. Voyc^ U
Tr. de Police de Dtlamarl,
133. Non-feulemerit les chofes qui ap-
partiennent au débiteur peuvent être l'ob-
jet de fon obligation , mais même celles
qui ne lui appartiennent pas , lorfqu'il
s'efl obligé de les donner ; ck il eft obligé
de les racheter de ceux à qui elles ap-
partiennent , pour les donner à celui à
qui il les a promises.
Si ceux à qui elles appartiennent ne
vouloient pas les vendre , le débiteur ne
pourroir. pas fe prétendre quitte de fon
obligation , fur le prétexte qu'il ne tient
pas à lui de l'accomplir , ck qu'on ne peut
pas être obligé à l'impoflibie. Car cette
maxime, qu'on n'en1 pas obligé à Pimpof-
fible , n'eft vraie que lorfque l'impom'bî-
lité eft abfoluc ; mais lorfque la chofe eft
pofîible en foi , l'obligation ne laiffe pas
de fubfifter , quoiqu'il ne foit pas au pou-
voir du débiteur , de l'accomplir; ck il eft:
tenu des dommages & intérêts réfultans
de l'inexécution : il fuffit que la chofe fut
poftible en foi , pour que le créancier art
été en droit de compter fur l'exécution
de ce qu'on lui promettoit ; c'eft le débi-
teur oui eft en faute de n'avoir pas bien
examiné avant que de s'engager \ s*il etoit
<j v
154 Tr. des Oblig.
en pouvoir d'accomplir ce qu'il promet-
toit.
1 3 4. On peut bien s'obliger à donner
*in,e chofe qui appartient à un tiers ; mais
on ne peut contracter l'obligation de don-
ner à quelqu'un une chofe qui lui appar-
tient déjà, L. i.§. lo.jf. obi. & acl. à moins
qu'elle ne lui appartienne qu'imparfaite-
ment; car en ce cas l'obligation feroit va-
lable , à l'effet que le débiteur fût tenu
de la lui faire appartenir parfaitement.
Voye^ notre traité du contrat de vente ,
N. 8. & fuiv.
135. Il eft évident que les chofes qui
ne font pas dans le commerce ne'peuvent
être l'objet d'une obligation. Par exem-
ple : on ne peut pas s'obliger de donner
une églife , une place publique , un cano-
nicat , &c.
On ne peut pas non plus contracter To-
bligation de donner à quelqu'un une chofe
qu'il eft incapable d'avoir , par exemple
tin droit de fervitude dans un héritage,
à celui qui n'a point d'héritage voifin.
Mais . il n'en1 pas néceffaire que celui qui
s'engage à donner une chofe foit capable
d'avoir & de pofféder cette chofe , pourvu
que celui à qui il s'engage de la donner
en foit capable % L*34fff* dz verb. obi.
JLIdit de. 1749- art. 14. ayant rendu
tes gens de main-morte incapables d'ac-
Part. I. Chap. I. 15 5
quérir des immeubles , on fie peut con-
tracter envers eux l'obligation de leur
donner un immeuble.
Un office vénal peut-il être dû à une
femmme ? Oui , car quoiqu'elle foit inca-
pable du titre de l'office , elle n'eft pas in-
capable d'avoir le droit de finance de l'of-
fice ; & c'eft cette finance plutôt que le
titre qui eft dans le commerce , ôc qui eft
l'objet de l'obligation.
' §• IIL
Quels faits peuvent être l'objet des
obligations,
136. Pour qu'un fait puifTe être l'objet
d'une obligation , il faut qu'il foit pofïible ;
car impofjibilium nulla obligatio ejl _, L. 8 5 .
ff.deR.J.
Au refte il fuffit que le fait auquel quel-
qu'un s'oblige envers moi, foit pofïible
en foi , quoiqu'il ne lui foit pas pofïible ;
car fi je n'avois pas connoiffance qu'il ne
lui étoit pas pofïible , j'ai eu droit de comp--
ter fur fa promeffe ; ÔC il s'efl obligé vala-
blement en ce cas envers moi :inid quanti
mea interejl non ejfe deceptum. Il doit s'im-
puter de n'avoir pas examiné fes forces r
& de s'être témérairement engagé à quel-
que chofe qui les furpafToit.
G vj;
t<$6 Tr. des Oblig;
i 3 7. Un fait qui eft contraire aux loïx >
ou aux bonnes mœurs \ efl femblable à ce-
lui qui feroit abfolument impofïible , &
ne peut pas non plus être l'objet d'une
obligation.
Pour qu'un fait puirTe être l'objet d'une
obligation , il faut aurli que ce que' le dé-
biteur s'en1 obligé de faire , foit quelque
chofe de déterminé. C'eft pourquoi la loi
2. §. 5. ff. de, eo qaod certo loco , décide
que û quelqu'un promettoit à un autre
de lui bâtir une', maifon , fans" dire où , il
ne contrafteroit point d'obligation.
138. Enfin ce qu'on s'oblige de faire oit
de ne pas faire doit être tel , que celui en-
vers qui l'obligation eft contractée ait inté-
rêt que cela foit fait , ou ne foit pas fait ;
&: cet intérêt doit être un intérêt appré-
ciable.
La raifon en eit évidente : une obliga-
tion étant un. lien de droit , il ne peut y
avoir d'obligation , lorfque celui qui a pro-
mis de faire ou de ne pas faire, peut im-
punément ne pas exécuter fa promerTe :
or il eit évident qu'il peut impunément
ne la pas exécuter, lorfque je n'ai aucun
intérêt appréciable , qu'il fafTe ou ne fafTe
pas ce qu'il m'a promis ; car il ne peut ré-
fulter contre lui aucuns dommages & in-
térêts de l'inexécution de fapromefïe , les
dommages & intérêts n'étant autre chofg
Part. I. C h a p. T. i 57
tjue l'eftimation de l'intérêt qu'a le créàn-
cier à l'exécution de l'obligation.
1 39. Un fait auquel la partie qui le fK-
pule n'a aucun intérêt, ne peut à la vérité
être l'objet d'une obligation ; mais il peMt
en être la condition ou la charge. Par
exemple , fi j'étois convenu avec vous
que vous viendriez à Orléans étudier
en droit pendant un an, cette conven-
tion feroit nulle , 6k il n'en réfulteroit
aucune obligation ; parce que ce fait au-
quel je n'ai aucun intérêt ne peut être l'ob-
jet d'une obligation envers moi. Mais fi
nous étions convenus que je vous donne-
rois dix piftoles , fi vous veniez étudier
en droit à Orléans , ou à la charge que
vous y viendriez , la convention feroit
valable; car ce fait, quoiqu'il ne m'inté-
reffe aucunement , peut être la condition
ou la charge de l'obligation qui réfulte de
notre convention.
Suivant ce principe, on a jugé valable
une promefTe par laquelle, un neveu
avoit promis à fon oncle de ne plus jouer r
à peine de trois cens livres qu'il s'obli-
geoit de lui donner, s'il manquoit à fa
promefTe. L'Arrêt eft rapporté par May-
nard & par Papon.
140. Un fait pour être la matière d'une
obligation civile, doit être un fait auquelt
celui envers qui elle efl contrariée % ait
158 T R. DES ObLIG.
tin intérêt appréciable à prix d'argent J
fuivant les raifons expliquées ci-defïus*
Mais il n'en eft pas de même de l'obliga-
tion naturelle : il fuffit que le fait qui en
eft la matière foit un fait auquel celui en-
vers qui l'obligation efl contractée , ait un
intérêt d'une jufte affection, pour que l'o-
bligation foit valable comme obligation
naturelle. Celui qui a promis ce fait & qui
manque à fa parole -ayant le pouvoir de
l'accomplir pèche, & fe rend coupable
dans le for de la confcience, quoiqu'il ne
puifTe être pourfuivi dans le for extérieur»
Voyei^fuprà S, i„ art. 5. §* 1.
*
P A R T. I. C H A P, I L I J9
CHAPITRE IL
De l'effet des obligations»
Article premier.
De r effet des obligations de la part du
débiteur.
$. i.
De V obligation de donner,.
141. /^ Elui qui s'eft obligé de donner
Vw-/ une chofe , eu tenu de la don-
ner en tems & lieu convenable , au créan-
cier ou à quelqu'un , qui ait pouvoir ou
qualité pour la recevoir en fa place»
Voyez la troisième partie de ce traité y ck*
premier , où nous traitons des payemens
des obligations.
142. Lorfque c'eft un corps certain qui
eft l'objet de l'obligation , l'obligation a
encore cet effet à l'égard du débiteur,
qu'elle l'oblige à apporter un foin conve-
nable à la confervation de la chofe due ,
juf qu'au payement qu'il en fera. Et fi faute
d'avoir apporté ce foin , la chofe vient à pé-
rir ? à fe perdre , ou à être détériorée jjî.eiï
l6o Tr. des 0blî6.
tenu des dommages 6c intérêts du créan*-
cier qui en réfultent. Nous traiterons de
ces dommages & intérêts, infrà art. 3.
Le foin qu'il doit apporter à cette con-
fervation > eft différent, félon la diffé-
rente nature des contrats ou quafi-con-
trats d'où l'obligation defcend.
La loi 5. §; iuff.commodat. donne cette
règle , que lorfque le contrat ne concerne
que la feule utilité de celui à qui la ehofe
doit être donnée ou reftituée , le débi-
teur qui s'eft obligé à la donner ou refti-
tuer , n'eft obligé qu'à apporter de la bon-
ne foi à la confervation de la choie , &C
n'efl tenu par conféquent à cet égard que
de la faute lourde , qui à caufe de fon énor-
miîé tient du Dol : unetur âuntaxat de Latâ
culpd & dolo proximd. Par exemple , un
dépofitaire n'efl: tenu à apporter que de
la bonne foi à la confervation du dépôt
qui lui a été confié , & qu'il s'eft obligé
de reftituer \ parce que le -contrat de dé-
pôt fe fait pour la feule utilité de celui
qui a confié la chofe , & à qui le dépofi-
taire s'eft obligé de la reftituer. Si le con-
trat concerne l'utilité commune des deux
contraclans , le débiteur eft tenu d'appor-
ter à la confervation de la chofe qu'il
doit , le foin ordinaire que les perfonnes
prudentes apportent à leurs affaires ;
&: il eft tenu en conféquence de la faute
Part. I. C h a p. ÏÏ. i6f
légère. Par exemple, le vendeur efl tenu
de cette faute , à l'égard de la chofe ven-
due qu'il s'eil obligé de livrer: le créancier
efl tenu de cette faute , à l'égard de la
chofe reçue en nanthTemcnt , à la reili-
tution de laquelle il s'efl obligé; parce
que ces contrats de vente , de nantilTe-
ment , fe font pour l'utilité refpe&ive des
contra&ans. Si le contrat n'efl fait que
pour la feule utilité du débiteur , tel qu'efl
le contrat de prêt à ufage ; il efl obligé à
apporter à la confervation de la chofe
non-feulement un foin ordinaire, mais
tout le foin poïîible ; & il efl par confé-
quent tenu de la faute la plus légère.
Cette règle reçoit néanmoins beau-
coup d'exceptions , comme nous le ver-
rons dans les traités particuliers fur les dif-
férens contrats, 6c quafi-contrats^
A l'égard des cas fortuits , & de la for-
ce majeure, vis dlvina ; le débiteur d'un
corps certain , tant qu'il n'efl pas en de-
meure de payer , n'en efl jamais tenu , à
moins que par une convention particu-
lière , il ne s'en fût chargé , ou qu'une
faute précédente du débiteur eût donné
lieu au cas fortuit. Par exemple , fi je vous
ai prêté mon cheval pour aller dans un
certain lieu , &£ que vous ayez été attaqué
par des voleurs, qui ayent volé ou tué
mon cheval j quoique cette violence que
161 Tr. des Obiig.
vous avez foufferte foit un cas fortuit,
dont un débiteur n'eft pas ordinairement
tenu; néanmoins fi au lieu de fuivre la
route ordinaire &: la plus fûre, vous avez
pris un chemin de traverfe 5 connu pour
être infecté de voleurs , dans lequel vous
avez été attaqué , vous ferez tenu de ce
cas fortuit ; parce que c'efl votre impru-
dence qui y a donné lieu.
143. C'eft encore un effet de l'obliga-
tion de donner , de la part du débiteur ;
que lorfqu'il a été en demeure de fatisfaire
à fon obligation , il foit tenu des domma-
ges & intérêts du créancier réfultans de
cette demeure , & qu'il doive en confé-
quence Pindemniferde tout ce qu'il auroit
eu , fi la chofe lui eut été donnée auffi-tôt
qu'il l'a demandée.
C'efl en conféquence de ce principe 9
que û* la chofe dwe a été détériorée , ou
même-eft totalement perie , depuis la de-
meure du débiteur, par quelque cas for-
tuit ou force majeure ; le débiteur efl te-
nu de cette perte ? dans les cas auxquels
la chofe n'auroit pas également péri chez
le créancier.
C'eft. aufïî en conféquence de ce prin-
cipe , que le débiteur efl tenu de faire rai-
fon au créancier non- feulement des fruits
perçus , mais de tous ceux qui auroient
pu être perçus par le créancier depuis la
demeure du débiteur.
PartI. C h a p. 1 1. 1 63
Sur les autres efp-3ces de dommages ÔC
intérêts , Voyci infrà Part. 3 .
1 44. Obfervez que fuivant nos ufages 7
un débiteur n'eft cenfé mis en demeure
de donner la chofe par lui due , que par
une interpellation judiciaire valablement
faite , & feulement du jour de cette inter-
pellation.
Cette décifion a lieu , quoique îa chofe
foit due à des mineurs , ou à l'églife ; les
principes du Droit Romain fur la demeure
qui fe contra&oit re ipfa envers ces per-
fonnes , n'étant pas d'ufage parmi nous.
Il faut excepter de notre décifion les
voleurs qui font cenfés en demeure de fa-
tisfaire à l'obligation qu'ils ont contractée
de restituer la chofe volée , dès l'inftant
même qu'ils l'ont contractée par le vol
qu'ils ont commis y fans qu'il foit befoin à
leur égard d'aucune interpellation judi-
ciaire. L.fin. de cond. furt*
La demeure en laquelle a été le débi-
teur de donner la chofe , ceffe par des of-
fres valablement faites , par lefquelles il
a mis le créancier en demeure de recevoir.
145. L'obligation de donner une chofe
s'étend quelquefois aux fruits de cette
chofe , lorfqu'elle en produit; & aux in-
térêts , lorfque c'eft une fomme d'argent
qui eft due.
Ordinairement le débiteur ne doit que
Ï64 Tr. des Ôblig,
les fruits qui ont été , ou pu être perçue
depuis l'interpellation judiciaire qui l'a
mis en demeure ; ôc les intérêts ne cour-
rent pareillement que depuis ce tems.
Quelquefois néanmoins les fruits & les
intérêts font dus avant la demeure , com-
me dans les contrats de vente d'une chofe
frugifere. Cela dépend de la différente na-
ture des contrats ck autres caufes d'où
naiffent les obligations. C'en1 ce que nous
Verrons en traitant des différens contrats
& quafi-contrats.
§. 1 1.
De V Migation de faire ou de ne pas faire*
146. L'effet de l'obligation qu'une per-
fonne à contractée de faire quelque chofe^
eft qu'elle doit faire ce qu'elle s'elt enga-
gée de faire , &, que fi elle ne le fait pas ,
après avoir été mife en demeure de le fai-
re, elle doit être condamnée aux dom-
mages &: intérêts de celui envers qui elle
s'eir. obligée ; c'eft- à-dire in id quanti cré-
ditons interfit facium fuijjè id quodpromif-
fum efl : ce qui doit être eftimé à une fom-
me de deniers par des experts convenus
entre les parties.
Ordinairement le débiteur ne peut être
x$is en demeure , que par une demand%
P ART. I. CHAP. IL iSç
^n juftice , que le créancier forme contre
lui , à ce qu'il foittenu de faire ce qu'il a
promis, linon qu'il foit condamné en des
dommages & intérêts.
Le juge fur c^tte demande prefcrit un
certain tems dans lequel le débiteur fera
tenu de faire ce qu'il a promis ; & faute
par lui de le faire dans, ledit tems , il ie
condamne aux dépens , dommages 6c in-
térêts.
Si le débiteur fatisfait dans ledit tems
à fon obligation , il évite les dommages
&: intérêts , Se il doit feulement les dé-
pens , à moins que le juge n'eftimât qu'il
fût dû quelques dommages & intérêts
pour le retard.
147. Quelquefois le débiteur efl: tenu
des dommages & intérêts du créancier j
faute d'avoir fait ce qu'il s'étoit obligé
de faire , quoiqu'il n'ait pas.été interpellé
par une demande en juitice. Cela a lieu
lorfque la chofe que le débiteur s*eft obli-
gé de faire, rie pouvoit fe faire utilement
que dans un certain temps, qu'il a laine
parTer. Par exemple fi j'ai chargé un Pro-
cureur dç tonner pour moi une oppofitio.ri
au décret d'un héritage qui m'étoiî hypo-
théqué , &c que ce Procureur ait laiffé in-
terpofer le décret fans faire l'oppoiitïori ,
il eft tenu de mes dommages 6c intérêts ,
quoique je n'aye pas formé de demande
ï6<? Tr. des Oblig.
contre lui pour qu'il fût tenu de la faire ;
le tems dans lequel il devoit fçavoir que
cette oppofition devoit être faite , l'inter-
pelloit fuffifamment.
148. L'effet de l'obligation qu'une per-
sonne a contractée de ne pas faire quel-
que chofe , elt que fi elle le fait , elle efl
tenue des dommages & intérêts réfultans
du préjudice qu'elle a caufé en faifant ce-
la, à celui envers qui elle s'étoit obligée
de ne le pas faire.
149. Lorfque celui qui s'étoit obligé à
faire quelque chofe , a été empêché de le
faire par quelque cas fortuit & force ma-
jeure ; & pareillement lorfque celui qui
s'étoit obligé de ne pas faire quelque cho-
fe , a été contraint par quelque force ma-
jeure à le faire ; il n'y a lieu à aucuns dom-
mages & intérêts ; car ncmo prœjlat cafus
fortuitos,
Obferyez que je dois dans ce cas , vous
avertir de la force majeure qui m'empê-
che de faire ce à quoi je me fuis engagé
envers vous , afin que vous puifîiez pren-
dre vos mefures, pour y pourvoir par
vous-même ou par un autre. Sans cela je
n'éviterai pas les dommages &: intérêts ,
àmoins que cette force majeure ne m'eût
aufïi ôté le pouvoir de vous faire avertir.
L. 27. §. i.ff. mand.
Part. I. Chap. II. 167
Article II.
De t effet de V obligation par rapport au
Créancier.
1 «jo. Les effets de l'obligation par rap-
port au créancier font i°. Le droit qu'elle
lui donne de pouriiiivre en juftice le dé-
biteur, pour le pavement de ce qui eft
contenu dans l'obligation.
20. Lorfque l'obligation eft d'une fom-
me liquide , elle donne le droit au créan-
cier de l'oppofer à fon débiteur en com-
penfation jufqu'à due concurrence de cel-
le qu'il devroit à ion débiteur. Nous trai-
terons de cette compenfation infrà part,
2 . chap. 4.
30. L'obligation fert au créancier de
fondement aux autres obligations que des
fidéjuffeurs pourroient contracter envers
lui pour la perfonne qui l'a contractée.
Nous parlerons de ces fidéjuffeurs ,/w*.
2. chap 6.
40. Elle fert de madère à la novation,
lorfqu'il en intervient. Voye^ ce qui con-
cerne les novations infrà part. 3. chap. 2.
Nous avons ici à traiter feulement du
premier & du principal effet de l'obliga-
tion , qui eft le droit qu'elle donne au
créancier de pourfuivre par les voies ju-
%68 Tr. des Oblig;
diciaires le payement de ce qui lui eft. dû*
il faut à cet égard diffinguer le cas au-
quel l'obligation conflue à donner quel-
que chofe , & celui . auquel elle conflfle à
faire ou à ne pas faire quelque chofe.
§. i.
Du cas aaqml V Obligation conjijîc
à donner.
i 5 1. Le droit que cette obligation doii-
tie au créancier de pourfuivre le paye-
ment de la chofe que le débiteur s'eil
obligé de lui donner, n'efl pas un droit
•qu'elle lui donne dans cette chofe ,jus in
re; ce n'en1 qu'un droit contre la perfonne
du débiteur pour le faire condamner à
donner cette chofe, ju r ad rem. Obhga-
tionum fubjlantia non in eo confîjlit , ut
aliquod corpu nojlrum , autjlrvitutem nof-
tram facial ,fed ut alium nobis objtringat ad
dandurn vel faciendum. L. ^. ff\ de obligat.
& acl.
La chofe que le débiteur s'en1 obligé
de donner , continue donc de lui appar-
tenir , &: le créancier ne peut en deve-
nir propriétaire , que par la tradition réel-
le ou feinte que lui en fera le débiteur ,
en accompliflant fon obligation.
Jufqu'à cette tradition le créancier n'a
que
Part. T. C h a p. H. 169
crue le droit de demander la choie; 6k il
n'a ce droit que contre la perfonne du dé-
ir qui a contracté l'obligation envers
lui, ou contre l'es héritiers & fuc ce fleurs
univerfels; parce que l'héritier fuccede à
tous les droits adlifs &c paiîifs du défunt,
cv par conicquent à fes obligations ; ck
parce que les fuccefleurs univerfels du
débiteur fuccedans à (es biens , fuccedent
auiii par conféquent à (es dettes , qui font
une charge de (qs biens.
152. De-là il fuit que û mon débiteur,
depuis qu'il a contracté envers moi l'obli-
gation de me donner une chofe , a fait
parler cette chofe à un tiers à titre fingu-
lier, foit de vente, foit de donation , je
ne pourrai point demander cette chofe à
ce tiers acquéreur , mais feulement à mon
débiteur , qui faute de me la pouvoir don-
ner , ne l'ayant plus , fera condamné en
mes dommaees ck intérêts réfultans de
l'inexécution de fon obligation. \
La raifon eft , que fuivant nos princi-
pes , l'obligation ne donnant au créancier
aucun droit dans la chofe qui lui efl due,
je n'ai aucun droit dans la chofe qui m'é-
toit due , qwe je puifle pourfuivre contre
celui dans [es mains de qui elle fe trouve.
Le droit que donne l'obligation étant un
droit que le ci éancier n'a que contre le
débiteur êk fes fuccefleurs univerfels , je
Tom, I. FI
170 Tr. des O b li g.
ne peux avoir aucune aclion contre le
tiers acquéreur de cette chofe , qui étant
un acquéreur à titre iinsulier , n'a point
fuccéde aux obligations de celui qui s'efl
obligé envers moi , Z. quotas i5. cod. de
R. vind. Paulfcnt. V, 11. 4,
Par la même raifon fi mon débiteur a
légué la chofe qu'il s'étoit obligé de me
donner , & qu'il meure ; il en aura par fa
mort transféré la propriété au légataire ,
fuivant la règle de droit qui porte que do-
minium rei legatœ Jiatim à morte tejiatoris
tranjit à ujiatori in legatarium ; car enétant
iuivant nos principes demeuré proprié-
taire , il a pu lui en transférer la proprié-
té. Ce fera donc au légataire qu'elle de-
vra être délivrée ; & je n'aurai en ce cas
qu'une action en dommages & intérêts ,
contre les héritiers de mon débiteur. L.
$2. rT. Locat.
153. Obfervez néanmoins que , fi le dé-
biteur , lorfqu'il a fait parler à un tiefis la
chofe qu'il s'étoit obligé de me donner ,
n'étoit pas folvable , je pourrois agir con-
tre le tiers acquéreur pour faire refeinder
l'aliénation qui lui en a été faite en fraude
de ma créance , pourvu qu'il ait été par-
ticipant de la fraude , confeius fraudis , s'il
étoit acquéreur à titre onéreux: s'il étoit
acquéreur à titre gratuit , il ne feroit pas
même nécefTaire pour cela c^u'il eût été
Part. I. Chap. II. 171
participant de la fraude. Tit.ff. his quœ in
fraud. crcd.
Obier vez aufli que fi la vente m'a été
faite par un acte devant Notaire, & que
la choie vendue foit un héritage ou autre
immeuble; j'ai un droit d'hypothèque fur
cet héritage pour l'exécution de l'obliga-
tion que mon vendeur a contractée en-
vers moi ; & je peux pourfuivre ce droit
d'hypothèque contre ce fécond acheteur
que je trouve en pofiefîion de cet hérita-
ge. Il peut à la vérité me renvoyer à la
difcurTion des biens de mon vendeur ,
pour les dommages & intérêts qui m»
font dus , réfultans de l'inexécution de l'o-
bligation qui a été contractée envers moi ;
mais fi cette difcufîion eft infructueufe par
l'infolvabilité de mon vendeur, le fécond
acheteur fera obligé de délaifTer l'héritage
fur mon action hypothécaire , fi mieux il
n'aime me payer mes dommages &c inté-
rêts.
154. Quoiqu'une obligation perfonnel-
le , ne donne par elle-même au créancier
envers qui elle eft contractée, aucun droit
dans la chofe qui en fait l'objet; néanmoins
il y a certaines obligations , à l'exécution
defquelles la chofe qui en fait l'objet,
eft affectée ; & cette affectation donne
un droit dans la chofe au créancier ,
Hij
172 Tr. des Oblig.
pour pourfiiivre l'exécution de l'obliga-
tion , contre les tiers détenteurs de cette
choie. Telle efl l'obligation qui réfulte de
la claufe de réméré , par laquelle l'ache-
teur d'un héritage s'oblige envers le ven-
deur , de le lui rendre lorfqu'il y voudra
rentrer, en le rembourfant de tout ce qu'il
lui en a coûté. L'héritage qui fait l'objet
de cette obligation de l'acheteur, eft af-
fecté à l'exécution de cette obligation , &
le vendeur peut en pourfiiivre l'exécution
contre un tiers détenteur de l'héritage.
Mais ce n'efï pas l'obligation qui produit
ce droit d'afFe dation : l'obligation n'efl
par elle-même capable de donner de droit
que contre la perfonne qui l'a contractée ;
ce droit d'afFe dation réfulte de ce que le
vendeur en aliénant fon héritage , eu cen-
fé s'y être retenu ce droit d'affectation aux
obligations que l'acheteur contra&oit en-
vers lui par rapport à cet héritage.
Ce droit d'afFe dation eft bien plus fort
que le droit d'hypothèque. Le créancier
d'un corps certain affecté à PaccomplifFe-
ment de fa créance , peut faire condamner
le pofFefFeur à lui délailFer préciférnent la
chofe , fans que le pofFefFeur puifFe le ren-
voyer contre le débiteur principal , & fans
qu'il puifFe lui offrir à la place de la chofe ,
les dommages & intérêts réfultans de
l'inexécution de l'obligation.
Par t. I. Chap. II. 175
1 5 5. A l'égard des voies qu'a le créan-
cier pour obliger le débiteur ou fes héri-
tiers Cv fucceileurs univerfels à lui don-
ner ce qui lui eft dû , il y en a deux , la
voie de commandement & d'exécution ,
& celle de fimple demande.
La première confifte à faire au débi-
teur à fa perfonne ou, à fon domicile , par
un Sergent , un commandement de payer,
& à faifir fur fon refus fes meubles ou mê-
me fes immeubles , &c à les faire vendre
pour être payé fur le prix.
Pour que le créancier ait cette voie
de commandement ôc exécution, il faut
que trois chofes concourent. i°. ïl faut
que la dette foit d'une fomme d'argent cer-
taine 6c liquide, ou d'une certaine quan-
tité d'efpeces fungibiles , comme de bled ,
de vin , &c. Obfervez que quoiqu'on puif-
fe faifir pour une dette de ces efpeces ,
lorfque la quantité due eft liquide , on doit
néanmoins furfeoir à la vente jufqu'après
l'appréciation. Ordonn. de 1667. Tu. 33.
art. 2.
Il faut 2 ' , ordinairement * que le créan-
cier ait un titre exécutoire , c'eft-à-dire ,
un afte devant Notaire, revêtu de fesfor-
* J'ai dit oydinairemtrt , parce que dms norre Coutume
d'Orléans un créancier de loyers de maifon de fetrnej d'hé-
ritaee, ou d'arrérages de rente foncière , peut fans titre exé-
cutoire procéder par voie d'exécution pour trois terme* ?
Qrléant% art, r^S.
H iij
#74 Tr. des Oblîg.
mes, par lequel le débiteur fe foit obligé
dé payer , ou un jugement de condamna-
tion qui ne foit pas fufpendu par un appel
ou une oppofition. Voyei notre introd. au
,//*. 20 de la Coût. d'Orl. ch. 2. §. 1.
Il faut 30 , que ce foit contre la per-
fonne même qui s'efl: obligée par a&e de*
vant Notaire , ou qui a été condamnée ,
que le créancier procède par voie d'exé-
cution: quoique les héritiers de cette
perfonne fuccedent à fes obligations , le
créancier ne peut procéder contr'eux que
par la voie de demande y jufqu'à ce qu'ils
ayent parlé titre nouvel devant Notaires 9
ou que le créancier ait obtenu contr'eux
un jugement de condamnation.
Lorfque ces trois chofes concourent ,
le créancier a la voie d'exécution , & il
rie lui efl pas permis de prendre la voie de
la demande.
La voie de {impie demande efl: celle que
cloit prendre le créancier qui n'a pas la
voie d'exécution ; elle confifte à afligner
le débiteur devant le juge compétent , &: à
obtenir contre lui Sentence de condam-
nation.
156. Lorfque la chofe due efl: un corps
Certain , 6c que le débiteur condamné par
Sentence à donner la chofe , a cette chofe
en fa pofletfion , le juge fur le requis du
créancier doit lui permettre de la faifir &
Par t. I. C h a p. II. 175
de s'en mettre en poiTefTlon ; & il ne fuf-
tit pas au débiteur d'offrir en ce cas les
dommages & intérêts réfultans de l'ine-
sédition de fon obligation. Voye^ à cet
égard notre traite du contrat de vente, N. 6j.
S- n.
Du cas auquel C Obligation conjîfle
à faire ou ne pas faire.
157. Lorfque quelqu'un s'eft obligé à
faire quelque chofe , cette obligation ne
donne pas au créancier le droit de con-
traindre le débiteur précifément à faire
ce qu'il s'eft obligé de faire , mais feule-
ment celui de le faire condamner en fes
dommages & intérêts , faute d'avoir fa-
tisîait à fon obligation.
C'en1 en cette obligation de dommages
& intérêts , que fe refolvent toutes les
obligations de faire quelque chofe , car
nemo liber potefl précise cogi ad faclurn.
1 58. Lorfque quelqu'un s'eft. obligé à
ne pas faire quelque chofe , le droit que
donne cette obligation au créancier, eft
celui de pourfuivre enjuftice le débiteur,
en cas de contravention à fon obligation,
pour ie faire condamner aux dommages
ôc intérêts réfultans de la contravention.
Si ce qu'il s'étoit obligé de ne pas faire,
Hiv
176 Tr. des Oblig.
& qu'il a fait au préjudice de fon obli-
gation , eu quelque chofe qui puifTe fe
détruire , le créancier peut auffi conclure
contre fon débiteur , à la de&ru&ion. Par
exemple , û mon voifin s'efr. obligé en-
vers moi à ne pas fermer fon avenue pour
m'y biffer le pafisge libre , & qu'au pré-
judice de cette obligation il l'ait fermée
par une barrière , ou par un fofTé , je peux
faire ordonner qu'il fera tenu de retirer
fa barrière ou de combler fon fofTé ; &C
que faute par lui de le faire dans un cer-
tain temps , je ferai autorifé à faire à fes
dépens combler le fofTé , ou enlever la
barrière.
Article III.
Des dommages & intérêts rèfultans foit de
l'inexécution des obligations , foit du ri-
tard apporté à leur exécution,
1 ^9. On appelle dommages & intérêts,
la perte que quelqu'un a faite , & le gain
qu'il a manqué de faire : c'efl la définition
qu'en donne la loi 13. ff. Rat, rem hab,
quantum mca interfuit ; id efl quantum
mihi abefl , quantumque lucrari potui.
Lors donc que l'on dit que le débiteur
efl tenu des dommages & intérêts du
créancier rèfultans de l'inexécution de
l'obligation , cela veut dire qu'il doit in-
Par t. I. C h a P. II. 177
demnifer le créancier , de la perte que
lui a caillée , 6c du gain dont l'a privé ,
l'inexécution de l'obligation.
160. Il ne faut pas néanmoins arTujettir
le débiteur , à indemnifer le créancier de
toutes les pertes indiftinclement que lui
a occafionné l'inexécution de Pobliga-
tion, 6c encore moins de tous les gains que
le créancier eût pu faire , ft le débiteur
eut fatisfait à fon obligation. Il faut à cet
égard distinguer différens cas , & diffé-
rentes efpeces de dommages & intérêts ,
6c il faut même félon les différens cas ,
apporter une certaine modération à la
taxation 6c eftimation de ceux dont il eft
tenu.
Lorfqu'on ne peut reprocher au débi-
teur aucun dol , 6c que ce n'eft que par
une fimple faute qu'il n'a pas exécuté fon
obligation , foit parce qu'il s'eft engagé
témérairement à ce qu'il ne pouvoit ac-
complir, foit parce qu'il s'eft mis depuis
par fa faute hors d'état d'accomplir ion.
engagement ; dans ces cas le débiteur n'eft
tenu que des dommages 6c intérêts qu'on
a pu prévoir lors du contrat , que le créan-
cier pourroit fouffrir de l'inexécution de
l'obligation ; car le débiteur eft cenie ne
s'être fournis qu'à ceux-ci
161. Ordinairement les parties font
cenfées n'avoir prévu que les dommages
H v
178 Tr. des O b l i g.
& intérêts , que le créancier par l'inexe»
cution de l'obligation , pourroit fouffrir
par rapport à la chofe même qui en a été
l'objet , & non ceux que l'inexécution
de l'obligation lui a occàfionnés d'ailleurs
dans les autres biens ; c'eft pourquoi dans
ces cas , le débiteur n'eiî pas tenu de
ceux-ci , mais feulement de ceuxfoufFerts
par rapport à la chofe qui a fait l'objet
de l'obligation , damni & interejje , propter.
ivfam rem non liabitam*.
Par exemple , fuppofons que j'ai ven-
du à quelqu'un un cheval , que je me fuis
obligé de lui livrer dans un certain temps,
Se que je n'ai, pu lui livrer ; fi dans ce-
temps les chevaux étoient augmentés de
prix , ce que l'acheteur a été obligé de
payer de plus qu'il n'avoit acheté le mien,
pour en avoir un autre de pareille qua-
lité, eftun dommage dont je fuis obligé
de Tindemnifer. Car c'efl un dommage
qu'il a foufFert , propter rem ipfam non ha-
hitam , qui n'a rapport qu'à la chofe qui
a fait l'objet du contrat,, que j'ai pu pré-
voir qu'il pourroit fouffrit, le prix des
chevaux comme, de toutes les autres mar-
chandifes étant fujet à varier. Mais û cet
acheteur était un chanoine y qui faute
d'avoir le cheval que je m'étois engagé à
lui livrer, & n'en ayant pu trouver d'au-
tres , n'a pu arriver à temps , au lieu de
Part. I. C h a p. If. 179
fon bénéfice , pour gagner fes gros fruits;
je ne ferai pas tenu de la perte que ce
chanoine a faite de fcs gros fruits , quoi-
que ce foit l'inexécution de mon obliga-
tion , qui la lui a cauiée ; car c'efl un
dommage qui efl étranger à ce qui a fait
l'objet de mon obligation , qui n'a pas été
prévu lors du contrat , 6c à la réparation
duquel on ne peut pas dire que je me
fois fournis en contractant.
Pareillement , fi j'ai donné à loyer pour
dix-huit ans y une maifon que je croyois
de bonne foi m'appartenir , & qu'après
dix ou douze ans mon locataire en ait été
évincé par le propriétaire ; je ferai tenu
des dommages &C intérêts de mon loca-
taire , refultans dQS frais qu'il aura été
obligé de faire pour fon délogement >
comme aufîi de ceux refultans de ce que
le prix des loyers de maifon étant aug-
menté depuis le bail, il aura été obli-
gé de louer une maifon plus cher pendant
le temps qui reftoit à expirer du bail. Car
ces dommages & intérêts ont un rapport
prochain à la jouifTance de la maifon qui
a fait l'objet de mon obligation ,. & font
fbufferts par le locataire , propter ipjam
rem non habitant.
Mais , ii ce locataire a depuis le baif
établi un commerce dans la maifon que
je lui ai louée , & que fon delogement
H v|
i8o Tr. des Gblig.
lui ait fait perdre des pratiques , &r caufé
un tort dans fon commerce ; je ne ferai
pas tenu de ce dommage qui eil étran-
ger, & qui n'a pas été prévu lors du
contrat.
A plus forte raifon fi dans le déloge-
ment, quelques meubles précieux de mon
locataire ont été brifés , je ne ferai pas
tenu de ce dommage. Car c'eiï Timpéri-
tie des gens dont il s'eft fervi qui en eft
la caufe , & non l'éviction qu'il a fouf-
ferte ; elle en eft feulement l'occafion.
162. Quelquefois le débiteur efttenu
îles dommages & intérêts du créancier ,
cjuoique extrinfeques ; fçavoir , lorfqu'il
paroît que par le contrat ils ont été pré-
vus , & que le débiteur s'en eft ou ex-
preffément ou tacitement chargé en cas
d'inexécution de fon obligation. Par exem-
ple , j'ai vendu mon cheval à un cha-
noine , ck il y avoit une claufe exprefle
dans le marché par lequel je me fuis obligé
de le lui livrer affez à temps pour qu'il
pût arriver au lieu de fon bénéfice , &
à temps pour gagner fes gros fruits. Si
<lans ce cas , j'ai manqué par ma faute ,
quoique fans dol , à remplir mon obliga-
tion , & que ce chanoine n'ait pu faci*
lement trouver d'autre cheval , ni d'au-
tre voiture ; je ferai tenu même des dom-
mages extrinfeques réfultans de la gerte
Par t. I. C h a p. II. 181
qu'il a faite de (es gros fruits. Car par la
claufe du marché , le rifquc de ce dom-
ina té prévu &: exprimé , &: je fuis
cenfé m'en être chargé.
Pareillement, fi j'ai loué ma maifon à
quelqu'un en 1 1 qualité de marchand , ou
ii je l'ai louée pour y faire auberge , &
que le locataire foit évincé dans fa jouif-
fance , les dommages & intérêts dont je
fuis tenu envers lui , ne fe borneront pas
aux frais du délogement , ck à ceux qui
peuvent refaite* de l'augmentation du
prix des loyers , comme nous avons dit
qu'ils dévoient s'y borner dans l'efpece
ci-devant rapportée : la perte qu'il pourra
faire de les pratiques , s'il n'a pu trouver
d'autre maifon dans le quartier , y devra
aufTi entrer pour quelque chofe. Car lui
ayant loué ma maifon pour y faire une
boutique , ou une auberge ; cette efpece
de dommage eft un dommage dont le rif-
que a été prévu, ck auquel je fuis cenfé
rrfétre tacitement fournis.
163. Voici un autre exemple de notre
diuinction. Une perfonne m'a vendu des
pièces de bois , je m'en fuis fervi pour
ayer mon bâtiment , qui s'eft écroulé
par le défaut des pièces de bois qui étoient
pourries : fi le vendeur n'étoit pas hom-
me du métier , &c qu'il m'ait vendu de
bonne foi ces pièces de bois dont il igno-
i?2 Tr. des Oblig,
foit le défaut; les dommages 6c intérêts
réfultans de ce que les bois qu'il rua
vendus , fe font trouvés défectueux , ne
confineront qu'à me faire une déduction
fur le prix , de ce que je les ai achetés
de trop , en achetant pour bon ce qui
étoit défectueux; mais ils ne s'étendront
pas à la perte que j'ai faite par la ruine
de mon bâtiment. Car le vendeur qui
m'a vendu le bois de bonne foi , 6c qui
n'étoit pas plus obligé de s'y connoître
que moi , n'en1 pas cenfé s'être chargé
de ce rîfque. L. 13.. ff. de aci. empt.
Mais fi celui qui m'a vendu ces étais ,
eu. un homme du métier > un charpen-
tier qui m'a vendu ces étais pour étayer
mon bâtiment ; il fera tenu envers moi
des dommages 6c intérêts réfultans de
l'écroulement de mon bâtiment par le
défaut de ces étais , 6c il ne fera pas reçu
à alléguer qu'il les croyoit bons 6c fuffi-
fans ; car quand il dirolt vrai , cette igno-
rance de fa part ne feroit pas. excufable ,
dans un homme qui fait profefîion publi-
que d'un état 6c d'un art : imperitïa cuipa
annumeratur % L. 132. ff. de R. J. En me
vendant ces étais pour étayer mon bâti-
ment , 6c en me les vendant dans fa qua-
lité de charpentier ; il eft cenfé s'être ren-
du refponfable que- les étais feroient fu£-
fifans y ôc s'être chargé du rifque de mon
Part. I. Ch ap. IL 183
bâtiment , s'ils ne l'étoient pas. Molin.
tra3, Je co quod interefi y N. 5 u
Obfervez néanmoins qu'il ne doit être
tenu que du rifque dont il s'eft chargé.
C'eft pourquoi fi ce charpentier m'a ven-
du ces étais pour foute nir un certain bâ-
timent, ôc que je m'en fois fervi pour
foutenir iui bâtiment plus confidérable ;
non-feulement ce charpentier ne fera pas
tenu de la ruine de ce bâtiment , dans le
cas auquel ces étais eiuTent été fumfans
pour le foutien du petit bâtiment , pour
lequel ils.etoient deflinés ; parce qu'en
ce cas ce charpentier n'étoit en faute
d'aucune façon ; mais même dans le cas
auquel il aurait été en faute , fes étais
étant abfolument défectueux & infumfans
même pour le foutien du petit bâtiment
pour lequel ils étoient défîmes., il ne fera
tenu de mes dommages & intérêts réful-
tans de la ruine de mon grand bâtiment,
que jufqu'à concurrence de la valeur du
petit bâtiment. Car ne m'ayant vendu (es
étais que pour le foutien du petit bâti-
ment, il n'a entendu fe charger du rifque
des dommages & intérêts qut je foirfFri-
rois , que jufqu'à la valeur du petit bâti-
ment ; il ne doit pas par cenféquent fui-
vant nos principes , être tenu au de-là*
Peut-être auroit-il été plus avifé , s'il eût
cru courir un plus grand rifque , ÔC qu'iJ
184 Tr. des Oblig.
les eût vendus pour le foutien du grand
bâtiment. Molin/ibid, A7", 62.
Par une femblable raifon , Dumoulin
décide que lorfqu'un charpentier m'a ven-
du des étais pour le foutien de mon bâti-
ment , qui par le défaut &£ PinfumYance
de ces étais , s'eft écroulé, les domma-
ges & intérêts dont il eft tenu , fe bor-
nent à la ruine du bâtiment , & ne s'éten-
dent pas à la perte que j'ai faite des meu-
bles qui étoient dedans , qui fe font bri-
fés ou perdus dans les ruines. Car cet
ouvrier en me vendant ces étais pour le
foutien de mon bâtiment, n'a entendu
répondre que de la confervation du bâ-
timent : ce n'en1 que de ce rifque dont
il s'eft chargé , &: non du rifque de la
perte de mes meubles qu'il n'a pas pu
prévoir que j'y laifferois, étant ordinaire
de démeubler les maifons qu'on étaye.
C'eft pourquoi ce charpentier ne doit pas
être tenu de la perte de ces meubles ,
à moins qu'il ne fe fût chargé expreffé-
ment de ce rifque. Molin, ibid. N. 63.
N. 64.
Il n'en eft pas de même d'un entrepre-
neur avec qui j'ai fait marché pour me
construire une maifon , laquelle quelque
temps après qu'elle a été conftruite , s'efl
écroulée par défaut de conftru&ion. Ces
dommages 6c intérêts dont eft tenu en-
Part. I. Chap. IL 185
s moi cet entrepreneur ignorant, faute
ir rempli comme il devoit ion obli-
ion , s'étendent non-feulement à la
perte que j'ai faite de la maifon , mais
même à celle des meubles qui étoient
dans la maifon , Se qu'on n'a pu fauver.
Car cet entrepreneur en s'obligeant de
me conftruire une maifon pour m'y loger
ou un locataire , n'a pu ignorer qu'on y
•terolt des meubles , & qu'on n'y pou-
\ it loger qu'avec des meubles , & par
conféquent il s'eft chargé du rifque des
meubles , Molin. ibid. N. 64.
164. Il nous refte àobferver à l'égard
des dommages &c intérêts dont eft tenu
un débiteur , faute d'avoir rempli fon
obligation , dans le cas auquel on ne peut
lui reprocher aucun doî , que lorfque les
dommages & intérêts font confidérables ,
ils ne doivent pas être taxés & liquidés
en rigueur , mais avec une certaine mo-
dération.
C'eft fur ce principe que Juftinien en la
loi uniq. cod. de fente nt. quœ pro eo quod
interefl , ordonne que les dommages &C
în , in cajibus certis , c'eft-à-dire ,
comme l'explique Dumoulin, ibid. N. 42..
& feq. lorfqu'ils ne fe rapportent qu'à la
chofe qui a fait l'objet de l'obligation,
rîe puiffent être taxés au-delà du double
de la valeur de cette chofe , icelle valeur
comprilé.
ï86 Tr. des Oblig*
La décision de cette loi , peut s*appli-<
quer à l'efpece fuivante. J'ai acheté pour
le prix de quatre mille livres , une mai-
fon de vignes dans une province éloi-
gnée : lors de mon acquifition le vin qui
fait tout le revenu de cet héritage , étoit
à très-vil prix dans cette province; parce
qu'il n'y avoit alors aucun débouché pour
l'exporter : depuis mon acquifition le Roi
a fait faire un canal qui en procure l'ex-
portation , &c qui en a fait monter le prix
au quadruple éc plus , ce qui a porté la
valeur de mon héritage , qui n'étoit que
de quatre mille livres , à plus de feize mille
livres ; il eil évident que li je viens à être
évincé de cet héritage , mes dommages
& intérêts réfultans de cette éviction qui
ne font autre chofe que , id quand mihi ho-
die interejî hune fundum habere lucre , mon-
tent dans la vérité à plus de feize mille li-
vres : néanmoins fuivant cette loi , pour
tous les dommages ck intérêts qui me font
dus tant pour laplus value de l'héritage, que
pour le rembourfement des loyauts-couts
de mon acquifition, le vendeur qui m'a
vendu de bonne foi cet héritage , ne doit
pas être condamne envers moi à plus
grande fomme qu'à huit mille livres , la
reftitution du prix de ces quatre mille li-
vres comprife ; la condamnation des don>-
mages &c intérêts , qui , comme dans cette
Part. I. Chap, IL 187
*fpece , l'ont dus feulement propter ipfam
rem non habitant & in cafu certay ne devant
jamais , fuivant cette loi , excéder le dou-
ble du prix de la chofe qui a fait l'objet
de l'obligation.
Le principe fur lequel cette décifion eft
fondée , ei\ que les obligations qui naif-
fent des contrats , ne peuvent fe former
que par le contentement & la volonté des
parties. Or le débiteur en s'obligeant aux
dommages &C intérêts quiréfulteroient de
l'inexécution de fon obligation , eft. cçn(é
n'avoir entendu ni voulu s'obliger , que
jufqu'à la fomme à laquelle il a pu vrai-
femblablement prévoir, que pourroient
monter au plus haut lefdits dommages &C
intérêts , &: non-audelà; donc lorfque ces
dommages & intérêts fe trouvent monter
à une fomme excefïïve , à laquelle le dé-
biteur n'a pu jamais penfer qu'ils pour-
roient monter , ils doivent être réduits 6c
modérés à la fomme à laquelle on pou-
voit raisonnablement penfer, qu'ils pour-
roient monter au plus haut ; le débiteur
étant cenfé n'avoir pas confenti de s'obli-
ger à davantage. Malin, tract, de eo quod
intire fl y N. Go.
Cette loi de Juftinien en tant qu'elle
borne la modération des dommages & in-
terets exceffifs, pricifément au double de
la valeur de la chofe, eft. en cela une loi
arbitraire qui n'a pas autorité de loi dans
188 Tr. des Oblig,
nos provinces. Mais le principe fur lequel
elle eu fondée , qui ne permet pas qu'un
débiteur à qui on ne peut reprocher aucun
dol , foit tenu des dommages & intérêts
réfultans de l'inexécution de fon obliga-
tion , au-delà de la fomme jufqu'à laquelle
il a pupenfer qu'ils pourroient monter au
plus haut, étant un principe fondé dans la
raiion & l'équité naturelle , nous devons
le fuivre , & modérer conformément à ce
principe, les dommages & intérêts lorf-
qu'ils ie trouvent excefîifs , en laiffant
cette modération à l'arbitrage du juge.
1 6 5. Il eit évident que la réduction des
dommages & intérêts au double du prix
de la chofe , qui a fait l'objet de l'obliga-
tion primitive, n'a d'application qu'à
ceux qui font dûs par rapport à la chofe
feulement; & qu'elle n'en peut recevoir,
à l'égard de ceux que le créancier a fouf-
ferts extrinfecus dans fes autres biens , lorf-
que le débiteur s'y eft expreffément ou
tacitement fournis. Car ces dommages &C
intérêts n'étant pas dûs pour raifon de la
chofe , qui a fait l'objet de l'obligation pri-
mitive, ne peuvent fe régler fur la valeur
de cette chofe ; & ils montent quelque-
fois au décuple cz plus de cette chofe. Par
exemple , les dommages & intérêts dont
eft tenu envers moi , un tonnelier qui m'a
vendu de mauvais tonneaux , réfultans de
Part. I. C h a p. II. 189
la perte que j'ai faite du vin que j'y avois
iris, peuvent monter à plus que le décu-
ple de la valeur des tonneaux; car en me
vendant en fa qualité de tonnelier les ton-
neaux , il s'eiî rendu refponfable de leur
bonté , 6c il s'en1 tacitement chargé du rif-
que de la perte du vin , qui peut monter à
dix ou vingt fois plus que le prix des ton-
neaux : cette efpece de dommage ne con-
cernant pas les tonneaux, mais le vin
qu'on mettra dedans, ne doit pas fe ré-
gler fur le prix des tonneaux. Molin. ihid,
"•4?- . : l
Néanmoins même à l'égard de ces
dommages extrinfeques on doit ufer de
modération , lorfqu'ils fe trouvent excef-
fifs , & l'on ne doit pas condamner le dé-
biteur au-delà de la fomme à laquelle il a
pu penfer qu'ils pourroient monter au plus
haut. Par exemple , fi j'ai mis dans un ton-
neau un vin étranger , ou une autre li-
queur d'un prix immenfe , qui s'eft perdue
par le vice du tonneau ; le tonnelier qui
me l'a vendu , ne doit pas être condamné
à m'indemnifer de cette perte en entier,
mais feulement jufqu'A concurrence du
prix d'un tonneau de vin du meilleur du
pays. Car en me vendant le tonneau, il
n'a pas entendu fe charger d'autre rifque ,
n'ayant pu prévoir que j'y mettrois une
liqueur d'un prixplus confidérable, Molin,
ïbid% n. 60.
190 Tr. des Oblig.
Par la même raifon , rentrepreneur dé
ma maifon qui s'efî écroulée par le vice de
la conftruclion , cil bien tenu envers moi,
comme nous l'avons dit ci-déirus, de la
perte des meubles qui fe font perdus ou
brif es fous les ruines ; mais s'il s'étoit per-
du des pierreries , ou des manufcrits d'un
prix immenfe , il ne devroit pas être char-
gé en entier de cette perte : il effc tenu feu-
lement juiqu'à concurrence du prix au-
quel peuvent ordinairement monter les
meubles d'une perfonne de mon état.
166. Les principes que nous avons éta-
blis juiqu'à préfent n'ont pas lieu, lorfque
c'efi le dol de mon débiteur qui a donné
Jieu à mes dommages & intérêts; en ce
cas le débiteur eft tenu iiidifrinclement
de tous les dommages & intérêts que j'ai
foufferts , auxquels fon dol a donné lieu ;
non-feulement de ceux que j'ai fourTerts
par rapport à la chofe qui a fait l'objet du
contrat 9 propter rem ipfam ; mais de tous
les dommages &: intérêts que j'ai loufTerts
par rapport à mes autres biens , fans qu'il
y ait lieu de diftinguer &£ de diieuter en
ce cas , fi le débiteur doit être cenfé s'y
être fournis. Car celui qui commet un dol
s'oblige, vdit, jiolit, à la réparation de
tout le tort que ce dol caméra , Mo lin. ibid.
n. 155.
Par exemple , fi un marchand m'a ven-
Part. I. Chap. IL 191
du une vache qu'il fçayoit être infeclée
d'une maladie contagieufe, & qu'il m'ait
diiiîmulé ce vice ; cette diftimulation eft
un dol de fa part , qui le rend refponfable
du dommage que j'ai fouffert, non- feule-
ment dans la vache même qu'il m'a ven-
due , ôt qui a fait l'objet de fon obliga-
tion primitive ; mais pareillement de ce
que j'ai fouffert dans tous mes autres bef-
tiaux auxquels cette vache a communiqué
la contagion , L. i^.ffldeacï. cmp. car c'eft
le dol de ce marchand qui m'a caufé tout
ce dommage.
167. A l'égard des autres dommages
que j'ai foufFerts , qui font une fuite plus
éloignée & plus indirecte du dol de mon
débiteur, en fera-t-il tenu? Par exemple,
fi en retenant la même fuppofition , la con-
tagion qui a été communiquée à mes
bœufs par la vache qui m'a été vendue ,
m'a empêché de cultiver mes terres , le
dommage que je fouffre de ce que mes
terres font demeurées incultes , paroît
aufli une fuite du dol de ce marchand, qui
m'a vendu une vache peftiférée; mais
c'eft une fuite plus éloignée que ne l'en1 la
pêne que j'ai foufFerte de mes beftiaux
par la contagion ; ce marchand fera-t-il
tenu de ce dommage ? Quid , fi la perte
que j'ai faite de mes beftiaux , & le dom-
mage que j'ai fouffert du défaut de culture
\
Ï92 Tr. des O b l i g.
de mes terres , m 'ayant empêché de payer
mes dettes , mes créanciers ont fait faifir
réellement 6c décréter mes biens à vil
prix, le marchand fera-t-il aufîi tenu de
ce dommage ? La règle qui me paroît de-
voir être fuivie en ce cas , eft qu'on ne
doit pas comprendre dans les dommages
& intérêts dont un débiteur eu tenu, pour
raifon de fon dol , ceux qui non-feulement
n'en font qu'une fuite éloignée , mais qui
n'en font pas une fuite nécefTaire , &: qui
peuvent avoir d'autres caufes. Par exem-
ple , dans l'efpece ci-deflus propofée , ce
marchand ne fera pas tenu des dommages
que j'ai foiuTerts par la faifie- réelle de
mes biens , ce dommage n'efl qu'une fuite
très-éloignée <k très-indire cTe de fon dol ,
& il n'y a pas une relation nécefTaire ;
car quoique la perte de mes beftiaux, que
fon dol m'a caufée , ait influé dans le dé-
rangement de ma fortune , ce dérange-
ment peut avoir eu d'autres caufes.
Cela eu conforme à la doctrine de Du-
moulin , ibid. n. 179 , où en parlant des
dommages dont eu tenu le locataire d'une
maifon , qui y a mis le feu par malice , il
dit; & adhuc in dolofo intelligitur venire
omne dctrimcninm tune & proximèfecutum ,
non autevi darnnum pojlcàfucccdcns. ex novo
cafu , etiam occajione diclœ. combujîionis ,
fine qnâ non conùgijjet ? quia ijîud ejî dam-
num
Part, I. Chap, IL 19?
num rcmotum quod non ejl in conjideraùone.
La perte que j'ai ibufferte par le défaut de
culture de mes terres paroît être une fuite
moins éloignée du dol de ce marchand ;
néanmoins je penfe qu'il n'en doit pas être
tenu , ou du moins qu'il n'en doit pas être
tenu en entier. Ce défaut de culture n'eft
pas une fuite abfolument nécefTaire de la
perte de mes beftiaux, que m'a caufée le
dol de ce marchand ; je pouvois, nonobf-
tant cette perte de mes benSaux , obvier
* à ce défaut de culture , en faifant cultiver
mes terres par d'autres beftiaux, que j'au-
rois achetés ; ou fi je n'avois pas le moyen ,
que j'aurois loués ; ou en affermant mes
terres , fi je n'a vois pas le moyen de les
faire valoir par moi-même. Néanmoins
comme en ayant recours à ces expédiens,
je n'aurois pas retiré autant de profit de
mes terres , que fi je les avois fait valoir
par moi-même , par mes bœufs que j'ai
perdus par le dol de ce marchand ; cela
peut entrer pour quelque chofe dans les
dommages & intérêts dont il eft tenu.
168. Les dommages & intérêts qui ré»
fuite nt du dol du débiteur, différent en-
core des dommages tk intérêts ordinaires ,
en ce que la loi unique , cod. defent. quœ
pro eo quod interejl , &c. &C la modération ,
qui fuivant Tefprit de cette loi , eft obfer-
vée à l'égard des dommages oc intérêts
Tome /. I
194 Tr. des Oblig.
ordinaires , n'ont pas lieu à l'égard de ceux
qui réfultent du dol du débiteur. La raifon
de différence en eu évidente ; cette mo-
dération qui fe pratique à l'égard des
dommages & intérêts ordinaires , efl fon-
dée fur le principe que nous avons expofé
ci-defïus, qu'un débiteur ne peut être cenfé
avoir voulu s'obliger pour dommages & in-
térêts, à une plus grande fomme que celle à
laquelle il a pu penfer que pourroient mon-
ter au plus haut les dommages &c intérêts
auxquels il fe foumettoit, en cas d'inexécu-
tion de fon obligation. Or ce principe ne
peut avoir d'application aux dommages
6c intérêts qui réfultent du dol ; parce
que quiconque commet un dol , s'oblige
indiftinclement, y dit , no lit , à la répara-
tion du tort que fon dol caufera.
Il doit néanmoins être lai fié à la pru-
dence du juge, même en cas de dol , d'u-
fer de quelque indulgence fur la taxation
des dommages *& intérêts.
Ces décinons ont lieu , foit que le dol
ait été commis delinquendo , foit qu'il ait
été commis contrahendo y MoLin. ibid. n9
1 69. Il nous refte à dire un mot des
dommages & intérêts qui réfultent du re-
tard apporté par le débiteur à l'exécu-
tion de fon obligation.
Un débiteur efl tenu non-feulement des
Part. T. Chap. IL 19c
dommages & intérêts du créancier , qui
réfultent de l'inexécution abfolue de fon
obligation , lorfqu'il ne l'a pas accomplie £
il eu pareillement tenu de ceux qui réful-
tent du retard qu'il a feulement apporté
à l'accomplir , depuis qu'il a été mis en
demeure de le faire*
Ces dommages & intérêts confiant
dans la perte que le créancier à foirflerte
&C dans le gain dont il a été privé par ce
retard ; pourvu que cette perte & cette
privation de gain en ayent été des fuites
néceflaires.
On les eftime dans toute la rigueur,
& on les étend à quelque efpece de dom-
mages & intérêts que ce foit, lorfque c'eil
par dol & par une contumace affeclée,
que le débiteur a apporté du retard à l'ac-
complifTement de fon obligation.
Mais lorfqu'on ne peut lui reprocher
que de la négligence , ces dommages &C
intérêts doivent s'eftimer avec beaucoup
plus de modération , & ne doivent être
étendus qu'à ceux qui ont pu être prévus
lors du contrat , & auxquels le débiteur
s'en1 exprefTément ou tacitement fournis.
1 70. Telles font les règles générales.
On en fuit une particulière , à l'égard du
retard apporté par un débiteur , dans l'ac-
complilTement des obligations , qui con-
fident à donner une certaine fomme d'ar-
I ii
196 Tr. des Obltg.
genr. Comme les difFérens dommages &£
intérêts qui peuvent réfulter du retard
de l'accomplifTement de cette efpece d'o-
bligation , varient à l'infini, ck qu'il eft
aum* difficile de les prévoir que de les
juilifler; il a été nécefTaire de les régler
comme par une efpece de forfait , à quel-
que chofe de ûxe : c'efr. ce qu'on a fait ,
en les fixant aux intérêts de la fomme
due au taux de l'Ordonnance , qui com-
mencent à courir contre le débiteur, du
jour qu'il a été mis en demeure , jufqu'au
payement: ces intérêts étant le prix com-
mun du profit légitime que le créancier
auroit pu retirer de la fomme qui IuLétoit
due , fi elle lui avoit été payée.
En conféquence de cette efpece de for-
fait , quelque grand que foit le dommage
que le créancier ait fouffert, du retard
que le débiteur a apporté au payement
de la fomme due , foit que ce retard ait
procédé d'une fimple négligence , foit qu'il
ait procédé d'un dol & d'une contumace
afleclée , le créancier ne peut demander
d'autre dédommagement , que ces inté-
rets.
Mais d'un autre côté , il n^eû pas afTu-
ietti pour pouvoir les exiger, à juftifler
du dommage , que le retard du payement
lui a caufé.
171. Notre principe fouffre exception 9
Part. I. Ch a p. II. 197
à Tcgard des lettres de change ; lorfque
celui fiir qui une lettre de change eft ti-
rée , a été refuiant de la payer au jour de
l'échéance , le propriétaire de la lettre
qui Ta fait protefter, peut par forme de
dommages &C intérêts du retard qu'il a
fouffert, exiger du tireur &C des endof-
Fetirs le rechange , quand même il excé-
deroit l'intérêt ordinaire de l'argent. On
appelle rechange le profit qu'il a payé à
des banquiers fur le lieu , afin d'avoir de
l'argent pour des lettres de change , à la
place de celui qu'il devoit recevoir fiir le
lieu. Voyt{ notre traité des lettres de
change. N. 64.
171. Telles font les règles pour le for
extérieur; mais dans le for de la cons-
cience , file créancier n'afouffert aucuns
dommages du retard du payement de la
fomme qui lui étoit due , c'eft-à-dire , û
ce retard ne lui a canfé aucune perte , &
ne l'a privé d'aucun gain , il ne doit pas
exiger ces intérêts; car ces intérêts font
accordés comme un dédommagement , &C
il n'en peut être dû à celui qui n'a fouf-
fert aucun dommage.
Vice-verfâ , fi le dommage que le re-
tard a caufé au créancier , eft plus grand
que ces intérêts ; félon les règles du for
de la confeience , lorfque le débiteur par
dol & par une contumace aïFe&ée , a été
iiij
198 Tr. des Oblig.
en demeure de payer ce qu'il pouvoît
payer facilement , il doit indemnifer le
créancier entièrement de tous les dom-
mages qu'il fçait que lui a caufés fa de-
meure injufte , & il ne fuffit pas qu'il paye
les intérêts du jour de fa demeure.
Il en eft autrement, lorfqu'il n'y a pas
de dol de la part du débiteur , dans fa de-
meure : la raifon de différence efl que ,
hors le cas du dol , un débiteur n'eft tenu
que àes dommages ck intérêts auxquels
il eft cenfé avoir confenti de fe foumet-
tre r lefquels , dans ce cas-ci , font les ia-
térêts de la fomme depuis la demeure.
Une autre différence entre le for exté-
rieur , &c celui de la confcience ; c'eft que
dans celui-ci, il a'eft pas toujours nécef-
faire qu'il y ait une interpellation judi-
ciaire , pour que le débiteur foit mis en
demeure , & que les intérêts courent coa-
tre lui. Car fi mon créancier m'avertit
qu'il a befoin de fon argent , &C que ce
créancier, à ma prière, par égard pour
moi , & pour ne pas faire tort à mon cré-
dit , n'ait pas recours à l'interpellation ju-
diciaire , comptant fur ma bonne foi, &C
fur la promené que je lui fais de l'indem-
nifer , de même que s'il y avoit eu re-
cours ; je fuis , dans ce cas , au for de la
confcience , fuffifamment mis en demeure
par cet avertiffement, & je fuis tenu des
Part. I. Chap. II. 199
intérêts qui courront depuis. C'eft. mal-
à-propos que l'auteur des conférences de
Paris fur l'ufure,/0//z. i.pœg. 379. &fuiv*
profcrit ces intérêts comme ufuraircs ; il
n'y a d'intérêts ufuraires que ceux qui
ibnt exigés , comme la récompenfe du
prêt qui doit être gratuit ; mais ceux-ci
ont une caufe jufîe , favoir le dédomma-
gement du.tort que je caufe à mon créan-
cier , par le retard que j'apporte à l'e-
xécution de mon obligation. Cet auteur
fe fonde fur ce raifonnement. Nous ne te-
nons , dit-il, que de la loi les biens ôt les
droits que nous avons. Or nos loix n'ac-
cordent aux créanciers le droit de perce-
voir des intérêts des fommes qui leur
font dues , que lorfqu'ils font adjugés par
Sentetice fur une demande judiciaire.
Donc , conclud cet auteur, fans une in-
terpellation judiciaire, un créancier n'a
pas le droit de percevoir des intérêts des
Tommes qui lui font dues , & il ne peut
en confcience les recevoir.
La réponfe eft que fi le créancier ne
peut , dans le for extérieur , exiger des
intérêts fans une interpellation judiciaire ,
c'en1 qu'il ne peut fans cela , jiiftifier la
demeure en laquelle a été fon débiteur
de le payer: cette interpellation judiciaire
étant la feulé preuve de cette demeure ,
qui foit reçue dans les tribunaux. Mais fi
liv
200 T R. DES O B L I G.,
dans la vérité , ion débiteur a été en de-
meure de le payer, il a le droit de rece-
voir de lui les intérêts , pour dédomma-
gement du tort que lui a caufé la demeure
de fon débiteur ; &: il tient ce droit de la
plus refpe diable de toutes les loix ; fça-
voir, de la loi naturelle , qui oblige tous
les débiteurs à remplir leurs obligations ,
& à dédommager leur créancier , du tort
qu'il a fouffert par le retard qu'ils y ont
apporté. Lorfqu'un créancier , par égard
pour fon débiteur , n'a pas recours à la
voie de l'interpellation judiciaire qui
pourroit ruiner le crédit de fon débiteur ,
c'efr. un bon office qu'il rend à fon débi-
teur ; ce créancier ne doit pas fourrrir
d'avoir rendu ce bon office à fon débi-
teur , ojjîcium fuum nemini débet ejje dam-
nofum. C'efi: une abfurdité , que de vou-
loir que le créancier qui ménage fon dé-
biteur , foit , pour l'avoir ménagé , de
pire condition que s'il avoit exercé les
voies de rigueur.
jfc-*i
M3&
T^JT*
Part. IL C hap. I. 10 1
SECONDE PARTIE.
Des différentes espèces
d'Obligations.
t S
CHAPITRE PREMIER.
EXPOSITION GÉNÉRALE
des différentes efpeces d'Obligations.
§. i.
Première Division.
173. T A première divifion des Obli-
JL. gâtions fe tire de la nature du
lien qu'elles produifent : les obligations
confidérées fous ce regard ? fe divifent en
obligations naturelles & civiles tout en-
femble , en obligations feulement civiles ,
& en obligations feulement naturelles.
On appelle Obligation civile celle qui
efl un lien de droit , vinculnm juris9 ÔC
qui donne à celui envers qui elle eu. con-
tractée , le droit d'exiger en juftfce ce qui
y eft contenu»
I V
20i Tr. des Oblig.
On appelle Obligation naturelle celle
qui dans le for de l'honneur & de la conf-
cience , oblige celui qui l'a contractée ,
à l'accompliffement de ce qui y efl con-
tenu.
174. Les obligations font ordinaire-
ment civiles &: naturelles tout enfemble ;
il y en a néanmoins quelques-unes qui
font obligations civiles feulement , fans
être en même temps obligations natu-
relles , & à l'accomplifiement defquelles
le débiteur peut être contraint en juftice ,
quoiqu'il n'y foit pas obligé dans le for
de la confcience.
Telle efl: l'obligation qui réfulte d'un
jugement de condamnation rendu par er-
reur de droit ou de fait , & dont il n'y a
pas d'appel : celui qui efl condamné par
ce jugement , efl obligé envers celui au
profit de qui le jugement efl rendu , à
lui payer ce qui efl porté par la condam*
nation ; & il peut y être contraint par
les voies judiciaires , quoiqu'il ne le doi-
v e pas dans la vérité & félon le for de la
confcience ; c'eft l'autorité de la chofe
jugée , qui forme cette obligation. Le
ferment décifoire produit une pareille
obligation : lorfque la partie à qui on
demandok une chofe s'efl rapportée au
ferment décifoire du demandeur , qui a
juré cr*ie la chofe lui étoit due , ce fer-
Part II. C h a p. I. 20 }
ment oblige le défendeur à payer à ce
demandeur la chofe qu'il a juré lui être
due, quoique dans la vérité 6c félon le
for de la confcience , elle ne lui foit pas
due.
1 7 5. Il y a aufîi des obligations qui font
feulement des obligations naturelles , fans
être obligations civiles. Ces obligations,
dans le for de l'honneur & de la conf-
cience , obligent celui qui les a contrac-
tées à les accomplir ; mais la loi civile
refufe l'a&ion à celui envers qui elles font
contractées , pour en pourfuivre en juf-
flice l'exécution.
Ces obligations ne font qu'impropre-
ment obligations ; car elles ne font pas
un lien de droit, vinculum juris ; elles
n'impofent pas à celui qui les a contrac-
tées une véritable néceffité de les accom-
plir , puifqu'il n'y peut être contraint par
celui envers qui il les a contractées ; &C
c'eft. néanmoins dans cette néccffité que
confifte le cara&ere de l'obligation , vin-
culum juris quo neufjitau adjtrinphnur :
elles font feulement pudoris & ccquitatis
vinculum.
Nous traiterons en particulier de cette
cfpece d'obligation dans le chap. fuivant.
I YJ
ao4 Tr. des Oblig.
§. II.
Deuxième Division.
176. La féconde divifion des obliga-
tions fe tire des différentes manières dont
elles peuvent être contractées. On les
divife en pures &£ Simples , 6c en condi-
tionnelles.
Les pures & iimples font celles qui ne
font fufpendues par aucune condition, foit
qu'elles ayent été contractées fans aucune
condition , foit que la condition fous la-
quelle elles ont été contractées , ait été
accomplie*
Les obligations conditionnelles font
celles qui font fufpendues par une con-
dition qui n'eft pas encore accomplie , ôc*
fous laquelle elles ont été contractées.
177. On appelle obligations pures &
fimples dans un fens plus étroit , celles
qui font contractées fans aucune des mo-
dalités ou modifications qui vont être
rapportées. Ces modalités font , la con-
dition réfolutoire ^ le temps limité pour
la durée de l'obligation , le terme ÔC le
lieu du payement , la faculté de payer à
un autre qu'au créancier 9 celle de payer
une autre chofe à la place de celle qui
feit l'objet de l'obligation. L'alternative
P A R T. I T. CHAP. I. lOÇ
entre plufieurs chofes qui font l'objet de
l'obligation , la folidité entre plufieurs
créanciers ou entre plufieurs débiteurs
d'une même obligation , font encore des
modalités des obligations.
Toutes ces différentes modalités font
autant de différentes efpeces d'obligations
dont nous traiterons au chap. troifieme.
IIL IV. & V. Division.
178. Ces divifions fe tirent de la qua-
lité des différentes chofes qui en font
l'objet".
Il y a des obligations de donner, & des
obligations de faire , (iipulationum quœ-
dam in dando , quœdam infaciendo , /. 2*
ff. de V, ob.
Les obligations de faire, comprennent
aufïi celles par lefquelles quelqu'un s'eft
obligé de ne pas faire quelque chofe.
Il y a cette différence entre les obli-
gations de donner , & les obligations de
faire , que celui qui s'eft obligé de don-
ner une chofe , peut , iorfqu'il l'a en fa
poffcfîion , être précifément contraint à
h donner ; le créancier peut, malgré lui ,
en être mis en poffefîion par autorité de
juitice ; au lieu que celui qui s'eft obligé
à faire quelque chofe , ne peut être con?>
xraint préciiement à le faire ; mais faute
io6 Tr. des Oblig.
par lui de remplir cette obligation , elle
le convertit en une obligation de payer
les dommages &: intérêts réfultans de l'ine*-
xécution : & ces dommages &c intérêts
çonfifïent dans la fomme d'argent , à la-
quelle ils font liquidés &: eftimés par des
experts nommés par les parties ou par le
juge.
179. On difbngue encore les obliga-
tions ou dettes, en dettes liquides , & non
liquides. Les dettes liquides font les det-
tes d'une certaine chofe , obligatio rci cer-
tœ. Gaius en donne cette définition , cer-
tum efi quod ex ipsd pronunciatione appa-
ru , quid , quale , quantàmqut fit 9 L 74.
§. 1. fF. de V* ob. Telles font les dettes
d'un corps certain , ou d'une certaine
fomme d'argent , d'une certaine quantité
de bled , de vin , &c
Une dette n'efl pas liquide , lorfque
la chofe ou la fomme qui eu due , n'eft
pas encore conftatée ; ubi non apparct ,
quid^ qualt, quantîunquz cjl infliptdatione,
l. 75. ff» dict. tit.
Telles font les dettes de dommages &C
intérêts jufqu'à ce qu'ils ayent été liqui-
dés , & par conséquent toutes les obliga^-
tions qui confiftent à faire ou à ne pas
faire quelque chofe , d. L 75. §. 7. puis-
qu'elles fe réfolvent en obligations de
dommages & intérêts., Les dettes drunç
Part. II. Chap.I. 107
choie indéterminée , les dettes alterna-
tives jufqu'à ce que le débiteur ait fait
ion choix , ou qu'ayant été mis en de-
meure de le faire 9 il ait été référé au
créancier , font aufli des dettes non li-
quides , d. L 75. §. 1. §. 8. v.inPand.
Jujlin. tit. dev. o. n°. 78. 79. 80. 81.
11 y a pluiieurs d 'fTérences entre les det-
tes liquides y & celles qui ne le font pas :
le créancier d'une dette liquide , lorfqu'il
a un titre exécutoire , peut procéder par
commandement & par faifie des biens de
fon débiteur ; le créancier d'une dette qui
n'eft pas liquide , ne le peut : la créance
d'une fomme liquide peut être oppofée
en compenfation d'une autre dette liqui-
de ; une créance qui n'en1 pas encore li-
quide ne peut être oppofée en compen-
fatioru
Obfervez à l'égard des dettes de grains
&I autres chofes quœ in quantitau conjif-
tunt^, qu'on distingue la liquidation y de
l'appréciation. La dette efl liquide, lorf-
que la quantité de ces chofes, qui efl: due
eft confiante , cum confiât quantum debea**-
tur ; &c elle donne au créancier qui a unt
titre exécutoire , le droit de faiiir les effets
de fon débiteur ; mais il ne peut les
vendre jufqu'à l'appréciation ; c'eûVà-di-
re , jufqu'à ce qu'on ait évalué à quelle
fomme d'argent monte la quantité de ces
10S Tr. des Oblig.
efpeces , qui eil due , Ordonnance de i66j.
T. 33. art. 2.
180. On divife encore les obligations
en obligations d'un corps certain , & en
obligations d'une chofe indéterminée d'un
certain genre de choies : c'eft ce qu'on ap-
pelle obligatio generis*
Nous traiterons ex profejjo de ces obli-
gations en la feftion première du chap. 4.
181. Enfin on divife les obligations en
dividuelles ôc en individuelles , fuivant
que la chofe qui efl; due eft fufceptible de
parties au moins intellectuelles, ou ne
l'eft pas. Nous en traiterons ex profejjo au-
dit chap. 4. fect 2.
§. IV.
f Sixième Division.
182. On divife les obligations, en obli-
gations principales , & en obligations ac-
cerToires. Cette diviiion fe tire de l'ordre
qu'ont entr'elles les chofes qui en font
l'objet.
L'obligation principale efl l'obligation
de ce qui fait le principal objet de l'en-
gagement qui a été contracté entre les
parties»
1 On appelle obligations accejfoires, celles*
qui font comme des fuites. Se des dépéri
dances de l'obligation principale,
Part II. C ha p. T. 209
Par exemple , dans le contrat de vente
d'un héritage , l'obligation principale que
le vendeur contracte, eu l'obligation de
livrer cet héritage à l'acheteur, &C de le
garantir de tous troubles 6c de toutes évic-
tions , oblizatio pnzjlandi cmptori rzm habe-
rc licere.
L'obligation de lui remettre les titres
& enfeignemens qui concernent cet héri-
tage , celle d'apporter la bonne foi dans le
contrat , & le foin convenable à la con-
fervation de la chofe , font des obligations
accefîbires.
Obfervez que ces termes d'obligation
principale & d'obligation accefToire, fe
prennent aufïi dans un autre fens que nous
verrons infrà §.6.
S- v.
Septième Division.
183. On difHngue les obligations, en
obligations primitives & en obligations
fecondaires; & cette divifion fe tire de
l'ordre dans lequel elles font cenfées con-
tractées.
L'obligation primitive qu'on peut aunl
appeller obligation principale , eft celle qui
a été contractée principalement, en pre-
mier lieu, & pour elle-même.
210 Tr. des Ob IIG*
L'obligation fecondaire eft celle qui eft
contractée en cas d'inexécution d'une
première obligation.
Par exemple , dans le contrat de vente i
l'obligation que contracte le vendeur de
livrer & garantir la chofe vendue , eft
l'obligation primitive : celle de payer à
l'acheteur, les dommages & intérêts,
faute , de pouvoir lui livrer ou garantir
la chofe , eft une obligation fecondaire.
1 84. Il y a deux efpeces d'obligations
fecondaires.
La première ? eft celle des obligations
fecondaires qui ne font qu'une fuite natu-
relle de l'obligation primitive , qui fans
qu'il foit intervenu aucune convention;
particulière , naiiTent naturellement ? de
la feule inexécution de l'obligation pri-
mitive , ou du retard apporté à fon exé-
cution.
On peut apporter pour exemple l'obli-
gation des dommages & intérêts , en la-
quelle fe convertit naturellement & de
plein droit , l'obligation primitive qu'un
vendeur a contractée de livrer ou de ga-
rantir une chofe en cas d'inexécution de
cette obligation ; comme aum* l'obligation
des intérêts , qui naît du retard appporté
à l'obligation de payer une certaine fonv»
me d'argent.
Les obligations fecondaires de la fe-
Part. 1 1. Chap.I. 'lit
conde efpece , font celles qui naifTent d'u-
ne claufe appofée au contrat , par laquelle
la partie qui s'engage à quelque chofe ,
promet de donner une certaine fomme ou
quelqu'autre chofe , au cas qu'elle ne fa-
tisfaffe pas à fon engagement.
On appelle ces claufes , claufes pénales ±
& les obligations qui en naifTent, obliga-
tïon< pénales , lefquelles font accefToires à
l'obligation primitive &£ principale, &C
font contractées pour en aflurer l'exécu-
tion. Nous en traiterons ex profejfo au
chap. 5.
185. Les obligations fecondaires peu-
vent encore fe fubdivifer en deux efpeces*
Il y a une efpece d'obligations fecon-
daires, dans lesquelles fe convertirTent
entièrement les obligations primitives ,
lorfqu'elles ne font point exécutées: telle
eu l'obligation de dommages &C intérêts .
dont il a été parlé ci-devant. Lorsqu'un
vendeur ne fatisfait pas à fon obligation pri-
mitive de livrer oude garantir la chofe ven-
due,cette obligation primitive fe convertit
entièrement dans l'obligation fecondaire
de payer les dommages ci intérêts de l'ache-
teur : cette obligation fecondaire eft fu-
brogée à la primitive qui ne fubfifte plus.
Il y a une autre efpece d'obligations
fecondaires , qui ne font qu'accéder à l'o-
bligation primitive, fans la détruire, lorf-
XI 2 T R. DES ObLIG.
que le débiteur apporte du retard à {on
exécution: telle eft l'obligation des inté-
rêts , qui naît de la demeure de payer la
fomme principale.
§. VI.
Huitième Division.
186. Les obligations considérées par
rapport aux perfonnc s qui les contra&ent 9
fe divifent en obligations principales , 6c
en obligations acceffoires.
L'obligation principale en ce fens eu
Celle de celui qui s'o ;:ge comme princi-
pal obligé , Se non poi aucun autre.
Les obligations accefïbires font celles
des perfonnes qui s'obligent pour un au-
tre , telles que font celles des cautions
& de tous ceux qui accèdent à l'obliga-
tion d'un autre. Nous en traiterons au
chap, 6.
§. VII.
IX. X. XL & XII. Divisions.
187. Les obligations confédérées par
rapport aux sûretés & aux voies qu'a le
créancier de s^en procurer le payement ,
fe divifent en obligations privilégiées
& non privilégiées , en obligations hypo-
Part. II. Chap. I. 215
thécaires, &Z obligations chirographaires,
en obligations exécutoires &: non exécu-
toires , enfin en obligations par corps &
en obligations civiles & ordinaires.
Les obligations privilégiées font celles
pour lefquelles le créancier a un privilè-
ge far tous les biens , ou fur certains biens
du débiteur, pour être payé par préfet
rence aux autres créanciers. Voye^ ce que
nous avons dit de ces privilèges en notre in-
troduction, au tit. 20. de la Coût, d?Or~
léans , chap, 2. §. 9. & en Vintrod, au tit,
21. §. 16.
Les obligations non privilégiées font
celles pour lefquelles il n'y a pas de pri-
vilège.
188. Les obligations hypothécaires
font celles qui font contractées fous l'hy-
pothèque des biens du débiteur , qui en
font fufceptibles.
Les obligations chirographaires font
celles qui ne font accompagnées d'aucu-
ne hypothèque.
Voye{ fur le droit d'hypothèque l'In-
trod. au tit. 20. de la Coutume d'Orléans ,
chap. premier.
189. Les obligations exécutoires , font
celles pour le payement defquelles, le
créancier a un titre exécutoire contre le
débiteur, ^oye^/up. N, 155.
190. Enhn les obligations par corps \
tï4 Tr. des Oblig.
font celles au payement defquelles le dé-
biteur peut être contraint par l'emprifon-
nement de fa perfonne , jufqu'à ce qu'il
ait payé. Les autres obligations qui ne
font pas fujettes à cette contrainte , par
opposition à celles-ci, font appellées obli-
gations civiles & ordinaires.
Sur les obligations qui font fujettes ou
non à la contrainte par corps , Voye{ VOr-
donnance de 1667. tu, 34. & h Commen-
taire de M. Joujfe*
$
Par t. IL C h ap. IL nf
«
CHAPITRE IL
DE LA PREMIERE DIVISION
des Obligations , en Obligations civiles ,
& en Obligations naturelles,
191. VT O u s avons fuffifamment vu
xN jufqu'à préfent quelle efl la na-
ture des obligations civiles ; il nous refle
à traiter en ce chapitre des obligations
naturelles.
Les principes de notre Droit, font à
cet égard différens de ceux du Droit Ro-
main.
On appelloit dans le Droit Romain:
Obligation naturelle , celle qui étoit desti-
tuée d'action, c'eft-à-dire , qui ne don-
«oit pas à celui envers qui elle étoit con-
tractée , le droit d'en demander en juftice
le payement.
Telles étoient toutes celles qui naif-
foient des {impies conventions , qui n'é-
toient revêtues ni de la qualité de contrat,
ni de la forme de la Stipulation.
Ces obligations étoient très-favorables.
Quid enim tam congruum Jidei humanœ %
quàm ea quœ inter eos placueruntfervare, L,
l.ff. de paclt Si elles étoient deftituées
2.i6 Tr. des Oblig.
d'action, ce n'étoit que par une raifon ti-
rée de la politique des Patriciens, qui
pour leur intérêt particulier avoient jugé
à propos de faire dépendre le droit d'ac-
tion des formules dont ils avoient feuls
la connoifTance dans les premiers tems ;
afin d'obliger les Plébéiens à avoir recours
a eu* dans leurs affaires , & de les tenir
par là dans leur dépendance. C'efr. pour-
quoi 9 à cela près qu'elles étoient defU-
tuées d'a£tion, elles avoient tous les au-
tres effets que peut avoir une obligation
civile. Non-feulement le payement de ce
qui étoit dû par une obligation purement
naturelle étoit un payement valable, &
non fujet à répétition ; mais fuivant les
principes du Droit Romain , je pouvois
contre l'aclion de mon créancier, oppo-
fer la compenfation de ce qu'il me de-
voit de fa part par une obligation pure-
ment naturelle , /. 6. fi. de comp. Suivant
les mêmes principes , des fidéjuffeurs pou-
voient contracter une obligation civile ,
qui accédât à une obligation purement
naturelle, /. 16. §. 3. iT. de fidej. &c une
obligation purement naturelle pouvoit
fervir de matière à une novation , en une
autre obligation civile , /. 1. §. 1. fi. de
novat.
191. Selon les principes de notre Droit
François , qui u'a pas admis la diftin&ion
du
Part. II. Chap. IL 217
du Droit Romain entre les fimples pacte ,
cv les contrats; ces obligations naturelles
du Droit Romain , ibnt clans notre Droit
de véritables obligations civiles.
Celles qu'on peut appeller dans notre
Droit obligations purement naturelles >
ibnt i° , celles pour lesquelles la loi dénie
l'action par rapport à la défaveur de la
caufe d'où elles procèdent: telle eft la
dette due à un cabaretier pour dépenfes
faites par un domicilié du lieu , dans foit
cabaret. Coutume de Paris , art. 128.
20. Celles qui naifTent des contrats des
perfonnes qui , ayant un jugement & un
diieernement fuffifant pour contracter,
font néanmoins par la loi civile inhabiles
à contracter: telle eft l'obligation d'une
femme fous puiffance de mari , qui a con-
tracté fans être autorifée.
193. Ces obligations qui naifTent d'une
Caufe improuvée par les loix , ou qui ont
été contractées par des perfonnes à qui la
loi ne permet pas de contracter, n'au-
roient pas eu par le Droit Romain , même
le nom d'obligation naturelle. C'eft pour-
quoi je ne penfe pas qu'elles doivent
avoir parmi nous les effets que le Droit
Romain donnoit aux obligations pure-
ment namrelles.
Par exemple , un cabaretier ne doit pas
être admis à oppofer contre l'action de.
Tome I, K.
|i8 Tr, des Oelig,
fon créancier, ce que ce créancier lui
doit pour dépenfes faites en fon cabaret:
le débiteur d'une femme ne peut contre
l'action de cette femme , oppofer la corn-
penfation de ce que cette femme lui doit
par un contrat qu'elle a fait avec lui ,
étant fous puiffance de mari , & fans être
autorifée, fi ce n'eft que le contrat eût
tourné au profit de cette femme.
1 94. Pareillement , des fidéjuffeurs ne
s'obligent pas valablement envers un ca-
baretier pour une dette de cabaret ; car
la défaveur de la caufe de la dette qui fait
dénier l'action au cabaretier , milite éga-
lement à l'égard des fidéjuffeurs, comme
à l'égard du principal obligé.
Lorfque c'eft la feule qualité de la per-
fonne qui a porté la loi à annuller l'obli-
gation; comme lorfqu'une femme fous
puiffance de mari s'eft. obligée fans être
autorifée , il y auroit plus de raifon de
douter fi l'a£tion devroit être déniée con-
tre les fidéjuffeurs ; car c'eft par une rai-
fon qui lui eft perfonnelle que la loi dénie
l'a&ion contr'elle. Néanmoins il faut dé-
cider que l'obligation des fidéjuffeurs n'eft
pas plus valable que celle de la femme ;
caria loi rendant nulle celle de la femme,
elle ne fubfifte aucunement, fi ce n'eft
dans le for de la conicience , la loi civile
la méconnoît ôc la déclare nulle,& par con-
féquent elle ne peut pas être un fujet fuf-
P A R T. II. CH A P. II. 21^
fifant auquel puiflent accéder d'autres
obligations. Si ruivant les principes du
E>roit Romain des fidéjurTeurs peuvent
acccder a une obligation naturelle , c'efl
que les obligations naturelles , n'etoient
pas des obligations que la loi improuvât,
cv qu'elle déclarât nulles : elles étoient
feulement deflituées d'action. Mais les-
loix Romaines décident que des fidéjuf-
feurs ne peuvent accéder à des obliga-
tions que la loi réprouve &: annuité. C'efl:
fiir ce principe qu'elles décident que des
fidéjufleurs ne peuvent s'obliger valable-
ment pour une femme qui fe feroit obli-*
fée contre la prohibition du Sénatufcon-
iulte Velleien ; quia totam obligztlommfi-
natus improbat , L. 16. §. 1. ff. adfc. Vdl.
L. 14. cod. dicl. tit. Par la même raifon orz
doit décider que des fidéjufTeurs ne peu-
vent accéder à l'obligation qu'une femme
mariée a contractée fans être autorifée ,
ni à toutes les autres obligations qui ne
font appellées obligations purement na-
turelles, que parce qu'elles font imprru-
vées par la loi civile. C'efl aufli l'avis de
Lebrun. Tr. de la Communauté \ Liv. 2. ch»
1. S. 5. N. 17.
195. Le feul effet de nos obligations
purement naturelles efl, que lorfque le
débiteur a payé volontairement, le pave-
ment eft valable , &. n'eflpas fujet à répé-
Kij
220 Tr. des O b l I g.
tition ; parce qu'il a eu un jufte fujet de
payer ; fçavoir celui de décharger fa conf-
cience. Ainfi on ne peut pas dire qu'il a
été fait fint causa-. cPoù il fuit qu'il ne
peut y avoir lieu aux actions qu'on ap-
pelle condiclio fine caufâ > & condïciio in-
debiti.
Obfervez néanmoins que pour que le
payement fait par une femme d'une dette
qu'elle a contractée fans l'autorité de fon
mari , foit valable ; il faut, ou qu'elle l'ait
fait en viduité , ou qu'elle l'ait fait avec
l'autorité de fon mari , fi elle étoit encore
fous fa puifTance. Car en ce cas elle n'efl
pas plus capable de payer fans l'autorité
de fon mari , que de contracter,
196. Nous avons parlé jufqu'à préfent
des obligations que la défaveur de leur
caufe y ou l'inhabilité civile de la perfonne
qui les a contractées , rend obligations
purement naturelles. Une obligation ci-
vile , lorfque le débiteur a acquis contre
Faction qui en réfulte quelque fin de non-
recevoir; putn9 par l'autorité de la chofe
jugée , ou du ferment décifoire , ou par le
laps du tems requis pour la prefcription ,
peut aufîi être regardée comme obligation
purement naturelle , tant que la nn de
non-recevoir fubfifte , & qu'elle n'eu1 pas
couverte. Voyeifur ces fins de non-recevoir f
infià,p. $.çh,8<
Part. II. Cri a p. II. %'%'t
1 97. On ne doit pas confondre les obli-
gations naturelles , dont nous avons parlé
dans ce chapitre , avec les obligations im-
parfaites dont il a été parlé au commen-
cement de ce Traité. Celles-ci ne don-
nent aucun droit à perfonne contre
nous , même dans le for de la confcience.
Par exemple fi j'ai manqué de rendre à
mon bienfaiteur un fervice que la recon-
noilTance m'obligeoit à lui rendre; ce
qu'il fbuffre de ce que j'ai manqué à ce
devoir , ne le rend pas pour cela mon
créancier, même dans le for de la conf-
cience. C'eft. pourquoi s'il me devoit une
certaine fomme , pour laquelle je n'aurois
plus d'aftion contre lui, parce que ma
créance feroit prefcrite ; il ne laifleroit
pas d'être obligé dans le for de la conf-
cience de me payer , fans qu'il pût rien
compenfer de ce qu'il a fouffert de mon
ingratitude. Au contraire les obligations
naturelles , dont nous avons traité dans
ce chapitre , donnent à la perfonne , en-
rs qui nous les avons contractées , un
droit contre nous , non pas à la vérité
dans le for extérieur, mais dans le for de
la confcience. C'eft. pourquoi fi j'ai fait
une depenfe de cent livres dans un caba-
ret du lieu de mon domicile , ce cabare-
tier efi vraiment mon créancier de cette
K iij
ni Tr. bes Oblig.
fomme , non dans le for extérieur , maïs
dans le for de la confcience ; & fi j'avois
de mon côté une créance de pareille fom-
me contre lui qui fut prefcrite ; il pour-*
roit dans le for de la confcience fe dif-
penfer de me la payer , en la compenfant
avec celle qu'il a contre moi.
<+*^. / -
Part. II. Chap. III. 213
CHAPITRE III.
Des différentes modalités fous lesquelles Us
oblis dons peuvent être contractées
Article Premier.
Des conditions fufpenjives , & des
obligations conditionnelles,
198.I ]Ne obligation conditionnelle
V./ eft. celle qui eft fufpendue par
la condition fous laquelle elle a été con-
tractée , qui n'eft, pas encore accomplie.
Pou/ faire connoître ce que c'eil qu'une *
obligation conditionnelle, nous verrons ,
i°. Ce que c'eif qu'une condition fufpen-
five, &: quelles font les différentes efpe-
ces de condition. i°. Ce qui peut faire
une condition fufpenfive. 3 . Quand une
condition en1 cenfée accomplie , ou répu-
tée pour accomplie. 40. Nous traiterons
de Tindivifibilité de l'accompliffement des
conditions. 50. De l'effet des conditions.
6°. Nous verrons fi, lorfque l'obligation
a été contractée fous pîufieurs conditions 7
il faut que toutes foient accomplies ,
pour que l'obligation ait fon effet.
K iv
i.%4 Tr. des Oblig.
§• I.
Queji-ce quune coiidition & fe$ différentes
efpeces.
199. Une condition eft le cas d'un évé-
nement futur & incertain , qui peut arri-
ver ou ne pas arriver , duquel on fait dé-
pendre l'obligation.
200. On diftingue les conditions fous
lefquelles une obligation peut être fufpen>
due, en pofitives , & en négatives.
La condition pofitive eft. celle qui con-
fiée dans le cas auquel quelque chofe qui
peut arriver , ou ne pas arriver , arri-
vera , comme celle-ci ^Jî je me marie.
La condition négative eft celle qui con«
fifle dans le cas auquel quelque choie qui
peut arriver, ou ne pas arriver, n'arri-
vera pas , comme celle-ci , Jî je ne mc^
marie pas.
201. On diftingue encore les condi-
tions en poteflatives , cafuelles & mixtes.,
La condition potefïative eft. celle qui
eft. au pouvoir de celui envers qui l'obli-
gation eft. contractée ; comme fi je m'o-
blige envers mon voilin de lui donner une
fomme , s'il abbat dans fon champ un ar-
bre qui me bouche la vue.
La condition cafuelle efl celle qui d£-
Part. II. Chap.III. 225
pend du haiard , 6c n'eit nullement au
pouvoir du créancier ; telles que font
celles-ci ,yz/'tfi des en/ans \,Jije n'ai point
d'en/ans : fi un tel navire arrive à bon port
des Indes , &c.
La condition mixte efl celle qui dé-
pend du concours de la volonté du créan-
cier, 6c de celle d'un tiers , comme cel-
le-ci , fi vous epoufe^ ma confine.
§. 1 1.
Ce qui peut faire une condition qui fufpendt
une obligation.
202. Pour qu'une condition ait l'effet
de fufpendre une obligation, il faut i°.
que ce foit la condition d'une chofe fu-
ture ; une obligation contractée fous la
condition d'une chofe pafTée ou préfente,
quoiqu'ignorée des contra&ans , n'eft. pas
proprement une obligation conditionnel-
le. Par exemple , fi après que la loterie
de faint Suîpice a été tirée , 6c avant que
la lifte foit arrivée , j'ai promis à quel-
qu'un de lui donner une certaine fomme,
fi le gros lot m'étoit échu , ou fi j'ai pro-
mis à quelqu'un une certaine fomme, au
cas que le Pape foit actuellement vivant ,
ces obligations ne font pas conditionnel-
les y mais ou elles ont d'abord toute leur
Ky
n6 Tr. des Oblige
perfe&ion , s'il fe trouve que j'ai effe Vi-
vement le gros lot , ou que le Pape efl
vivant ; ou au contraire , il n'y aura ja-
mais eu d'obligation contractée , s'il fe
trouve que le gros lot ne m'eft point échu,
ou que le Pape efl mort.
C'eft ce que décide la loi ioo. ff. de
verb. obi, Conditio in prœtcritum non tan-
tum in prœfcns tempus relata , Jlatim aut
perimit obligationem , aut omninb non dif-
fort; addt LL. 37. 38. 19* ff^ de #• cred.
Néanmoins quoique la chofe foit effec-
tivement due, le créancier ne peut pas
l'exiger jufqu'à ce qu'il fe foit rendu cer-
tain du fait , & qu'il l'ait notifié au dé-
biteur.
103. Il faut i°. que la condition foit
d'une chofe qui peut arriver ou ne pas
arriver. La condition d'une chofe qui
arrivera certainement , n'eft pas propre-
ment une condition , & ne fufpend pas
l'obligation ; mais elle en diffère feule-
ment l'exigibilité , & n'équipolle qu'à un
terme de payement.
Il faut néanmoins à cet égard diftin-
guer entre les obligations qui font con-
tractées par des actes entre-vifs , par lef-
quels nous contractons tant pour nous que
pour nos héritiers , & entre celles qui
naiffent des difpofitions faites au profit
d'une certaine perfonne ? & non de fes
P A R T. 1 1. C H A P. 1 1 1. 227
héritiers , tels que font les legs &£ les
fubftitutions portées par des teftamens y
ou par des donations entre- vifs.
A l'égard de ces difpofitions , quoique
le fa^t qui y eft mis pour condition doive
certainement arriver , s'il eft incertain
quand il arrivera , & il ce fera du vivant
du légataire , ou fubftitué , il peut faire
une véritable condition ; la raifon eft
qu'une telle difpofition n'étant faite qu'à
la perfonne même du légataire , ou fubfti-
tué , le droit qui en réfulte ne pouvant
être acquis que par la perfonne même du
légataire ou fubftitué , la condition qui y
eft appolée , ne pouvant conféquemment
s'accomplir utilement que du vivant du
légataire ou fubftitué , il fiifrit qu'il foit
incertain fi la condition arrivera de fon
vivant , quoiqu'il foit certain qu'elle ar-
rivera un jour , pour que la difpofition
foit conditionnelle , puifqu'il eft incertain
s'il fera dû ; c'eft fur ces principes que la
loi 1 . §. 2. ff. de cond. & dem. décide , que
fi j'ai grevé mon héritier d'un legs , lorf-
qu'il mourroit , le legs eft conditionnel :
au contraire , dans les adtes entre-vifs ,
par lefquels nous contractons tant pour
nous que pour nos héritiers , le cas d'une
chofe qui doit certainement arriver , quoi-
qu'il foit incertain quand elle arrivera ,
ne peut jamais faire une condition qui
Kvj
ix 8 Tr. des Ob lig.
fufpende l'obligation ; parce que les con-
ditions des obligations contractées par ces
actes , pouvant s'accomplir utilement en
quelque temps que ce foit , aufTi-bien
après la mort de la perfonne envers qui
elle eft. contractée, comme de fon vivant,
comme nous le verrons infrà n. 208. la
dette contractée fous la condition d'une
chofe qui doit certainement arriver , ne
peut être incertaine , ni par conféquent
conditionnelle.
204. Il faut 39. pour qu'une condition
foit valable , & qu'elle fufpende l'obli-
gation , que ce foit la condition d'un«
chofe pofîible , licite , & qui ne foit pas
contraire aux bonnes mœurs.
La condition d'une chofe impofrible ,
illicite , ou contraire aux bonnes mœurs ,
fous laquelle quelqu'un promettroit quel-
que chofe , rend l'acte abfolument nul ,
lorfqu'elle eft in faciendo ? &C il n'en naît
aucune obligation , L. 1. §. 1 1. jf. de ob.
& acl. Z. 3 1. </. th. L. j.ff. de verb. oblig.
comme fi je vous avois promis une fom-
me fous cette condition , fi vous faites un
triangle fans angles , ou fous celle d'aller
tout nud dans les rues.
Il en eft autrement dans les teftamens ;
les legs qui feroient faits fous dépareilles
conditions n'en font pas moins valables ,
&: la condition eft regardée comme non
Part. II. Chàp. III. 229
écrite , ce que la faveur des dernières
volontés a tait établir , /. 3 . ffl de cond.
& dcm. I. /04. §. i.jfl de Ugat. i°.
Lorfque la condition impofiible eft in
non faciendo comme fi je vous avois pro-
mis une fomme fi vous n'arrêtiez pas le
cours du JoUil, elle ne rend pas nulle l'o-
bligation fous laquelle elle eft contractée:
cette condition n'a aucun effet, & l'obli-
gation eft pure &C fimple , /. 7. ff. de verb.
oblig. mais la condition de ne pas faire
une certaine chofe qui eft contraire aux
mœurs ou aux loix , peut rendre l'acte
nul ; parce qu'il eft contraire à la juftice
& à la bonne foi de ftipuler une fomme ,
pour s'abftenir d'une chofe dont nous
ibmmes d'ailleurs obligés de nous abs-
tenir.
105. Pour qu'une condition foit vala-
ble &c fufpende l'obligation fous laquelle
elle eft contractée ; il faut 40. qu'elle ne
détruite pas la natvire de l'obligation :
telle eft la condition qui feroit dépendre
l'obligation de la pure & feule volonté
de la perfonne qui s'engage ; comme fi
je promettois de donner quelque chofe à
quelqu'un fi cela me plaifoit, si volue-
RO ; car l'obligation étant Juris vinculum
quo neccfjltate adjlringimur y & renfermant
eftentiellement une néceftité de donner
ou de faire quelque chofe ; rien n'eft plus
f$o Tr. des Oblic.
contraire à fa nature que de la faire dé-
pendre de la pure volonté de celui qu'on
fuppoferoit la contracter ; &: par confé-
quent une telle condition ne fufpend pas y
mais détruit l'obligation qui pèche en ce
cas par le défaut de lien dont nous avons
déjà parlé fuprà N. 47. & 48. Nulla pro*
miffio potefl confijlere quœ ex voluntate pro-
mittentis Jiatum caplt. L. 108. §. 1. ff; de
yerb, oblig.
- Il efl contraire à l'effence de l'obliga-
tion qu'elle dépende de la pure &C feule
volonté de celui qu'on fuppoferoit l'avoir
contractée ; mais elle peut dépendre de
la pure & feule volonté d'un tiers. C'eft
pourquoi je peux valablement contra&er
l'obligation de donner ou de faire quelque
chofe , fi une certaine perfonne tierce y
confent, /. 43. & L 44. de verb. oblig.
§. m.
Quand tes conditions font- elles cenfêes
accomplies ?
206. Les conditions pofitives, s'accom-
pliffent , lorfque la chofe qui fait la ma-
tière de la condition arrive.
Lorfqu'une condition confiée à donner
©u à faire quelque chofe , il faut pour
l'accompliffement de la condition , que
Part. II. Chap. III. 13 î'
celui à qui elle a été impofée , ait donné
ou tait la chofe , de la manière dont il efr.
vraisemblable que les parties l'ont enten-
du. C'eft pourquoi, fi j'ai contracté quel-
qu'engagement envers vous , au cas & fî
vous donniez une certaine fomme à un
tel , &: que ce loit un mineur , vous n'avez
pas accompli la condition , fi au lieu de
donner cette fomme au tuteur de ce mi-
neur , vous l'avez donnée à ce mineur qui
l'a diffipée, /. 68 \ ft.de folut.. Car il efl
évident que mon intention , en vous im-
posant cette condition, a été, que vous
donneriez cette fomme au mineur , de ma-
nière qu'il en pût profiter , en la mettant
es mains de fon tuteur ; & que vous ne
l'abandonneriez pas à la difcrétion de ce
mineur.
Notre principe que les conditions doi-
vent s'accomplir de la manière dont les
Parties ont vraifemblablement voulu &
entendu qu'elles le fufTent , fert à décider
la queftion que font les Do&eurs , û les
conditions doivent s'accomplir littérale-
ment in forma fpecified} Il faut dire , qu'or-
dinairement elles doivent s'accomplir in
forma fpecified , qu'elles peuvent néan-
moins s'accomplir per aquipcllens , lors-
que pro fubjeclâ materid , il paroit que
telle a été vraifemblablement l'intention
des parties ; 6c cette intention fe préfu-
2.32. Tr. des Ob li g.
me^ lorfque celui en faveurde qui eft la con-
dition n'a pas d'intérêt qu'elle foit accom-
plie d'une manière plutôt que d'une autre.
Par exemple , fi j'ai contracté quel-
qu'obligation envers vous fous cette con-
dition , fi dans tel temps vous me don-
nez cent louis d'or ; vous êtes cenfé ac-
complir cette condition en m'offrant en
argent blanc la fomme de deux mille qua-
tre cens livres , à laquelle montent les
cent louis d'or , m'étant indifférent de re-
cevoir cette fomme en argent ou en or ;
avec d'autant plus de raifon, qu'on ne con-
fidere dans lamonnoie que la valeur que le
Prince lui a donnée , &: non les corps qui
n'en font que lefigne. Arg. L. i. infin.ffl
de cont, tmpt,
207. Les conditions devant s'accom-
plir de la manière dont les parties con-
tractantes l'ont entendu, on demande fi ,
lorfque la condition confifte dans quel-
que fait , foit du créancier , foit du dé-
biteur , foit d'une perfonne tierce , la
condition ne peut être accomplie que par
la perfonne elle-même, ou fi elle peut
l'être par les héritiers de la perfonne , &
par quelqu'autre que ce foit , qui fafTe
pour elle &c en fon nom ce qui eft porté
par la condition. La décifion de la quef-
tion dépend de la nature du fait , 6k de
l'examen de l'intention qu'ont eue les par-
Part. IL Chap. III. 235
tîes contractantes. Si le fait mis en con-
dition , eft un fait perfbnnel, û c'eft le
fait d'une telle perfonne , plutôt que le fait
feul & en lui-même , que les parties ont
eu en vue ; en ce cas la condition ne peut
être accomplie , que par la perfonne elle-
même. Par exemple , fi je me fuis engagé
envers mon domeftique , de lui donner
une certaine récompenfe , s'il reftoit dix
ans à mon fervice ; il eft évident que le
fervice de ce domeftique , qui fait l'ob-
jet de la condition , eft un fait perfonnel ,
&£ qu'une telle condition ne peut être ac-
complie que par lui-même. Il en eft de
même de l'obligation que j'ai contractée
envers l'élevé d'un célèbre peintre , de lui
donner une certaine fomme , fi fon maî-
tre me faifoit un certain tableau : c'eft
encore un fait perfonnel qui fait l'objet
de cette condition , & elle ne peut être
accomplie que par le peintre lui-même.
Mais fi le fait, foit du créancier, foit
du débiteur, foit d'un tiers , qui a été mis
pour condition, n'eft pas un fait perfon-
nel ; fi c'eft un fait que les parties con-
tractantes ont confidéré feul & en lui-mê-
me , &c non comme le fait d'une telle per-
fonne ; en ce cas , la condition peut s'ac-
complir , non-feulement par la perfonne
elle-même, mais encore par fes héritiers ,
ou autres fucceffeurs. Par exemple, fi je
134 Tr. des O b l i g.
me fuis obligé à vous payer une certaine
fomme , fi dans Vannée, vous f'fit{ abattre
fur votre héritage , un bois qui faifoit geler
mes vignes \ cette condition peut s'accom-
plir par vos héritiers ; car ce fait n'eft pas
un fait qui vous fût perfonneL II eft évi-
dent qu'en appofant cette condition à
mon obligation , j'ai confidéré le fait
feul & en lui-même , n'ayant eu d'autre
intention , finon que le bois fût abattu ,
m'étant indifférent par qui. Pareillement ,
fi je vous ai acheté un héritage , fous ta.
condition qu'un tel fe défifteroit d'un
droit de fervitude qu'il y prétendoit , la
condition s'accomplira , fi le fuccefteur
de ce voifin donne ce défiftement.
. 208. Les conditions des acf es entre-vifs,
par lefquels nous contractons tant pour
nous que pour nos héritiers , peu-
vent s'accomplir utilement après la mort
de celui envers qui l'obligation eft con-
tractée , aufîi-bien que de fon vivant ,
injtit. tit, âe verb, oblig. §.5. En cela ces
a&es différent des legs & autres fembla-
bles difpofitions , lefquelles demeurent
caduques , fi celui au profit de qui elles
font faites , meurt avant que la condi-
tion , fous laquelle elles font faites , ait
été accomplie, /. 59. if. de cond. & dem.
La raifon de différence eft que celui qui
fait un legs à quelqu'un 3 ne lègue qu'à
Part. IL Ch a p. III. 2jf
la perfonne du légataire ; d'où il fuit que
FaccomplirTement de la condition , qui
n'arrive qu'après la mort > ne peut don-
ner ouverture au legs ; car il ne peut y
avoir ouverture à ce legs au profit du lé-
gataire qui n'eft plus , ni au profit des hé-
ritiers du légataire , qui ne font pas ceux
à qui le teitateur a voulu léguer. Au con-
traire , dans les actes entre-vifs, celui qui
ftipule quelque chofe > eft cenfé le ftipuler
tant pour lui crue pour (es héritiers , qui
pacifciturjibi herediquefuo pacifcitur. L'o-
bligation qui rëfuîte de l'acte eft contrac-
tée envers lui & envers fes héritiers ; d'oîi
il fuit que la condition fous laquelle l'o-
bligation a été contractée , quoiqu'elle ne
s'accompliffe qu'après fa mort , doit donr
ner ouverture à l'obligation.
Cynus , Bartole , & la plupart des an-
ciens Docteurs > ont foutenu que notre
principe fur l'accomplirTement des condi-
tions des actes entre-vifs fouffroit excep-
tion à l'égard des conditions poteftatives,
c'eit- à-dire , de celles qui confident dans
quelque fait qui eu au pouvoir de celui
envers qui l'obligation eft contractée.
Ces auteurs ont prétendu qu'elles ne pou-
voient s'accomplir après fa mort. Si cette
décifion étoit reitreinte aux conditions
pot-efratives , qui confident clans quelque
fait du créancier qui foit perfonnel } elle
236 Tr. !des Oblig.
ne pourroit fouffrir aucune difficulté. îî
eft évident , par ce qui vient d'être dit ci-
deffus , qu'elles ne peuvent s'accomplir
après fa mort; mais il eft faux, que tou-
tes les conditions pote Hâtives indlftin dé-
ment , ne puifTent s'accomplir après la
mort du créancier; 6c il n'y a aucune
raifon folide fur laquelle l'opinion de ces
Docleurs puirTe être établie. Ils ne la fon-
dent que fur quelques textes de droit , qui
ne font rien moins que décifift , & qu'il
feroit trop long de rapporter &c de réfu-
ter : il fuffira de répondre à la loi 48. ff.
de verb. ob/ig. qui eft. le principal fonde-
ment de cette opinion. ïl y eft dit que dans
une ftipulation, ces termes, cum petiero ,
dabis , font différens de ceux-ci , (i petiero
& qu'ils ne renferment pas une condition,
admonitionem magis. quàm condilionem ha-
bit hac (iipulatio \ ù ideb , ajoute Ulpien ^fi
decejfero prias quàmpeturo , non videtur defe-
ciffè conditio. De ces derniers mots , nos
Docteurs argumentent ainfi.-Ulpien dit qu»
lorfque les parties ont employé ces ter-
mes cum petiero , la mort du créancier arri-
véeavant qu'il ait donné la demande, n'em-
pêche pas l'effet de la convention, parce
que ces termes cum petiero , ne renferment
pas une condition ; donc , concluent-ils ,
û les parties s'étoient fervies de termes
qui renfermaflent une condition ; tels que
Part. II. C hap. III. 237
ceux-ci , fi peticro , il en auroit été autre-
ment , cv la mort du créancier arrivée
mt qu'il eût donné la demande , au-
roit tait défaillir la condition , & fait tom-
ber la convention : donc la condition 9Ji
pctïcro , ne peut s'accomplir utilement que
<hi vivant du créancier : donc les condi-
tions poteilatives ne peuvent s'accomplir
utilement que du vivant du créancier. Je
réponds que cette dernière conféquence
eft mal tirée ; ces Docteurs contre les rè-
gles de la Logique concluent du particu-
lier au général : je conviens que la con-
dition , SI PETIERO, ne peut sy accomplir
après la mort du créancier ; parce qu'il pa-
roît que dans cette condition , c'efl le
fait perfonnel du créancier , c'eït la de-
mande que la perfonne même du créan-
cier fera , que les parties ont entendu
mettre pour condition ; autrement cette
condition n'auroit pas de fens : mais
de ce que la condition , fi petiero y ne
peut s'accomplir après la mort du créan-
cier ; il ne s'enfuit pas que les autres con-
ditions poteftatives , qui renferment un
fait qui n'en1 pas perfonnel , ne puifTent
s'accomplir utilement après la mort du
créancier. Cette queftion a été traitée
avec grande étendue par Covarruvias %
^uxfl. pracl. 39.
209. Lorfque la condition renferm.0
2.38 Tr. des Oblio.
un temps préfîx, dans lequel elle doit être
accomplie , comme fi je me fuis obligé
de vous donner une certaine fomme , fi
un tel navire Itoit cette année de retour dans
les ports de France ; il faut que la chofe ar-
rive dans le temps préfîx , & lorfque le
temps efî expiré ians que la choie foit ar-
rivée , la condition eft cenfée défaillie ,
& l'obligation contractée fous cette con-
dition, eft entièrement évanouie.
Maisfi la condition ne renferme aucun
temps préfîx dans lequel elle doit être ac-
complie , elle peut l'être en quelque temps
que ce foit ; &; elle n'efl pas cenfée dé-
faillie jufqu'à ce qu'il foit devenu certain
que la chofe n'arrivera point.
On s'écarte de cette règle , lorfque la
condition confifte dans quelque chofe que
doit faire celui envers qui je me fuis obli-
gé fous cette condition , & que j'ai inté-
rêt qui foit faite : comme fi j'ai promis à
mon voifin de lui donner une fomme , s'il
abattoit un arbre qui me nuit. Car en ce
cas , je peux afîigner celui envers qui je
me fuis obligé , pour qu'il lui foit préfixé
vin certain temps dans lequel il accomplira
la condition , & qu'à faute par lui de le
faire , je ferai déchargé purement &£ Am-
plement de mon obligation.
210. Les conditions négatives ou ont un
temps préfîx, ou n'en ont point. Lorf-
Par t. II. Chap. IR 239
«fit'elles ont un temps préfix , elles exif-
tent , lorique ce temps eft expiré fans que
la choie foit arrivée. Par exemple , fi je
vous ai promis quelque chofejî un el na~
: n et oit pas de retour cette année dans
nos ports : la condition aura exifté , lorf-
que Tannée fera expirée fans que le navire
foit arrivé. Elles peuvent s'accomplir
avant l'expiration de ce temps , lorfqu'il
devient certain que la chofe n'arrivera
pas.
Si la condition négative n'a point de
temps préfîx , elle n'en1 cenfée accomplie,
que lorfqu'il fera devenu certain que la
chofe n'arrivera pas. Par exemple , û je
fuis obligé à vous donner quelque chofe
fi un tel navire n arrive pas des Indes à bon
port ; la condition de mon obligation
n'exi fiera que lorfqu'il fera devenu cer-
tain que le navire ne reviendra pas , put à
par les nouvelles certaines qu'on aura
eues de fon naufrage.
2 1 1 . Si néanmoins la condition confifte
dans quelque chofe qui foit au pouvoir
du débiteur, & qui intérefle celui au pro-
fit de qui l'obligation a été contractée ;
comme fi quelqu'un s'eft obligé envers
moi de me donner une certaine fomme ,
s'il ne faifoit pas abattre un arbre fur fon
héritage qui nuit au mien ; je penfe que
celui qui s'eft obligé fous cette condition,
^4<* Tr. des ObliC
peut être affigné pour voir dire que faute
par lui de faire une telle chofe , dans le
temps qui lui fera imparti par le Juge ,
il fera condamné à payer ce qu'il s'eft
obligé de donner au cas qu'il ne le fît pas.
Et s'il ne le fait pas dans le temps qui
lui aura été imparti , cette condition né-
gative fera cenfée avoir exifté; &: il pour-
ra en conféquence être condamné à payer
la fomme qu'il s'eft. obligé de payer fous
cette condition.
Cette décifion néanmoins n'a pas paru
fans difficulté aux Jurifconfultes Romains:
les deux écoles étoient partagées de fen-
timent fur la queftion , /. 115. §- 2. fF.
de verb. oblig. Celui des Sabiniens que j'ai
fuivi me paroît plus conforme à l'efprit
&c à la Simplicité de notre Droit François.
212. C'eftune règle commune à toutes
les conditions des obligations , qu'elles
doivent paffer pour accomplies , lorfque
Je débiteur qui s'eft obligé fous cette con-
dition en a empêché l'accomplifTement.
Quicurnque fub conditione obligatus , cura-
verit ne conditlo exlfferet , nihilomninùs
v pbllgatur , L. 85. §. J.ff de verb. oblig.
Pro impletd habetur conditlo cîim per
eum fiât , qui 9 fi imphta effet , debiturus
effet, L. Si. §. 1. ffi de cond. & dcm.
Ceci eft une conféquence de cette règle
de droit, in omnibus caufis pro facto acci-
fituç
Par t. II. C h a p. II I. 241
'./, in q:io pcr alinm morajîi* quo-
r, L. 39 jf. de reg, jura.
On ne peut néanmoins dire , que c'efl
r le fait du débiteur qu'une condition
n'a pas été accomplie , tk. qu'elle doit en
conléquence être réputée pour accom-
plie , lorfque ce n'eiî qu'indirectement,
6: tans derTein d'en empêcher l'accomplii-
fement , qu'il y a mis obftacle. C'eft pour
cela eue Paul dit à l'égard des conditions
apposées aux legs ; non omne ab lundis per-
fond interveniens iînpedimentum pro expletâ
conditione ced't , /. 38. if. de Jlatidib.
Par exemple , fi un tefTateur à qui j'ai
fuccédé vous avoit légué une maifon ; Ji
dans Vannée de fon décès vous donnie^ an
créancier de Pierre une certaine Comme pour
laquelle il le retenoit en prifon , 6c qu'é-
tant votre créancier de mon chef de fom-
mes confidérables , j'aie faifi vos m u-
bles pour en être payé ; quoique la faille
quq j'ai faite vous ait mis hors d'état de
donner la fomme au créancier de Pierre ,
& d'accomplir la condition appoféc à vo-
tre legs ; je ne ferai pas néanmoins cenfé
en avoir proprement par mon fait empê-
ché l'accomplirTement, &c elle ne fera pas
réputée pour accomplie ; car ce n'eft
Qu'indirectement que je l'ai empêché; la
faifie que j'ai faite n'a pas été faite dans
le defiein de vous empêcher d'accomplir
Tom* I, L
241 Tr. des Oblig.
la condition ; je n'ai voulu autre chofe
qu'exiger par une voie légitime les fem-
mes que vous me deviez.
Obfervez auffi à cet égard une diffé-
rence entre les conditions dont Paccom-
pliiïement efl momentané , &c celles qui
ne s'accomplirTent que par une fucceflion
de temps. Les premières font réputées
pour accomplies , aiuTi-tôt que le créan-
cier conditionnel , s'étant préfenté pour
accomplir la condition , en a été empê-
ché par le débiteur : il n'en eft pas de
même des autres. Par exemple , fi je m'é-
îois obligé à quelque chofe envers un
vigneron , fous la condition qu'il me fe~
roit dix journées, & que s'étant préfenté
pour travailler , je l'euffe renvoyé ; la
condition ne feroit réputée pour accom-r
plie , qu'en partie & pour une journée
feulement : elle ne feroit réputée , pour
entièrement accomplie , que lorfqu'ii s'y
feroit préfenté à dix jours ditFérens, /. 10.
j§. 5. ff. dici. tit.
2 1 3. A l'égard de la règle touchant les
conditions poteftatives , qu'elles doivent
parler pour accomplies , lorfqu'ii n'a pas
tenu à celui à qui un défunt a lahTé quel-
que chofe fous cette condition ; c'eft une
règle qui a lieu pour les dernières volon-
tés , &: qui ne doit pas s'appliquer aux
conditions des engagemens contractés par
Part. Iî. Chap. III. 14c
des a£tes entre-vifs. Par exemple , fi quel-
qu'un vous a légué une certaine Tomme ,
fi dans Tannée de Ton décès vous donniez
la liberté à votre nègre Jacques , la con-
dition cil cenlee accomplie , & le legs
vous eft dû , fi la mort de Jacques eft ar-
rivée peu après celle du teftateur , qui
vous a empêché d'exécuter &c d'accom-
plir la condition , /. 54. §. 2. fE de leg. i°.
Mais fi quelqu'un par une convention
entre lui 6c vous , s'eft obligé fous une
pareille condition , à vous donner une
certaine fomme ; je ne penfe pas que la
fomme vous fût due , fi la mort furvenue
de ce nègre , vous avoit empêché d'ac-
complir la condition.
La raifon de cette différence eft que les
dernières volontés font fufceptibles d'une
interprétation plus étendue. Au contraire,
les contrats ne doivent être entendus que
quantum fonant ; & l'interprétation , dans
le doute , fe fait toujours contre celui
envers qui l'obligation eft contractée r
ambiguitas contra Jlipulatorem ejl 9 L 26 •
ff. de R. dub. parce qu'il doit s'imputer ,
fi l'a£te n'eft pas afTez clairement expli-
qué, n'ayant tenu qu'à lui , puifqu'il étoit
préfent, de s'expliquer mieux , /. 39. ffl
de p a cl. L 99. de verb. oblig. C'eft pour-
quoi , fuivant ce principe, lorfque par un
a&e entre-vifs, quelqu'un s'eft obligé en-
Lij
244 Tr. des Oblig.
vers moi fous cette condition que j'affran-
chirois mon nègre ; dans le doute fi l'obli-
gation a été contractée même pour le cas
auquel il ne tiendroit pas à moi de l'af-
franchir , l'interprétation doit fe faire con-
tre moi , & je ne pourrai exiger ce qui
m'a été promis fous cette condition ? quoi-
que la mort du nègre arrivée avant que
j'aie pu l'accomplir , m'ait empêché de
l'accomplir. Cette décifion auroit lieu ,
quand même j'aurois déjà fait quelques
préparatifs ; comme fi j'avois rappelle le
nègre d'une campagne éloignée où il étoit,
pour l'affranchir devant le Juge de mon
domicile , & qu'il fut mort en chemin :
je ne pourrois pas exiger ce qui m'a été
promis fous la condition de fon afîran-
chirTement ; je pourrois feulement deman-
der à être indemnifé de la dépenfe que
j'aurois faite pour le faire revenir.
214. Il en eft de même de la règle qui
concerne les conditions mixtes. Si quel-
qu'un m'a promis une certaine fomme , fi
j'époufois une telle fa confine ; je ne penfe
pas que la fomme me fût due fi j'étois
prêt de Pépoufer , & qu'elle le refufât ;
quoique fi l'on m'eût fait un legs fous une
telle condition , la condition pafsât pour
accomplie , /. 31. jff\ de cond. & detn.
Part. II. Ch a p. III. 145
§• IV.
De Vindivifibilitê de V accompliffement des
Conditions,
215. L'accomplhTement des conditions
eft indivifible , même quand ce qui fait
l'objet de la condition, eft quelque chofe
de divifible. Par exemple , fi quelqu'un
m'a légué un certain héritage , fi je don-
nois une certaine fomme à fon héritier ;
ou fi par une tranfaôion quelqu'un s'eft
obligé de me laiffer un héritage litigieux
entre lui Se moi , fi je lui donnois dans
un certain temps une certaine fomme :
quoique cette condition ait pour objet
quelque chofe de divifible , n'y ayant rien
de plus divifible , qu'une fomme d'argent ,
néanmoins l'accompliffement de cette con-
dition eft indivifible , en ce fens que le
legs qui m'a été fait fous cette condition
& l'obligation qui a été contractée en-
vers moi fous cette condition , fera en
fufpens jufqu'à l'accompli (Tement total de
la condition , fans que raccomplifTement
partiel pinife donner pour partie ouver-
ture au legs , ni faire naître pour partie
l'obligation, /. 23. /. 56.^ de cend, &
dzm.
C'eft pourquoi fi l'on a légué à Pierre
L iij
1.46 Tr. des Obli g.
un héritage , au cas qu'il donnât a l'héri-
tier dix mille livres , & crue Pierre meure
après en avoir donné feulement cinq , le
legs devient caduc pour le total, d. L 56*
<k l'héritier de Pierre peut feulement ré-
péter les cinq mille livres , condiciiont fini
causa , fi mieux n'aime néanmoins l'héri-
tier du teflateur acquitter le legs pour
partie. Car c'en1 en faveur de cet héritier
du teitateur , débiteur du legs , que la
condition eft regardée comme indivifible:
Molin. tracl. de diy. & ind. p. 3. n, 457.
Il en feroit de même fi le legs avoit
été fait à Pierre , ou à fon défaut à fes
enfaiis ; &£ que Pierre étant prédécédé,
l'un des enfans fubflitué au legs eût payé
à l'héritier du teitateur , fa part de dix
iniile livres : la condition ne feroit pas
cenfée aucunement accomplie ; Se il ne
pourroit rien demander , jufqu'à ce que
le furplus eût été payé, d. L 56.
Il en feroit autrement , fi le legs avoit
d'abord été fait à deux légataires fous cet-
te condition. Le teitateur ayant d'abord
impofé la condition à deux légataires , efl
cenfé , en la leur impofant , l'avoir divi-
fée & partagée entr'eux, d. /. 56.
216. Dumoulin décide pour Findi vi-
sibilité de la condition dans Fefpece fai-
sante.
Quatre héritiers d'un débiteur ont été
Part II. Chap. II T. 247
Condamnés à payer une certaine fomme ,
avec furféance de deux ans pour le paye-
ment , s'ils donnent caution dans h mois,
Dumoulin foutient que les trois héritiers
emi ont donné caution chacun pour leur
part dans le mois , ne jouiront pas du ter-
me , fi leur cohéritier n'a pas pareillement
donné caution pour fa part. Sa raifon eft ,
que le créancier eu dans cette efpece,
la partie la plus favorable ; puifque c'efr.
lui qui foufTre d'un terme non convenu
qui efr. accordé à fes débiteurs : d'où iî
fuit que la condition fous laquelle le ter-
me a été accordé par le Juge , doit être
interprétée en fa faveur, & à la rigueur
contre les débiteurs. Molin. 7>. d* div.
& ind. p. 3. /z. 334. & feq.
Si le quatrième héritier, au lieu de doi>
ner caution pour fa part , l'avoit payée ;
il n'eft pas douteux , que les trois qui ont
donné caution chacun pour leur part^
doivent jouir de la furféance accordée
par la fentence : le créancier, en ce cas ,
a caution pour tout ce quiluieftdii. JW0///2.
ibid. n, 542.
217. La condition appofée à un legs
fe divife , lorfque le legs n'a effet que
pour partie. Par exemple , fi l'on m'a lé-
gué une chofe fous la condition de don-
ner à quelqu'un une certaine fomme , Se
que ce legs foit réduit au tiers , parce
L iv
-24$ T R. DES O B L I G.
que le furplus n'appartenoit pas au tefta-
îeur qui le croyoit néanmoins proprié-
taire du total ; non-feulement je ne ferai
tenu que de donner le tiers de cette fom-
me pour accomplir la condition ; mais fi
j'avois déjà donné le total , j'aurois la ré-
pétition du furplus. V. L. 43. Z. 44. §,
9> ff. de cond. & dem.
$• v.
De Feffet des conditions,
2.18. L'effet de la condition eft de fuf-
pendre l'obligation jufqu'à ce que la con-
dition foit accomplie ou réputée pour ac-
complie : jufques là il n'eil encore rien
dû , mais il y a feulement efpérance qu'il
fera dû : pendente conditione nondum dehe-
tur , fedfpes ejl debitum irit C'efl: pour-
quoi le payement fait par erreur avant
Faccomplifïement de la condition , eft fil-
jet à répétition , condiclione indebiti ^L.\6*
ff. de cond. ind.
219. Si la chofe qui faifoit l'objet de
l'obligation conditionnelle , périt entière-
ment avant l'accompliffement de la con-
dition , inutilement la condition s'accom-
plira-t-elle par la fuite ; car l'accompli ffe«
ment de la condition ne peut pas confir-
mer l'obligation de ce qui n'exifte plus >
Part. II. Chap, IIÎ. 249
ne pouvant pas y avoir d'obligation , fans
Une choie qui en foit le fujet. Que fi
la choie exifîe au temps de l'accompliffe-
nientde la condition, Paccompliflement
de la condition a cet effet que la choie
ell due en L'état où elle fe trouve : le
:ancier profite de l'augmentation fur-
en la choie fi elle cft augmentée ;
ck il fourfre de la détérioration &. diminu-
tion qui y efl furvenue , pourvu que cela
foit arrivé fans la faute du débiteur. L. 8.
ff. de per. & comm. rei vend.
210. Cet accomplifTement de la con-
dition a un effet rétroactif au temps que
l'engagement a été contracté ; &C le droit
qui réfulte de l'engagement , efl cenfé
avoir été acquis à celui envers qui il a
été contracté , dès le temps du contrat. L,
18. L. 144. §. 1. ff] de regul. Juris.
De-là vient que fi le créancier meurt
avant l'exiffence de la condition; quoiqu'il
n'eût point encore un droit de créance
formé , mais une fimple efpérance ; néan-
moins fi la condition exiffe depuis fa mort,
il fera cenfé avoir tranfmis à fon héritier
le droit de créance réfultant de l'engage-
ment contracté envers lui ; parce qu'au
moyen de l'effet rétroactif de la condition,
le droit fera cenfé lui avoir été acquis dès
le temps du contrat , & par conféquent
avoir été tranfmis à fon héritier.
L v
2jo Tr. des Oblig.
il en eft autrement des conditions ap^
pofées aux legs. La raifon de cette diffé-
rence efl , que le legs n'étant fait qu'à la
perfonne du légataire , la condition ne
peut exiger qu'à fon profit ; au lieu que
celui qui contracte , étant cenfé contrac-
ter pour lui & pour fes héritiers , la con-
dition peut exifler au profit des héritiers ,
même après la mort du créancier 7 fuprà
JV. 208. v. Cuj. ad d. L. 18.
221. C'efî. encore une fuite de l'effet
rétroactif des conditions*, que fi l'enga-
gement conditionnel a été contracté par
un acte qui donne hypothèque ; l'hypo-
thèque fera cenfée acquife du jour du
contrat , quoique la condition n'ait exifté
que long-temps après.
222. Quoique le créancier condition-
nel n'ait encore aucun droit avant Pac-
compliffement de la condition, néanmoins
il eft reçu à faire tous les actes confer-
vatoires du droit qu'il efpere avoir un
jour. Par exemple , il peut former oppo-
sition au décret des héritages qui feroient
hypothéqués à fa créance , û la condi-
tion fous laquelle elle a été contractée
s'accompliffoit : il fera même mis en or-
dre pour cette créance conditionnelle ;
mais il ne pourra toucher la fomme pour
laquelle il aura été colloque, qu'après l'ae*
compliffement de U condition* Le cxém*
Part. II. Chap. III. ifï
cier pur & fimple fur qui le fond man-
queroit, fi la collocation de ce créancier
conditionnel étoit confirmée parl'accom-
plifiement de la condition , touchera en
attendant à fa place , en lui donnant cau-
tion de rapporter à fon profit , en cas d'ac-
compliilement de la condition.
§. VI.
Lorfquune obligation a été contractée fous
plufieurs conditions , ejl-il néceffaire que.
toutes s * accomplirent}
213. Cette queftion fe décide par une
diftinftion. Lorfque plufieurs conditions
ont été appofées par une particule dif-
jonclive , comme lorfque je me fuis en-
gagé à quelque chofe envers vous , fi un
tel vaijfeau arrive à bon port ; ou fi je fuis
nommé a un tel emploi ; il fuffit que l'une
des conditions foit accomplie pour que
l'obligation foit parfaite. Mais lorfque les
conditions ont été appofées avec une par-
ticule conjonctive , comme lorfqu'il eft
dit, fi un tel vaijfeau arrive , & fi je fuis
nommé à un tel emploi , il faut que toutes
les conditions s'accompluTent , & fi une
feule manque d'être accomplie , l'obliga-
tion s'évanouit. L. wy.ff. de verb. oblig.
Obfervez néanmoins que dans les tef-
L vj
2<fl Tr. des Obl i g.
tamens , & même dans les a&es entre-
vifs , les particules disjonclives , fe pren-
nent dans un fens copulatif , lorsqu'il efl
évident qu'elles ont été prifes en ce fens
par le teftateur ou par les contraclans ,
comme lorfqu'un père ou autre parent ,
a grevé de fiibftitution ion fils ou autre
parent en ces termes , s'il meurt fans en-
fans , ou fans avoir dlfpofi , &c. Il efl évi-
dent que dans cette fiibftitution , foit
qu'elle foit portée par un teftament ou
par une donation entre-vifs ; la particule
disjonctive ou a été entendue par le tefta-
teur ou donateur dans un fens copulatif,
& que la fiibftitution ne doit être ouverte
que par l'accompliffement des deux con-
ditions. Fac'u L. 6. cod. infl. & fubjï.
Article Iï.
Des conditions rifolutoires 9 & des obliga-
tions rèfolubles fous une certaine condi-
tion , & de celles dont la durée ejl HmU
tèe à un certain temps.
224. Les conditions réfolutoires font
celles qui font appofées , non pour fnf-
pendre l'obligation jufqu'à l'accomplifie-
ment , mais pour la faire ceiTer , lorsqu'el-
les s'accompliiTent. Une obligation con-
tractée fous une condition réfolutoire,
Part. II. Chap, III. 255
eft donc parfaite des l'inftant du contrat:
le créancier en peut pourfuivre le paye-
ment. Mais fi avant qu'elle ait été ac-
quittée , ou que le débiteur ait été mis
en demeure de l'acquitter , la condition
fous laquelle on eft. convenu qu'elle de-
vroit fe refoudre s'accomplit , l'obliga-
tion ceffera.
Cette différence entre les conditions
résolutoires , & les fufpenfives dont il
a été parlé en l'article précédent , s'é-
claircira par un exemple. Vous avez prêté
à Pierre par mon ordre une fomme de
mille écus , & je me fuis engagé de vous
la rendre , û un tel navire , fur lequel il
a un gros intérêt , arrive à bon port des
Indes. Cette condition eft. une condition
fufpenfive , qui fufpend mon obligation;
je ne fuis pas encore débiteur , jufqu'à ce
qu'elle ait été accomplie par le retour du
vaiffeau ; mais fi je me fuis engagé pour
Pierre envers vous , jufquau retour du
vaiffeau , c'e ft-à-dire , à la charge que
mon obligation ne durera que jufqu'au
retour du vaiiTeau, la condition du re-»
tour du vaiffeau, n'eft en ce cas qu'une con-
dition réfolutoire , qui n'empêche pas
que mon engagement ne foit parfait dès
l'inftant du contrat, & qu'en conféquen-
ce vous ne puiiîîez exiger de moi le paye*
ment de cette fomme. Tout l'effet de
154 Tr. des Obiig;
cette condition eft que fi le vaiïTeau arri-
ve avant que j'aie acquitté > ou que jaie
été mis en demeure d'acquitter mon obli-
gation , l'accompliflement de la condi-
tion fera cefler mon obligation.
225. De même que la durée d'une
obligation peut être limitée jufqu'à l'é-
vénement d'une certaine condition , elle
peut aufïi être limitée jufqu'à un certain
temps. Par exemple , fi je me fuis rendu
caution envers vous pour Pierre pendant
trois ans , je ferai déchargé de mon obli-
gation lorfque ce temps fera expiré.
226. Obfervez néanmoins que lorfque
le débiteur avant l'expiration du temps,
ou avant l'accompliflement de -la condi-
tion qui devoit réfoudre fon obligation ,
a été mis par une interpellation judiciaire
en demeure de l'accomplir , fon obliga-
tion ne peut plus fe réfoudre de cette
manière , L. Sy. §. j.ff'. mand. La rai-
fon en eu évidente : le créancier ne doit
pas fouffrir de la demeure injufte en la-
quelle fon débiteur a été d'acquitter fon
obligation lorfqu'elle fubfiftoit , Se ce dé-
biteur ne doit pas profiter de fa demeure,
Voye^ infrkpart. 3. ck, y. art, 2. ce que
nous difons de la manière dont s'éteignent
les obligations par une condition réfolu-
toire , ou par l'expiration d'un terme ré-r
folutoire.
Part. II. Chap. III.' 255
Article III.
Du ferme de Payement.
227. Une obligation peut être contrac-
tée ou avec un terme ou fans terme.
LorfquV.le efl contractée fans terme ? le
créancier en peut aufîi-tôt exiger le paye-
ment : lorfqu'elle renferme un terme ,
il ne peut l'exiger qu'après l'expiration
du terme.
s- l
Ce que cejl que terme de Payement & fes
différentes efpecès.
228. Le terme eu un efpace de temps
accordé au débiteur pour s'acquitter de
fon obligation.
Il y a des termes exprimés qui résul-
tent d'une convention exprefîe , comme
lorfque je me fuis obligé de vous payer
une certaine fomme dans un certain tems :
il y en a qui réfultent tacitement de la
nature des chofes qui font l'objet de l'en-
gagement , ou du lieu auquel on eft con-
venu que la chofe fera payée. Par exem-
ple , fi un entrepreneur s'eit engagé à me
bâtir une maifon , je dois attendre la fai-
fon convenable pour exiger de lui qu'il
ij6 Tr. des Oblig.
remplîffe fon engagement : fi quelqu'un
s'efl obligé à Orléans de faire tenir une
chofe à Rome à mon correfpondant , l'en-
gagement renferme tacitement le terme
du temps , qui efl nécefTaire pour envoyer
cette chofe à Rome.
229. Le terme eft de droit , ou de
grâce : il eft de droit , lorfqu'il fait par-
tie de la convention qui a formé l'enga-
gement , y étant renfermé ou expreffé-
ment ou du moins tacitement : il eft de
grâce , lorfqu'il n'en fait pas partie , putet
lorfqu'il a été accordé depuis par le Prince,
ou par le Juge à la requifition du débiteur-
s- ii-
De V effet du terme ; & en quoi il diffère
de la condition,
230. Le terme diffère de la condition ,
en ce que la condition fufpend l'engage-
ment que doit former la convention ; le
terme au contraire ne fufpend pas l'en-
gagement , mais en diffère feulement l'e-
xécution. Celui qui a promis fous condi-
tion n'efr. pas débiteur , jufqu'à l'échéance
de la condition ; il y a feulement efyé-
rance qu'il pourra l'être : d'où il fuit ,
que fi par erreur il payoit avant la con-
dition ? il pourrait répéter ce qu'il a payé,
Par t. II. C h a p. III. 257
comme choie non due : ainfi que nous
J 'avons vu en l'article précédent.
Au contraire , celui qui doit à un cer-
tain terme qui n'eft pas encore échu, eft
vraiment débiteur ; 6t s'il payoit avant
le terme , il ne pourroit répéter , parce
qu'il auroit payé ce qu'il de voit effective-
ment; mais quoiqu'il foit débiteur , on
ne peut jufqu'à l'échéance du terme , exi-
ger de lui ce qu'il doit.
Quelquefois néanmoins le verbe devoir
fe prend plus {Incrément pour ce qui peut
actuellement s'exiger ; & en ce fens on
dit qui a terme , ne doit rien»
231. Le terme diffère l'exigibilité de
la dette jufqu'à ce qu'il foit entièrement
révolu ; ainfi fi j'ai promis de payer une
fomme cette année , on ne pourra pa^ en-
core l'exiger de moi le dernier jour de
l'année ; car ce dernier jour fait partie du
terme. L. 4z.ff.de verb. obtig.
232. Cet effet du terme d'empêcher le
créancier d'exiger la dette jufqu'à ce qu'il
fait expiré , efl commraua au terme de
droit 6c au terme de grâce.
terme d ; droit a un autre effet qui
lui cl rulier, feavoir qu'il empêche
--nfation de la dette, jufqu'à ce
qu'il foit expiré,
Par exemple , je vous ai prêté au pre-
mier Janvier 1755 > m^e ^cus Ç11" vous
158 Tr. des Oblig*
vous êtes obligé de me payer au premiefr
Janvier 1756. Depuis vous êtes devenu
héritier de mon créancier d'une pareille
fomme de mille écus que je dois fans
terme ; vous me demandez le payement
de cette fomme au mois de Juillet 1755?
je ne pourrai vous oppofer en compen-
fation la dette de mille écus que vous
me devez ? payable au premier Janvier
1 756 ; car la compenfation étant un paye-
ment, ce feroit de ma part vouloir vous
obliger à me la payer avant le terme , ce
qui eu contre la teneur de la convention,
îl n'en eft pas de même du terme de
grâce ; il arrête bien les pourfuites du
créancier ; mais il n'exclut pas la com-
penfation. Ceû pourquoi û je vous ai
prêté au premier Janvier 1755 mille écus
payable à volonté, &t que vous ayiez
obtenu du Prince ou du Juge , terme jus-
qu'au premier Janvier 1756, fi devenu
héritier de mon créancier d'une pareille
fomme vous me la demandez au mois
de Juillet 1755 , le terme de grâce qui
vous a été accordé , n'empêchera pas que
je ne puiffe vous oppofer la compenfation
de pareille fomme que vous me devez.
Ce terme de grâce n'a d'effet que pour
arrêter les pourfuites de rigueur , & non
pas pour arrêter la compenfation. Aliud
ejî enim dum obligadonis non venijfc , aliud
P ART. IL CHAP. III. 159
humanitatis gratta umpus indulgtri folutio-
, L. 16. §. 1. ffl de comptns.
233. Il nous reite à obierver touchant
l'effet du terme, qu'étant préfumé appofé
en faveur du débiteur , L. ij.ff- de R. J.
le débiteur peut bien fe défendre de payer
avant l'expiration du terme; mais le créan-
cier ne peut fe défendre de recevoir , fi
le débiteur veut payer , L. 70. de folut.
L. 17. de regul. jurls , à moins qu'il ne
paroiiTe parles circonflances , que le tems
du payement a été convenu en faveur du
créancier , aufîi-bien qu'en faveur du dé-
biteur.
Le terme de payement porté par les
lettres de change, eft réputé appofé aufîi-
bien en faveur du créancier propriétaire
de la lettre que du débiteur. Déclaration
du 28, Novembre 17 1 3.
m
§• III.
JDes cas auxquels la dette peut êfozxiget
avant U terme.
234. Le terme accordé par le créancier
au débiteur, eft. cenfé avoir pour fon-
dement la confiance en fafolvabilité ; lors
donc que ce fondement vient à manquer,
l'effet du terme cefTe.
235. De-là il fuit, i°. Que lorfque 1q
i6o Tr. des ObLig,
débiteur a fait faillite , & que le prix de
fes biens eu diftribué entre les créanciers ,
ie créancier peut toucher, quoique le ter-
me de la dette ne foit pas expiré : c'en:
encore une différence entre le terme , &
la condition; car le créancier condition-
nel en ce cas n'a pas droit de toucher ,
mais feulement d'obliger les autres créan-
ciers qui toucheront , à s'obliger à rap-
porter à fon profit , fi par la fuite la con*
dition exifte.
2.36. Obfervez , que fi entre plufieurs
débiteurs folidaires , il y en a qui font
faillite , le créancier peut bien exiger de
ceux-ci la dette avant le terme ; mais il rie
peut pas l'exiger de celui qui eu folvable.
Le folvable doit jouir du terme , & il n'eft
pas même obligé pour cela , de donner
une caution à la place de fes codébiteurs
faillis ; c'efl ce qui a été jugé par un ar-
rêt du 20. Février 1592. rapporté par
Anne Robert ÏV. 6. La raifon eu. , que ce
débiteur qui efl demeuré folvable , ne
peut pas fans fon fait , et re obligé à plus
qu'à ce à quoi il a bien voulu s'obliger:
on ne peut donc pas l'obliger à donner
une caution qu'il ne s'efr pas obligé de
donner : la faillite de fes codébiteurs étant
le fait de fes codébiteurs &C non le fien ,
elle ne peut lui préjudicier , fuivant la rè-
gle ncmo ex alterius fuclo prœgravari dzba*
Part. IL Ch a p. III. 26 î
De-là il fuk , 2°. Que le créancier hy-
pothécaire qui a forme oppofition au dé-
cret de l'héritage , ou au iceau de l'office
qui lui etoit hypothéqué , & qui le trou-
ve en ordre d'être utilement colloque ,
peut exiger fur le prix audit héritage ou
orrice le payement de Ta créance , quoi-
que le terme de payement ne foit pas en-
core échu ; parce que fon droit d'hypo-
thèque , iur laquelle étoit appuyée fa
confiance qui Pavoit porté à accorder
terme à fon débiteur venant à s'éteindre,
l'effet du terme doit cefler.
§. IV
Du terme joint aux conditions,
2.37. Les conventions comprennent
quelquefois une condition & un terme t
il faut en ce cas examiner fi le terme n'efl
appofé qu'à la condition , ou s'il l'eilauffi
à la diipofition. Au premier cas , lorfque
la condition elt accomplie , on n'attend
plus L'échéance du terme , pour exiger
la dette. Par exemple, s'il elt. dit \fije.
me marie d'ici à trois ans vous me payere^
zoo. liv. & que je me marie fix mois
, je pourrai aufîi-tôt exiger les 100.
liv. fans attendre l'expiration du terme
de trois ans : pareillement fi nous fommes
161 Tr. des Oblig.
convenus que vous me donneriez une
certaine fomme , au cas que je n'allafle
pas en Italie avant le mois de Mai ; la
îbmme pourra vous être demandée aufli-
tôt qu'il fera devenu confiant par ma
mort que je n'irai pas en Italie , L. 10.
ffl de verb. oblig. fans qu'il foit befoin
d'attendre jufqu'au mois de Mai ; parce
que ce terme n'a été appofé qu'à la con-
dition , & non pas à la difpofition. Mais
û au contraire il étoit dit , fi je me marie
d'ici au premier Janvier 1758. pour lors
vous me donnerez 100. livres ; ces mots
pour lors font entendre que le terme eft
appofé à la difpofition aufîi-bien qu'à la
condition ; c'efî pourquoi , quoique j'aie
accompli la condition en me mariant, je
ne pourrai exiger la fomme promife ,
qu'après l'expiration du terme , L. 4.
§. I.jf. decond. & dem. V.Pand. Jufl, 7*.
de verb. oblig n. 1 1 1 , & tit% de cond, &
dem, n, 10. & IL
Article IV.
JDu lieu convenu pour le payement.
238. Lorfque la convention porte un
certain lieu où le payement doit fe faire *
ce lieu efl cenfé convenu pour l'utilité
du créancier , comme pour celle du dé-
Part. Iï. Cu A p. III. 26$
fcteur; c'ell pourquoi le débiteur ne peut
obliger le créancier, de recevoir ailleurs.
Is qui certo loco dure promijit , nullo alio
I 1 quam in quo promifit , Jblvere invita
fiipulatore potejl. L* 9. jfl de eo quod certo
loco.
Mais fuivant les principes du Droit Ro-
main , le créancier pouvoit demander le
payement à ion débiteur dans un autre
lieu que celui convenu pour le payement,
putâ au lieu du domicile de ce débiteur ,
ou au lieu du contrat lorfqu'il l'y trou-
voit ; en fe faifant raifon l'un à l'autre du
dommage que l'un ou l'autre fouffroit de
ce que le payement ne fe faifoit pas au
lieu convenu ; c'étoit la matière de l'ac-
tion , de eo quod certo loco vid. tit.jf. de. eo
quod certo loco.
239. Cette a&ion n'eft pas d'ufage parmi
nous , & le créancier ne peut pas plus
obliger le débiteur de payer ailleurs qu'au
lieu convenu , que le débiteur peut obli-
ger le créancier de recevoir ailleurs. Au-
tomne d. tit. dit , hiç Titulus nonfervatur
in Galliâ.
De-là il fuit que lorfque le créancier
n'ell: pas demeurant au lieu où doit fe faire
le payement , il y doit avoir un domicile
élu où le payement puiffe lui être fait ;
autrement il ne peut mettre fon débiteur
gn demeure. Ce domicile élu doit ëtrç
i^4 Tr. des Oblig.
notifié au débiteur, ou par la convention,
ou par une f gnifi cation juridique. Faute
par le créancier, d'avoir ce domicile, le
débiteur qui veut payer , peut l'afTigner
pour qu'il en élife un , fi-non fera permis
au débiteur de configner fur le lieu.
240. Le débiteur ne peut pas à la vé-
rité être obligé de. payer ailleurs qu'au
lieu défigné ; mais faute par lui de payer .
audit lieu , on peut , û la créance eu exé-
cutoire, exécuter fes biens en quelque
lieu qu'ils foient , &c même fi elle eft con-
fulaire on peut l'emprifonner* par tout où
on le trouve , ainii qu'il a été jugé par
arrêt rapporté par Mornac , ad L. 1. jf.
de eo quod certo loco.
241. 11 relie à obferver,/que fi la con-
vention porte deux dirTérens lieux de
payement , &c que ce foit par une parti-
cule conjonclive , le payement doit fe
faire par moitié dans l'un defdits lieux ,
&C pour moitié dans l'autre , L. 2. §. 4.
ff. de eo quod c rto loco. . . Si c'eft par une
disjonclive , le payement doit fe faire
pour le total en l'un de ces deux lieux
au choix du débiteur. Generaliter définit
Sccevola pit'ro em habere ekclionem ubi pe-
tat , reum ubi jolvatfcilicet an te petitionem^
L. 2. §. 3. ffl d. T. Voye^ fur le lieu où
le payement doit fe faire , ce qui fera dit ,
p. 3. chap. 1, an, 1.
Article
Part. II. Chap. III.' 263
Article V.
Des obligations contrariées avec la claufc
de pouvoir p^yer a une perfonne indi-
quée x ou avec celle de pouvoir payer cer-
taine chofe , p, la place de la chofe due,
242. Régulièrement le payement d'une
dette ne peut fe faire à un autre qu'au
créancier fans fon confeatement. C'efl
donc une qualité accidentelle d'une obli-
gation , lorfqu'elle eft contractée avec fa-
culté de payer à une autre perfonne in-
diquée par la convention. Voyez tout ce
que nous en dirons partie troijîeme , ch. 1.
art. 1. §. 4.
243. On ne peut pas aum* régulière-
ment payer au créancier fans fon conten*
tement , une autre chofe que celle qui efi:
eue & qui fait l'objet de l'obligation j
néanmoins ljpbligation fe contracte quel-
quefois avec la faculté de payer quelque
autre chofe à la place de celle qui efi due;
comme lorfque j'ai donné mes vignes à
un vigneron pour 300. liv. de ferme par
chacun an , qu'il pourra me payer en
ti de fa récolte fur le prix qu'il fe ven-
dra dans le pays à la vendange. Quoique
ce foit une fomme de 300. liv. qui me
foit due par mon fermier , il peut néan^
moins me payer du vin à la place.
Tome Jt M
166 Tr. des Obiig.
Pareillement , fi quelqu'un m'a légué fa
maifon , û mieux n'aimoit fon héritier me
payer 3000. liv. à la place ; l'héritier en
acceptant la fuccefïîon , contracte envers
moi ex quafî-contraclu , l'obligation de
me donner la maifon du défunt , mais
avec la faculté de pouvoir me payer trois
mille livres à la place.
244. On ne doit point confondre ces
obligations , avec les obligations alterna-
tives dont nous traiterons en l'article fui-
vant. Dans celles-ci , toutes les choies
promifes fous l'alternative font toutes
dues ; mais dans l'obligation contractée
avec la faculté de payer une chofe , à la
place de celle qui fait l'objet de l'obliga-
tion , il n'y a qu'une chofe dite. Celle
que le débiteur a la faculté de payer , n'eft
pas due ; elle n'eft pas in obligatione , elle
n'eft qu'i/2 facultatc folutionis : comme
dans l'exemple du legs de la maifon du
teflateur, fait avec la faculté de payer
3000. liv. à la place , il n'y a que la mai-
fon qui foit due.
De-là il fuit, i°. que le créancier n'a
droit de demander que cette maifon &C
non pas les 3000. liv. quoique le débiteur
puifîe avant & depuis la demande de la
maifon, payer les 3000. liv.
De-là il fuit , i°. que fi la maifon périt
&c eft engloutie par un tremblement dç
Part.IL C h a p. 1 1 1. 267
terre , le débiteur eit entièrement libéré.
Dc-!à il fuît , 3 . que la créance qui re-
faite de ce legs cil une créance immobi-
liaire, quand mémo le débiteur prendroit
le parti de me payer une fomme de 3000,
liw pour fe libérer. Car la nature d'une:
créance , fe règle par la nature de la chofe
due , &: non de celle qui peut être payée
à la place de la chofe due. C'elï pourquoi
fi ce legs m'avoit été fait par mon aïeul
pendant une communauté de biens avec
ma femme ; j'aurois le remploi de 3000.
liv. payées durant cette communauté par
l'héritier ; cette fomme étant le rachat
de la créance d'une maifon &c par confé-
quent d'une créance immobiliaire , la-
quelle provenante d'un legs à moi fait par
mon aïeul, m'étoit propre.
Article IV.
Des Obligations alternatives,
145. Une obligation alternative eft
celle par laquelle quelqu'un s'oblige à
donner ou à faire plufieurs chofes , à la
charge que le payement d'une chofe l'ac-
quittera de toutes ; comme fi je me fuis
obligé de vous donner un tel cheval ou
vingt ecus ; ou bien fi je me fuis obligé
de vous bâtir une maifon , ou de vou*
payer cent piftoles , &c.
Mij
2.68 Tr. des Oblig:
Lorfque quelqu'un s'efï obligé à payer
deux différentes fommes d'argent fous une
particule disjonclive , l'obligation n'eft
pas pour cela alternative ; & il n'eft dé-
biteur que de celle qui eft la moindre,
Ji ita (lipulatus fuero decem aut qui/' que
dari j'p ondes , quinque debentur, L. 12. ff.
de verb. oblig.
246. Pour qu'une obligation foit al-
ternative , il faut que deux ou plufieurs
chofes ayent été promifes fous une dis-
jonclive. Lorfque plufieurs chofes ont
été promifes fous une conjonctive , il y
a autant d'obligations que de chofes , L.
29. ff. de verb. oblig. & le débiteur n'eft
totalement libéré que par le payement de
toutes : mais lorfqu'elles ont été promifes
fous une alternative , quoiqu'elles foient
toutes dues , néanmoins il n'y a qu'une
feule obligation , L. 27. ff. de leg. 20. qui
peut être acquittée par le payement de
l'une de ces chofes , alterius folutio totam
obligationem intérim it. Adde gloff. ad Le g,
25. ff. de pecun. conjï.
247. Le débiteur a le choix de la chofe
qu'il voudra payer , L. 25- ff. de contr.
empt. à moins qu'on ne foit convenu que
ce fera le créancier qui l'aura. C'eflune
conféquence de la règle d'interprétation
rapportée fuprà N. 97.
Le débiteur peut bien payer l'une des
P A R T. I î. C H A P. I 1 1. 269
chofes qu'il voudra , mais il ne peut pas
paver partie de l'une , &C partie de l'au-
tre. Par exemple , s'il s'en1 obligé de me
donner 60. liv. ou vingt mines de bled ,
ou bien vingt écus ou un certain arpent
de terre , il ne pourra pas me donner la
moitié de la fomme & la moitié de l'ar-
pent de terre , ou de la quantité de bled ;
lis il faut qu'il me donne ou toute la
fomme ou toute la quantité de bled , ou
tout l'arpent de terre : pareillement lorf-
que le créancier a le choix , il ne peut
exiger partie de l'une des chofes <k partie
de l'autre. L. 8. §. 1. ffl de kg. i°.
Dans les rentes & penfions annuelles
alternatives, comme s'ii étoit dû une rente
de trente livres , ou d'un muid de Bli A
par chacun an , le débiteur peut choinr
chaque année l'une des deux cho&s r
quoiqu'il ait payé la première année la
fomme d'argent, il peut opter pour la
féconde année le muid de bled , & vice
versa L. 21. §. 6.jf. de acl. empt.
248. Du principe par nous établi, que
chofes comprifes dans une obligation
alternative font toutes dues, fans néan-
moins qu'aucune foit duedéterminément,
il fuit 1 *. que pour que la demande du
créancier foit régulière , il doit deman-
der les deux chofes , non pas à la vérité
conjointement , mais fous l'alternative
M iij
HJO T R. DES O B L I 6.
fous laquelle elles lui font dues : s'il de-
snandoit feulement une de ces chofes , fa
demande ne feroit pas régulière , parce
qu'aucune des deux ne lui eu due déter-
minément ; mais les deux lui font dues
fous une alternative. Si néanmoins par
une claufe particulière le choix étoit ac-
cordé au créancier, il pourroit deman-
der feulement l'une des deux chofes.
249. Il fuit 2°. qu'une obligation n'efl
pas alternative , lorfque l'une des deux
chofes qui ont été promifes n'étoit pas
tfufceptible de l'obligation qui a été con-
graciée ; mais en ce cas l'obligation e&
aune obligation déterminée de celle qui en
«toit fufceptible. C'en1 fur ce fondement
-qu'il eïl décidé en la loi 72. §. 4. ff. de
joint, que fi quelqu'un m'a promis fous
une alternative deux chofes dont l'une
aai'appartenoit déjà , il n'a pas la faculté
.de me la payer au lieu de l'autre , quoi-
qu'elle ait cefïe depuis de m'appartenir :
parce que cette chofe n'étant pas lors du
Contrat fufceptible de l'obligation qui a
cté contractée envers moi , cîim res fiut
nemini deberi poffît , il n'y a que l'autre
qui me foit due.
250. Il fuit 30. de notre principe que
lorfque plufieurs chofes font dues fous
une alternative , l'extinction de l'une def-
dites chofes n'éteint point l'obligation ;
Part. II. C hap. III. 171
car toutes étant dues , l'obligation fitb-
liite dans celles qui relient ; 6c elles ne
peuvent ceffer d'être dues , que par le
pavement d'une.
Par la même raifon , fi le créancier def-
dites chofes , qui l'en1 ex caufd lucrative 9
devenoit propriétaire de l'une defdites
chofes ex alid caufd lucrativd , l'obliga-
tion qui ne peut fubfifter à l'égard de la
chofe dont il eil devenu propriétaire , fub-
fifte à l'égard des autres. Z. 16.de verb.
Mig,
Lorfque Tune de deux chofes dues fous
une alternatative eft périe , le débiteur eft-
iî en ce cas recevable à offrir le prix de la
chofe qui eft périe pour éviter de payer
celle qui eftreftée? Non;carlachofequieft
périe n'exiflant plus , n'efl plus due; celle
qui refle en1 la feule qui refîe due , ck par
conféquent la feule qui puiffe être payée,
JL. 2. §.3. v. qui Jlichum. ff. de eo quod
certo loco. L. 34. §. G.ff. de contr, empt.
L. f)J. §. 1. ff. de/olut. La loi 47. §. 3.
ff. de leg. i°. femble contraire à cette
décifion : il eft dit quç deux efclaves ayant
légués fous une alternative , ck l'un
d'eux étant mort, l'héritier étoit tenu de
donner celui qui refloit , & il y eft ajouté,
ou peut-être le prix de celui qui étoit mort ,
ifjis vel mortui pretium. Mais cette dé-
cifion comme l'obferve fort-bien Dumou-
Miv
272 Tr. des Oblig.
lin , trac. de dlvid, & individ.parl. 2.n. 150»
doit être reftreinte au cas auquel il paroî-
troit par des circonftances , que telle a
été la volonté du teftateur ^ ce qu'indi-
que le terme fortaffîs.
251. Il n'importe que Tune des deux
chofes comprifes fous l'alternative , foit
périe fans le fait ni la faute du débiteur
&: avant aucune demeure de fa part . ou
qu'elle foit périe par fa faute ou depuis
fa demeure. En l'un & l'autre cas , celle
qui relie eft la feule chofe qui demeure
due ; & le débiteur n'eft pas reçu à offrir
le prix de celle qui ne fubfifte plus , d. Lt
9 5 . §. ff. de Joint. Nec objlat que lorfqu'une
chofe eft périe parla faute du débiteur ou
depuis fa demeure 9 elle eft cenfée conti-
nuer d'être due , par le prix que le débi-
teur doit en ce cas , à la place de la chofe ,
Z. 82. §. i.ff. de verb. oblig. & paffzm. Laré-
ponfe eft que ce qui n'a été établi qu'en fa-
veur du créancierdans le cas de l'obligation
d'une chofe déterminémentdûe , ne peut
être oppofé au créancier dans le cas de
l'obligation alternative : la faute ni la de-
meure du débiteur ne doivent pas préju-
dicier au créancier. Or , elles lui préjudi-
cieroient & changeraient fa condition ,
fi le débiteur qui peut encore accomplir
£on obligation dans l'une des deux chofes
qui reftent , étoit recevable à offrir en
Part IL C hàp. III. 173
argent le prix de celle qui eft périe , prix
que le créancier ne feroit pas tenu de re-
:\T, h les deux chofes fubfiftoient.
151. Lorfque les deux chofes font pé-
ries iûccefîivement par la faute du débi-
teur ou depuis fa demeure ; le débiteur
quoiqu'il eût le choix de donner celle
des deux qu'il voudroit, n'a pas de même
le choix de payer le prix de celle des
deux qu'il voudra. Car par l'extinction de
la première , il eft demeuré débiteur dé-
terminément de celle qui reftoit ; c'eft
pourquoi il doit déterminément le prix
de celle qui eft périe la dernière.
Lorfque la première périe , a péri par
fa faute , & que celle qui reftoit a péri
aufïi fans fa faute , 6c avant qu'il ait été
mis en demeure , quoique félon la fub-
tilité il parût devoir être quitte des deux,
néanmoins l'équité veut qu'il foit tenu en
ce cas du prix de celle qui a péri par fa
faute. D. L. 95. §. 1.
2 j 3 . Lorfque par la convention le choix
a été accordé au créancier , il a le choix
de la chofe qui refte , ou du prix de celle
qui eft périe par la faute du débiteur : au-
trement cette faute lui feroit nuifible ,
fi celle qui eft périe étoit plus précieufe ,
\* Mol. tr. de div. & ind. p. 2.n. 152. 154.
154. Il fuit 40. de notre principe que
tant que les chofes dues fous une alter-
M v
274 Tr. des Oblig.
native fubfiftent , l'obligation demeure
indéterminée ôc incertaine , & elle n'eft
déterminée à l'une des chofes comprifes
en l'obligation que par le payement qui
en eft fait. D'où il fuit auffi que lorfqu'un
immeuble &: une chofe mobiliaire font
dues fous une alternative , la nature dé-
mette créance eu en fufpens. Si le débi-
teur donne l'immeuble ; la créance fera
réputée avoir été une créance immobi-
liaire : s'il donne le meuble , elle fera ré-
putée avoir été mobiliaire. En cela l'obli-
gation alternative diffère de l'obligation
déterminée d'une certaine chofe avec fa-
culté d'en donner une autre à la place.
y.fuprà, n. 244. in fine.
255. Un teftateur ayant légué à quel-
qu'un par fonteilament un certain tableau
déterminément, il a depuis par un codi-
cile changé cette difpofition , en léguant
au même légataire ce tableau ou une fom-
7ne de cinq cents livres ; ce codicile ne
s'étant pas d'abord trouvé lors de la mort
du teïlateur , l'héritier a délivré au lé-
gataire le tableau qu'il croyoit lui devoir
déterminé ment : depuis le codicile s'étant
trouvé , &l l'héritier ayant reconnu qu'il
ne devoit le tableau , que fous l'alterna-
tive d'une fomnie de çoo. liv. il alligne
le légataire en répétition du tableau aux
eifres de lui payer la fomme d'argent ;
Part. II. Chap. III. 275
ft-il tonde ? Les deux écoles chez les
Romains ont été partagées fur cette ques-
tion. Celle qui étoit de l'école des Pro-
culeiens, décide en la loi 19. fF. de leg.
■z . pour la négative. La raifon de cette
:ion efl que les chofes comprifes fous
une obligation alternative , étant toutes
dues , le payement qui a été fait au léga-
taire du tableau légué , efl le payement
d'une chofe due , 6c par confisquent efl
un payement valable qui ne peut être ili-
jet à répétition.
Au contraire , Julien qui étoit de l'école
des Sabiniens décide en la loi 3 2.. $.fin. iF.
de cond. indeb. qu'il y a lieu à la répétition,
lorfqu'un débiteur a payé une chofe qu'il
croyoit par erreur devoir détenniné-
ment , quoiqu'il ne fut débiteur que d'une
chofe indéterminée d'un certain genre ,
ou qu'il fût débiteur de cette chofe , mais
fous l'alternative d'une autre chofe.
La raifon fur laquelle efl fondée cette
décifion efl , que l'erreur innocente en
laquelle a été le débiteur fur la qualité
de ion obligation , ne doit point lui pre-
judicier , ni aggraver fon obligation en le
millant du choix qu'il avoit de payer
la fomme à la place du tableau. A l'égard
de la raifon alléguée pour l'opinion con-
traire , on y répond en difant qu'il y a lieu
à la répétition qu'on appelle condiclio in-
M vj
276 Tk. des Oblig.
debiti , non-feulement lorfqu'on a payé
ce qui n'étoit pas du en aucune manière ,
mais auiîl lorfqu'on a payé plus qu'il n'é-
toit dû, L. I. §. I. cod. de coni. ind. &
paffim. Or ce plus s'eftime nonfolum quan-
titatc dcbiti , fed & causa, Injiit. lit. de
acî. §. 34. verf. huic autem. C'eft pour-
quoi dans l'efpece propofée , celui qui a
payé une chofe comme due déterminé-
ment , quoiqu'il ne la dût que fous l'al-
ternative d'une autre chofe , a payé plus
qu'il ne devoit , & ce payement doit être
fujet à répétition , en offrant l'autre chofe
qu'il avoit droit de payer à la place de
celle qu'il a payée. Cette dernière opi-
nion eu. bien plus équitable que la pre-
mière ; elle reftitue à chacun ce qui lui
appartient. C'en1 pourquoi Dumoulin dé-
cide très-bien , tr. de div. & ind. p. 1. n.
3 3Ï« & fca- qu'elle doit être fuivie.
256. Dumoulin, n. 139. & feqq. ap-
porte un tempéramment à cette décifion ,
qui eu que lorfque le créancier n'a pas
induit le débiteur dans l'erreur en laquelle
il étoit , & qu'il a reçu de bonne foi ,
la répétition ne pourra avoir lieu contre
lui qu'autant que le créancier n'en fouf-
frira aucun préjudice , & qu'il fera remis
au même état qu'il étoit avant le paye-
ment. La raifon eil que cette a&ion n'en1
fondée que fur une raifon d'équité , hxc
P K R T. II. C H A P. 1 1 1. 277
cort.i v bono & œquo introdîicla. L.
cîioncindcb. Elle n'eft fon-
due fur cette règle d'équité , qui ne
perm t pas que quelqu'un s'enrichhTe
aux dépens d autrui. C'efr. pourquoi elle
1 que jufqu'à concurrence de ce
lui qui a reçu en a profité , L. 65.
§. 7. & 8. f. d. t'a. Suivant ces princi-
pes il faut décider dans l'efpece propo-
. que fi le légataire a vendu de bonne
foi la chofe qui lui a été délivrée , l'hé-
ritier ne peut avoir répétition contre lui
que pour ce qu'il l'a vendue de plus ,
que la fomme que l'héritier avoit droit
de lui paver à la place.
Suivant les mêmes principes , fi le dé-
biteur a payé au créancier une fomme
d'argent qu'il croyoit lui devoir détermi-
nément , quoiqu'il ne la dût que fous l'al-
ternative d'une autre chofe ; le débiteur
ne doir pas être facilement admis à ré-
péter cette fomme , en offrant de donner
l'autre chofe, quand le créancier a dé-
penlé cette fomme , & qu'il n'y a pas une
grande difproportion de valeur, entre la
fomme qu'il a reçue &C l'autre chofe.
257. Il y a une autre queftion fur la-
quelle les deux écoles ont été partagées.
Celui qui devoit deux chofes fous une al-
ternative , trompé par une expédition du
Notaire qui avoit écrit & au lieu cfou qui
I78 Tr. des Oblig,
fe trouve dans l'original , a payé les deux
chofes à la fois 6c en même temps ; de-
puis il a découvert qu'il ne devoit que
l'une defdites chofes à fon choix. Il n'eft
pas douteux qu'il a droit de répéter l'une
defdites chofes : mais peut-il répéter l'une
des deux qu'il voudra ? Celfe cité par Ul-
pien en la loi x6. §. 13. in fin. ff. de cond.
ind. penfoit que c'étoit en ce cas le créan-
cier qui avoit le choix de retenir celle
qu'il voudrait. Julien au contraire au rap-
port de Juftinicn en la loi pemil. cod. hoc
Titulo , penfoit que le débiteur avoit
droit de répéter celle des deux qu'il vou-
drait. L'opinion de Celfe étoitapparem-,
ment fondée fur ce raifonnement. Les
chofes qui font comprifes dans une obli-
gation alternative étant toutes dues , le
débiteur qui les a payées l'une & l'autre ,
ne peut dire d'aucune des deux détermi-
nément qu'elle ne fut pas due ; il ne peut
donc répéter aucune des deux déterminé-
ment comme non due ; il a feulement la
répétition de l'une des deux indétermi-
nément , comme ayant payé plus qu'il
ne devoit en payant les deux ? quoiqu'il
ne dut que l'une des deux. Le créancier
devenant à fon tour débiteur par rap-
port à la restitution qui eu. due de Tune
des deux ; c'eft à lui en qualité de débi-
teur 3 à qui doit appartenir le choix de
Part. II. Chàp. III. 279
i . jlledes deux qu'il voudra. Ce
raisonnement fur lequel l'opinion de Celfe
eftfbndée , n'eft qu'une pure fiibtilité.
L'opinion de Julien eiï. fondée fur l'é-
quité ; l'action condiclio indcbiti eft une
>ece de restitution en entier que l'équi-
té accorde contre un payement erronné.
Or il cil de la nature de toutes lés refti-
tutions contre un acte , que les parties
foientremifesaumême état qu'elles étoient
auparavant. D'où il fuit que le débiteur
qui a payé les deux chofes , ignorant qu'il
n'étoit tenu de payer que celle des deux
qu'il voudroit , doit être remis par cette
action dans le droit qu'il avoit avant le
payement , de ne payer que celle qu'il
voudroit, & par conféquent de répéter
celle des deux qu'il voudra. Cette der-
nière opinion comme plus équitable a été
embrafTée par Papinien , & enfin confir-
mée par la conftitution de Juftinien , Z,
pcnuL cod. d. tit.
Obfervez que le débiteur nTa en ce cas
le droit de répéter l'une des deux chofes
qu'il a payé , que tant que les deux chofes
fubfiitent :.fi Tune des deux avoit cefle
de fubfiiîer depuis le payement , il n'y
auroit plus lieu à la reftitution comme l'a
décidé le même Julien en la loi 32.^ d,
t. La raifon en efl évidente , l'action con-
diclio indcbiti remet les parties au même
2,8o Tr. des Oblig.
état que fi le payement n'avoit pas été
fait , 6c qu'il fût encore à faire. Or , s'il
étoît encore à faire , le débiteur ne pour-
roi t fe difpenfer de payer celle qui fe
trouveroit refier la feule chofe due ; elle
doit donc en ce cas refter in foluto par-
devers le créancier , &C le débiteur ne la
peut répéter.
Sur Pindivilibilité du payement des obli-
gations alternatives , voye^ ce qui eft dit
infràp. 3. ch. 1. art. 6. §. 3.
Article VII.
Des obligations folidaircs entre plujieurs
Créanciers.
158. Régulièrement lorfque quelqu'un
contracte l'obligation d'une feule & mê-
me chofe envers plusieurs , chacun de
ceux envers qui il l'a contractée , n'eft
créancier de cette chofe que pour fa part ;
mais elle peut fe contracter envers cha-
cun d'eux pour le total , lorfque telle
eft l'intention des parties , de manière
que chacun de ceux envers qui l'obliga-
tion eft contractée , foit créancier pour le
total , & que néanmoins le payement fait
à l'un d'eux libère le débiteur envers tous;
c'eft ce qu'on appelle folidité d'obligation.
On appelle ces créanciers correi cndendi ^
correi Jlipulandi.
Part. II. Chap, III. 281
2 s 9. On peut apporter pour exemple de
cette obligation folidaire , celle qui naît
d'une difpofition teftamentaire, qui auroit
lire en ces termes : mon héritier don-
nera aux Carmes ou aux Jacobins une
fomme de cent livres ; l'héritier ne doit
dans cette efpece qu'une feule fomme ;
S il doit cette fomme entière à cha-
cun des deux Couvens qui en font co-
créanciers folidaires , de manière néan-
moins que le payement qu'il fera de cette
fomme à l'un des deux Couvens , le li-
bérera envers les deux. L. i6.fflde légat.
i°. Cette folidité entre plufieurs créan-
ciers ctt d'un ufage très-rare parmi nous ;
il ne faut pas la confondre avec l'indivifi-
biîité d'obligation, dont nous parlerons
infra.
260. Les effets de cette folidité entre
créanciers font i°. que chacun des créan-
ciers , étant créancier du total , peut par
conféquent demander le total , & fi l'o-
bligation eft exécutoire , contraindre le
débiteur pour le total. 20. La reconnoif-
fance de la dette faite envers l'un des
. ncier>, interrompt la prefeription pour
le total de la dette, <k par conféquent pro-
fite aux autres créanciers , L.fin. de cod.
de duobus reis. 30. Le payement fait à
l'un des créanciers éteint toute la dette ;
car ce créancier l'étant pour le total, le
2$ 2 ÎR, CES ÔBLIG.
payement du total lui efr. valablemeilt
fait; & ce payement libère le débiteur
envers tous ; car quoiqu'il y ait plufieurs
créanciers , il n'y a néanmoins qu'une
dette , que le payement total qui efr. fait
à l'un des créanciers , doit éteindre.
Il eft. au choix du débiteur de payer
auquel il voudra des créanciers folidaires
tant que la chofe eft. entière ; mais fi l'un
d'eux avoit prévenu par des pourfuites ,
le débiteur ne pourroit plus payer qu'à
lui. Ex duobus rels (lipulandi ; Jl fcmel
unus egerit , alteri promijjbr offerendo pecu*
ninm , nihil agit. L. \6.ff. de duobus reis,
4°. Chacun des créanciers l'étant pour
le total , peut avant qu'il ait été prévenu
par les pourfuites de quelqu'un de (es
créanciers , faire remife de la dette au dé-
biteur, & le libérer envers tous. Car de
même que le payement du total fait a
l'un des créanciers folidaires libère le dé-
biteur envers tous , de même la remife
du total qui tient lieu de payement , faite
par l'un des créanciers , doit le libérer
envers tous , acceptilarione unius tollitur
ebligatio, L. %.jff\ dcduob. reis.
S&
Part. II. Chap. III. 1S3
Article VIII.
De la folidité de la part des Débiteurs,
s. 1
Ce que ctfî qu! Obligation folidaire de
la part des Débiteurs.
261. Une obligation eft folidaire de la
part de ceux qui l'ont contractée , lorf-
qu'ils s'obligent chacun pour le total , de
manière néanmoins que le payement fait
par l'un deux, libère tous les autres.
Ceux qui s'obligent de cette manière
font ceux qu'on appelle correi debendl.
De même que la folidité de la part des
créanciers confirme en ce que l'obligation
d'une même chofe contractée envers plu-
sieurs perfonnes , eft contra&ée envers
chacun d'eux pour le total , aufli totale-
ment que fi chacun d'eux en étoit le feul
créancier , fauf néanmoins que le paye-
ment fait à Fun d'eux libère envers tous
les autres : de même la folidité de la part
des urs confifte en ce que l'obliga-
tion d'une même chofe efl contractée par
chacun pour le total , aufîi totalement
que fi chacun d'eux en étoit le feul débi-
teur, de manière néanmoins que le paye*
ment fait par l'un d'eux libère les autres*
284 Tr. des ObiiGi
262. Il ne fuffit pas toujours pour
qu'une obligation foit folidaire , que cha-
cun des débiteurs foit débiteur de toute
k chofe , ce qui arrive à l'égard de l'obli-
gation indivifible , ck non fufceptible de
parties , quoiqu'elle n'ait pas été contrac-
tée folidairement ; il faut que chacun des
débiteurs , totum & totaliur dcbeat , c'eft-
à-dire qu'il faut que chacun fe foit obligé
auffi totalement à la preftation de la chofe,
comme s'il eût feul contracté l'obligation.
263. Il faut fur-tout que les débiteurs
fe foient obligés à la prestation de la mê-
me chofe. Cène feroit donc pas une obli-
gation folidaire de deux perfonnes , mais
deux obligations , fi deux perfonnes s'o-
bligeoient envers un autre à différentes
chofes.
Mais pourvu qu'ils foient obligés cha-
cun totalement à une même chofe , quoi-
qu'ils foient obligés différemment , ils
ne laiffent pas d'être codébiteurs folidai-
res corrci debendi ; putà û l'un s'efl obligé
purement & fimplement , & l'autre s'efl
obligé feulement fous condition , ou a pris
un temps de payement ; ou s'ils fe font
obligés à payer en difFérens lieux , L. 7.
-£• 9* §• *■• ff* de duobus reis.
On dira peut-être qu'il répugne qu'une
feule &: même obligation ait des qualités
oppofées ; qu'elle foit pure &: fimple à
Part. II. Ckap. III. 185
;ard de l'un des débiteurs , ck condi-
tionnelle à l'égard de l'autre. La réponfe
Cil que l'obligation folidaire , cil une à
la vérité par rapport à la choie qui en fait
l'objet , le iii jet Se la matière ; mais elle
eii conrpofée d'autant de liens qu'il y a
de personnes différentes , qui l'ont con-
tractée ; &C ces perfonnes étant différentes
entr'elles , les liens qui les obligent font
autant de liens différens , qui peuvent
par coniequent avoir des qualités diffé-
rentes. C'eft ce que veut dire Papinien ,
loriqu'il dit : & Ji maxime par cm caufamfuj-
cipiunt , nihilominîts in cujufque perfond ,
propria Jin^ulorum conjiflit obligado. d. Z.
9. §. 2. L'obligation elt une par rapport à
ion objet qui eft la chofe due ; mais par
rapport aux perfonnes qui l'ont contrac-
tée , on peut dire qu'il y a autant d'obli-
gations , qu'il y a de perfonnes obligées.
264. Lorfque plufieurs perfonnes con-
tractent une dette folidairement , ce n'eft
que vis-à-vis du créancier qu'elles font
chacune débitrices du total ; mais entr'el-
les la dette fe divife , & chacune d'elles
en eft débitrice pour foi , pour la part
feulement qu'elle* a eue à la caufe de la
dette. Suppofons par exemple , que deux
perfonnes ont emprunté enfemble une
fomme d'argent , qu'elles fe font obligées
i86 Tr. des Oblig.
folidairement de rendre , ou qu'elles ont
acheté une chofe au payement de laquelle
elles le iont obligées folidairement envers
le vendeur. Si elles ont partagé entr'elles
également la ïbmme empruntée , ou la
chofe achetée; chacune d'elles quoique
débitrice du total vis-à-vis du créancier ,
n'eft vis-à-vis de fon codébiteur, débitrice
pour foi que de moitié. Si elles l'avoientpa—
tagée inégalement ,piuà que l'une d'elles
eût retiré les deux tiers de la fomme em-
pruntée, ou eût eu les deux tiers dans la
chofe achetée , & que l'autre n'en eût
eu que le tiers ; celle qui auroit eu les
deux tiers feroit débitrice pour foi des
deux tiers , & l'autre feulement du tiers.
Si l'une d'elles profite feule du contrat ,
& que l'autre ne fe foit obligée folidaire-
ment avec elle que pour lui faire plaifir ;
celle d'entr'elles qui a feule profité , eft la
feule débitrice ; l'autre quoique débitrice
principale vis-à-vis du créancier , n'efl:
vis-à-vis de fon codébiteur avec 'qui elle
s'efl obligée pour lui faire plaifir ,. que
ce qu'eu1 une caution vis-à-vis du débi-
teur principal qu'elle a cautionné.
Pareillement , fi la dette folidaite pro-
cède d'un délit commis par quatre parti-
culiers ; chacun efl bien débiteur folidaire
vis-à-vis de la perfonne envers qui le dé-
P A R T. 1 1. C H A P. I I T. 2
lit a cto commis ; mais entr'eux chacun
lébkeur pour la part qu'il a eue au
délit , c'eit-à-dire," chacun pour ion quart.
§. h.
En quels cas l'Obligation de plujîeurs
Débiteurs eji réputée folidaiie.
265. La folidité peut être ftipulée dans
tous les contrats de quelque efpece qu'ils
foient. L. 9. ff\ de duob. rets. Mais régu-
lièrement elle doit être exprimée. Sinon
lorfque plufieurs ont contracté une obli-
gation envers quelqu'un , ils font préfu-
ne l'avoir contractée chacun que pour
leur part. C'eft ce que décide Papinien
en la loi 11. §. 2. ff. de duob, reis ; &C
ced ce qui a été confirmé par JufHnien
en la novelle 99. La raifon eft que l'in-
terprétation des obligations fe fait dans
le doute , en faveur des débiteurs , com-
me il a été déjà vu ailleurs. Suivant ce
principe , dans i'efpece d'un héritage qui
appartient à quatre propriétaires , trois
l'ayant vendu folidairement , 6c ayant
promis de faire ratifier la vente par le
quatrième propriétaire , il a été jugé que
le quatrième , en ratifiant , n'étoit pas
cenfé avoir vendu folidairement ; parce
que les trois autres avoient bien promis
288 Tr. des Obltg;
pour lui qu'il accederoit au contrat de
vente , mais il n'étoit pas exprimé qu'il y
accederoit folidairement.
266. Il y a néanmoins certains cas dans
lefquels la folidité entre plufieurs débi-
teurs d'une même chofe a lieu , quoi-
qu'elle n'ait pas été exprefîement ftipuiée.
Le premier cas efï lorfque des afïbciés
de commerce , contractent quelque obli-
gation pour le fait de leur commerce.
Cette décifion efl de notre Droit Fran-
çois : Ordonn. du Commerce de, 1673. *• 4*
an. 7.
Deux Marchands qui achètent enfem-
ble une partie de marchandifes, quoiqu'ils
n'ayent d'ailleurs aucune fociété entr'eux,
font cenfés aflbciés pour cet achat , &
comme tels font obligés folidairement ,
quoique la folidité ne foit pas exprimée.
Bornier fur ledit article rapporte un Ar-
rêt du Parlement de Touloufe qui l'a ainfi
jugé , & cela a patte en maxime. V.fuprà
p. 1. ch. 1. art. 5. n. 83.
267. Le fécond cas auquel plufieurs
débiteurs d'une même chofe font obligés
folidairement, quoique la folidité n'ait
point été exprimée , efl celui de l'obli-
gation que contractent plufieurs tuteurs
qui fe chargent d'une même tutelle ; ou
de celle que contractent plufieurs perfon-
nes qui fe chargent de quelque adminiftra*
tion
P A R T. I T. C H A P. I II. 2$9
tion publique; tels que font des échevins,
des ùbriciers, des admimflrateurs d'hô-
pitaux. Ces charges font iolidaires fuivant
la difpofition des loix , qui font à cet
égard fuivies parmi nous ,. s'il n'y a quel-
que ufage contraire.
Les loixRomaines accordoient aux tu-
teurs qui n'avoient pas géré , le bénéfice
d'ordre & de difeurtion , qui confifloit à
pouvoir renvoyer le mineur forti de tu-
telle, à difeuter à leurs rifques , celui des
tuteurs qui avoit géré : elles accordoient
auiîî aux tuteurs qui avoient géré con-
jointement , le bénéfice de divifion , lorf-
qu'ils étoient tous folvables. Mais ces
exceptions accordées aux tuteurs & au-
tres adminiftrateurs ne font pas en ufage
parmi nous ; c'eft pourquoi lorfque Du-
moulin tract, de Jivid. & indiv. p. 3. 166.
dit que les tuteurs ont ce bénéfice de di-
vifion pour le payement du reliquat de
leur compte de tutelle , hors le feul cas au-
quel ils font débiteurs ex dolo , cela doit
s'entendre en ce fens Qu'ils ont ce béné-
fice , fuivant les loix Romaines , & dans
les lieux où les loix Romaines font à cet
égard pratiquées.
268. Le troifieme cas d'obligation fo-
lidaire eft à l'égard de ceux qui ont con-
couru à un délit , ils font tous obligés
folidai rement à la réparation.
Te me I, N
290 Tr. des OblïG,
Ils ne peuvent oppofer aucune excep*
tion de difcufïion ni de divifion , en étant
indignes.
269. 11 peutréfulter aufiî des teflamens
une obligation folidaire , lorfque le tefta-
teur a exprefTément déclaré qu'il char-
geoit folidairement fes héritiers ou autres
iiicceffeurs , de la preitation du legs.
Même fans que la folidite ait été ex-
primée par le teftament , ceux que le tef-
tateur a chargés du legs font obligés foli-
dairement , lorfque le teftateur s'efl fervi
d'une disjonclive pour les en charger;
comme lorfqu'il a dit ; mon fils Pierre 9
ou mon fils Jacques donneront dix ecus à
un tel. C'eft ce qui eu. décidé en la loi
8. §. l'ffi de leg. i.fi ita feriptum fit , L.
TlTÏUS HERES MEUS , AUT MmTIUS
HERES MEUS DECEM SEIO DATO:
cum uiro velit , Seins agu , ut fi cum
uno aclum fit & folutum , alter liberetur 9
quafi fi duo rei promittendi in fol'idum
Migrai fuiflent. Néanmoins Dumoulin
prétend, tracl. de div. & ind. p. 3. n.
153. 154. 155. que cette obligation n'eft
pas une obligation parfaitement folidaire ;
qu'il eil bien vrai que chacun des grevés
eu tenu pour le total de la preftation du
legs , & qu'en cela ils reffemblent à des
codébiteurs folidaires., mais qu'ils ne font
pas de véritables codébiteurs folidaires y
Part. II. Chap. III. 291
ne leur obligation n'a pas les autres
effets des obligations iblidaires. Par exem-
ple , li deux héritiers étoient grevés de
cette manière du legs d'un corps certain
cjui fût péri par le tait de l'un d'eux , il
ne penfe pas que l'autre fut tenu de cette
perte comme le feroit un codébiteur foli-
■e, infrà n. ij^. En cela Dumoulin
•rte de l'opinion commune enfeignée
Bartole fur ladite loi , & par les au-
tres docteurs qui reconnoiffent dans l'ef-
pece de cette loi une vraie obligation fo-
lidaire. Dumoulin fe fonde fur ces termes,
quafi Jl duo rci , &c. ce qui indique , dit-
il , que les deux héritiers ne font pas dans
l'efpece de la loi véritablement correi ,
l'adverbe quaji éîant adverbium unproprie-
. J'inclinerois plus pour l'opinion de
Eartole , ces héritiers étant dans cette ef-
pece débiteurs du total , non par la qua-
lité de la chofe due , mais par la volonté
du tertateur , qui a voulu qu'ils fufïent
chargés chacun pour le total de la préda-
tion du legs , leur obligation me paroît
avoir tous les caractères d'une vraie obli-
gation folidaire ; &C je ne vois rien qui
l'en différencie. Le terme quafinç, me pa-
roît pas devoir être pris , pro adverhio im-
proprïetatis ; mais il me pa'roît être pris
;r quzmadmodurn en ce fens : ces deux
.tiers font obligés foli clairement de mê-
N ij
t$i Tr. d es O b-lic*.
me que s'ils étoient obligés iolidairemetiS
par une ftipulation. Gar ce n'eft pas feu-
lement par les ftipulations qu'on peut
contracter des obligations folidaires , non
tantiim verbis Jîipulationis , fed & cœteris
contraclibus duo rei promittendi ficri pojfuntr
L. 9. ff'. de duobus reis ; & les teftairrens
ainli que les contrats peuvent former ces*
obligations.
§• m.
Des effets de la folidite entre plusieurs
Débiteurs.
Ï70. Ces effets font i°. que le créan-
cier peut s'adrefTer à celui qu'il choifira
des débiteurs folidaires ,. & exiger de
lui , foit par demande , û la dette ne gît
qu'en adion , foit par voie de contrainte %
fi elle gît en exécution , le total de ce
qui lui eft dû ;. c'en1 une confequen.ee né-
ce ffaire de ce que chacun des débiteurs
folidaires eft débiteur du total.
Je ne penfe pas même que les codé-
biteurs qui fe font obligés folidairement r
ayent entr'eux le bénéfice dedivifion^
c'eft-à-dire, que l'un d'eux à qiû le créan-
cier demande le total , foitrece vable en of-
frant fa part , à demander que le créancier
foit renvoyé contre les autres débiteurs
.pour chacun leur part,Ior fqu'ils font folva*
Part. II. Chap. TIL 293
s. Lesa&es de Notaires portent ordinai-
nem (a claufe de renonciation au béné-
fice de diviûon; 6c quand il n'y auroit
point de claufe de renonciation à cette
:ion de divilion , je ne penfe pas
qu'elle eût lieu : la loi 47. ff. Locati , dit
qu'il efl plus juile de la leur réfufer.
•Quant quant fortajjcjït jujllus., &c.
Il efl vrai que la Novelie l'accorde
aux codébiteurs folidaires qui fe font ren-
dus caution l'un de l'autre , alterna jide-
jujjlom oblipatis ; mais je ne vois pas qu'on
la iuive parmi nous. On n'accorde au dé-
biteur iblidaire qui efl pourfuivi pour le
total , d'autre bénéfice que celui de pou-
voir requérir la fubrogation , ou ceffion
des aclions du créancier contre Tes co-
débiteurs folidaires. Voye^ fur cette fu-
'brogation infrà p. 3. ch. 1. art. 6. §. z.
271. Obfervez que le choix que fait
le créancier, de l'un des débiteurs contre
lequel il exerce fes pourfuites , ne libère
pas les autres tant qu'il n'en: pas payé ;
il peut laifTer (es pourfuites contre celui
qu'il a pourfuivi le premier, & agir con-
tre les autres , ou s'il veut, les pourfuivre
tous en même temps. L. 28. cod. defidej.
272. 20. L'interpellation qui efl faite
à" l'un des débiteurs folidaires , interrompt
le cours de la prefeription contre tous
les autres , L.fin. cod, deduobus rels ; c'eft
Niij
294 Tr. ©es Oblig.
encore une conféquence de ce que cha-
cun des débiteurs ? efl débiteur du total.
Carie créancier en l'interpellant , l'a in-
terpellé pour le total de la dette ; il a donc
interrompu la prefcription pour le total
de la dette , même à l'égard des débiteurs
qu'il n'a pas interpellés , lefquels ne pour-
roient oppofer une prefcription contre
le créancier ? que fur ce qu'il n'auroit pas
ufé de fon droit pour la dette dont ils
font tenus ; mais ils ne peuvent le préten-
dre ; puifque la dette dont (.ils font tenus ,
eït la même que celle pour laquelle leur
codébiteur a été interpellé pour le total.
273. 30. Par la même raifon lorfque
la chofe due a péri parle fait ou la faute
de l'un des débiteurs folidaires , ou depuis
qu'il a été mis en demeure , la dette eft
p.rpétuée non-feulement contre ce débi-
teur ,' mais contre tous fes codébiteurs
qui font tous folidairement tenus de payer
au créancier le prix de cette chofe ; car
la dette de chacun d'eux étant une feule
& même dette , elle ne peut pas fubfif-
ter à l'égard de l'un , &C être éteinte à l'é-
gard des autres ;*c'efl ce que décide la loi
penul. ffl de duob. reis : Ex duobus reis ejuf-
dem Stichi promittendifaclis , alterius faclum
altcri qiioque nocet Par exemple , fi Pierre
& Paul m'ont vendu folidairement un cer-
tain cheval , &: qu'avant qu'il m'ait été
Part. II. Chàp. III. 295
livré il Toit mort par la faute de Pierre ;
Paul demeurera débiteur aufïï-bicn que
Pierre , & je pourrai lui demander la va-
leur du cheval, auffi-bien qu'à Pierre,
fauf à lui ion recours contre Pierre ; au
lieu que s'ils avoient vendu fans folidité ,
Pierre feul feroit tenu de fa faute , 6c Paul
par u mort du cheval , quoiqu'arrivée par
la faute de Pierre , feroit entièrement
quitte de fon obligation , & ne demeu-
reroit pas moins créancier de la moitié du
prix pour lequel le cheval a été vendu,
xh mjme que fi le cheval étoit .mort par
un cas purement fortuit. Mol. tracl. dediv»
& ind. p. 3. n. 126.
Obfervez que le fait, la faute ou la
demeure de l'un des débiteurs folidaires
préjudicie à la vérité à fes codébiteurs,
ad confervandam & perpctuandam obli^a-
tionem , c'eft-à-dire , à l'effet qu'ils ne
foient pas déchargés de leur obligation
par la perte de la chofe, 6c qu'ils foient
tenus d'en payer le prix ; c'eft en ce fens
que la loi penul. ff] de duob. reis , dit alu-
rlus fuclum alteri cjuoque nocet ; mais la
faute , le fait ou la demeure de l'un d'eux,
ne préjudicie pas aux autres ad augenda/n
ipforum obligationem , c'eft-à-dire , qu'il
n'y a cnie celui qui a commis la faute , ou
qui a été mis en demeure , qui doive être
tenu des dommages 6c intérêts qui peu-
N iv
296 Tr. des Obu g.
vent réfulter de l'inexécution de l'obliga-
tion, outre la valeur delà chofe due. Quant
à l'autre débiteur qui n'a commis aucune
faute , &c n'a pas été mis en demeure , il
n'eft tenu d'autre chofe , que de payer le
prix de la chofe qui a péri par la faute ,
-ou depuis la demeure de fon codébiteur;
fon obligation ayant bien pu être perpé-
tuée , mais non pas augmentée , par la
faute ou la demeure de fon codébiteur.
Par la même raifon , il n'y a que celui
quia été mis en demeure , qui doive être
tenu des intérêts & autres dommages dus
par le rétard & la demeure ; c'eft en ce
fens que la loi 3 2. §. penul. ff. de ufuris^
dit ijlduoreipromitundijînty alurïus mot a
alterl non nocet.
Dumoulin reïtreintladécifionde cette
loi aux dommages Se intérêts, qui n'ont
pas été expreiïément ftipulés : s'ils l'a-
voient été , ils en feroient tous tenus , le
fait ou la demeure de l'un d'eux faifant
exifter la condition de l'inexécution de
l'obligation fous laquelle ils s'étoient tous
obligés auxdits dommages & intérêts,
MoL ibid. n. izy.
274. 40. Le payement qui eft fait par
l'un des débiteurs , libère tous les autres ;
c'eft une conféquence de ce que la dette
folidaire , n'efl qu'une feule dette d'une
même chofe , dont il y aplufieurs débi-
teurs.
Part. Iî. Chap, III. 297
'Non-feulement le payement réel , mais
-toute autre efpecç. de payement doit
avoir cet effet ; c'eft pourquoi par exem-
ple , fi l'un -des débiteurs folidaires pour*
luivi par le créancier , lui a oppofé en
-compenfation de la fomme qui lui étoit
demandée , une pareille fomme que lui
devoit le créancier ; (es codébiteurs fe-
ront libérés par cette compenfation , com-
me par le payement réel qu'il en auroit
fait.
Pierre & Paul font mes débiteurs fo-
<lidaires d\me fomme de mille livres ; de~
puis je fuis devenu débiteur envers Pierre
il'une pareille fomme de mille livres : fi
j'ai pourïliivi Pierre pour le payement de
mille livres à moi dûs par Pierre &C
Paul , &: qu'il m'ait oppofé la compenfa-
tion de mille livres que je lui devois ;
-fuivant ce que nous venons de dire , cette
compenfation équipollant au payement,
la dette de mille livres qui m'étoit due fo-
lidairement par Pierre & par Paul , en1 par
-cette compenfation éteinte vis-à-vis l'un
& l'autre. Mais fi je n'ai pas pourfuivi
Pierre, & que je pourfuive Paul pour le
payement de cette fomme , Paul pourra-
t-il oppofer en compenfation la dette de
mille livres que je dois à fon codébiteur-?
iPapinien en la loi 10. ff. de duobus reis , djé-
<£Îde pour }$ -négative •: fi duo r ci promh*
'M y
1$2 T R. DES O B L I G.
tendi focil non Jint , non proderlt alun \
quod Jlipulator alteri r o pecuniam débet.
Néanmoins Domat en {es loix civiles ,
p. i . /. 3 . T. 3 . S. i . art, S. décide contre ce
texte , que Paul pourra oppoierla compen-
fation de ce que je dois à Pierre , pour la
part dont Pierre vis-à-vis de Paul eft tenu
de la dette , &C non pour le furplus. Sa
raifon eft que Pierre ne me devant plus
cette part dont il étoit tenu de la dette ,
au moyen de la compenfation de la dette
qu'il a droit de m'oppofer , Paul ne doit
pas être obligé de payer pour Pierre ,
cette part dont Pierre eft quitte par la
compenfation. Cette raifon n'efï pas tout
à fait concluante ; car lorfqu'un débiteur
folidaire paye le total de la dette , ce n'eft
<jue vis-à-vis fes codébiteurs , qu'il eft
cenfé payer pour eux les parts dont ils
font chacun tenus de la dette , les codé-
biteurs folidaires n'étant entreux tenus
de la dette que pour leur part; mais un
débiteur folidaire étant vis-à-vis du créan-
cier débiteur du total , lorfqu'il paye le
total , ce n^efi point vis-à-vis du créancier
qu'il paye les parts de (es codébiteurs ; il
paye ce qu'il doit lui-même , & par con-
séquent il ne peut oppofer en compenfa-
tion que ce qui eu du à lui-même , &
non ce qui eîtdà à fes codébiteurs ; &C
c'eft fur cette raifon qu'eft fondée la dé-
Part. IL Chap. 1 1 1. 299
cîfion 4ç Pan:ivten. On peut dire en ta-
Tciir de celle de Domat qu'elle évite un
circuit ; car lorfque Paul m'aura payé
pour le total la dette qu'il me doit foli-
dairement avec Pierre, Paul aura recours
contre Pierre pour la part dont il en étoit
tenu ; &: pour cette part il faifira entre
mer mains ce que je dois à Pierre , & me
fera rendre jufqu'à concurrence de cette
part, ce que j'aurai reçu. Cette dernière
raifon doit faire fuivre dans la pratique
ia décifion de Domat.
275 La remife que le créancier feroit
de la dette à l'un des débiteurs folidaires ,
libéreroit aufîi les autres , s'il paroifîbit
que le créancier par cette remife , a eu
intention d'éteindre la dette en total.
Que s'il paroiffoit , que fon intention
a été feulement d'éteindre la dette , pour
la part pour laquelle celui à qui il en a
fait remife en étoit tenu vis-à-vis de fes
codébiteurs , &£ de décharger du furplus
de la dette la perfonne de ce débiteur ; la
dette ne laiffera pas de fubfifter pour le
furplus dans les perfonnes de fes codé-
biteurs.
Quid, fî le créancier par la décharge
qu'il a donnée à ce débiteur , avoit dé-
claré exprefTément qu'il entendoit dé-
charger feulement-la perfonne de ce dé-
biteur , & conferver ia créance entière
N vj
3Ô0 Ta» DES 0BLIG.
contre les autres codébiteurs , pourroit*-
il au moyen de cette proteftation ^i'.g?r
le total des autres débiteurs , fans aucune
déduction de la part de celui qu'il a dé^-
♦chargé ? Je penfe qu'il ne le pouroit : h
Traifon eft que des débiteurs folidaires ne
fe feroientpas obligés foîidai rement, mais
feulement pour leurs parts , s'ils n'eiuTent
compté qu'en payant le total , ils auroient
recours. contre/leurs codébiteurs, & qu'ils
auroient pour cet effet la ceffion des ac-
tions du créancier pour les autres parties»
•Ce n'eft que fous la charge tacite de cette
ceffion d'afrions qu'ils fe font obligés fq-
lidairement ; & par çonféquent le créant
cier n'a droit d'exiger de chacun d'eux lç
total qu'à la charge de cette ceffion d'ac^
îions. Dans cette efpece le créancier s'é-
tant mis par fon fait hors d'état de pou-
voir céder {es aclions contre un des dé^
Biteurs qu'il a déchargé , & par çonfé-
quent s'étant mis hors d'état de remplir
îa condition fous laquelle il a droit d'e-
xiger le total ; c'eft une çonféquence qu'il
ne puiffe plus demander à chacun le total;
rrepdlîtur cxceptlonc cedendarum aciionurn,.
"Voyez ce qui eu dit de la ceffion d'aclions
anfrà 9 p. 3. ch. 1. art, 6. §. %.
Lorfqif il y a plufieurs débiteurs folidai^
tfes,, & que le -créancier en a déchargé
'#ms j>erd-il entièrement la foliditi, &n
Part. IL Chap. I1L 30*
«T>eirt-il agir contre chacun des autres fo
lidai rement &C (bus la déduction feulement
.de la part de celui qu'il a déchargé , &
je que celui qu'il a déchargé , aurolt
é tenu de porter pour fa part , des por-
tions de ceux d'entreux qui feroient in-
folvables ? Par exemple , fi j'avok iîx dé-
biteurs folidaires ; que j'en aye déchargé
un , qu'il en relte cinq dont un eft infol-
vable , ne puis-je agir contre chacun des
autres que pour leur fixieme ., ou puis-rje
agir contre chacun des folvables , pour le
total , fous la déduction feulement du fi-
xieme , dont étoit tenu celui que j'ai de*
chargé , <k de la part dont il auroit été
tenu de la portion de Pinfolvable ? Je
ponfe que j'y ferai bien fondé ; car ce dé-
biteur contre qui j'agis , ne peut préten-
dre contre moi d'autre déduction , que
de ce qu'il perd par le défaut de cefîion
d'action , contre celui que j'ai déchargé ."
or , la ce iïion d'aclion contre celui que
j'ai déchargé ne kti auroit donné que le
droit de répéter de lui ia portion , & de
le faire contribuer à celle des infolvable%
comme nous le verrons infrà N. 281.
276. Lorfque l'un des débiteurs fohV
Maires efl devenu l'unique héritier dta
créancier ,, la dette n'en1 point éteinte
contre .les autres ddbitairs.; xar lacot>*
3o* Tr. des Obltg.
fufion magis perjonam débitons eximit ah
obligatione , quant extinguit obligationem.
Mais ce débiteur devenu héritier du créan-
cier , ne peut l'exiger des autres débi-
teurs que fous la dédu&ion de la part dont
il en eft tenu yis-à-vis d'eux ; & s'il y en
aq^îqu'und'infolvable , il doit en outre
porter la part de la portion de Pinfolvable.
ïl en eft de même dans le cas inverfe ,
lorfque le créancier eft devenu l'unique
héritier de l'un des débiteurs folidaires,
i iv.
D& la rem if e de la folidité.
177. Le droit de folidité qu'a un créan-
cier contre pluiieurs débiteurs d'une mê-
me dette étant un droit établi en fa faveur,
il n'eftpas douteux que , fuivant la maxi-
me , unique licetjuri in fuum favorem intro-
duUo reminciare, un créancier majeur qui
a la libre difpofition de (es biens peut re-
noncer au droit de la folidité : il y peut
renoncer , foit en faveur de tous les dé-
biteurs , en confentant que la dette foit
divifée entr'eux, foit en faveur de l'un
des débiteurs qu'il déchargera de la ioii-
dité , en confervant ion droit de folidité
contre les autres 5 de manière néanmoins
Part. IL Chap. III. 305
t^ue la décharge qu'il a donnée à l'un d'en-
tr'eux , ne puhTe préjudicier aux autres %
comme il a été obfervé au n°. 275.
Il peut y renoncer foit par une con-
vention exprefîe , foit tacitement.
Il err cenfé y avoir renoncé tacitement,
lorfqu'il a admis quelqu'un des débiteurs
à payer la dette pour fa part nommément»
CeÛ la décifion de la loi 18. cod. de paoî*
Si créditons v.fîros 9 ex PARTE d&biti. admï-
fijje quemquam vejîrûm pro Jua perfondfol-
xentem probaveriiïs , aditus reclor provinciœy
pro jud gravitate , ne alter pro altero exiga»
tur , providebit.
La raifon eft que lorfque le créancier
<k>nne quittance en ces termes , à l'un de
fes codébiteurs folidaires : J'ai reçu d'un
tel lafomme de pour fa part , il
le reconnoît pour débiteur de la dette
pour une part ; & par conféquent il con-
fent qu'il ne foit plus folidaire , étant deux
choies oppofées , d'être débiteur pour
une par' , & d'être débiteur folidaire.
C ctte décifion n'a pas lieu fi la quittance
par laquelle le créancier déclare avoir re-
çu d'un tel pour fa part , porte une ré-
ferve de la folidité ; car les termes for-
mels pas lefquels le créancier fe réferve
Ton droit de folidité , l'emportent fur la
conséquence qu'on voudro't tirer des tor-
tue s pour fa part , employés dans fa quit-
304 Tr. DES ObXIG.
tance pour en induire la renonciation "ï
Ja folidité ; & quand même on accorde-
roit que ces termes pour fa part feroient
•auiïi formels en faveur de la renonciation
à la folidité , que la réferve exprerTe de
la folidité eu. formelle contre cette renon-
ciation, il ne s'enfuivroit autre chofe fi-
non que ces termes pour fa part , & ceux-
.ci , fans préjudice de la folidité , fe dé-
truiraient réciproquement, & que la quit-
tance devrôri -être regardée comme fi elle
.ne contenoit ni les tins ni les autres ; au-
quel cas elle ne peut préjudicier au droit
,de folidité , c'eil le raifonnement d'Alciax
<ad d. L. 18.
On oppofera peut-être que dans cette
•quittance ces termes , fans préjudice de la
folidité , doivent s'entendre d'une réferve
>que le créancier fait de fon droit de foli-
dité contre les autres codébiteurs , & non
ccontre celui à qui il donne quittance , afin
♦de les concilier par ce moyen avec les
termes paur fa part , employés dans la
«quittance : cette interprétation ne vaut
j-ien. Lorfque dans une quittance, con>*
-$ne dans tout autre acle , on réferve des
adroits fans dire contre qui , il-eft naturel
-que cela s'entende des droits qu'on a
-contre celui avec qui on traite , ou à
*qui on donne quittance , & non de ceux
^u!ôaa.cQAtr^,.d'awtr.es..Qiixp.ncilie.41ttfi*.
Part. 11. Chap. ÏIÎ. 30$
façon plus naturelle ces termes pour fa,
part , avec la réferve de folidité , en dl-
fant qu'en ce cas le créancier qui a ré-
ferve ion droit de folidité , a entendu
par ces termes pour fa part , non une part
pour laquelle ce débiteur feroit tenu vis-
à-vis de lui créancier, mais la part pour
laquelle ce débiteur eft effectivement tenu
de la dette vis-à-vis de fes codébiteurs ;
laquelle part le créancier a bien voulu
recevoir de lui dans ce moment, fauf à
exiger de lui le furplus , en vertu en
droit de folidité qu'il a contre lui . &C
qu'il le réferve. Ceft un des points jugés
par un Arrêt du 6. Septembre 171 is
rapporte au Jixieme tom. du Journal des
Audiences,
Lorfoue la quittance porte fans pré/ #-
dice de mes droits , c'eft la même chofe
que ii elle portoit , fans préjudice de la,
folidité ; car le droit de folidité eft com-
•pris dans la généralité des termes , fans
préjudice de mes droits ; & c'eft même le
droit dont la réferve a le plus de rapport
à la quittance que je donne , & qui fert
de correctif aux termes pour fa part , em-
ployés dans ma quittance. Alciat ad dicî.
Lorfque le créancier a donné à l'un de
4es codébiteurs folidaires quittance pure-
jnent & ûmplement d'une certaine fom-
306 Tr, des Oblig.
me , qui fait précifément celle dont il err.
. tenu de la dette pour fa part vis-à-vis fes
codébiteurs, fans exprimer qu'il Ta reçue
pour fa part , le créancier eft-il cenfé avoir
remis fon droit de folidité ? Je penfe qu'il
ne doit pas être cenfé l'avoir remis , &C
que la décifon de la Loi fi creditores ci-
deffus citée , doit être reftreinte dans fou
cas , qui eft celui auquel l'un des codé-
biteurs a été reçu exprefiement à payer
pour fa part perfonnelle , ex parte pro per~
fond fud, ôi que c'eft de cette expref-
iion portée par la quittance que le créan-
cier reçoit pour la part de ce débiteur ,
que fe tire la préfomption de la renon-
ciation à la folidité. Mais û le créancier a
bien voulu recevoir de l'un de (es débi-
teurs une partie de fa dette , que ce dé-
biteur folidaire lui devoit pour le total , on
ne doit pas de cela feul en conclure , qu'il
a voulu le décharger de la folidité ; car il
n'y a en ce cas aucune néceflité de tirer
cette conféquence , & on ne la doit pas
tirer fans nécefîité , perfonne n'étant pré-
fumé remettre (es droits , nemo facile do-
nare prœfumltur. C'eft ce qui eft décidé en
la loi 8. §. i. f. de leg. i°. dans l'efpece
de deux héritiers que le teftateur avoit
grevés folidairement de la preftation d'un
legs : Poimonius décide que le légataire
qui en a demandé à l'un d'eux, ou même
Part. II. Chap. III. 307
€mi a reçu de l'un d'eux fa part , n'efr.
pas cenfé pour cela l'avoir déchargé de
la folidité , cv qu'il peut exiger de lui le
furplus. Qjud fi ab altero partent paient }
Liberum erit ab alterutro reliquum petere ;
idem erit & fi alter partent folvijftt. Baquet
traite des droits de Jufiice , ch, z\ n. 2/5.
Balnage tr. des hypot. part. z. 4. font de
notre avis.
Bartole prétend qu'il y a à cet égard une
différence entre les débiteurs folidaires
par teftament , ôc ceux qui le font par un
acle entre-vifs ; mais cette diitin&ion n'eft
fondée fur aucune raifon folide.
Obfervez que ces termes de la loi ,
idem erit , & fi alter partent folviffet 9 doi-
vent s'entende du cas auquel le créan-
cier, fans avoir fait aucune demande,*
reçoit volontairement de l'un des débi-
teurs folidaires , la fomme à laquelle
monte ce que ce débiteur doit pour fa
part , fans exprimer dans la quittance ,
qu'il la reçoit pour fa part , comme il fera
dit ci-après.
Lorfqu'un créancier a fait commande-
ment à l'un des débiteurs folidaires de
payer telle fomme pour fa part de la dette,
ou lorfcnui l'a a/îigné pour payer fa pan
de la dette , eft-il cenfé pour cela feul
avoir divifé fa dette , 6c avoir déchargé
ce débiteur de la folidité ? Les Do&eurs
308 Tr. des Oblig.
font partagés fur cette queition ; Balde eft
pour l'affirmative , & Bartole pour la né-
gative. Pour l'affirmative on dira qu'il pa-
roît y avoir même raifon de le décider
dans ce cas , que dans le cas de la Loi (i
créditons ci-delfus rapportée. Dans le cas
de la Loi le créancier qui a exprimé en
termes formels dans la quittance qu'il a
donnée à l'un des débiteurs folidaires ,
qu'il avoit reçu telle fomme pour fa part ^
a par ces termes reconnu &c conf^nti
qu'il ne fût débiteur que pour fa part.,
& par conféquent qu'il ne fût plus débi-
teur foîidaire , étant deux choies oppo-
fées , d'être débiteur pour une part , ck
d'être débiteur foîidaire. Or , lorfqu'un
créancier a exprimé dans le commande-
ment qu'il a fait à l'un des débiteurs fo-
lidaires 9 ou dans l'exploit de demande
qu'il a donné contre lui , qu'il lui deman-
de une telle fomme pour fa part , ne peut-
on pas dire de même que par ces termes
pour fa part , il a confenti que ce débiteur
ne fût plus foîidaire ; par conféquent il
paroît y avoir dans ce cas, même raifon
de décider que le créancier l'a déchargé
de la folidité , que dans le cas de la Loi
flaeditores. Au contraire pour la négative
on a coutume d'alléguer la Loi , Reos 23.
£od. defid. & la Loi 8. §. 1. ff.de kg. 1°.
«ëi-deiïus citée. La Loi Reos ne me paroît
P A R T. 1 1. C H A P. 1 1 L 3 09
nullement décider cette queftion ; niais la
Loi S. §. 1. décide formellement , qu'un,
débiteur folidaire n-'eft" pas déchargé de
la folidité , par la demande que lui a faite
le créancier de payer fa pan; puifqu'elle-
décide que le créancier , nonobflant la
demande, n'eit pas exclus de demander
le furplus à l'un ou à l'autre des débiteurs;.
& par conféqueat même à celui à qui il
avoit d'abord demandé fa part , quidji ah-
aluro pjirtcm pcti&rit? Libzrum crit ab alter<-
utro reliquum petere* La raifon eu que les
dettes étant contractées par le concours
des volontés du créancier & du débiteur ,.
la remife ne peut s'en faire ,. que par un
confentement contraire des mêmes par-
ties, p, 3. ch. y. art. 1. §. 3. D'où il fuit r
qu'en fuppofant que la demande faite à
l'un des débiteurs folidaires de payer fet
pan , renfermeroit une volonté du créan-
cier de lui remettre la folidité , tant que
la volonté du débiteur n'a pas concouru
avec celle du créancier, tant que le dé-
biteur n'a pas acquiefeé à cette demande r
&c offert en conféquence de payer fa part \
cette demande ne peut Taire acquérir au
débiteur aucun droit , ni le décharger de
la folidité , ni par conséquent empêcher
le créancier d'augmenter (es coneluftois
contre lui , &c de lui demander le total de.
la dette. En cela ee cas-ci diffère du cas
3io Tr. des Oblig.
de la Loi fi crédit ores , dans lequel la vo-
lonté du débiteur qui paye la part de la
dette au créancier, qui veut bien s'en
contenter , concourt avec celle du créan-
ce r , pour la remife du furplus.
Lorfque le débiteur pourfuivi pour îe
payement de fa part 9 avant que le créan-
cier ait augmenté (es conclurions contre
lui , a payré fa part , ou feulement même
offert de la payer ; il me paroît qu'en ce
-cas il y a une entière parité deraifon de
décider de môme que dans le cas de la Loi
fi crtditores pour la décharge de la folidité,
C'efr. pourquoi je penfeque ces derniers
termes de la Loi 3. §. i. ff. de Lé'g, i°.
idemque erit , & fi alter partem folvijjet ,
qui font un verfet féparé dans ce para-
graphe , doivent être reûxeints au cas d'un
payement volontaire fait fans que la quit-
tance exprime que le créancier a reçu
pour fa part , & ne doivent pas s'enten-
dre d'un payement fait eh conféquence
d'une pourfuite contre le débiteur pour le
payement de fa part.
Pareillement , lorfque fur la demande
du créancier contre l'un des débiteurs fo-
lidaires pour îe payement defapart, il efl
intervenu Sentence qui le condamne à
payer fa part, le créancier ne peut plus
lui demander le furplus : la Sentence de
condamnation fupplée à cet égard à la
P A Bf T. ï I. C H A P. III. 31 ï
volonté du débiteur pour i acceptation de
la remife dufurplus ; cùm in judiciis quaji
contr JuTinis , & judicatum quamdam no-
véuioncm inducat, C'eft l'avis de Baquet,
tm n. 147.
17^. Lorsqu'il y a plus de deux débi-
teurs folidaires , la quittance donnée à
l'un d'eux d'une fomme , avec l'expref-
fion que c'en1 pour le payement*/^ /?#/*,
decharge-t-elie delà folidité tous les dé-
biteurs , ou feulement celui à qui elle eft
donnée ? Les Docteurs ont été encore
partagés fur cette queftion : les anciens
Docteurs tenoient l'affirmative , & fe
fondoient fur la Loïji creditores , ci-defîus
Pierre de Letoille , dit Stella , cé-
lèbre Profeffeurdei'Univerfttétf Orléans,
a été le >remierau rapport tfklcidxad d.
Leg. qui ait tenu la négative ; fon fenti-
ment paroît être le meilleur ^ & le plus
conforme aux principes du Droit. La Loi
fi créditons bien entendue n'y eft pas con-
traire ; cette Loi eft fondée fur une con-
vention , qu'on préfume tacitement inter-
venue pour la décharge de la folidité ,
entre le créancier & celui des débiteurs
à qui il a donné la quittance. Or c'eft un
des principes de Droit les plus conftans
que les conventions ne peuvent jfaire ac-
quérir de droit qu'entre les parties encre
qui elles interviennent ,fup. n. 83. &feq.
jti Tr. des Oblig.
D'où il fuit que celle-ci n'a pu procurer
la décharge de la folidité qu'au débiteur &
qui le créancier a donné la quittance, qui
eft le feul avec qui il a traité , & qu'elle
n'a pu la procurer aux autres débiteurs
avec lefquels le créancier n'a eu à cet égard
aucune convention ; la bonté que le
créancier a eue pour l'un de fes débiteurs,
cnradmettant à payer la dette pour fa part
feulement ,. ne doit pas lui être préjudi-
ciable vis-à-vis des autres , bonitas crédi-
tons , dit Alciat , ad h, L. non débet effe cl
captioja. La Loi y? créditons , fur laquelle
fe fondent les anciens Do£teurs ,. n'a au-
cun rapport à cette queflion ; il y a mê-
me apparence que dans l'efpece de cette
Loi , il n'y avoit que deux débiteurs foli-
claires ; s'il y en avoit euplufieurs , l'Em-
pereur auroit dit , reclcr providebit ne nnus
pro crteris exigatur : ces termes , ne alt$r
pro altero exigatur , défignent deux débi-
teurs feulement, & s'entendent en ce
fens , ne alter quifolvlt , pro altero qui non-
dum foh it , exigatur.
Cette décifion doit être fuivie , avec
ce tempérament , que fi parmi les débi-
teurs qui refient , il y en avoit quel-
qu'un d'infolvable , ils devroient être
déchargés de la part que celui qui a
été d chargé de la folidité r auroit porté*
(àe rinfolvabilité 9 cars'Ls ne doivent pas,
profiter
Part. Iî. Chap, 1 1 T. 313
profiter de cette décharge , elle ne doit
pas leur préjudiciel*. Il faut néanmoins
avouer que Bacquet , ibidem n. 245. après
avoir dit que l'opinion de Létoille lui
paroît équitable , avoue que l'opinion
contraire , qui eft celle des anciens Doc-
teurs , eft fuivie au Châtelet de Paris :
mais je crois que c'eft une erreur qu'il
faut réformer, fi elle ne l'a déjà été.
Lorfque le créancier a fait condamner
l'un des débiteurs folidaires à payer fa
part de la dette , on doit fuivant les mê-
mes principes décider que cette Sentence
ne doit pas décharger de la iolidité , les
autres débiteurs , cùm res judicata aliis non
profit , &c qu'ils peuvent feulement de~
mander, dans le cas auquel il y auroit
quelqu'un parmi eux d'infolvable , que le
créancier leur faffe raifon & déduction
de la part que celui qu'il a déchargé au-
roit dû porter de cette infolvabilité.
279. Il nous refte une queftion qui eu
de fçavoir , fi lorfqif il y a plufieu s débi-
teurs folidaires d'une rente , la quittance
que le créancier a donnée à l'un d'eux
d'une telle fomme , pour fa part des arré-
rages qui étoient lors échus , le déchar-
ge de la folidité pour l'avenir , ou feule-
ment pou*- les arrérages échus pour lef-
quels la quittance a été donnée ? 11 faut
décider qu'elle ne le décharge de la foli-
Tome J% Q
314 Tr. des O b l i g.
dite que pour les arrérages échus pour
lefquels la quittance a été donnée , &Z
non pour Favenir. Cette dccifioneil fon-
dée fur le principe ci-deïTus établi , que
Ticmo facile prœfumhur donare. D'où il
fuit qu'on ne doit point tirer de la quit-
tance donnée par le créancier , la confé-
xmence qu'il a voulu décharger le débi-
teur de la folidité de la rente pour l'ave-
nir , s'il n'y a nécefîité de la tirer : or il
n'y a aucune nécefîité ; car de ce que le
créancier a bien voulu permettre à ce dé-
biteur de payer pour fa part les arrérages
qui étoient échus , 6c pour lefquels il a
donné quittance pour fa part , il s'enfuit
feulement que le créancier a voulu le dé-
charger de la folidité , pour lefdits arré-
rages ; mais il ne s'enfuit nullement qu'il
ait voulu le décharger de la folidité de
la rente pour l'avenir. Ainfi le décide
Alciat , ad d. I. Baxquet ibid. n. 246.
Néanmoins fi pendant le temps requis
pour la prefcription , c'eft-à-dire pendant
un efpace de trente ans , le débiteur avoit
toujours été admis à payer les arrérages
pour fa part ; ce débiteur auroit acquis
par prefcription , la décharge de la foli-
dité même pour Favenir. Alciat, Bacquet,
ibid. Mais en ce cas même , comme l'ob-
ferve Bacquet , ibid. ce débiteur n'auroit
pas acquis le droit de racheter la rentç
Part II. G h a p. III. 315
rient pour fa part ; car de ce que le
créancier a bien voulu le décharger de
la folidité de la preiîation des arrérages ,
il ne s'enfuit nullement qu'il ait pareil-
lement confenti à la divilion du rachat
de ia rente.
§• v.
De la ceffîon des avions du Créancier ,'
qrfa droit de demander un débiteur Joli*
daire qui paye le total,
280. Le débiteur folidaire qui paye le
total , peut n'éteindre abfolument la dette
que pour la part qu'il eft tenu de payer
pour foi ,tk fans recours. V.fuprà^n. 264.
H a le droit de fe faire céder les actions
du créancier pour le furplus contre fes
codébiteurs ; &£ au moyen de cette ce£-
lion d'aclions , il efl cenfé en quelque fa-
çon plutôt acheter la créance du créan-
cier pour le furplus contre fes codébi-
teurs , que l'avoir acquittée ; creditor non
in folutum accepit , fed quodammodo no-
men créditons vendidit. L. yô.Jf. dejîdejuf.
Le créancier ne peut refufer cette fu-
brogation ou cefTion de fes actions au dé-
biteur folidaire qui paye le total , lorf-
qu'il la lui demande ; même s'il s'étoit
mis hors d'état de pouvoir les céder con-
tre quelqu'un ; ildoiineroit atteinte àfon
Oij
ji6 Tr. des Obli*g,
droit de foiidité, comme il a été ditfuprà.
Il y a plus : lcrique le débiteur a par
l'afte de payement requis la fubrogation ,
quand même le créancier la lui auroit ex-
prefTément refufée , le débiteur félon nos
ufages ne laiiTe pas de jouir de cette fu-
brogation , fans être obligé de pourfuivre
le créancier pour le contraindre à la lui
accorder ; la loi fupplée en ce cas à ce
que le créancier auroit dû faire , & fu-
broge elle-même le débiteur qui a requis
la fubrogation , en tous les droits & ac-
tions du créancier.
Quid , fi le débiteur avoit payé fans
requérir la fubrogation ? Il ne pourroit
plus par la fuite fe faire fubroger aux ac-
tions du créancier ; car le payement pur
& fimple qu'il auroit fait ayant éteint
entièrement la créance & toutes les ac-
tions & droits qui en réfultent , on ne
peut plus parla fuite lui céder ce qui n'e-
xifte plus. Si pojijblutum ^fine ullo pa&o ,
omne quod ex causa tutdce debetur , aclio-
n$s pojl aliquod intervallum cejjœjînt^ nihil
ed cejfione acîum , cîim nulla aclio Juptr-
fuit. L.y6. ff.de folut.
Les Docteurs entre autres textes de
Droit ont coutume de citer cette Loi ,
pour décider que la fubrogation ne fe fait
pas de plein droit , fi elle rfvft requife
par le payeinent que fait le dtbiteur fo-
Part. IL Chap. III. 317
ndaire , ou une cr.ution , ou quelqu'autre
perfonne que ce foit , qui paye ce qu'el-
le doit pour d'autres, ou avec d'autres :
6c ee texte paroît effectivement le déci-
der en termes aflez formels. Néanmoins
Dumoulin en la première de (es leçons
fofemnelîês qu'il fit à Dole, a prétendu
contre le fentunent de tous les Docteurs,
qu'un codébiteur lolidaire , une caution
& généralement tous ceux qui pay oient
ce qu'ils dévoient avec d'autres ou pour
d'autres , étoient en payant fubrogés de
plein droit, quoiqu'ils n'eufîent pas re-
quis la fubrogation. Sa raifon étoit qu'ils
doivent toujours être préfumés n'avoir
payé qu'à la charge de cette fubrogation
qu'ils a voient droit d'exiger , perfonne ne
pouvant être préfumé négliger fes droits %
& y renoncer : il prétend que cette loi
76. n'eft pas , comme tous l'ont penfé ,
dans l'efpece d'un tuteur qui a payé le
reliquat qu'il devoit folidairement avec
fes cotuteurs , fans demander la fubroga-
tion contr'eux ; mais qu'elle eft dans l'ef-
pece d'un ami d'un tuteur, qui avoit payé
pour lui , & qui n'étoit pas obligé à la
dette. Dumoulin prétend que ce n'eft
que dans ce cas , qu'il n'y a pas de fu-
brogation , lorfque la quittance n'en fait
pas mention ; parce qu'en ce cas le créan-
cier n'étant pas obligé de céder fes ac-
O iij
3 1 S Tr, des O e l i g.
tions , on ne peut fuppofer cette cefîîon
d'a£^ions en ce cas , fi elle n'cft expref-
fément convenue ; mais toutes les fois que
celui qui a payé a voit intérêt de payer, &
avoit droit par conséquent de fe faire
fubroger aux a£Hons du créancier, con-
tre ceux pour qui ou avec qui il étoit dé-
biteur de ce qu'il a payé , il prétend qu'il
doit toujours être cenfé avoir été fu-
brogé , quoiqu'il n'ait pas requis la Su-
brogation : il fonde fon opinion princi-
palement fur la loi i. §. i^.ff. de tut. &
rat. qu'il entend dans un fens tout diffé-
rent de celui dans lequel ce texte a tou-
jours été entendu : il eil: dit ; fi forte quis
ex facto atteints tutoris condemnatus prœf-
titerit , vel ex communi geflu , nec ei mari*
datez funt acliones , conjlitutum efi à D. Pio
& ab Imptratore noflro & pâtre ejus , utltem
aclionem tutori adverfus contutorem dan-*
d.im : au lieu que le texte s'entend ordi-
nairement de l'action utilis negotiorum
gefiorum , que ces continuions accordent
en ce cas au tuteur contre fes cotuteurs,
laquelle atlion avoit fait difficulté parce
que ce tuteur en payant ce qu'il étoit
condamné en fon propre nom, non con-
tutoris feJ magis proprium negotium gefjîffe
yidebatur. Dumoulin au contraire enrend
ce texte de l'a&ion de tutcle que le mi-
neur avoit contre l'autre tuteur, qui eft
Pa R T. IL C H A P. III. 319
appeliée utilis 9 parce que la loi utilitate ita
fuadtntt à. défaut d'une cefîion expreffe ,
y fubroge le tuteur qui a payé.
Cette opinion de Dumoulin n'a pas pré-
valu , .&: l'on a continué d'enfeigner dans
les écoles , & de pratiquer au barreau
qu'un codébiteur folidaire , de même que
les cautions , ck tous ceux qui payoient
ce qu'ils dévoient avec d'autres ou pour
d'autres , n'étoient fubrogés aux actions
du créancier, que lorfqu'iîs avoient re-
quis la fubrogation. La raifon eu que
fuivant un principe avoué par Dumoulin
lui-même , il ne fe fait pas de fubroga-
tion de plein droit , à moins que la loi
ne s'en explique ; non tranfcunt acliones ,
nifi in cajibus jure expreffis. Or Dumoulin
ne peut trouver aucun texte de droit qui
étabmTe en ce cas la fubrogation : îa loi
I. §. 13.^ de tut. & rat. . . difir, qui eil
le principal fondement de fon opinion ne
l'établit point , n'y ayant aucune nécef-
fité d'entendre ce texte dans le fens que
Dumoulin l'entend d'une action utilis tu-
ulct , à laquelle le tuteur qui a payé , foit
fubrogé : ce texte pouvant s'entendre
dans un fens beaucoup plus naturel de l'ac-
tion utilis negotiorum gsflorum. Bien loin
donc que ce texte établiffe que la fubro-
gation fe fait c-n ce cas de plein droit,
au contraire elle fuppofe qu'elle ne fe
Oiv
320 Tr. des Oblig.
fait pas ; c'eft ce que fuppofe la loi 76.
ff. de foliu. prife dans fon fens naturel;
celui que Dumoulin donne à cette loi ne
l'efl point du tout La loi 39. ff. défi-
dej. & la loi 1 1 . cod. d. th. founrent en-
core moins de réplique ; ces loix décident
que le fidéjuflTeur qui a manqué en payant
de fe faire mbroger , n'a pas d'action con-
tre fes cofidéjuiTeiirs , ce qui fuppofe bien
clairement qu'il n'eft pas fubrogé de plein
droit , fans requérir la fubrogation ; car
s'il l'étoit il auroit été inutile de concil-
ier l'Empereur Alexandre pour fçavoir ,
s'il avoit une action. En vain dit-on pour
l'opinion de Dumoulin , que le débiteur
folidaire ayant le droit de fe faire mbro-
ger aux aclions du créancier contre {es
codébiteurs , il ne doit pas être préfumç
avoir renoncé à ce droit , perfonne n'é-
tant prélumé renoncer à (es droits. La
réponfe eft , que ce droit confinant dans
une fimple faculté qu'il a de requérir la
fubrogation , dont il peut ufer ou ne pas
ufer , il ne fufîit pas qu'il ne foit pas pré-
fumé avoir renoncé à fon droit , il faut
qu'il paroiffe avoir uié de cette faculté ,
ce qui ne paroît pas s'il ne l'a point dé-
claré. Le débiteur qui paye ayant un autre
motif pour payer, que d'acquérir la fub-
rogation ; fçavoir , celui d'éviter les con-
traintes du créancier , & de libérer fa
Part. II. Chap. III. 321
perfonne &c les biens ; le payement qu'il
fait fans requérir la fubrogation n'établit
pas qu'il ait voulu autre chofe que fe li-
bérer , 6v qu'il ait voulu acquérir la fub-
rogation. D'ailleurs quand on fuppofe-
roit une volonté de l'acquérir, cette vo-
lonté gardée au dedans de lui , ne feroit
pas fuffifante ; fon droit confirmant dans
la faculté de la requérir , la fubrogation
ne peut avoir lieu qu'il ne l'ait requife. Il
eft vrai que la loi l'accorde au défaut du
créancier; mais pour qu'on puifTe dire que
c'eA: au défaut du créancier, il faut que le
créancier ait été mis en demeure de l'ac-
corder par la requifition qui lui en doit
être faite. C'eft. par ces raifons que les
auteurs modernes ont continué de fuivre
l'opinion commune.
RenufTon , Traité des fubrogations , ch,
7. n. 68. & ch.y. N. 7. tient cette opinion :
elle a été fuivie aufîi par la jurifprudence
des arrêts ; il y en a un du 26. Août
1706. rapporté au 5. tome du Journal
des audiences , qui a jugé qu'une caution
ayant payé fans requérir la fubrogation ,
n'étoit nas fubrogée aux aûions du créan-
cier, 6c m'en conféquence elle n'avoit
aucune a£tion contre la femme du débi-
teur qui s'ctoit obligée envers le créan-
cier, à réintégrer fon mari en prifon 9
ou à payer pour lui.
O v
jiï Tr. des Ob li g; .
Il y a néanmoins certains cas dans lef~
quels la fubrogation a lieu de plein droit,
Voye^ notre introd. au tit. 20. de la Cou-
tume d'Orléans ch, i.fecl. 5.
28 1 . Le débiteur folidaire qui en payant,
a requis la fubrogation , eft pour le fur-'
plus de ce dont il étoit débiteur pour foi-
même & fans recours , fubrogé aux ac-
tions du créancier, non-feulement contre
{es codébiteurs , mais contre leurs cau-
tions, s'ils en ont donné au créancier; il
eft. fubrogé à tous les privilèges , &c à tous
les droits d'hypothéqués attachés aux ac-
tions du créancier , 6c il peut de même
que l'auroit pu le créancier dont il eft: le
procurator in rem fuam , les exercer mê-
me contre les tiers.
C'eft. une queftion controverfée entre
les Docleurs , lorfqu'il y a plufieurs co-
débiteurs , comme par exemple , lorf-
qu'une obligation a été contractée foli-
dairement par quatre particuliers , fi Fuji
des quatre qui a payé le total de la créan-
ce , avec fubrogation , peut agir folidai-
rement contre chacun de (es codébiteurs,
fous la déduclion feulement du quart dont
il étoit tenu pour foi-même , &£ pour le-
quel il n'a pu être fubrogé , ou s'il ne peut
agir contre chacun d'eux que pour leur
quart? La queftion a été jugée ancienne-
ment pour la première opinion. Effe&ir
Part. I T. Ch a p. III. 313
vcment il femble d'abord que le débiteur
étant par la fubrogation le procura tor in
rem fiuim du créancier , il peut exercer
les actions du créancier iolida ire ment con-
tre chacun des débiteurs , de la même
manière que le créancier le pourroit lui-
même ; néanmoins les nouveaux arrêts
ont jugé pour la deuxième opinion; l'au-
teur du Journal du Palais t. 1. p. 61 5. de
l'édition de 1701. en rapporte un du 22.
Février 1650. qui a été fuivi d'un autre
du 5. Septembre 1674. La raifbn eu qu'au-
trement il fe feroit un circuit d'aclions ;
car celui de mes codébiteurs à qui j'au-
rois fait payer le total de la créance , ma
part déduite, auroit droit en payant, d'ê-
tre pareillement fubrogé aux actions du
créancier, fous la déduction de la part
dont il elt lui-même tenu ; & en vertu
de cette fubrogation , il auroit droit d'e-
xiger de moi , fous la déduction de fa
part, ce qu'il m'auroit payé , puifque
je fuis tenu moi-même de la folidité : je
ne pourrois pas dire , pour me défendre
de ce circuit, que je ne fuis plus débi-
teur, ayant payé le créancier ; car au
moyen de la fubrogation , le payement
que j'ai fait, n*a éteint la dette que pour
la part dont j'en étois tenu pour moi-mê-
me , non pour le furpkis : au moyen de
la fubrogation , j'ai plutôt acquis îa crean-
O vj
324 Tr. des Oblig,
ce du créancier pour le furplus , que je
ne l'ai acquittée : mais en étant rembourfé
par mon codébiteur qui auroit aufîi re-
quis la fubrogation , cette créance pour
le furplus , & fous la déduction de la part
dont il eft lui-même tenu pafferoit en la
perfonne de ce codébiteur; ce neferoit
plus moi , mais lui qui feroit le procura-
tor in remfuam du créancier , & qui en
cette qualité auroit droit d'exercer con-
tre moi les actions du créancier pour ce
furplus , & de me faire rendre ce qu'il
m'a payé.
Lorfqu'ayant payé le total avec fubro-
gation , il fe trouve entre mes codébiteurs
quelqu'un qui eft infolvable , & de qui
je ne peux recouvrer la part , pour la-
quelle il eu tenu de la dette ; cette in-
solvabilité doit fe répartir entre ceux qui
font foîvables & moi ; l'équité ne per-
met pas qu'ayant acquitté feul la dette
commune , je porte feul cette insolva-
bilité.
§• VI.
Des actions que le débiteur folidaire qui a
payé fans fubrogation , peut avoir de fort
chef contrefis codébiteurs.
282. Quoiqu'un débiteur folidaire ait
omis en payant de requérir la fubroga-
P art. II. Chap. III. 31?
tion, il n'eit pas néanmoins dépourvu de
tout recours , & il a de fon chef contre
•hacun de fes codébiteurs , une action
pour répéter la part dont chacun defdits
codébiteurs eft tenu de la dette.
Cette action eft différente , félon les
différentes caufes d'où procède la dette.
Lorfque la dette folidaire eft contrac-
tée par plufieurs perfonnes pour une af-
faire commune , comme lorfque plufieurs
perfonnes ont fait en commun l'acquifi-
tion d'un héritage , au payement du prix
duquel ils fe font obligés folidairement y
ou lorfqu'elles ont emprunté une fomme
qu'elles ont employée à des affaires com-
munes , ou qu'elles ont partagée entre
elles , & à la restitution de laquelle elles
fe font obligées folidairement ; dans ces
cas & autres femblables , celui des débi-
teurs folidaires qui a payé le total , a
contre chacun de fes codébiteurs , l'ac-
tion profocio.
Il a cette action contre chacun d'eux 9
pour la pan que chacun d'eux a eue à l'af-
faire commune qui a donné lieu à cette
dette , chacun d'entr'eux devant être tenu
de la dette pour cette part.
Si quelqu'un d'entr'eux étoit infolva-
ble , celui qui a payé le total , a en outre
action contre chacun de ceux qui font
folvables , pour être payé de ce que cha-
*5i6 Tr. des Oblig.
cun d'eux doit porter de cette insolvabi-
lité ; & chacun d'eux en doit porter au
prorata de la part qu'il a eue dans la fo-
cieté ; car l'infolvabilité d'un afîbcié eft
une perte pour la focieté , qui doit tom-
ber par conféquent fur chacun des afïb-
ciés , pour la part qu'il a dans la focieté.
Ceci s'éclaircira par un exemple ; finge9
ûx perionnes Pierre ,Paul , Jacques, An-
dré , Jean & Thomas acquièrent une
partie de marchandifes enfemble , pour
lafomme de iooo liv. au payement du-
quel prix ils s'obligent foiidairement en-
vers le vendeur : par le partage qu'ils
en font entr'eux , Pierre prend la moitié
pour fon compte , en fe chargeant de la
moitié du prix , les cinq autres partagent
l'autre moitié par égales portions ; Tho-
mas paye au créancier tout le prix fans
fubroeation , André eft. infolvable : Tho-
mas , qui vis-à-vis de fes codébiteurs ne
devoit de fon chef que ioo liv. pour fon
dixième de la fomme prife , & n. liv.
lof. pour fon quart en la moitié de la
portion d'André infolvable , répétera
par Ya&ionprofocio de Pierre, i°. 500.
liv. pour la moitié que Pierre doit de fon
chef. 2°. 50 liv. pour la moitié que
ledit Pierre doit porter dans les iooî.
que devoit André qui efl infolvable , &C
ïi répétera par la même action contre
Part. II. Cha p. III. 317
chacun des trois autres , Paul , Jacques
^v Jean. i°. 100 I. que chacun d'eux doit
de Ton chef. i\ 12. liv. 10. f. que cha-
cun d'eux doit porter pour le quart dans
l'autre moitié de la portion de l'infolva-
ble.
Lorfque l'affaire pour laquelle la dette
a été contractée par plufieurs qui font
obligés folidairement , ne concerne que
l'un d'entr'eux; quoiqu'ils foient tous vis-
à-vis du créancier débiteurs principaux ,
néanmoins entr'eux , celui que l'affaire
concerne , efl le feul débiteur principal ,
&c les autres font comme fes cautions.
Par exemple , fi Pierre , Jacques tk Jean
empruntent une fomme d'argent , qu'ils
s'obligent folidairement de rendre , &£
que Pierre ait retenu la fomme d'argent 9
Pierre efl vis-à-vis de fes codébiteurs le
feul débiteur principal : fi c'efl lui qui a
acquitté la dette, il n'a aucun recours con-
tre fes codébiteurs qui ne fe font rendus
débiteurs avec lui que pour lui faire plai-
fir; au contraire fi c'eft Jacques ou Jean
qui a acquitté la dette , il aura l'action
mandati contre Pierre , pour la répéter en
entier de lui ; de même qu'une caution
a VaLVion mandati contre le débiteur prin-
cipal, lorfqu'elie a acquitté la dette.
Mais en cas d'infolvabilité de Pierre,
Jacques qui a payé le total aura-t-il aclion
32.8 Tr. des Ob l i g.
contre Jean , pour en répéter de lui la
moitié ? Cela dépend de la déciiion de
la queftion, fi le fidéjinTeur a a&ion con-
tre fes cofidéjufTeurs. Voyez cette quef-
tion infrà, ch. G.fccl. 7. art, 4.
Lorfque la dette folidaire a pour caufe
une donation , putà lorfque deux ou trois
perfonnes ont par contrat de mariage don-
né une certaine fomme à quelqu'un qu'el-
les fe font obligées folidairement de lui
payer , & que Tune d'elles a payé le to-
tal , il ne peut pas en ce cas y avoir lieu
à l'action profoclo contre les codébiteurs ;
car on peut bien contracter focieté , en
achetant enfemble , en vendant enfemble,
mais non pas en donnant enfemble , la
focieté étant par fa nature un contrat qui
fe fait lucri in communs, quœrendi causa :
Faction qu'a en ce cas contre {es codébi-
teurs celui qui a payé le total efî l'ac-
tion mandati ; car dans cette efpece , cha-
cun des donateurs n'eu donateur & dé-
biteur pour foi-même que de fa part ; &
il l'en1 du furplus pour fes codonateurs ,
comme leur caution & leur mandataire ,
& il a par conféquent contre eux pour ce
furplus l'a&ion mandati , telle que l'a une
caution.
Lorfque la dette folidaire procède d'un
délit , putà lorfque plufieurs ont été con-
damnés folidairement envers quelqu'un
Part. II. Chap. III. 319
au payement d'une certaine fomme , poin-
ta réparation civile d'un délit qu'ils ont
commis enfemble ; celui qui a payé le
total ne peut avoir contre (es codébi-
teurs ni l'aftion profocio , ni l'a&ionwa/z-
daù : nec enim ulla focietas maUficiorum ,
L. /. §. 14. ff. tut. & rat. nec focietas ,
aut mandatum lagitiofœ rei ullas vires ha-
bit , £.35. §.42. contr. empt rei
turpis nullum mandatum efi. L. 6. §. 3*
ff mand. Selon les principes fcrupuleux
des Jurifconfultes Romains , le débiteur
qui a payé le total , n'a en ce cas aucun
recours contre fes codébiteurs.
Notre pratique Françoife plus indul-
gente accorde en ce cas une action à celui
qui a payé le total , contre chacun de Tes
codébiteurs , pour répéter de lui fa part ;
Voye^ Papon , liv. 24. T. 12. n. 4,
cette a&ion ne naît pas du délit qu'ils ont
commis enfemble , nemo enim ex deliclo
confequi potejl aclionem : elle naît du paye-
ment qu'il a fait d'une dette qui lui étoit
commune avec (çs codébiteurs , & de
l'équité qui ne permet pas que fes co-
débiteurs profitent à (es dépens de la
libération d'une dette dont ils étoient te-
nus comme lui. C'eftune efpece d'a£Hon
ut'dis negotiorum gejlorum , fondée fur les
mêmes raifons d'équité , fur lefquelles eft
fondée l'aclion que nous donnons dans
330 Tr. ô e s O b l i g*
notre Jurifprudence au fidéjuffeur qui a
payé contre fes cofidéjufreiirs. Voyez
ce qui en eft dit in/ràck. 6.fecl. 7. <z/-r. 4.
CHAPITRE IV.
De quelques efpeces particulières d'obliga-
tions confidents par rapport aux c ho fes
qui in font V objet,
ENtre les divifions des obligations
par rapport aux chofes qui en font
l'objet, que nous avons rapportées/tf/vi ,
ch, 1. §. 3. nous avons dit qu'il y avoir
des obligations d'une choie certaine
comme d'un tel cheval , Se des obliga-
tions d'une choie incertaine & indéter-
minée d'un certain genre , put à celle d'un
cheval indéterminement.
Nous avons dit aufli , qu'il y avoit des
obligations divifibles , & d'autres indivi-
fibles : nous traiterons ici dans une pre-
mière fetlion de l'efpece particulière d'o-
bligations, d'une chofe indéterminée d'un
certain genre ; dans une féconde feclion
des obligations divifibles 6c indivi£bles*
Part. IL Chap.IV. 331
Section Première.
JDi V obligation d'une chofe indéterminée
dun certain genre,
283. Ce qui eft abfolument indéter-
miné ne peut être l'objet d'une obligation,
fuprà n. 131. Par exemple , fi je vous ai
promis de vous donner quelque chofe fans
dire quoi , il ne réfulte de cette promeuve
aucune obligation : mais on peut contrac-
ter l'obligation d'une chofe indéterminée
d'un certain genre de chofes , comme
lorfqu'on s'oblige envers quelqu'un de
donner un cheval , un lit garni, une paire
de piftolêts , fans déterminer quel cheval,
quel lit , quels piftolêts. L'individu qui
fait l'objet de ces obligations eft indéter-
miné , mais le genre dans lequel cet in-
dividu eft à prendre , eft certain 6k dé-
terminé ; ces obligations font indétermi-
né; dindividuum, quoiqu'elles aient
id genus un objet déterminé.
Ces obligations font plus ou moins in-
déterminées fuivant que le genre dans
lequel la chofe eft à prendre , eft plus
ou moins général. Par exemple , fi quel-
qu'un s'eft obligé de me donner un che-
val de fes haras , l'obligation étant res-
treinte à ks haras , eft moins indéter-
33* Tr. des Oblig.
minée , que s'il s'étoit fimplement oblige
à me donner un cheval.
Dans ces obligations , chacune des cho-
ses comprifes fous le genre dans lequel
la chofe due eu à prendre , eft in facul-
tau folutionis , pourvu qu'elle foit bonne ,
loyale & marchande , ftd non in obl'ga-
tione ; car il n'y a à la vérité aucun indi-
vidu que le débiteur ne puhTe payer,
mais il n'y en a aucun proprement , qui
puiffe lui être demandé.
H y a bien une des chofes de ce genre
qui err. due ; car l'obligation doit avoir
un objet ; mais cette chofe n'eft aucun»
des individus in concrao , c'eit une chofe
de ce genre confidérée in abjlracio , par
une idée tranfeendante qui fait aÉnrattion
des individus qui compofent le genre ;
c'eft une chofe incertaine , indétermi-
née , qui ne fe déterminera que par le
payement valable qui fera fait de l'un
des individus.
Il eiî vrai que cette chofe ainfi confi-
dérée , jufqu'à ce qu'elle foit déterminée
par le payement , eft. une chofe qui ne
fubnfte que dans l'entendement ; mais
nous avons vufuprà que des êtres intel-
lectuels pouvoient être l'objet des obli-
gations, les obligations étant elles*mêmes
des êtres intellectuels.
Cette idée que nous donnons après
P A R T. 1 1. C H A P. I V. 33}
Dumoulin , Tr. de div. & indlv. •/>. 2.
qui //. 5. de l'objet de l'obligation d'une
choie d'un genre certain , paroîtplus na-
turelle & plus véritable , que celle de
ceux qui penfent que ces obligations ont
pour objet, tous les individus rentermés
fous le genre , de manière que chacun de
tous ces individus eft dû , non quidem
déterminait , mais fous une efpece d'al-
ternative , fous cette efpece de condition
(1 alla rcs ejus generis non folvatur.
Il fuit de 'ces principes i°. que lors-
qu'une chofe d'un certain genre eu. due
indéteminément , le créancier n'eil pas
fondé à demander déterminément aucu-
ne des chofes comprifes fous ce genre ;
mais il doit demander en général &c indé-
terminément une de ces chofes.
11 fuit 20. que la perte des chofes de
ce genre qui furvient depuis l'obligation,
ne tombe pas fur le créancier; car les
chofes qui périffent ne font pas celles qui
lui étoient dues , ôc il fuffit qu'il en refte
quelqu'une pour que l'obligation fubfiite.
Obfervez néanmoins que fi le débiteur
pour s'acquitter de fon obligation , avoit
offert au créancier une des chofes de ce
genre bonne , loyale & marchande , &
avoit par une fommation judiciaire mis
le créancier en demeure de la recevoir;
la perte qui arriveroit depuis fur cette
334 Tr. des Oblig.
chofe , devroit tomber fur le créancier ,
le débiteur ne devant pas fcuffrir de la de-
meure en laquelle le créancier a été , 6c la
dette d'indéterminée qu'elle étoit , ayant
été par les offres déterminée à la chofe
offerte, L. 84. §. 3. ffldeleg. i°.
284. Sur les chofes que le débiteur
d'une chofe d'un certain genre peut va-
lablement offrir pour s'acquitter de fon
obligation , obfervez qu'il faut qu'elles
foient bonnes 6c loyales , /,'. 33. in fine
ff. defolut. c'eft-à-dire , qu'elles n'ayent
aucun défaut notable. Par exemple, ce-
lui qui ert débiteur d'un cheval indétermi-
nément , n'efr. pas recevable à offrir un
cheval borgne, boiteux, galleux, pouf-
fif , 6cc. ni un cheval d'une vieilleffe ex-
trême. Au reile , pourvu que la chofe n'ait
aucun défaut notable , 6c qu'il en piiifle
transférer la propriété irrévocable au
créancier , il peut donner telle chofe
qu'il voudra , L. 72. §. 5. ffi. dzfolut.
285. Pourra-t-il donner une chofe qui
n'auroit pas pu être valablement promife
au créancier envers qui l'obligation a été
contractée ? Par exemple , fi je me fuis
obligé à vous donner un cheval indéter-
minément, puis- je m'acquitter de mon
obligation en vous donnant un cheval qui
vous appartenoit lors du contrat , & qui
ayant été depuis par yous vendu 7 me k*
Part. IL C h a p. I V. 335
roir parvenu. Dumoulin décide pour l'af-
firmative ; Cv en cela cette obligation
diffère de celle par laquelle je vous au-
rois promis ce cheval , ibus l'alternative
d'une autre chofe ; car dans ce dernier
cas . mon obligation n'ayant pu (iibfifter
par rapport à une choie qui vous appar-
tenoit, il n'y a voit que l'autre qui fût due;
& elle eit. par conséquent la feule que je
puifîe payer. Mais dans l'obligation d'un
cheval indéterminément, aucun individu
n'étant du , Se les chevaux n'étant tous
qu'/'/z facultate folutionis , plutôt qu'i/2
obligations. , il fuffit qu'au temps du paye-
ment le cheval que je vous donne pour
m'acquitter de mon obligation, ne vous
appartienne plus, &c qu'il m'appartienne y
pour qu'il puirTe vous être valablement
payé. C'eft ce que décide nettement Mar-
cellus en la loi 72. §. 4. ffl de folut. El
qui hominem dari (îipulatus eji , unum etiam
ex his qui tune Jîipulatori fervierunt dando9
promifjor liberatur.
Il faut néanmoins convenir que la Loi
66. §. 3. ff. de /eg. z°. qui eit de Papinien
décide le contraire. Quum duobus tejia-
mentis homo generaiim Cegatur ; quifolvcnte
altero Itgatarii faclus eji , quamvis pofieàjit
alienatus , ab altero herede idemfolvi non
poterit , eademque ratio fiipulationis eji ;
faominis enim legatum , orutionis compendh
336 Tr. des Oblig,
fingulos homines continu ; ut que ab initîo
non conjijîit in his qui legatarii fuerunt ,
ita frujirà folvitur cujus dominium pojleà
hgatarius adeptus ejl , tametji dominas ejje
dejitrit.
Dumoulin , tract, de div. & indiv. p. 1,
n. 102. fuivant l'ufage dans lequel il eft
d'affervir les loix à (es décifions , donne
la torture à cette loi ; il dit que la dé-
cision de cette loi doit être reftreinte
dans fon efpece particulière de deux legs
faits d'une chofe d'un certain genre par
deux testateurs à la même peribnne , ou
de deux promerles gratuites d'une chofe
d'un certain genre , revêtues de la forme
de la Stipulation , faites par deux dona-
teurs à une même perfonne ; que c'eft par
une raifon particulière que dans cette ef-
pece la même chofe qui a été payée au
légataire ou au donataire , en exécution
du premier legs ? ou de la première dona-
tion , ne peut plus être payée en exécution
de l'autre legs ou donation , ne fcilicet
vider etur offendi juris régula, non pojfunt
duce caufee lucratives, in eddem re & in eddêm
perfond concurrere. Mais qu'on ne doit pas
faire de cette loi une décifion générale ,
que dans toutes les obligations d'une chofe
d'un certain genre , celles de ce genre
qui , lorfqu'elle a été contractée , appar-
tenoiem à celui envers qui elle a été con-
tractée y
Part. IL Chap. IV. 337
, ou qui lui ont appartenu depuis ,
doivent être cenfées exceptées de cette
obligation, & ne pouvoir en conféquence
lui être payées , quoiqu'elles ne lui ap-
partiennent plus. Enfin il dit que dans
cette loi ces termes , hominis Ugatum
crationis comptndio Jîngulos hommes con-
tintt , ne fignifient pas que tous les ef-
claves du monde font chacun in oblifjri*
tione legati , fous cette condition y? allas
non folvatur ; mais qu'ils lignifient feule-
ment que tous les efclaves du monde font
infacultatefolutionis , & que le legs peut
être acquitté & exécuté in Jingulis homi-
nlbus. Cette interprétation me paroît con-
traire au fens naturel du texte , j'aime
mieux en reconnoiflant \\v12. vraie antino-
mie entre cette loi 6c la loi 72. comme
l'ont reconnu Ant. Faber. <k Bachovius ,
abandonner la déciiion de Papinien , com-
me fondée fur le faux principe que l'obli-
gation d'une chofe d'un certain genre ren-
ferme alternat} & orationis comptndio ,
celle de tous les individus qui en font fuf-
ceptibles , & m'en tenir à la décifion de
Marcellus, en la loi 72. §. 4. ci - cleflus
citée parles raifons ci-clefïus rapportées.
Cujas fur ces loix a pris un parti diamé-
tralement oppofe à celui de Dumoulin;
car pour tes concilier , & pour faire dire
à Marcellus dans h loi 72, de Joint, la
Tome It P
338 Tr. dès Oblig,
mêmechofe que ditPapinien en la Ici 660
ff. de leg. i°. il fait un changement dans
le texte de cette loi 66. mais la fin du §.
démontre la famTeté de cette innovation
dans le texte, qui d'ailleurs eiï faite fans
fondement.
285. Lorfque le débiteur d'une chofe
d'un certain genre, a payé une certaine
chofe qu'il croyoit par erreur être due
déterminément, il en a la répétition , en
offrant d'en donner une autre ; car n'ayant
pas donné cette chofe en payement de
fon obligation d'une chofe d'un certain
genre , mais comme fe perfuadant fauf-
fement qu'il devoit cette chofe détermi-
nément , il a payé ce qu'il ne devoit pas ,
& par conféquent locus ejl condiclioni in-
débit i , Z. 32.. §. 7. ff] de cond. indeb*
Sur l'indivisibilité de payement des
obligations d'un certain genre , V. infrà
p. 3. th. i.art. 6. §.3.
286. Tout ce que nous avons dit jmf-
qu'à préfent a lieu , foit que l'obligation
foit generis generalifjimi , comme lorfque
quelqu'un s'eil obligé de donner un che-
val en général ; foit que l'obligation foit
generis jubaherni , aut generis linùtati ,
comme lorfque quelqu'un s'eft obligé de
donner un de fes chevaux , pourvu que
l.i convention ne contienne aucune claufe
qui ôte le choix au débiteur.
Par t. ri. Chap. IV. 339
Mais lorique par une claufe particulière
de la convention, le choix cil accordé au
créancier, comme lorique quelqu'un s'eït
oblige envers moi de me donner un des
chiens de la meute a mon choix ; en ce
cas , quoique cette convention renferme
principalement l'obligation pure & iimple
d'un chien indéterminé , néanmoins on
peut dire auiîi qu'en vertu de la claufe
qui m'accorde le choix, chacun des chiens
de la meute du débiteur m'eft dû , fous
une efpece de condition au cas que je le
choifiiîe; puifqu'en vertu de cette claufe,
il n'y en a aucun que je n'aye droit d'exi-
ger. C'ett pourquoi le débiteur efï en ce
cas obligé de me les conferver tous juf-
qu'à ce que j'aye fait mon choix ; il ne
peut jufqu'à ce temps , fans contrevenir à
Ton obligation , difpofer d'aucuns. Arg.
L. 3. ff] qui & à quib. m an. fi indiflinUl
homofit legatus, non potefl hères quofdam
manumlttencio eiertere jus eleclionis ; nam.
quodam modo fingulifub condltione le°ati
yidentur.
On ne peut pas dire de même, lorfque
le débiteur a le choix , que chatjue indi-
vidu eft compris dans l'obligation , au cas
que le débiteur choififTe de le donner plu-
tôt que les autres ; car ce n'eflpas dans la
faculté de payer une chofe plutôt que
d'autres , mais dans Le droit de l'exiger 9
340 Tr. des Oblig.
que confifte l'obligation. C'eft la diffé-
rence qu'établit Dumoulin 4 Tr. de div.
& indiv. />. 2. /z. 1 1 1. 1 13. 1 14. entre le
cas auquel le choix eft donné au créancier,
ck le cas auquel il eft donné au débiteur.
Section II.
Des Obligations dividuelles & des Obliga*
dons individuelles.
Article premier.
Quelles Obligations font dividuelles ? &
quelles Obligations font individuelles,
§. 1.
Qucfl-ce quune Obligation dividuelle x
& une Obligation individuelle.
287. Une obligation dividuelle eftcelle
qui peut fe divifer. Une obligation indivi-
duelle eft celle qui nepeutfe divifer. Une
obligation n'en eft pas moins dividuelle ,
quoiqu'elle foit actuellement indivifée ;
car il fiiffit , pour qu'elle foit dividuelle ,
qu'elle puifre fe divifer. Molin. tr. de div.
& ind. p. 3, n. 7. &feq.
Par exemple , lorfque j'ai contracté feul
envers vous i'obligat.on de vous payer
Part. II. Chap. IV. 341
un ne do mille cens , cette obliga-
tion eft indivilée; mais elle eft dividuelle,
qu'elle peut fe divifer , & qu'elle
le dïvifera en effet entre mes héritiers ,
ii j'en laifte plufieurs , & que je meure
avant que de l'avoir acquittée.
Pareillement , l'obligation fblidaire que
contractent plufieurs perfonnes de payer
à quelqu'un une Comme de dixécus, n'est
eft pas moins une obligation dividuelle ;
l'effet delà folidité eft qu'elle ne foitpas
actuellement diviféé entre les débiteurs
folidaires ; mais leur obligation n'en eft
pas moins une obligation dividuelle , par-
ce qu'elle peut fe divifer , & qu'elle fe dî-
vifera en effet entre leurs héritiers.
288. Il faut voir à préfent quelles font
les obligations qui peuvent fe divifer, ôc
qui font celles qui ne le peuvent pas.
Une obligation peut fe divifer, & eft:
dividuelle, lorfque la chofe due qui en
fait & la matière & l'objet, eft fufeepti-
ble dedivifionôk départies pour lefquelles
elle puiffe être payée ; &c au contraire
l'obligation eft individuelle , & ne peut
fe divifer, lorfque la chofe due n'eft pas
fufceptible de divifion & de parties , &C
ne peut être payée que pour le total.
La divifion dont il eft iciqueftion , n'eft
pas la divifion phyfique , qui confifte in
fvluûone conùnultaùs , telle que celle d'une
P iij
342- Tr. des Oblîg.
planche qu'on fcie en deux ; maïs c'eft
une divifion civile & propre au commerce
des chofes.
Il y a deux efpeces de divifions civiles ,
l'une qui fe fait en parties réelles ck divi-
lées , l'autre qui fe fait en parties intel-
lectuelles & indivifées. Lorfqu'on partage
un arpent de terre en deux ? en plantant
une borne au milieu , c'eft une diviiion de
la première efpece ; les parties de cet ar-
pent qui font féparées l'une de l'autre par
la borne , font des parties réelles &c divi-
fées.
Lorfqu'un homme qui étoit proprié-
taire de cet arpent déterre , ou de quel-
qu'autre chofe , meurt &c laifTe deux héri-
tiers qui en demeurent propriétaires cha-
cun pour une moitié indivifée , c'efl une
divifion de la féconde efpece : les parties
qui réfultent de cette divifion , & qui ap-
partiennent à chacun des héritiers , font
des parties indivifes qui ne font point
réelles , &: qui ne fubnilent qu'itf jure &
intelleclu*
Les chofes qui ne font pas fufcepti-
blés de la première efpece de divifion ,
oie laiffent pas de l'être de la féconde.
Par exemple , un cheval , un plat d'ar-
gent ne font pas fufceptibles de la pre-
mière efpece de diviiion ; car ces chofes
ne font pas fufceptibles , fans la deftruo
Part. II. C h a p. IV. 343
taon de leur fubttance , de parties réelles
èv divifées ; mais elles font fufceptibles
de la féconde eioQCï de divifion, parce
que ces chofes peuvent appartenir à plu-
sieurs perfonnes pour une partie indi-
ce.
Il faffit qu'une chofe foit fufceptible de
cette féconde divifion , quoiqu'elle ne le
foit pas de la première, pour que l'obli-
gation de donner cette chofe , foit uae
obligation divifible. C'eir. ce qui réfulte
de la loi 9. §. i.jfi defo/ia. ou il eit dit ,
qui Stickum débit , paru Stichi datâ^ in re-
liquam partem unitur. Suivant ce text«
l'obligation de donner l'efclave Stichus eft
une obligation divifible, puifqu'elle peut,
au moins du con fente ment du créancier ,
s'acquitter pour partie , quoique cet en-
clave ne foit pas fufceptible de la pre-
mière divifion , Moiin. ibid. p, 1. n. S.
p. 2. n. 200. & 201.
Les chofes indivifibles font celles qui
ne font pas fufceptibles ni de parties réel-
les , ni même de parties intellectuelles ;
tels font la plupart des droits de fervitu-
des prédiales , quœ pro paru acquiri non
pojjunt.
L'obligation de donner une chofe de
cette nature eft une obligation indivifi-
ble , Molin. p. 2. n. 201.
.289. La môme règle que nous venons
Piv
344 Tr. des Oblig.
d'expofer pour juger fi les obligations in
dando font divifibles ou indivisibles , doit
auiïi lervir à l'égard des obligations infa-
cicndo vcl in nonfaciendo ; plufieurs Doc-
teurs avoient penfé que ces obligations
étoient indivisibles indiftin£tement ; mais
Dumoul. ib. p. 2. n. 203. & feq. a démon-
tré qu'elles n'étoientpas moins divifibles
que les obligations in dando , à moins
que le fait qui en eft l'objet, ne fût de
nature à ne pouvoir s'acquitter par par-
tie , comme lorfque je me fuis obligé à
bâtir une maifon , &c. Mais fi le fait
qui eft. l'objet de l'obligation peut être
acquitté par partie , comme û je me fuis
obligé à vous faire pofTéder une chofe qui
peut être pofTédée par parties , l'obliga-
tion fera divifibîe ; c'efl la cinquième des
clefs de Dumoulin , omnis obligatio eiiam
facli dividua eji , niji quattnùs de contrarie^
apparet , Mo lin. ibid. & p. 3. n. 112.
Pareillement l'obligation in nonfackn*
do fera divifibîe , lorfque ce que je me
fuis obligé de ne pas faire , peut fe faire
pour une partie , & ne pas fe faire pour
l'autre partie ; telle efl l'obligation am-
plias non agi ad aliquid dividuum ? comme
lorfque je me fuis engagé envers vous à
ne point inquietter le porTefTeur d'un hé-
ritage a qui vous devez garantie; c'efl
une obligation in non facimdo y qui e$
Par t. II. Chap.IV. 345
fivilible ; car on y peut iatisfaire pour
partie. Je peux y contrevenir pour partie
en revendiquant une partie feulement de
cet héritage , ek y iatisfaire en partie , en
m'abitenant de revendiquer l'autre partie.
290. Obfervez que c'eillachofe même
ou le fait même qui fait l'objet de l'obliga-
tion qu'on doit conficlérer , pour décider
ii l'obligation eit divifible ou indivifible,
cv non pas l'utilité qui revient au créan-
cier de l'obligation contractée à fon profit,
ni le détriment , omis & dlmïnutio patrimo-
nii , qui en réfulte pour le débiteur; au
trement il n'y auroit aucune obligation
qui ne fût divifible. C'efî: pourquoi , par
exemple , fi les deux propriétaires d'une
maiibn le font obligés envers les deux
propriétaires de la maifon voifine , d'im-
pofer fur leur maifon une fervitude utile à
la maifon voifine , cette obligation efl
individuelle ; parce que le droit de fervi-
tude qui en fait l'objet , eft quelque chofe
d'indivifible , quoique l'utilité qui en ré-
fulte pour chacun de ceux envers qui elle
eft contractée , 6c le détriment qu'en fouf-
frent ceux qui l'ont contractée , s'évalue
k une fomme qui eft divifible. C'efl ce
qu'enfeignc Dumoulin , ibid.p. 2. n. 199.,
. m hic affecîus , dit-il , fit quid remotum
& fcparatum à fubflanild obligationis & rd
dcbitix y non dlcltur obligatio dividua vit
P V
346 Tr. des Oblig;
indivïdua pênes effeclum , fed fecundàm Je
& fecundàm naturam rei immédiate in eam
deduciœ,
% n.
Des différentes efpeces a" indivifibilité.
291. Dumoulin, ibid. p. 3. n. 57. &
feqq. & n. 75. diftingue fort bien trois ef-
peces d'indiviiibilité , celle qui eft abfo-
lue &C qu'il appelle individuum contraclu ,
celle qu'il appelle indivifibilité d'obliga-
tion individuum obligatione , & celle qu'il
appelle indivifibilité de payement indivi-
duum folutione.
L'indivifibilité abfolue que Dumoulin
appelle individuum contraclu , eft, lorf-
qu'une chofe eft par fa nature non fufcep-
tible de parties, tellement qu'elle ne pour-
roit pas être ftipulée ou promife pour par-
tie : tels font les droits de fervitudes
réelles , comme par exemple un droit de
paflage. Il eft impoflible de concevoir des
parties dans un droit de paflage ; & par
conféquent on ne pourroit pas ftipuler ni
promettre ces fortes de chofes pour partie*
292. La féconde indivifibilité eft celle
«[lie Dumoulin appelle individuum obliga-
tione : tout ce qui eft individuum contrac-
te l'eft obligatione ; mais il y a certaines
chofes , qui quoiqu'elles eiuïent pu abfo-
Part. II. C h a p. IV. 347
lument être itipulées ou promifes pour
partie , Se par conféquent quoiqu'elles.
ne (oient pas inâividuœ, con racla ; néan-
moins dans la manière dont elles ont été
confidérées par les parties contractantes ,
font quelque chofe d'indivifible , &C qui
ne peut par conféquent être du par
parties.
On peut apporter pour exemple de
cette indiviiibilité , l'obligation de la conf
truction d'une maifon , ou d'un bateau ;
cette obligation n'efl point indivifible con-
traclu , car il n'eft pas impoffible qu'elle
fe contracte par partie. Je peux convenir
avec un maçon qu'il me conftruira pour
partie la maifon que j'ai deffein de faire
conftruire ; put à , qu'il" en élèvera les
murs jufqu'aupremierplancher; mais quoi»
que la confirmation d'une maifon ne foit
pas indivifible contraciu , elle eu ordinai-
rement indivifible obligatione; carlorfque
quelqu'un fait marché avec un architecte
de lui conftruire une maifon , la conflruc-
tion de la maifon qui fait l'objet de l'obli-
gation eft, de la manière qu'elle efl con-
fidérée par les parties contractantes , quel-
que chofe d'indivifible , & quoi nullam re~
clplt partium prccjîationcm. Il efl vrai que
cette conflruaion ne peut fe faire que par
parties &: fuccefîivement. Mais ce n'efl
pas le fait paflager de la conftrucrion qui
Pvj
34^ Tr. des Oblige
fait l'objet de l'obligation, c'eft l'ouvrage*
même confommé , c'eft domns conftruen-
da ; ne pouvant donc y avoir de maifon
qu'elle n'ait été entièrement conftruite,
la forme ck qualité de maifon ne pouvant
réfulter que de la confommation de l'ou-
vrage , & ne pouvant pas y avoir de par-
ties de ce quin'exifte pas encore ; il s'en-
fuit que l'obligation de conftruire une
maifon , ne peut s'accomplir que par la
conftru&ion entière de la maifon , &
conféquemment que cette obligation n'eft
pas fufceptible de parties , 6c ne peut s'ac-
complir par parties : c'eït ce que veut
dire le Jurifconfulte en la loi 80. §. 1. ff,
ad leg. falcid. en laquelle pour prouver
que l'obligation de conftruire un ouvrage,
comme un théâtre ,des bains , efl indivi-
duelle ; il rapporte cette râifon , neque
cnimullum balineum , aut theatrum , aut
fladium feciffe intelligitur , qui ei propriam
formant quce ex conjummatione contingit ,
non dederit.
Par la même raifon il eft dit en la loi
$5. §. 2. ff de. verb. oblig. que l'obliga-
tion de la çonftru£tion d'un ouvrage efl
individuelle , fihguli heredes injolidum te-
nentur , quia operis effeaus in partes feindi
non pote fi, Opus , dit Dumoulin , fit pro
parte realiter & naîuraiiter ; fed Ji ïllud
OPUS FfERFreféras ad effeHum & prœf-
Part. I T. Chap. IV. 349
tationem cjus quod dcbctur , tune veruni
non cri: p:r partes ficrl , quia parte fabri-
, non efl debitor liberatus in ed
; Jlmplex enim fabricatio & operado
ajijicns non débet ur , fed opus effeclum
eu jus pars non efl , fabricœ pars , chm nul-
flnt partes dormis quœ nondum efl ? nec
furn fïipulatus fabricant , fed fieri domum 9
id efl taie opus fub tali forma confumma-
tum, quod ante perfectionem non fubfiflit ,
née ullas aclu partes habet , Molin. tract,
de divid. & individ, p. 3. n. 76. on peut
encore ici rapporter la loi j.ff] de verb.
flgnif. qui dit que , opère locato conduclo
fignificari non *?yoy , id efl bperationem ^fed
a-:-riA<<rua. 9 id efl ex opère facto corpus ali-
quod faclum.
Certaines circonftances avec lefquelles
efl contractée l'obligation d'une, .chofe ,
peuvent aufTi en rendre l'obligation indi-
visible , quoique la chofe en foi , & déta-
chée de ces circonstances , foit très-divi-
fible ; telle eft l'obligation que je contrac-
terois envers quelqu'un , de lui fournir
11".:1 place déterre pour y conftruire un
cm'il y entend placer ; carquoi-
:e de terre que j'ai promife
foit quelque chofe en foi de divifible ,
loins étant duc , non comme une
.ce de terre fimpliciîer , mais com-
: une place de terre deitinée à placer
35o T ft. des Oblig;
un preflbir , elle devient fous cette vue
quelque chofe d'indivifible , parce qu'on
n'en peut rien retrancher fans qu'elle cefTe
d'être une place propre à placer un pref-
foir , & fans qu'elle cefle par conféquent
d'être la chofe qui fait l'objet de l'obliga-
tion, Malin, p. 2. n. 314.
293. En bref, l'obligation ihdivifible
naturâ & contraciii , eft l'obligation d'une
chofe qui en elle-même , par fa nature ,
&fous quelque efpece qu'on la confldere,
n'eft pas fufceptible de parties ; l'obliga-
tion indivifible obligaticne,eû l'obligation
d'une chofe , qui confédérée fous le ref-
pecl: fous lequel elle fait l'objet de l'obli-
gation , n'eft. pas fufceptible de parties.
Il eft évident que ces obligations qui
font indivifibles , foit contractu, foit obli-
gations , le font zuffifolutione ; car on ne
peut payer par parties ce qui n'eft. pas
fufceptible de parties.
294. H y a une troisième efpece d'in-
divifibilité qu'on appelle individuum folu-
tione tantum.
C'eft celle qui ne concerne que le paye-
ment de l'obligation , &: non l'obligation
même , lorfque la chofe due eft par
elle-même divifible & fufceptible de par-
ties , & peut être due pour parties , foit
aux différens héritiers du créancier , foit
par les différens héritiers du débiteur 5
mais ne peut être payée par parties.
Part. II. Chap. IV. 351
Nous rapporterons plusieurs exemples
de cette efpece d'indivifibilité en l'article
Suivant , 011 nous traiterons de la nature
& des effets des obligations divifibles ,
à la clafTe defquelles appartiennent pro-
prement les obligations , dans lefquelles
le rencontre cette efpece d'indivifibilité ,
puisqu'elle ne concerne pas l'obligation
même, quoique néanmoins la Loi 2. §.
1. ffl de vcrb. oblig. en faffe une troifie-
me efpece mitoyenne entre les obliga-
tions dividuelles , ÔC les individuelles.
§. m.
Plu fïeurs efpeces particulières d'obligations
à Regard de/quelles on demande fi elles
Jont divifibles ouindivifibles.
De C Obligation de livrer une pièce de terre.
295. L'obligation de livrer une pièce
de terre fundum tradi , eft une obligation
divifible ; car cette tradition peut fe faire
par parties ; on peut livrer une partie de
cette pièce déterre : le fait qui fait l'objet
de cette obligation étant donc un fait divi-
sible , on ne peut douter félon les princi-
pes que nous avons établis , que cette
obligation ne foit divifible : notre déci-
fion fe trouve confirmée par les textes
^5^ Tr; des Oblige
de droit ; car quoique l'obligation d'urt
commodataire foit l'obligation de remettre
une chofe , obligatio rem tradi , néan-
moins la loi 3. §. y.ff. commod. décide
que les héritiers en font régulièrement
tenus pour la part feulement dont ils font
héritiers , ce qui eftle caractère des obli-
gations divifibles : hères ejus qui commo-
datum accepit , pro ed parte quâ hères efî 9
convenitur. Il eft vrai que cette obligation
du commodataire, quoique divifible , quoad
obLigationem eft indivifible au moins quoad
foluùonem ; mais on peut facilement
donner des exemples d'obligations tradi
rem ? fundum tradi qui foient divifibles
même quoadfolutionem ; tel eft celui que
donne Dumoulin , p. 2. n. 305. je tran-
fige avec ma partie adverfe fur la deman-
de en revendication d'un certain hérita-
ge , qu'elle a donnée contre moi , &
je m'oblige par cette tranfa&ion envers
elle à le lui délaiffer fans aucune garan-
tie de ma part ; cette obligation qui eft
une obligation////?*-////// tradi , eu divifible
même quoad foluùonem ; & fi je meurs
avant que d'avoir fait le délais , laifTant
quatre héritiers , chacun de mes héritiers
s'acquitte de cette obligation, en aban-
donnant l'héritage pour la part à laquelle
il a fuccédé.
La loi 7 2» ff. de yerhonun oblig. paroîî
Part. II. Chap. IV. 35?
néanmoins diamétralement contraire à
notre décilîon ; car l'obligation fundum
tnulî y eft en termes formels rapportée
comme un exemple d'obligation indivi-
llble , avec les obligations fojjam fodiri ,
infulam fabricari, vdjiquidjimilc qui font
indivifibles , tam obligatione quam folu-
tiont. Dimoulin ,p. 2. n, 278. ad n. 3 59.
après avoir rapporté 17 opinions diffé-
rentes de Docteurs , pour la conciliation
de cette loi , rapporte la Tienne à laquelle
il faut fe tenir; il penfe avec raifon que
cet exemple d'obligation , fundum tradi^
ne doit pas s'entendre indiftinctementde
toute obligation par laquelle on s'oblige
à livrer une pièce de terre , mais feule-
ment de l'obligation par laquelle on s'o-
blige de livrer une pièce de terre , avec
des circonftances qui en rendent l'obliga-
tion indivifible , comme par exemple û
voulant bâtir ma maifon 6k: n'ayant point
de chantier pour y placer mes matériaux
nécefTaires que je veux faire venir pour
cela , je conviens avec mon voifin qu'il
me donnera l'ufage d'une pièce de terre
qu'il a près de ma maifon pourme fervir
de chantier ; cette obligation eft une obli-
gàùon fundum tradi , non jîmpliciter , fed
ad certum ufum Jînemque prlncip aliter con-
Jîderatum in contrahcndo , & cette fin rend
indivifible cette obïi^àtion fundum tradi ±
5?4 Tr. DES Oblig.
car une obligation eft indivifible lorfqite
ce qui en fait l'objet n'eft pas fufceptible
de preflation particulière , cum id jus
quod in obligatiomm deduclum ejl , non
nifi in folidum prœjlari potejl y ce qui fe
rencontre dans l'efpece propofée , car
cette pièce de terre devant m'être four-
nie pour me fervir de chantier , elle ne
me peut être fournie pour cette fin , que
pour le total , ptiifqu'une partie qui ne
feroit pas affez grande pour placer mes
matériaux , ne pourroit fervir à la fin
pour laquelle elle doit m'être fournie :
Dumoulin rapporte d'autres exemples ,
312 p 3X3> 3*4* 3 M-
De F obligation d'une corvée ou journée \
2,96. L'obligation d'une journée eft in*
divifible , de la même manière que l'o-«
bligation de çonftruire une maifon ; car
quoique le fervice d'une journée , ne foit
pas en foi quelque chofe d'indivisible ,
néanmoins l'obligation s'en contracte
comme d'une chofe indivifible , & qui ne
peut s'acquitter pour partie ; c'eft pour*
quoi Ulpien dit , nec promitti nec folvi nec
deberi , nec peu , pro parte poterit opéra ,
/,. 1 5 . ffl de oper. libert.
Pareillement Pomponius en la Loi 3,
'§. 1. ff. de oper, libert, décide que le fer*
Part. II. Chap, IV. 355
vice d'une journée ne peut s'acquitter par
partie, par celui d'un certain nombre
d'heures , & qu'en conséquence le débi-
teur d'une journée qui auroit travaille juf-
quïi midi , 6c le feroit retiré , n'auroit
aucunement acquitté ion obligation , &C
demeureroit débiteur de la journée , non
pars operx per horas folvi potejî , quia id
efî officii diurni , neque ei liberto , quifex
horis duntaxat meridianis przjlo fuijfct ^ li-
beratio tjus diei conduit ; mais après qu'il
aura acquitté la journée dont il demeure
débiteur , il pourra demander le prix de
fa demi-journée qu'il ne devoit pas.
Aurefle Dumoulin,/7. 2. n. 355. &feq,
remarque fort bien que cette indivifibi-
lité de l'obligation d'une journée n'efl
qu'une indivifibilité tf obligation , & non
une indivifibilité abfolue ou indivifibilité
contraciu; car rien n'empêche qu'on ne
puifTe contracter l'obligation d'une partie
de journée comme d'une demi-journée ;
il eft vrai que la Loi 15. §. 1. de oper,
libert. dit , nec promitti pro parte opéra po-
tejî. Mais c'eft une pure fubtilite; le Ju-
rifconfulte prend opéra pour officium diur-
num félon la définition de la Loi 1, fF.^.
tu. qu'il regarde félon cette idée comme
indivifible , parce que fivous le divifez ,
ce n'eft plus officium diurnum ? mais offi*
cium horarium*
J5# Tr. des ObligV
JDe l'obligation de faire quelque ouvrage'.
297. Nous entendons ici par ouvrage ,'
tffeclio tranjiens in opus fpecificum perma-
nens , fuivant l'exprefïion de Dumoulin ,
p. 2. 72.361. & nous avons déjà vu ci-
defïïis , n. 291.. que l'obligation de faire
un ouvrage pris en ce fens , telle que l'o-
bligation de conflruire une maifbn , faire
une ftatue, un tableau, étoit une obli-
gation indivisible , non de cette indivifi-
bilité abfolue que nous avons appellee
avec Dumoulin indivinbilité contraclu ,
mais de la fimple indivifibilité d'obli-
gation*
De l'obligation de donner une certaine
Comme léguée pour la conjlruclion d'un
Hôpital, ou pour que Iqii autre fin.
298. L'obligation qui réfulte de ce legs
eft divifible , puifque c'efl l'obligation de
donner une fomme d'argent ; ce qui eu.
ajouté dans le teframent , pour bâtir un
hôpital , n'exprime que le motif du tefta-
teur , qui l'a porté à faire ce legs ; c'eft
ratio legandi ; mais ce motif n'étant point
uni à la difpofition ratio legandi noncohœ-
ret legato , L. 72. §. 6. ff. de cond. & dem,
ne peut par conféquent influer furlana^
Part II. Chap.1V. 357
turc du legs , Cv fiir l'obligation qui en
réfulte.
Que fi le teftateur avoit chargé (es
héritiers de bâtir un hôpital dans une cer-
taine ville, 6c d'y employer une certai-
ne fomme d'argent ; l'obligation qui au-
roit pour objet la connru£tion de l'hôpi-
tal , feroit indivifible ; c'eft à cette der-
nière ei'pece que doit s'appliquer la loi
11. §. .23. ffl de kg. 3e. V. Dumoulin,
p. 2. n. 368. &feq*
Article IL
De la nature & des effets des obligations
divifibles,
§. 1.
Principes généraux.
299. Une obligation efr. appellée divî-
fible , comme nous l'avons déjà remarqué,
non parce qu'elle efl actuellement divi-
fée , mais parce qu'elle fe peut divifer ;
c'eft pourquoi quelque divifible que foit
la chofe due , l'obligation avant qu'elle
ait été divifée , eft indivife &C ne peut
être acquittée par parties , comme nous
le verrons infràp. 3. ch. 1. art. 3. §. 2.
Il faut doue bien prendre garde à nqj
358 Tn. des O b l i g.
point confondre l'inclivifion ck i'indivifi-
bilité ; c'eft la première des clefs de Du-
moulin, ir. de div. & indiv. p. 3. n. 7. &
Jcq. 71. 112.
Cette divifion de l'obligation fe fait ou
du côté du débiteur, ou du coté du créan-
cier , ou quelquefois de l'un 6k de l'autre
côté enfemble ; l'obligation fe divife du
côté du créancier , lorfqifil laifTe plu-
sieurs héritiers : chacun des héritiers cil
créancier feulement de fa part , d'oii il
fuit qu'il ne peut exiger cette créance que
pour cette part , qu'il ne peut donner de
quittance que pour cette part , à moins
qu'il n'ait une procuration de fes cohéri-
tiers pour recevoir la leur ; de -là il fuit
pareillement que le débiteur peut payer
Séparément à chacun de ces héritiers la
portion qui lui cfl due.
L'obligation fe divife pareillement du
côte du débiteur , lorfqu'il laifTeplufieurs
héritiers ; chacun des héritiers de ce dé-
biteur , n'eft tenu de la dette que pour
fa part , ck ordinairement chacun des
héritiers peut obliger le créancier à rece-
voir la dette pour cette part.
Part. II. C H a p. IV. 359
S- il-
M iJtfoaiions du premier effet de la divijlon
de C obligation du côte du débiteur,
300. Le principe que nous avons éta-
bli, que dans les obligations divisibles
chaque héritier du débiteur n'eft tenu de
la dette que pour la part dont il eft héri-
tier , reçoit plulieurs exceptions &C modi-
fications.
La première eft à l'égard des dettes hy-
potécaires ; en ce cas , lorfque les héri-
tiers du débiteur font poffefteurs d'im-
meubles hypotéqués à la dette , quoique
la dette fe divife entr'eux , & qu'en con-
féquence ils ne ibient tenus de l'atlion
peribnnellequi réfulte de l'obligation du
défunt, que pour la part dont ils font
fes héritiers ; néanmoins ils peuvent être
pourfuivis hypotécairement pour le total
de cette dette , comme pofTefTeurs des
biens qui y font hypotéqués. Voyez ce
que nous avons dit à ce fujet en notre
Introduction au titre 20 de la Coutume
d'Orléans , chap. 1. feci. 3.
301. La deuxième eft à l'égard des
dettes d'un corps certain que le défunt
a lailTé dans fa fuccefïion ; lorfque le dé-
funt a lailTé des héritiers de différentes
360 Tr, des Oblig,
efpeces , les uns aux meubles & acquêts,
les autres aux propres , tous ne font pas
tenus de la dette de ce corps certain; il
n'y a que les héritiers du patrimoine du-
quel il fait partie , qui en foient feuls
tenus ; la raifon eft que le défunt n'en
feroit tenu lui-mênfe , s'il vivoit encore ,
qu'autant qu'il-le pofféderoit encore , ou
qu'il auroit ceflé par fon fait ou fa faute
de le pofléder ; feshéritiers du patrimoine
dont le corps certain ne fait point partie ,
qui ne Pont par conféquent jamais poiTé-
dé , ni celle de le pofléder 9 ne peuvent
donc être tenus de la dette de ce corps •
certain ? n'en pouvant être tenus que
comme le défunt qu'ils repréfentent le fe-
roit : il n'y a donc que les héritiers du
patrimoine , dans lequel fe trouve ce corps
certain , qui en puifTent être tenus.
Mais fi par le partage entre les héri-
tiers de ce patrimoine , ce corps certain
dû par le défunt à quelqu'un , a été com-
pris dans le lot échu à l'un d'eux , les
autres ne font pas pour cela déchargés
de cette dette , quand même ils auroient
chargé celui d'entr'eux au lot duquel ce
corps certain efl échu d'acquitter la dette 5
lorsqu'elle deviendroit exigible; car ayant
été une fois tenus de cette dette , ils n'ont
pu par leur fait , en comprenant ce corps
certain dans la mafle des biens qu'ils ont
partagés
Part. II. Chap. IV. 361
partages entr'eux , fe décharger de l'obli-
gation de le délivrer au créancier.
302. La troifieme modification con-
cerne encore les dettes d\in corps certain:
quoique la dette d'un corps certain divifi-
ble , le divife entre les héritiers du débi-
teur , qui fuccédent à l'efpece des biens
dont il fait partie , & que même après
le partage , par lequel ce corps certain eft
échu dans le lot de l'un d'eux , chacun de
ces héritiers continue d'en être débiteur
pour fa part , comme nous venons de le
voir ci-deflus ; néanmoins celui dans le
lot duquel il eft tombé , peut être pour-
fuivi pour le payement du total , & con-
damné envers le créancier au payement
du total, pourvu que le jugement foit
rendu avec fes cohéritiers ou par défaut
contre eux, s'il n'a pas été chargé de cet-
te dette par le partage.
La raifon qu'en rend Dumoulin eft i
que quoique l'acuon qui naît de cette det-
te foit divifée contre chacun des héritiers
du débiteur , néanmoins comme l'exécu-
tion de cette a&ion doit fe faire pour le
total , fur celui d'entre eux qui par le par-
■ tage en eft devenu feul pofferTeur , il s'en-
fuit qu'il peut être condamné à la déli-
vrance de cette chofe pour le total , quia
1 quamvis aclio mère fit perfonalis , tamen
1 txecutio judlcati in nmfcripta ejï, & divi-^
Tome 1% Q
362 Tr. des Oblig.
jïo non débet impedire vim futurijudicii , ncc
executionem in rem & in ejus pofjefforem ,
falvo contra coheredes recurfu. Molin. p. 2.
77. 84.
Cette décifion a lieu lorfque c'efl en fa
qualité d'héritier , & par le partage de la
fucceflion que cet héritier pour partie du
débiteur , fe trouve pofïéder en entier la
chofe due ; il en feroit autrement fi c'étoit
de fon chef qu'il la poffédât. Il n'en feroit
pas en ce cas débiteur , & il ne pourroit
être condamné à la payer, que pour la part
pour laquelle il eil héritier; on peut tirer
argument de la loi 86. §. 3. fF. de leg.
1°. fi fundus ab omnibus heredibus legatus
fit , qui unius heredis effet, is cuj us fundus
effet non amplius quàm partem fuam pmfta-
bit , cœteri in reliquas partes tenebuntur.
Nous venons de voir que lorfque l'hé-
ritier pour partie du débiteur d'un corps
certain . fe trouvoit en cette qualité d'hé-
ritier être en pofTefîion pour le total de
cette chofe , il pouvoit être condamné à
la preftation du total , pourvu que la (en-
tence fût rendue avec fes cohéritiers ,
fuivant que Penfeigne Dumoulin , ibid.
n. 84. Cet auteur va plus lo'm9ibid. p. 3.
n. 242. car il décide que l'héritier peut y
être condamné , même fans que les cohé-
ritiers ayent été mis en caufe , lorfqu'il efl
évident qu'ils ne pourroient avoir aucuns
Part. II. Chap. IV. 363
moyens de Jéfenfe ; c'eftce qu'il décide
dans l'eipece d'un vendeur , qui ayant
vendu une choie livrable dans le mois ,
&i ayant reçu le prix , feroit mort dans
ce terme , biffant plufieurs héritiers ; il
décide que la vente & le payement du
prix étant conftans , celui des héritiers
pardevers qui la chofe fe trouve , doit
après l'expiration du terme , être condam-
né à la livrer , fans qu'il ibit reçu à met-
tre en caufe fes cohéritiers.
303. La quatrième modification eft ,
lorfque la dette confifte dans la iimple
reflitution d'une chofe dont le créancier
eft propriétaire , & dont le débiteur n'a
voit que la fimple détention ; quoique la
chofe ibit divifible , fk qu'en conféquence
la dette le foit aum" , néanmoins celui des
héritiers du débiteur pardevers qui eit la
chofe , eit tenu pour le total de cette
reflitution. Par exemple , il on vous a
prêté ou donné en dépôt une bibliothè-
que ; quoique cette dette foit divifible y
celui de vos héritiers pardevers qui elle
fe trouvera, fera tenu pour le total de
la reflitution de cette bibliothèque , hères
ejus qui commodatum accepit , pro eâ parti
qud hères cjl, convenitur , niji forte habitit
totlus reifacultatem refiituendœ , nec faciat ;
tune enim cendemnatur in folidum , quia,
hoc boni judicis arbitrio çonveniat , /. 2.
§ . 3 . ff. commod% Q ij
364 Tr, des Oblig,
La raifon efl que cet héritier qui a par-
devers lui la chofe entière , ayant la fa-
culté de la rendre , & n'ayant pas befoin
d'attendre pour cela le confentement de
{es cohéritiers qui n'ont aucun droit dans
cette chofe , & auxquels la reflitution
qu'il en fera ne peut être qu'avanîageufe
en les déchargeant de l'obligation en la-
quelle ils font de faire cette reflitution ;
la bonne foi ne permet pas qu'il refufe
cette reflitution , c'en1 ce qu'infinue le
Jurifconfulte par ces termes quia hoc boni
judicis arbitrio conveniat : Si cet héritier
n'efl tenu que pour fa part héréditaire ,
exprima & primitivd obligatione depojiti
aut commodati quœ dividua ejî , il eu tenu
pour le total , de cette reflitution qui eft
en fon pouvoir , ex obligatione accejjoriâ
prœjlandi bonam fidem , l'obligation de la
bonne foi étant une obligation indivifible,
neque enim bona fides poteji prœjtari pr&
parte. O eu encore une des clefs de Dumou-
lin. Lex 12. tabularum , dit-il , nondividit
obligationes etiam dividlias quateniis refpi-
ciunt bonam fidem ; unde obligaùo etiam
dividua ad offîcium bonœfidei obligat infoli-
dum ? concurrente facultate prœ,jlandi , &
quatenîis concurrit & quandocumque hoc
contigerit. Molin. p. 3. n. 112.
304. Une cinquième modification, eu.
que l'un de héritiers par le fait ou la
Part. II. Chap. IV. 365
faute duquel la chofe eft périe , eft tenu
du total de la dette ; la raifon le tire du
principe de Dumoulin qui eft que l'obliga-
tion principale rem dividuam dandi eft di-
vilible à la vérité: mais l'obligation accef-
foire pnrfliindi boîiam fidem & drfigentiam
qui y eft jointe eft indiviiible ; chacun des
héritiers eft à cet égard tenu injolidum ,
me en 7 pro parte diVgzntia pmjiari potejl ,
d'où il fuh que celui des héritiers qui y a
manqué , £v par le fait & la faute duquel
la chofe eft périe , doit être tenu pour le
total. Suivant ces principes , fi quelqu'un
s'eft obligé envers moi à me laifTer jouir
d'un héritage, foit par un bail à ferme qu'il
m'en a fait , foit par la vente qu'il m'a fait
d'un droit d'ufufruit de cet héritage , 6c
qu'il ait laifle quatre héritiers ; fi l'un des
héritiers , fans aucun droit qu'il ait de fon
chef dans cet héritage , me trouble injus-
tement dans la jouiftance du total de cet
héritage ,' il fera tenu pour le total de mes
dommages & intérêts , & non pas feule-
ment pour la part dont il eft héritier ; car
quoique l'obligation principale de me fai-
re jouir , foit divifible , l'obligation accef-
foire prœflandi bonam fidem qui oblige de
n'apporter aucu trouble , eft indivifible
& parle par conféquent à chacun des hé-
ritiers pour le total, & l'héritier qui y
contrevient doit être tenu des dommages
& intérêts pour le total. Qiij
366 Tr. des Oblig.
De-là cette maxime , qu'un héritier ne
peut être à la vérité pourfuivi pour une
dette divifible , que pour la part pour la-
quelle il eft héritier ? lorfqu'il n'eft pour-
fuivi qu'en fa feule qualité d'héritier &
pour le fait du défunt , mais qu'il peut être
pourfuivi pour le total , lorfqu'il eft pour-
fuivi pour fon propre fait. Multum refirt
unum keredum débitons teneri fecundarid
obligatione ut keredem tantiim , idefi ex fac-
to vel nonfaclo defuncii tantùm ; an verb ut
ipfum , id eji ex fuo facto proprio vel non
facto. Molin. p. 3. zz. 5.
305. A l'égard des autres héritiers qui
n'ont concouru par aucun fait ni faute de
leur part à la perte de la chofe due 9 ils
font libérés ; car l'héritier eft tenu de la
dette comme le défunt en étoit tenu , le
défont auroit été libéré par la perte de la
chofe arrivée fans fa faute , l'héritier doit
donc pareillement être libéré par la perte
delà chofe arrivée fans la faute du défunt
& fans la fienne propre : l'héritier eft bien
tenu des faits du défont , puifqu'il fuc-
cede aux obligations du défunt , mais il
n'eft pas tenu du fait de fes cohéritiers :
c'eft ce qui eft décidé par les loix 9. 8c
10. ft*. depofin depofiti actione , Jï de facto
defuncii agatur , adversus unum ex piuri-
bus heredibus pro parte heteditaria a gère de-
beo'yji verô ex fuo deliclo , pro parte non
Part. IL Chap. IV. 367
a*o ; mcrito quià mflimatio rcfcrtur ad do-
lum qutm infolldum ipfe admijit 9 nec ad"
versus cohertdes qui dolo carent aciio com-
ptât. Paul décide la même chofe pour le
prêt à ufage , /. 17. §. 2. commod. Molln,
pag. 3. n. .139. 6-440.
Que il on avoit flipulé une peine , en
cas que la chofe ne tut pas rendue ; en ce
cas quoiqu'elle ait péri par la faute de l'un
d'eux , &: fans le fait ni la faute des au-
tres , ils ne laifTeront pas d'être tenus de
la peine, chacun pour leur pan; car l'o-
bligation de payer la fomme convenue
pour la peine , eït une féconde obligation
que le défunt a contractée qui eft condi-
tionnelle , & a pour condition l'inexécu-
tion de la première ; les héritiers du dé-
funt ont chacun pour la part pour laquelle
ils font héritiers du défunt, fîiccédé à cet-
te féconde obligation , fous la même con-
dition ; ils font donc tenus , chacun pour
leur part héréditaire , de payer cette fom-
me , dans le cas de l'exiftence de la condi-
tion, c'eft-à-dire, dans le cas oiila première
obligation ne feroit pas exécutée, foit
par le fait ou la faute du défunt , foit par
celle de quelqu'un de (es héritiers , fauf
leur recours contre celui de leurs cohéri-
tiers par le fait de qui la chofe a péri ; c'efl
ce qu'enfeigne Dumoulin qui dit que les
cohéritiers de celui par le fait de qui la
Q iv
36S Tr. des Oblig.
chofe efl périe , font tenus en ce cas de
la peine , non immédiate, ex faclo & culpâ
dolofi , fed ejus occajione & tanquam ex
eventu conditionis ? ex obligatioiie defuncli
quœ in eosfub eâ conditione defcendit. Molin.
d' n. 440.
C'en1 de ce cas qu'entend parler Paul
en la loi 44. §. j.ff. fam. erc. lorfqu'il
dit : Si reliqui pr opter facium unius teneii
cozperint ? tanquam conditio (lipulationis he-
reditariœ extiterit , habebunt familica ercif-
cundiz judicium cum eo propter quem corn-
mijja fit fiipulatio.
Obfervez que pour que la contraven-
tion de l'un des héritiers rejaillirTe fur (es
cohéritiers ? il faut qu'il y ait une féconde
convention expreffe , par laquelle le dé-
funt fe foit obligé au payement d'une cer-
taine peine , en cas d'inexécution de l'o-
bligation principale , ou par laquelle il
fe foit obligé aux dommages & inté-
rêts , en cas de contravention par lui ou
fes héritiers ; mais il ne fufHt pas pour cela
qu'il foit dit à la fin de l'a&e , que toutes
les parties fe font obligées à tout le con-
tenu de lacle , à peine de tous dépens ,
dommages & intérêts ; car cette daufe
ne contient pas une féconde obligation ;
hœc claufuia nihil n ivi addit , cum fit ex
(iylo communi ad confit mandum tantum ,
Jecundum materiam fubj ecîam 9 & ejus limi*
tes y ibid, 44 a.
Part. II. C h ap. IV. 369
On oppoiera peut-être contre la dil-
tindion de Dumoulin, que dans toutes
les conventions qui contiennent une obli-
gation principale ; on doit toujours fous-
entendre une féconde convention tacite
accefîbire de la première , par laquelle
le débiteur s'engage aux dommages &C in-
térêts , en cas de contravention par lui
ou par fes héritiers à l'obligation prin-
cipale ; que cette féconde convention ta-
cite doit avoir le même effet , que fi elle
étoit exprimée. La réponfe eft , qu'il e fl
faux , qu'on doive fuppofer cette féconde
convention,lorfqu'ellen'eft pas exprimée;
ii le débiteur qui contrevient à. fon obli-
gation principale , eft tenu des dommages
& intérêts réfultans de fa contravention ,
ce n'eft pas en vertu d'aucune féconde
convention qu'on doive fuppofer , par la-
quelle il fe feroit obligé à ces dommages
ck intérêts ; c'eft uniquement parce que
cette obligation des dommages ck inté-
rêts, eft renfermée dans l'obligation prin-
cipale , &C que cette obligation principale
ix proprid naturâ fe convertit contre le
contrevenant en une obligation de dom-
mages & intérêts ; mais en ce cas , lorf-
que c'eft l'un des héritiers du débiteur qui
contrevient à l'obligation , les autres hé-
ritier? qui n'y ont pas contrevenu ne font
tenus d'aucuns dommages &c intérêts -,
Q v
37^ Tr» des O b l i g»
ces héritiers étant bien tenus des faits du
défunt qu'ils repréfentent , & de leur pro-
pre fait , mais n'étant point tenus des faits
de leur cohéritier, comme il a déjà été
ci-defïiis obfervé.
3 06. Lorfque la chofe en1 périepar le fait
ouïe dol de plufieurs d'entre les héritiers,
chacun d'eux en eft tenu folidairement ,
nec enim , dit Dumoulin , qui peccavit , ex
eo relevait débet , quod peccati habet con-
fortent.
Si néanmoins ces héritiers avoient cha-
cun parun fait particulier perdu ou diverti
différentes parties de la chofe due, chacun
ne feroit tenu que de la perte oudivertifle-
ment de cette partie ; car en ce cas , unuf
qu'fque non infolidum yfedinparte duntaxat
dolum admifit , c'eft ce que décide Mar-
cellus en la loi zi.jf. depofit.fi duo hère-
des rem apud defuncium depojïtam dolo in-
tervert erint , quodam cafu in partes duntaxat
tembuntur ; namfi diviferunt decemmillia9
quœ apud defuncium fuerant , & quina mil-
lia finguli abjiulerint , & uterque folvendo
efl , in partes adjlricli erunt : quod fi quœ
fpecies dolo eorum interverfafuerit^ infoli~
dum conveniri poterunt , nam certè verum
efl in folidum quemque dolo feciffe.
Obfervez à l'égard de la première ef-
pece de la Loi 22. qu'il efl dit, fi uterque
folvendo eJi-9 car fi l'un des deux héritiers
Part. IL Chap. IV. 371
étoit insolvable , celui des deux qui auroit
été folvable , auroit été en faute , non-
feulement par rapport à fa moitié , mais
même par rapport à l'autre moitiém'ayant
pas dû partager la Tomme donnée en dépôt
au défunt , avec Ton cohéritier infolva-
ble. Si l'obligation de reftitusr la Tomme
étoit une obligation divifible, l'obligation
accefToire de la garder & de laconferver
avec bonne Toi , étoit une obligation in-
diviTible , dont chacun d'eux étoit tenu
pour le total , & à laquelle il a contrevenu
non-Teulementparrapport à la moitié qu'il
a du payer , mais aum* par rapport à l'au-
tre qu'il a laine à la merci de Ton cohé-
ritier inTolvable.
307. Une Tixieme exception eft que
quoiqu'une obligation Toit diviTible , l'un
des héritiers du débiteur peut en être tenu
pour le total , Toit par une convention r
Toit par le teftament du défunt qui l'en
aura chargé , ou par l'office du Juge qui
fait le partage des biens de la fuccefiion ;
entous ces cas , l'un des héritiers efhenu
de la dette pour le total , fans que les au-
tres héritiers cenent d'en être tenus avec
lui pour chacun leur part.
308. Il réfulte de toutes ces modifica-
tions que aliud cfl unum ex plurlbus five
principalibus/îve heredibustencri infolidum9
aliud obligationetn ejje indiyiduam. C'eftla
372. Tr. des Oblige
troifieme des clefs de Dumoulin 9part. y,
n. 112.
309. Hors ces cas, chaque héritier du
débiteur n'efl: tenu des dettes divisibles que
pour la part dont il eft héritier , & il n'efl:
pas même tenu fubfidiairement du furplus,
en cas d'infolvabilité de fes cohéritiers :
la Loi 2. cod. de hered. aci. qui décide que
chaque héritier n'efl tenu des dettes du
défunt que pour fa part , ne diftingue
pointu tous les héritiers font fol vables ou
non. Cela eft pris même de l'idée d'héri-
tier ; un héritier eft celui qui fuccede aux
droits actifs Se pafîifs , c'eft- à-dire , aux
dettes & obligations du défunt ; celui qui
n'efl: héritier que pour partie , n'y fuccede
que pour cette partie ; il n'en eft. donc te-
nu que pour cette partie ; Finfolvabilité
de fes cohéritiers quifurvient , ne le rend
pas fucceffeur pour le total aux droits du
défunt, il ne l'eft toujours que pour fa
part , & par conféquent il ne doit être
tenu des dettes que pour fa part.
On oppofe que les dettes étant une
charge des biens , elles doivent être ac-
quittées pour le total , fur les biens que
retient cet héritier en partie. Laréponfe
eft que Puniverfalité totale des biens eu.
chargée du total des dettes , mais les por-
tions de cette univerfalité ne font char-
gées que d'une pareille portion des det-
Part. II. Chap. I V. 375
tes : on iniifte Se on dit , fi le débiteur
avoit dirîipc la moitié de fes biens , l'au-
tre moitié qui lui refteroit, feroit char-
gée du total des dettes ; donc lorfque l'un
des héritiers du débiteur a difîipé fa moi-
tié , l'autre moitié qui appartient à l'au-
tre héritier doit pareillement être chargée
du total des dettes ; je nie la conféquence.
Lorfque le débiteur a difïïpé la moitié de
fes biens , ce qui lui refte eft. le total des
biens de la perfonne obligée au total
de la dette ; &c par conféquent le total
des dettes eft une charge de ce qui refte
des biens ; mais lorfque mon cohéritier
a dilîipé la moitié qui lui eft. échue , cel-
le que j'ai n'efl toujours que la portion
d'un héritier pour moitié , qui n'efl tenu
personnellement des dettes que pour cet-
te moitié ; cette portion ne doit donc être
chargée que de la moitié des dettes. On
infifte encore , & on dit que le créancier
ne doit pas foufFrir de la multiplicité des
héritiers , que fon débiteur laifTe ; donc la
difïîpation de la moitié de ces biens que
fait l'un des héritiers , ne doit pas lui faire
perdre la moitié de fa dette ; puifque fi le
débiteur ou l'unique héritier du débiteur
eût perdu cette moitié de biens , le créan-
cier ne perdroit rien de fa dette ; la ré-
ponfe eft, , que ce n'eft qu'e* accident! que
le créancier fouffre en ce cas de lamulti-
374 Tr. des Oblig.
plicité des héritiers qu'a laifTé le débiteur;
il pouvoit n'en pas fouffrir en arrêtant
les biens de la fucceffion avant le parta-
ge , ou en veillant à fe faire payer.
Cette décifion, que l'héritier pour par-
tie n'eft, pas tenu des dettes pour les por-
tions de fes cohéritiers devenus infolva-
bles, quand même fa portion feroit plus
que fuffifante pour payer le total , étant
tirée des principes de la raifon naturelle ,
& de la nature même de la qualité d'héri-
tier , elle doit avoir lieu dans le for de
la confcience , auffi-bien que dans le for
extérieur. Molin. part, 2.72.82.
310. Ce principe , qu'un héritier n'eft
pas tenu de Tinfolvabilité de fes cohéri-
tiers , reçoit plufieurs exceptions. La pre-
mière > qui ne foufFre pas de difficulté, eu
lorfque c'efï par le dol & le fait d'un héri-
tier que le créancier n'a pu fe faire payer
par les autres héritiers devenus infolva-
blés , putà parce que cet héritier s'eflfait
parler pour le feul héritier. Molin. ibid.
n. 8 5. in fine.
Dumoulin apporte pour fécond cas
d'exception,celui auquel un père laifTeroit
pour héritiers deux enfans , dont l'un au-
roit difîlpé d'avance ce qu'il auroitreçu en
avancement de fa fuccemon , & auquel au
moyen de ce qu'il efl tenu de la précomp-
ter fur fa part , il feroit revenu beaucoup
Part. II. C h a p. IV. 375
moins dans l'a£tifdes biens délaines par le
père , que n'eft la parr des dettes de cette
fuccefîion dont il eft tenu en fe portant
héritier ; l'autre enfant doit répondre en
ce cas envers les créanciers de la fuccef-
fion , de la part des dettes dont eil tenu
fon frère infolvable, quoique les créan-
ciers n'ayent pas eu la précaution d'arrê-
ter les biens de la fuccefîion avant le par-
tage ; la raifon eir. que cet enfant ayant
recueilli prefque tout l'a£tif des biens dé-
laifîes par le défunt , au moyen de ce
que fon frère a été tenu de précompter ce
qu'il avoit reçu du vivant du père com-
mun , il efï j uite qu'il ne profite pas aux
dépens des créanciers de la fuccefîion ,
de ce que fon frère s'eft mal-à-propos por-
té héritier ; il y a lieu en ce cas de préfu-
mer une collufion entre les deux frères,
& que c'efl dans la vue de fe décharger
d'une portion des dettes , & d'en frauder
les créanciers , qu'il a engagé fon frère
infolvable à fe porter héritier : hoc eflin-
jujium , dit Dumoulin , nec fufplcione col-
lujlonis vacat. ibïd. n. j)j. in fine.
Cet Auteur, n. 92. apporte pour troi-
fieme exception le cas auquel le créancier
auroit fait un prêt au défunt qui auroit été
lacaufe de la fortune du défunt ; en ce
cas l'héritier folvable étant en quelque
façon redevable au créancier de ce qu'il
376 Tr, des O b l i g.
recueille pour fa part une fuccefîion opu-
lente , ne doit pas laiffer perdre au créan-
cier la part de cette créance dont eil tenu
fon cohéritier infolvable ; cette décifion
de Dumoulin fouffre difficulté : j'avoue
que la gratitude exige cela , mais la grati-
tude ne forme que des obligations impar-
faites qui n'obligent pas dans le for exté-
rieur.
§. ni.
Du fécond effet de la divifion de la dette qui
confijle en ce qu'elle peut être payée par
parties.
311. Nous avons vu qu'un des effets de
la divifion de la dette , foit que ce fût du
côté du créancier , foit que ce fût du côté
du débiteur qu'elle fût arrivée , étoit que
le payement de la dette pouvoit fe faire
par parties ; fçavoir pour les parties qui
font dues à chacun des héritiers du créan-
cier , & pour celles dues par chacun des
héritiers du débiteur; ce principe a aufli
fes exceptions <k fes modifications , non
propter individuitatem obligationis,fed prop-
ter incongruitatem folutionis , dit Dumou-
lin , c'eft. à-dire , non parce que le paye-
ment partiel d'une obligation divifible ne
foit pas toujours abfolument oarlant pof-
fible y car puif que la chofe due a dçs par-
Part. II. Chap. IV. 377
tîes , c'eft une conféquence nécefTaire
qu'elle puifTe être payée par parties; mais
fi le payement de ces obligations ne doit
pas quelquefois fe faire p^r parties , c'efl
parce que le payement partiel n'eft pas
toujours équitable ; aliiid quippe indivi-
dultas obligdtionis , aliud incongruitasfo*
lutïonls , c'eft. la quatrième des clefs de
Dumoulin , /?. j. n. m,
3 1 2. Le premier cas auquel le payement
partiel d'une dette quoique divifible, n'eft
pas valable , eft le cas des dettes alterna-
tives , ou de chofes indéterminées : par
exemple , fi celui qui eft débiteur d'une
telle malfon , ou d'une fomme de dix mille
livres lai fie deux héritiers , l'un des héri-
tiers ne fera pas admis à payer la moitié
d'une de ces deux chofes , jufqu'à ce
que l'autre héritier paye auiîi l'autre
moitié de la même chofe ; car fi l'un
des héritiers ayant payé la moitié , par
exemple , de la maifon , l'autre vouloit
payer la moitié de la fomme , il en ré-
fulteroit un préjudice au créancier qui
doit recevoir en payement Tune des deux
chofes entières , & non pas deux moi-
tics de deux différentes chofes. Par cette
même raiion , quand même le créancier
aurait volontairement reçu la moitié de
Pu a? des deux chofes , putà la moitié de la
fomme , ce payement ne recevra fa per*
37S Tr. des Oblig.
feélion , même pour cette moitié , que
lorfqu'on lui aura payé l'autre moitié ; Se
û parla fuite on lui donne lamaifon , il y
aura lieu à la répétition de ce qui auroit
été payé en argent. înfràp. 3. n. 525.
Il en eit de même des dettes de chofes
indéterminées , comme file défunt devoit
indéterminement un arpent de terre, l'un
de fes héritiers n'en1 pas recevable à of-
frir au créancier la moitié d'un certain
arpent de terre , jufqu'à ce que l'autre hé-
ritier donne aufïï en payement l'autre moi-
tié du même arpent ; autrement il en ré-
fulteroit un préjudice au créancier à qui
il eft dû un arpent entier , & qui a inté-
rêt d'avoir un arpent entier , plutôt que
la moitié de deux difFérens arpens ; c'eït
ce qui refaite des loix85« §. 4»&; L. 2. §,
2>ffi de verb. ohlig. Molin, p. 2. n. 12 y.
Cette indivifion de payement doit avoir
lieu , non-feulement lorfque la dette a été
divifée du côté du débiteur, mais auffi
pareillement lorfqu'elle l'a été du côté du
créancier qui a lairTé plufieurs héritiers -y
car il eft de l'intérêt de ces héritiers du
créancier de recevoir une feule chofe qui
leur eft due , qui ne foit commune qu'en-
tre eux , plutôt que des portions de dif-
férentes chofes qu'ils auroient chacun en
commun avec des étrangers. Molin. ibid.
p. 2. 72.130.
Part. II. Chap. IV. 379
Lorfque l'un des héritiers du débiteur
a été libéré pour la part de la dette , foit
par la remiié que le créancier lui en a
faite , foit autrement ; rien n'empêche
alors que l'autre héritier ne puiffe payer
Tune des chofes qu'il voudra pour la moi-
tié qu'il doit, d. L. 2. §. 3. La raifon
qui empêchoit le payement partiel ceffe ,
car il n'y a plus lieu de craindre que le
payement fe faffe en portions de diffé-
rentes chofes.
Obfervez que dans le texte cité après
ces mots ^Jitamcn homin&m Jiipulatus^ cum
uno ex heredibus egero , il faut fuppléer ,
& viclus fuero per injuriam judicis. V*
Cuj. ad d, L. Molin. ibid. p. %. n. 1 88.
Obfervez aufîi que l'indivifion de paye-
ment d'une dette alternative cerTe d'avoir
lieu , lorfque cette dette , par l'extindion
de l'une des deux chofes, ceffe d'être al-
ternative , &: devient déterminée à la
chofe qui refte ; rien n'empêche en ce
cas que cette chofe puifTe être payée par
parties, foit par les différens héritiers
du débiteur , foit aux différens héritiers
du créancier.
3 1 3 . Le fécond cas auquel le payement
d'une obligation , quoique divifible & di-
viiée entre plufieurs héritiers du débiteur,
ne peut fe faire par parties , eft lorfqu'on
en efl convenu , en contractant l'obliga-
380 Tr. des Oblig.
îion ou depuis ; on pourroit néanmoins
douter fi cette convention eu valable ,
parce que la loi 56. §. 1. de verb. oblig.
décide qu'une perfonne ne peut en con-
tractant faire qu'un de fes héritiers foit
obligé à fa dette pour une plus grande part
cme celle pour laquelle il fera héritier :
te & Titium heredem tuum decem daturum
/pondes : Titii perfona fupervacue compre*
henfa eji \jiveenim foins hères extittrit , in
folidum tenebitur \five pro parte , eodem mo-
do que cœteri coheredes ejus^ c'enVà-dire ,
qu'il fera tenu nonobflant cette claufe de
la ftipulation , pour la part feulement
dont il fera héritier; & la raifon eft que
n'étant héritier du contractant que pour
cettepart , & étant par conféquent étran-
ger à l'égard des autres parts , il n'a pu
être obligé pour les autres parts par la pro-
meuve du contractant, fuivant le principe
de droit, que nemo nijldefe promittere po-
tejl , non de extraneo.
Nonobstant celaDumoulindécideavec
raifon qu'on peut valablement convenir
qu'une dette ne pourra être acquittée par
parties par les dirférens héritiers du débi-
teur , Se il remarque fort bien que cette
convention eft bien différente de l'efpece
de la loi ci - deffus rapportée , laquelle
tombe fur la fubftance même de l'obliga-
tion; au lieu que cette convention ne
Part. IL Chap. IV. 381
concerne que la manière dont le paye-
ment s'en fera , non concemit fubjiantiam
obligationis , fed modum ; und'c qutrnadmo-
Ju m pote fi in pnzjudicium heredum determi-
ruiri locus & tcmpUS foludonis , ita & mo-
dus. Molin, ibid. part. 2. n. 30. & 31.
Cette convention n'empêche pas que l'un
des héritiers du débiteur ne foit tenu que
pour fa part de la dette ; mais l'effet eft
qif il ne peut faire le payement que de la
choie entière conjointement avec (es
cohéritiers , de manière que les offres
qu'il feroit de donner fa part, feroient
infuffifantes pour fatisfaire même pour fa
part à l'obligation dont il eft tenu > fi fes
cohéritiers n'offrent également la leur,
V» infrà , 72. 316.
3 14. Cette convention que la dette ne
pourra être payée par parties , empêche
bien que les héritiers du débiteur ne la
puifTent payer par parties , mais elle n'em-
pêche pas qu'elle ne puifîe être payée
par parties aux différens héritiers du
créancier.
Le débiteur nepeut même valablement
payer à chacun d'eux que fa part ; & s'il
payoit le total à l'un d'eux , il ne feroit
pas libéré envers les autres.
Néanmoins on peutaufli convenir que
l'un des héritiers du créancier pourra exi-
ger le total ? & qu'on pourra lui payer
382 Tr. des Oblig.
le total; auquel cas le payement qui lui
eft fait libère le débiteur envers tous les
héritiers du créancier , dont celui à qui
le payement eft fait , eft comme le pré-
pofépour leurs parts, ou comme adjecius
folutïonis gratiâ 9 Molin. ibid. /z. 3 3.
315. Le troilieme cas auquel la dette ,
quoique divifée entre les héritiers du dé-
biteur , ne doit point s'acquitter par par-
ties , eft lorfque , fans qu'il y ait de con-
vention , il réfulte de la nature de l'en-
gagement , ou de la chofe qui en fait l'ob-
jet , ou de la fin que l'on s'eftpropofée
dans le contrat , que l'efprit des contrac-
tai a effectivement été , que la dette ne
pût s'acquitter par parties ; cela fe pré-
fume facilement , lorfque la chofe qui
fait l'objet de la convention eft fufcep-
tible à la vérité de parties intellectuelles ,
& eft par conféquent divifible , mais ne
peut être divifée en parties réelles. Afo-
lin. p. 3. n. 2.23.
Cela fe préfume même à l'égard des
chofes qui peuvent fe partager en par-
ties réelles , lorfqu'elles ne peuvent
l'être fans qu'il en réfulte un préjudice
au créancier.
Par exemple 9 fi j'ai acheté ou pris à
ferme un certain héritage , quoique cet
héritage foit fufceptible de parties , néan-
moins un des héritiers de celui qui me
Part. IL Chap, IV. 383
l'a vendu ou donne à ferme ne feroit
pas reçu à m'offrir fa part indivifée ou
divifée de cet héritage , pour s'acquitter
envers moidefon obligation , fi les co-
héritiers n'étoient prêts aufîi de leur part
à me délivrer les leurs; parce que la di-
vifion de cet héritage me porteroit pré-
judice ; je ne l'ai acheté ou pris à ferme ,
que pour l'avoir en total , ou pour en
jouir en total , & je n'en aurois pas
acheté, ni pris à ferme une partie.
La fin que les contractans fe font pro-
pofée peut aufïi empêcher le payement
partiel , même des dettes d'une fomme
d'argent. Par exemple , fi par une tran-
saction vous vous êtes obligé à me payer
une fomme de mille écus , avec déclara-
tion que c'efr. pour me tirer de prifon où
j'étois détenu pour ladite fomme par un
créancier , & que peu après vous foyez
mort laifiant quatre héritiers , un de ces
héritiers ne fera pas reçu à m'offrir fé-
parément le quart de ladite fomme , qui
ne peut me procurer la main-levée de
ma perfonne , qui a été l'objet du contrat,
6c que je ne pourrois pas conferver fure-
ment en prifon , en attendant le payement
du furplus. Molin. p. %. n. 40.
316. Dans tous les cas ci-defîus rap-
portés , dans lefquels une obligation ,
quoiqu'en elle - même divifible ne peut
384 Tr. des Oblig.
néanmoins s'acquitter par parties ; le
créancier ne peut à la vérité mettre les
héritiers de fon débiteur en demeure ,
qu'en donnant la demande contre tous ;
la demande qu'il feroit à l'un d'eux de lui
payer le total , ne feroit pas valable , & ne
le mettroit pas en demeure , puifque l'o-
bligation étant divifible , il ne doit pas le
total ; mais quoique l'un des héritiers ne
foit débiteur que de la partie pour laquelle
il eft héritier, &ne puifTe être pourfuivi
pour le total ; néanmoins l'indivifion de
payement empêche qu'il puifTe valable-
ment offrir la part dont il efl débiteur , Si
le furplus n'efl offert en même temps
par fes cohéritiers ; c'eiT pourquoi de tel-
les offres partielles , non - feulement ne
mettent pas le créancier en demeure de
recevoir , & n'arrêtent pas le cours des
intérêts , il la dette eu de nature à en pro-
duire , mais fi l'héritier qui a fait ces of-
fres avoit été auparavant mis en demeure
par une demande donnée contre tous les
héritiers , ces offres imparfaites ne pur-
geroient pas fa demeure , & n'empêche-
roient pas qu'il ne fût fujet vis-à-vis du
créancier à toutes les peines de la de-
meure , fauf fon recours contre fes co-
héritiers Molin. p. 2 n. 243.
Obfervez qu'une rente constituée , qui
n'eSt point accompagnée d'hypoteque , fe
diviie
Part. IL C h a p. IV. 38 ?
divife entre les héritiers du débiteur corn-'
mêles autres dettes , chacun des héritiers
if eft tenu de la continuer & d'en payer les
arrérages que pour la part pour laquelle
il eft héritier ; m&is la faculté du ra-
chat fous laquelle elle a été conftiîuée ,
ne fe divife pas : nous avons traité cette
matière dans notre Traité du contrat de
conftitutïon de rente , ch. 7. art. 3 . Voye^
Dumoulin ? tract, de div. & ind. p. 2. n.
20J. 109. & p. }. n. 23. &feq.
§. IV.
Du cas auquel la divijîon de la dette fe fait t
tant de la part du créancier , que du
débiteur.
317. Lorfque la dette a fouffert divi-
•• fion tant de la part du créancier , que de
la part du débiteur ; putà û le créancier,
a laifTé quatre héritiers , ck que le débi-
teur en ait pareillement laifTé quatre ; cha-
cun des héritiers du débiteur , qui parla
divifion qui eft arrivée du côté du débi-
teur n'efttenu que du quart de la dette ,
peut payer divifement , <k pour le quart
feulement dont il eft débiteur , le quart
qui eft du à chacun des héritiers du créan-
cier , c'eft-à-clire , qu'il payera à chacun
d' >ix le quart du quart qui eft un feizie-
r total.
Tome /, R
3S6 Tr. des Oblic,
S- v:
Si la réunion des portions, foit des héritiers
du créancier 9foit des héritiers du débiteur 9
en une feule perfonne y fait ceffer la faculté
de payer la dette par parties,
3 18. La décifion de cette queftion dé-
pend d'un principe qui eii que la diviiion
de la dette qui fe fait par la mort du créan-
cier ou du débiteur qui laiïTe plufieurs hé-
ritiers , ne fait pas d'une dette plufieurs
dettes , mais elle afîigne feulement à cha-
cun des héritiers , foit du créancier , foit
du débiteur, des portions dans cette det-
te , qui n'avoit pas de portions aupara-
vant , mais qui en étoit fufceptible ; c'efl
en cela feul que confifte cette divifion ;
il n'y a toujours qu'une feule dette, unum
dehitum : la loi 9. ff. de paclis , le dit en
termes formels : effectivement les diffé-
rens héritiers du créancier ne font créan-
ciers que de celle qui a été contractée en-
vers le défunt ; les différens héritiers du
débiteur ne font débiteurs que de celle
qui a été contractée par le défunt. Il n'y
a donc toujours qu'une dette ; mais ( &C
c'efl en cela que confiée ta divifion ) cet-
te dette qui étoit indivifée & ne conte-
uoit aucunes portions , tant qu'il n'yavoit
Part. II. Chap. IV. 387
qu'une perfonne qui fût débiteur , 6c une
feule qui fut créancier , le trouve avoir
des portions , &: être due par portions ,
foit à chacun des héritiers du créancier f
foit par chacun des héritiers du débiteur.
De ce principe naît la décifion de la ques-
tion. Les portions de la dette dans les-
quelles confiée la divifion de cette dette,
étant produites par la multiplicité des
perfonnes à qui la dette efr. due , lorfque
le créancier alaifTé pîufieurs héritiers, ou
par la multiplicité des perfonnes par qui
la dette eft due , lorfque le débiteur en
a laiflé pîufieurs ; il s'enfuit que lorfque
cette multiplicité de perfonnes ceffe , il
ceffe d'y avoir des parties dans la dette ;
cejjante causa ce [fat effecîus'9 & par confé-
quent la divifion de la dette ceffe , & elle
celle de pouvoir être payée par portions.
Si donc un créancier ou un débiteur a
laiffé pîufieurs héritiers, &que le furvi-
vant des héritiers ait été lui-même feul
héritier de tous les prédécédes , h dette
cellerade pouvoir être payée par por-
tions, parce que nefe trouvant plus qu'un
feul créancier &c un feul débiteur de la
dette , il n'y a plus de portions dans la
dette.
En vain dit-on que le débiteur ayant
une fois acquis le droit de payer par por-
tions, lorfque le créancier a laiffé pîufieurs
388 Tr. des O b l i g.
héritiers , il ne peut plus le perdre ; que
l'obligation en laquelle chacun des héri-
tiers du créancier étoit de recevoir fa
portion féparément , doit parler au fur-
vivant qui a fuccédé à toutes les obliga-
tions des prédécédés ; car cela feroit vrai
fi cette faculté de payer par portions étoit
intrinfeque à. l'obligation, &t n'étoitpas
au contraire uniquement dépendante de
la circonilanceextrinfeque de la multipli-
cité des perfonnes à qui ou par qui la det-
te eftdûe , laquelle circonflance ceffante,
fon effet doit cefTer. Voyc^ Dumoulin y
p. 2. n. 18 • & feq.
Cette décifion n'a pas lieu , lorfque le
dernier furvivant de plufieurs héritiers du
débiteur a recueilli à la vérité les fiiccef-
fions des prédécédés , mais fous bénéfice
d'inventaire ; car ce bénéfice empêchant
la confufion des patrimoines des fuccef-
fions , &£ de celui de l'héritier bénéficiai-
re , empêche auffi la réunion des portions
de ' la dette ; le furvivant doit féparé-
ment & diverfement la portion dont il eu
tenu de la dette de fon chef, & celle dont
il efî tenu comme héritier bénéficiaire des
prédécédés , puifqu'il eft tenu de l'une fur
les propres biens , & qu'il n'efl tenu des
autres que fur les biens des fuccefÏÏons
bénéficiaires des prédécédés : or étant te-
nu féparément ôç diverfement de ces diffé-
P a II T. II, C H A P. I V. 389
fentes portions de la dette , c'en1 une con-
icquence naturelle qu'il a droit de les
acquitter (Séparément ; c'eft l'avis de Du-
moulin , p. 2. n. 2.2.
319. La réunion des portions des
héritiers du créancier en une feule per-
fonne tait cefTer la faculté de payer par
portions , de quelque manière que cette
réunion fe fafle , non-feulement lorfque
l'un de ces héritiers eu devenu héritier
de tous les autres , mais aufîi lorfqu'il a
acquis par ceiïion les droits de tous les
autres.
Quid s'il n'y avoiî point . de ceiîîon %
l'un des héritiers qui auroit feulement la
procuration de tous les autres cohéritiers
pour exiger la dette ? ou même un tiers
qui auroit cette procuration de tous, pour-
roit-ii refufer le payement d'une portion ?
Il femble qu'il ne le peut , car il n'y a point
en ce cas de réunion; il y a effectivement
plufieurs perfonnes à qui la dette erl due,
pour la portion de chacune d'elles , 6c par
conféquent il femble qu'elle peut fe payer
par portions : nonobftant cette raifon ,
Dumoulin, p. 2. n. 25. décide que ce
procureur de tous les héritiers peut refu-
fer de recevoirlepayementdeladettepar
portions ; la raifon eu , que de même que
lorfque la dette fe divife entre leshéritiers
du débiteur , cette divifion fe fait , pour
R iij
39^ Tr. des ObliG/
l'intérêt de ces héritiers , afin qu'ils ne
foient tenirs chacun de la dette , que pour
leur portion héréditaire , & qu'ils puiffent
s'en libérer en payant cette portion ; de
même lorfque la dette fe divife entre les
héritiers du créancier , la divifion ne fe
fait en ce cas qu'en faveur &£ pour l'inté-
rêt des héritiers du créancier 9 afin que
chacun d'eux n'ait pas befoin d'attendre
fes cohéritiers , pour exiger Se recevoir
fa portion ; ces cohéritiers du créancier
peuvent donc ne pas ufer du droit qu'o-
père cette divifion de la dette , qui n'efr,
qu'en leur faveur, fuivant cette maxime
cle droit que unicuiqut libtrum eji juri in
favorem fuum introducio rcnuntlare ; & par
conféquent celui qui a la procuration de
tous les héritiers peut refufer de rece-
voir la dette par portions.
3 20. Tout ce que nous avons dit jus-
qu'à préfent a lieu , Iorfque les portions
de pluiieurs héritiers d'un feul créancier
ou d'un feul débiteur fe réunifient en une
même perfoae ; il faut décider autrement
lorfqu'ime dette a d'abord été contractée
envers deux créanciers ou par deux dé-
biteurs , fans folidité &£ pour chacun leur
portion ; -en ce cas , il y a deux dettes
yraiment diftinctes & féparées , & elles
ne cefTent pas de l'être , quoique l'un des
deux créanciers ou l'un des deux débiteurs
P ART. II. CHAP. IV. 391
ait fuccédé à l'autre ; c'eft pourquoi le
payement continue de pouvoir s'en faire
léparément , Molin. ibid. n. 29.
§■ vi.
Différence entre la dette de plufieurs corps
certains , & celle de plufieurs chofis in dé-
terminées , touchant la manière dont elles
Je divijent.
321. Lorfque la dette efl de plufieurs
corps certains &: déterminés , put à d'un
tel arpent de terre , &C d'un tel autre ar-
pent, & que la dette vient à fe divifer
putà par la mort du créancier qui a laifTé
deux héritiers ; la divifion fe fait in partes
fingularum rerum ; le débiteur ne doit pas
l'un des deuxarpens à l'un des héritiers,
6v l'autre arpent à l'autre héritier ; mais
il doit à chacun des héritiers, la moitié
dans l'un & dans l'autre arpent , fauf à ces
héritiers à les partager entr'eux.
Il en eft autrement lorfque la dette efr.
de deux chofes indéterminées : putà fi
dans l'efpece propofée un débiteur eût dû,
non pas un tel arpent , mais deux arpens
indéterminément ; en ce cas , il devroit
à chacun des héritiers du créancier un
arpent , & non pas la moitié de deux ar-
pens y la divifion ne fe fait pas in partes
R iv
393 TR- des Oblig.
Jinguldrum rerum 9 mais numeralemenr 0
numéro dividitur abUgatio. C'eft la décifion
des loix ^ 4. jf.de verb. obi. L 29. jf. defolut.
Art 1 c le III.
De la nature & des efets des Obligations
individuelles*
§. 1.
Principes généraux fur la nature des
Obligations individuelles.
322. L'obligation individuelle , étant
l'obligation d'une chofe ou d'un fait qui
n'eil pas fufceptible de parties ni réelles
ni intellectuelles ; c'efl une conféquence
néceffaire que lorfque deux ou plufieurs
perfonnes ont contracté une dette de cette
efpece ? quoiqu'elles ne Payent pas con-
tractée folidairement , & tanquam correi
debtndi; néanmoins chacun des obligés eft
débiteur du total de la chofe ou du fait
qui fait l'objet de l'obligation ; car il ne
peut pas en être débiteur pour une part feu-
lement, puifqu'on fuppofe que cette chofe
ou ce fait n'efc pas fufceptible de parties.
Par la môme raifon , lorfque la perfon-
ne qui a contracté une pareille dette , a
laiffé plufieurs héritiers , chacun des hé-
P a R t. IL C H A ?. ï V. 393
ritiers eft débiteur du total de la choie ,
ne pouvant pas être débiteur pour partie
de ce qui n'en eft pas ilifceptible , ea quœ
in partes div'idi nonpofjunt ,fo/ida àjingulis
htrcdibus dcbtniur , /. 1 92. ff\ de Reg. jur.
Pareillement, lorfque le créancier d'u-
ne pareille dette a laifle plufieurs héritiers,
la choie eft due pour le total à chacun des
héritiers, ne pouvant pas l'être pour par-
tie , puisqu'elle n'en eft pas ilifceptible.
3 2 3 . En cela Pindiviiîbilité d'obligation
convient avec la folidité ; mais elle en
diffère principalement , en ce que dans
l'indivifibilité d'obligation, ce qui fait que
chacun des débiteurs eft débiteur du to-
tal , venant de la qualité de la chofe due
qui n'eft pas fufceptible de parties , cette
îndivifibilité eft une qualité réelle de l'o-
bligation, quipaffe avec cette qualité aux
héritiers , & qui fait que chacun des héri-
tiers du débiteur , eft débiteur pour le
total ; au contraire la folidité venant du
fait des perfonnes qui fe font obligées cha-
cune pour le total ; cette folidité eft une
qualité perfonnelie , qui n'empêche pas
que cette obligation folidaire ne fe divife
entre les héritiers de chacun des débiteurs
folidaires , qui l'ont contractée , &: entre
les héritiers du créancier envers aui elle
a été contractée ; c'eft ce qu'explique par-
faitement Dumoulin avec fon énergie or-
P. v
394 Tr. des Oblig.
d inaire; in concis credendiveldebendiqua*
litas dijiributiva feu multiplicativa folidi >
perfonalis efl , & non tranjit in heredes nec
ad heredes , inter quos active vel paffive di-
yiditur ; fed qualitas folidi in individuis
realis efh , quia non perfonis ut illa correo-
rum , fed obligationi ipjî & rei débitez adheret,
& tranfit ad heredes , & in Jingulorum he-
redum heredes fîngulos in folidum , p. z,
n. 2.22.
3 24. De-là naît une autre différence ,
entre l'indivifibilité, &c lafolidité ; celle-
ci ne procédant pas de la qualité de la
chofe due , mais du fait perfonnel des co-
débiteurs qui ont contracté chacun , toute
l'obligation ; non-feulement ils font débi-
teurs de la chofe pour le total , mais ils
en font débiteurs totaliter; quoique l'obli-
gation primitive qu'ils ont contractée foli-
dairement , vienne à fe convertir par fon
inexécution en une obligation fecondai-
re , ils font tenus folidairement de cette
obligation fecondaire , comme ils l'étoient
de la primitive. Par exemple , fi deux En-
trepreneurs fe font obligés envers moi fo-
lidairement , à me conitruire une maifon
dans un certain temps ; en cas d'inexécu-
tion de cette obligation primitive , ils fe-
ront tenus chacun folidairement, de l'o-
bligation des dommages &: intérêts , en
laquelle l'obligation primitive s'eft con-
vertie.
Part. ïï. Chap. IV. 395
Au contraire , lorfque l'obligation n'eft
pas folidaire , mais indivisible ; comme
lorique pluheurs perfonnes (e font obli-
gées fans folidité à quelque choie d'indi-
viiible ; en ce cas l'indivisibilité ne procé-
dant que de la qualité de la choie due
qui nVft pas fufceptible de parties, les
débiteurs d'une telle obligation font à
la vérité chacun débiteurs du total , ne
pouvant pas être débiteurs de parties d'u-
ne chofe qui n'eft pas fufceptible de par-
ties , (ingulifolidum debent; mais ne s'é-
tant pas obligés folidairement , non debtnt
totaliur ; aliud eji , dit Dumoulin, p. 3.
n. 112. qutm uneri ad totum aliud totali-
ur ; n'étant débiteurs pour le total , qu'à
caufe de la qualité de la chofe due , qui
n'eft pas fufceptible de parties , fi l'obliga-
tion primitive vient à fe convertir en l'obli-
gation fecondaire d'une chofe divifible ,
ces débiteurs n'en feront tenus chacun que
pour leur part. Par exemple , fi deux En-
trepreneurs fe font fans folidité obligés
envers moi à me conftruire une maifon ;
quoiqu'ils foient tenus chacun pour le to-
tal de l'obligation primitive , parce qu'elle
a pour objet un fait qui n'eft pas fufcep-
tible de parties ; néanmoins en cas d'ine-
xécution de cette obligation , ils ne feront
tenus chacun que pour leur portion , de
l'obligation fecondaire des dommages 8c
R vj
396 Tr. des Oblig.
intérêts , en laquelle l'obligation primitive
s'en1 convertie , parce que ces dommages
&: intérêts confirment dans un j fomme d'ar-
gent qui eft diviiible : il refaite de-là que
longe aliud efl plures teneri ad idem in foli*
dum , & aliud obligationem ejje individuam^
c'eft encore une clef de Dumoulin, ibid.
Il faut dire la même choie à l'égard de
plufieurs créanciers , ou de plufieurs hé-
ritiers d'un créancier d'une chofe indivi-
sible ; ils font créanciers du total Jingulis
folidum dcbaur ? mais ils ne le font pas
totaliter comme le font des cocréanciers
Solidaires qu'on appelle correi credendi ;
$C aliud efl pluribus deberi idem in folidum ,
aliud obligationem effe individuam. Tout
ceci va s'éclaircir in decurfu dans les para-
graphes fui vans.
3ZJ. De ce principe ap? aliud ejl debere
totum ? aliud efl debere totaliter ; il fuit
qu'une obligation indivifible ne laiffe pas
de pouvoir fouifrir retranchement. Par
exemple , fi mon parent par fon teftament
jn'a grevé envers Pierre d'un legs d'un
droit de fervirude fur mon héritage , qu'il
ne relie dansfafucceiTion,toutes charges
acquittées , que la fomme de deux cens
livres , & que ce droit de fervitude foit
de valeur de trois cens livres ; quoique ce
legs & l'obligation qui en réfulte foient
indi viables 3 le droit de fervitude qui en
P A R T. 1 1. C H A P. I V. 397
fait l'objet étant indiviiible ; néanmoins
comme je ne fuis pas tenu de cette obli-
gation totaliur, mais feulement jufqu'à
concurrence des deux cens livres , qui
relient de net dans la fuccefîion ; ce legS;
& cette obligation , quoiqu'indivifibles ,
foufiriront retranchement , non pas à la
vérité par rapport à la chofe même qui
erï léguée , & qui n'cfl pas fufceptible de
parties , mais par rapport à fa valeur ;
c'efl pourquoi je devrai au légataire un
droit entier de fervitude , mais à la charge
qu'il ne pourra l'exiger qu'en me faifant
raifon de la fomme qu'il vaut de plus ,
que celle de deux cens livres , jufqu'à
concurrence de laquelle feulement je fuis
tenu du legs. Arg. L 76. ffi de leg. 20.
S- 1 1.
De F effet de tindivijlbiliu de V Obligation.
in dando aut in faciendo , par rapport
aux héritiers du créancier,
326. Lorfque l'obligation eft indivifî-
ble , chaque héritier du créancier étant
créancier de toute la chofe , il en réfulte
que chacun des héritiers, peut donner ht
demande pour toute la chofe contre le
débiteur.
Par exemple y fi quelqu'un s'eft engagé
398 Tr. des Oblig.
envers moi de me faire conilituer pour
l'utilité de mon héritage , un droit de
paffage fur le fien , ou fur quel qu'autre
héritage voifin , ce droit étant indivifible ,
chacun de mes héritiers pourra donner la
demande pour le total contre le débiteur,
/. 2. §. 2. ff, de verb. oblig.
Pareillement , fi quelqu'un s'eft engagé
envers moi à me faire un tableau , ou à
me bâtir une maifon , chacun de mes héri-
tiers peut lui demander qu'il lui fafTe le
tableau en entier , ou qu'il bâtiffe toute
la maifon.
Mais comme chacun de mes héritiers ,
quoique créancier de toute la chofe , n'en
efl pas néanmoins créancier totu/iter , fi
fur la demande de toute la choie que l'un
de mes héritiers aura donnée contre le dé-
biteur , ce débiteur faute d'exécuter fon
obligation , eu. condamné en des domma-
ges & intérêts , il ne pourra l'être envers
cet héritier ? que pour la part dont il eft
héritier ; car quoique créancier de toute
la chofe , il n'en efl néanmoins créan-
cier que comme mon héritier pour partie;
s'il a droit de demander toute la chofe ,
c'eft que la chofe ne peut être demandée
pour partie , n'en étant pas fufceptible ;
mais l'obligation de cette chofe indivifi-
ble, fe convertiffant par l'inexécution , en
une obligation de dommages 6c intérêts
Part. IL Chap.IV. 399
laquelle eu diviiible , mon héritier pour
partie ne peut prétendre dans lefdits dom-
mages & intérêts , que la part pour la-
quelle il eu. héritier, /. 10. §. 9. rT. fam.
ercifc.
En cela les héritiers du créancier d'une
dette indivisible , font différens des créan-
ciers Solidaires qu'on appelle cartel cre-
dendi; chacun de ceux-ci étant créancier
non-feulement de toute la chofe due , mais
l'étant totaliur\ fi fur la demande du créan-
cier , le débiteur ne remplit pas fon obli-
gation , il doit être condamné envers lui
en total , aux dommages & intérêts.
327. De ce que l'héritier pour partie
d'une dette indivifible , quoique créancier
de toute la chofe , ne l'eft pas néanmoins
totaliur ; il s'enfuit aufîl qu'il ne peut pas
faire remife en entier de la dette , comme
le pourroit un créancier folidaire , /. 13.
§. 1 2. ff. de accept.
C'eft pourquoi û le créancier d'une
dette indivifible a laiffé deux héritiers 9
&: que l'un d'eux a fait remife au débi-
teur de la dette en ce qui le concerne , le
débiteur ne fera pas libéré envers l'autre.
Néanmoins cette remife aura effet ; l'au-
tre héritier pourra à la vérité deman-
der au débiteur la chofe entière, mais il
ne le pourra, qu'en offrant de lui faire rai-
ion de la moitié de l'eftimation de cette.
400 T R. DES O B L I G.
chofe; car la chofe due , quoiqu'indivi-
iible en foi , a néanmoins une eftimation,
laquelle eft divifible , 6c à laquelle on
peut en ce cas avoir recours ; c'eft une
modification que reçoit en ce cas l'indivi-
fibilité de la dette.
Il ne fuffiroit pas au débiteur d'ofFrir
à celui qui n'a pas remis fon droit , la moi-
tié du prix de la choie due : car cet héri-
tier eft créancier de la chofe même , &C
fon cohéritier en faifant remife de ion
droit , n'a pu préjudicier à celui de cet
héritier : c'eft ce qu'enfeigne Dumoulin ,
Tr. de div. & ind.p. 3. n. 189. ftipulator
fervitutis reliquit duos keredes quorum unus
accepto fecit promijjori, . . . débet alteri he-
redum totam fervitutem fed non totaliter y
utpote deducendâ œfîimatione dimidice, par-
tis fed cujus ejl eleciio ? breviter dico
créditons , yidelicet alterius heredis y quia co~
hères ttiam vendendo & pretium recipiendo
nocere non potuit > nifi in refujione pretii y
Ji hic hères noluit jusfuum vender'e ; igitur
gratis remit te ndo non potejl in plus nocere*
318. La même chofe doit avoir lieu >
lorîque le débiteur eft devenu héritier
pour moitié du créancier ; l'autre lui de-
mandera la chofe entière , en offrant de
lui faire raifon de la moitié de l'eftimation»
329. Tout ce que nous avons dit de
pluueurs héritiers du créancier d'une dette
Part. II. C H a p. I V. 401
indivifible, reçoit application à l'égard de
plulicurs créanciers nonfolidaires,envers
qui une pareille dette auroit été contractée.
$. m.
De F effet des Obigations indivifibles în
dando aut in faciendo , par rapport aux
héritiers du débiteur,
330. Lorfque la dette eft indivifible,
chacun des héritiers du débiteur étant dé-
biteur de la chofe entière , il en réfuîte
qu'on peut donner la demande contre cha-
cun des héritiers , pour la chofe entière ;
mais comme il n'en eft pas débiteur tota-
litér , qu'il ne l'eft que comme héritier
en partie du débiteur , &£ conjointement
avec fes cohéritiers , il fuit de-là qu'étant
afïigné , il peut demander un délai pour
appeller ck mettre en caufe fes cohéri-
tiers , &c qu'il ne doit être condamné
feul , que faute par lui de les avoir appel-
lés en caufe. Dumoulin fonde cette cléci-
fion fur la loi 1 1 . §. 23 ,ff\ de kg. 3 °. Si in
opère civitatis faciendo reliciumjit , unum
quemque hetedem infolidum teneri D. Mar-
ais & Férus Proculœ referipferunt ; tempus
tamen echeredi ProcuLe , quem Procula vo-
cari dejideravit , utfecum curaret opusfieri \
prxjîiterunt , intrà quod mittat ad opusfa-
ciendum , pojiquamfolam Proculam voluc*
402 Tr. des Oblig.
runt facere , imputaturamfumptum coheredi.
Dumoulin,/?, j. n. 90. & 104. & p. 2.
71. 469. & feq.
En cela ces cohéritiers font différens
des coobligés folidairement , qu'on appel-
le 9 Corrà dzbcndi , lefquels doivent cha-
cun totam rem & totaliur , &C ne font, pas
reçus par conféquent (fice n'eit par grâce
qui à la vérité s'accorde toujours ) à de-
mander délai pour mettre leurs coobligés
en caufe, mais font obligés de payer aufîi-
tôt qu'ils font interpellés , &: ne peuvent
demander autre chofe au créancier , que
la cefôon de fes a&ions contre leurs coo-
bligés lorfqu'ils l'auront payé. Dumoulin
établit cette différence , p. 3. n. 107.
3 3 1. Il y a plus : lorfque l'héritier qui
efl afîigné par le créancier cl une dette
indivifible , n'eil héritier que pour une
petite partie , & qu'il y a un héritier pour
une plus grande partie ; putà fi dans les
Coutumes d'Anjou, deTouraineôc autres
femblabîesJe créancier afïignoit un puîné
qui n'eft héritier que pour une petite par-
tie , l'aîné noble étant héritier principal ;
en ce cas l'héritier afîigné non- feulement
peut demander délai pour afTigner fes co-
héritiers, mais il peut demander que ce
foit le créancier lui-même , qui appelle
en caufe ce principal héritier , aux offres
que le puîné fera de contribuer à ce qui
eft demandé. Molin. ibid% n, 105.
Part. II. Chàp. IV. 403
332. Aufiirplus , fur l'effet de l'obliga-
tion indivisible in dando vel in facundo ,
par rapport aux héritiers du débiteur , il
faut diftinguer avec Dumoulin trois cas ;
ou cette dette efl de nature à ne pouvoir
être acquittée que par le feul des héri-
tiers du débiteur qui eft afîigné , ou elle
eft. de nature à pouvoir être acquittée fc-
parément , foit par celui qui eft. afîigné ,
foit par chacun de fes cohéritiers , ou elle
elr. de nature à ne pouvoir être acquittée
que par tous conjointement.
On peut apporter pour exemple du
premier cas , la dette d'une fervitude de
vue ou de pafïage que le défunt a promis
d'impofer fur un de fes héritages , qui
eft tombé par le partage à Fun de fes hé-
ritiers; il n'y a que cet héritier à qui cet
héritage efl tombé par le partage , qui
puifie acquitter cette dette , parce qu'une
fervitude ne peut être impofée que par
le propriétaire de l'héritage ; en ce cas il
fera feul condamné à la preftation du droit
de fervitude , & il pourra être contraint à
l'impofer par une fentence qui ordonnera
que faute par lui de l'impofer, la fentence
vaudra pour titre de constitution de la fer-
vitude. Molin. p. 3. n. 100. fauf à lui fon
recours ou indemnité contre (es cohéri-
tiers , s'il n'a pas été chargé par le parta-
ge de l'acquittement de cette dette.
404 T R. DES O B L I G.
333. On peut apporter pour pre-
mier exemple du fécond cas , la dette
d'une pareille fervitude que le défunt fe
feroit engagé de faire avoir à quelqu'un
fur l'héritage d'un tiers ; la chofe qui fait
l'objet de cette obligation eft une chofe
indivifible , &; qui de fa nature peut être
acquittée féparément par chacun des hé-
ritiers du débiteur ; car c'eft une chofe
poffible à chacun d'eux , au moins naturd
de s'accommoder avec le propriétaire de
l'héritage , fur lequel le défunt a promis
àfon créancier de lui faire avoir un droit
de fervitude : le créancier pourra donc
demander ce droit de fervitude pour le
total à chacun des héritiers du débiteur,
puifque ce droit étant indivifible , chacun
d'eux eil tenu de lavette pour le total; mais
comme cet héritier, quoique débiteur de
cedroit de fervitude pour le total, n'en eft
pas néanmoins tenu totaliter, &c qu'il en
eft tenu conjointement avec fes cohéri-
tiers , il peut demanderdélai pour les met-
tre en caufe , poiïr que lui & les héritiers
conjointement , faffent avoir au créancier
le droit de fervitude qui lui eft dû ; ou
que faute de le lui faire avoir , ils foient
tous condamnés aux dommages & inté-
rêts du créancier ; y étant tous condam-
nés , ils n'en feront tenus que pour leurs
parts , parce que cette obligation de dom-
mages & intérêts eft divifible.
Part II. Ghap. IV. 405
Que s'il néglige d'appeller (es cohéri-
tiers , &: qu il demeure feul en caufe , il
fera condamné feul à faire avoir au de-
mandeur le droit de fervitude qui lui a
été promis par le défunt ; &. à faute de
ce , il fera condamné feul aux dommages
oc intérêts , fauf fon recours contre fes
cohéritiers , Molin.p.z.n. 175. car ayant
négligé de les appeller en caufe , il doit
feul fubir la condamnation ; il efltenuen
ce cas quafi ex faclo proprio pour s'être
chargé feul de la caufe , & non tantum
quafi hères.
Obfervez que cette condamnation de
dommages & intérêts doit avoir lieu ,
quand même les héritiers de celui qui a
promis cette fervitude , feroient prêts de
l'acheter du propriétaire de l'héritage, fur
lequel le défunt a promis de la faire im-
pofer , & que ce propriétaire ne voudroit
pas 9 à quelque prix que ce fût , l'accor-
der ; car comme nous l'avons déjà vuail-
leurs , il fuffit que ce qui a été promis foit
en foi pofïïble , quoiqu'il ne foit pas au
pouvoir du défunt qui l'a promis ck de fes
héritiers , pour que l'obligation foit va-
lable , & donne lieu par fon inéxecution
à des dommages &C intérêts ; celui qui a
contracté l'obligation , doit s'imputer de
s'être fait fort de ce tiers témérairement,
Un fécond exemple, eil l'obligation
406 T r. des Oblig.
que j'aurois contractée envers quelqu'un
de lui faire bâtir un certain édifice fur fon
terrein; cette obligation eft indivisible;
le créancier peut conclure contre chacun
de mes héritiers , à ce qu'il foit condam-
né à faire l'édifice entier ; mais comme
chacun de mes héritiers , quoique débi-
teur de toute la conflruclion de l'édifice ,
n'en eft. pas néanmoins débiteur folidai-
re , il a droit de requérir que fes cohéri-
tiers foient mis en caufe , & étant tous en
caufe , faute par eux de remplir l'obliga-
tion , ils feront condamnés aux dommages
ôc intérêts , chacun feulement pour fa
part héréditaire.
Au refte, ceux qui étoient prêts d'y
concourir ne feront pas moins condam-
nés , que ceux qui refuferoient de le
faire , îauf leurs recours entr'eux , parce
que chacun d'eux eft obligé à conflruire
l'édifice entier , &: que c'efl une chofe
que chacun d'eux peut féparément faire.
Que fi l'un de mes héritiers afîigné
pour la conftru&ion entière de l'édifice ,
ne faifoit pas mettre en caufe (es cohéri-
tiers , il pourroit être condamné feul aux
dommages &. intérêts pour le total en cas
d'inexécution de l'obligation ; c'efl fa fau-
te de n'avoir pas mis en caufe fes cohéri-
tiers.
334. Il refle à parler du troifieme cas
Part. II. Chap. IV. 407
auquel la dette indivisible ne peut être
acquittée que conjointement par tous les
obligés. On peut apporter pour exem-
ple le cas auquel quelqu'un , par une
tranfa&ion , s'en1 obligé envers vous
de vous confirmer fur fon héritage
un droit de paffage pour aller au vôtre ,
par l'endroit de fon héritage qu'il vous
indiqueroit; ficet homme avant d'avoir
accompli cette obligation ert mort , &ca.
laiflé plufieurs héritiers , entre lefquels
cet héritage eft commun, l'obligation d'im-
pofer le droit de pafiage , à laquelle ils
îucccdent , efl une obligation indivifible ,
qui ne peut s'acquitter que conjointement
par tous lefdits héritiers , un droit defer-
vitude ne pouvant être impofé fur un
héritage , que par tous ceux qui en font
les propriétaires. L. 2.ff. dz ferv* L. 18.
ff, tomrn. Prxd.
Dans le cas de cette elpece d'obliga-
tion , fi l'un des héritiers déclare qu'il
eft prêt , autant qu'il efî en lui , d'accom-
plir l'obligation, & qu'il ne tienne qu'à
l'autre héritier qu'elle foit accomplie ; il
n'y a que celui qui refufe qui doit être
condamné aux dommages & intérêts re-
fultans de l'inexécution ; car celui qui
offre n'efr. pas en demeure , Molin. ibid.
Que s'il y avoit eu une peine ftipiûee,
408 Tr. des Oblig.
en cas d'inexécution de l'obligation , le
coobligé ou le cohéritier qui n'avoitpas
été en demeure ne laifTeroit pas d'être fu-
jet pour fa part à la peine , par la demeu-
re de l'autre ; non immédiate ? fed ejus oc-
cajîone , & tanquam ex conditionis eventu ,
de même que dans les obligations divifi-
bles , fauf fon recours contre fon coo-
bligé.
335. Obfervez que la loi 25. §. 10.
ffl fam. erc. ne contient rien de con-
traire à toutes les diftinftions que nous
avons faites jufqu'à préfent ; car , com-
me le remarque Dumoulin , /?. 3. n. 99.
ce texte ne fuppofe pas que l'héritier pour
partie du débiteur d'une chofe indivifible
îbit toujours & indiftin&ement tenu d'en
payer Teflimation pour le total , en cas
d'inexécution ; mais il décide feulement
que dans le cas auquel il en feroit tenu
putà , lorfqu'il s'eft laifTë condamner fans
appeller fes cohéritiers qui en étoient
tenus comme lui , il a contre eux Paclion
familiœ ercifcundœ ? pour s'en faire faire
raifon au partage.
§. V I.
De l'effet des Obligations indivijibles
in non faciendo.
336, Lorfque quelqu'un s'efl obligé
envers
P A R T. I î. C H A P. I V. 409
envers un autre à ne pas faire quelque
choie , ii ce qu'il s'eft obligé à ne pas
faire eit quelque chofe d'indivifible;/>#rrf,
s'il s'eit obligé envers fon voifin à ne le
point empêcher de parler par fes héri-
tages , la contravention faite par un feul
de fes héritiers donne ouverture à l'ac-
tion du créancier contre tous les héri-
tiers, pour qu'il leur foitfait des défenfes,
& qu'ils foient condamnés en fes dom-
mages & intérêts , avec cette différen-
ce que celui qui a fait la contravention
y doit être condamné pour le total , quia
non tenetur tantum tanquam heres^fed tan-
quam ipfe & ex facîo proprio ; &c que les au-
tres héritiers doivent être condamnés feu-
lement pour la part pour laquelle ils font
héritiers , (k fauf leur recours contre
celui qui a fait la contravention , pour
qu'il foit tenu à payer à leur décharge, ou
à les indemniser s'ils ont été contraints
de payer; ils ne font pas tenus folidaire-
ment comme celui qui a contrevenu ,
mais feulement pour leur part héréditaire,
quia tenentur tantùm ut heredes. C'eil en
ce fens que Dumoulin enfeigne qu'on
doit entendre la Loi 2. §. }.ff. deverb.
oblig. Si jiipulatus fuero perte non ficri 9 ne-
que per heredem tuum quominùs mihi ire
agere liceat , & unus ex pluribus heredibus
prohibuerit 9 tenentur & coheredes ejus ,fed
Tome /, S
4io Tr. des Oblig.
familics efcifcundte répètent ab eo quod
prœftiterint. Dumoulin , p. j. n. 168.&
Au refte , vis-à-vis du créancier ceux
qui n'ont point contrevenu font tenus
pour leur part de la contravention de
leur cohéritier , &c en cela les obligations
in non faciendo différent des obligations
in faciendo ; car lorfque l'obligation con-
fiée à faire quelque chofe d'indivifible ,
qui ne peut fe faire féparément par cha-
cun des deux héritiers du débiteur , mais
qui doit être fait par les deux enfem-
ble , & que l'un des deux fe préfente
pour le faire ? tandis que l'autre refufe de
concourir ; nous avons vu ci-defTus , n,
334. que fuivant le fentiment de Dumou-
lin , le créancier n'avoit point d'aclion
contre celui qui n'étoit point en de-
meure , mais feulement contre celui qui
avoit refufé.
La raifon de différence eft que c'eft
la demeure du débiteur qui donne lieu à
l'aôion dans les obligations in faciendo ;
d'où il fuit qu'elle ne peut avoir lieu
contre celui qui efl prêt, quantum infc
eft , à remplir l'obligation , & qui n'eft
point par conféquent en demeure ; au
contraire dans les obligations in non fa-
ciendo , c'efl le fait même dont le débi-
teur a promis que lui & fes héritiers s'ab-
Part. II. Chap. IV. 411
iHendroient , qui donne lieu à l'aftion
du créancier; c'eit pourquoi iliuffit que
l'un des héritiers du débiteur ait fait cela,
pour qu'il y ait lieu à Faction contre tous;
on doit fuppoferque telle a été l'inten-
tion des contra£tans , parce qu'autrement
celui envers qui le débiteur s'efr. obligé
de ne pas faire quelque chofe n'auroit pas
fes furetés , &: il arriveroit que ibuvent
lorfqu'on auroit fait ce qu'il a été ftipulé
qu'on ne feroit pas , il ne pourroit agir
contre perfonne , faute de fçavoir qui
Pauroit fait , n'étant pas fouvent facile ,
lorfqu'une chofe eft faite , de fçavoir par
qui elle a été faite ; au lieu que dans les
obligations qui confident à faire quelque
choie , on ne peut ignorer celui qui efl:
en demeure de le faire , par l'interpella-
tion qui lui eu. faite.
Dumoulin , p. i.n. 27. donne aux hé-
ritiers , qui n'ont pas contrevenu, l'ex-
ception de difcufîion par laquelle ils peu-
vent obliger le créancier à difcuter préa-
lablement à leurs rifques , celui qui a con-
trevenu.
Sij
412. Tr. des Oblig.
CHAPITRE V.
Des obligations pénales.
337.T 'Obligation pénale eft, comme
<L nous l'avons déjà vu , celle qui
naît de la claufe d'une convention , par
laquelle une perfonne , pour affurer l'exé-
cution d'un premier engagement, s'enga-
ge par forme de peine à quelque chofe ,
en cas d'inexécution de cet engagement :
par exemple , ii vous m'avez prêté un
cheval pour faire un voyage , que je me
fuis obligé de vous rendre fain & fauf ,
& de vous payer cinquante piftoles , fi je
ne vous le rendois pas fain & fauf ; cette
obligation que je contracte de vous payer
cinquante piftoles , au cas que je ne vous
"J-. fiïù le rende pas > eft une obligation pénale.
Pour traiter cette matière avec ordre ,
après avoir expofédans le premier article
les principes généraux fur la nature des
obligations pénales , nous verrons dans
le fécond quand il y a ouverture à la pei-
ne. Nous examinerons dans le troifieme ,
fi le débiteur peut , en s'acquittant pour
partie de fon obligation , éviter la peine
pour partie ; nous difeuterons dans le
Part. II. Chap. V. 413
quatrième , fi la peine efl encourue pour
le total & par tous les héritiers du débi-
teur , par la contravention de l'un d'eux ;
& dans le cinquième , fi la contravention
faite envers l'un des héritiers du créan-
cier , fait encourir la peine pour le total ,
£c envers tous lefdits héritiers.
Article Premier.
De la nature des obligations pénales*
Premier Principe.
338. L'obligation pénale étant par fa V ^
nature acceffoire à une obligation primi- *'~
tive ck principale , la nullité de celle-ci
entraîne celle de l'obligation pénale ; la
raifon eft qu'il eu de la nature des chofes
accefïbires de ne pouvoir fubfifte'r fans
la chofe principale ; quum caufa princi-
palis non confîjîit , ne ea quidem quœ Je-
quuntur locum obtinent , /,. 129. §. i. ffl
de reg./l.jur. D'ailleurs l'obligation pé-
nale étant l'obligation d'une peine ftipu-
lée en cas d'inexécution de l'obligation
primitive; fi l'obligation primitive n'eft pas
valable, l'obligation pénale ne peut avoir*
lieu , parce qu'il ne peut pas y avoir de
peine de l'inexécution d'une obligation ,
qui n'étant pas valable , n'a pu ni dû être
exécutée.
S iij
Ï414 Tr. des Oblig.4
La loi 69 ffl de verb. oblig. contient il»
exemple de notre décision : vous m'aviez
promis de me donner ou de me repré-
senter un certain efclave que vous igno-
riez être mort , &t de me payer une cer-
taine fomme par forme de peine , en cas
que vous manouafîiez ou de me le don-
ner ou de me le reprélenter. Ulpien dé-
cide que l'obligation de la peine n'eft
pas plus valable que l'obligation princi-
pale , qui étant l'obligation d'une chofé
impon*ible , ne peut pas valoir. Si homo
mortuus fijli non potejl , nec pœna rei im~
pofiibilis committetur , quemadmodum fi
quis S rie hum mortaum dare Jîipulatus , fi
datus non effet , pœnam Jlipulctur.
339. Ce principe que la nullité de l'o*
bligation primitive entraîne celle de l'o-
bligation pénale , reçoit exception dans
le cas d'une obligation à l'accomplifle-
ment de laquelle celui envers qui elle a
été contractée n'a aucun intérêt apprétia-
ble ; putà , cùm quis alteri flipulatus eji.
Nous avons vu ci-defTus , n. 54. que cet-
te obligation éîoit nulle ; néanmoins l'o-
bligation pénale , qui y eft ajoutée eft
•valable : alteri jîipulari nemo potejl
Plane fi quis velit hoc facere , pœnam Jli-
pulari conveniet 9 ut nifi ita factum ficut
cjl comprehenfum , committatur pœnœ fli*
pulatio etiam û cujus nihil interejl , &c%
Part IL Chap. V. 415
In pic. Tu. de inuc. ftip. §. 18. La raifon
eft , que l'obligation principale n'eft
nulle en ce cas que parce que le débi-
teur y peut impunément contrevenir ,
celui envers qui elle a été contractée
n'ayant en ce cas aucuns dommages & in-
térêts à prétendre en cas d'inexécution :
l'obligation pénale qui cft ajoutée purge
ce vice , en empêchant le débiteur d'y
pouvoir contrevenir impunément.
Pareillement quoiqu'on ne puifTe pas
promettre valablement le fait d'autrui ,
l'obligation pénale ajoutée à une conven-
tion par laquelle quelqu'un a promis le
fait d'un tiers , eft valable , parce que la
claufe pénale fait voir que celui qui a
promis n'avoit pas Amplement intention
de promettre le fait de ce tiers, mais de fe
faire fort de ce tiers ; & par conféquent
il a promis non de alio^fed defe, fuprà,
n. 56.
Frain en fon Recueil d'Arrêts du Par-
lement de Bretagne , en rapporte un du
12. Janvier 1621 , qui a jugé fuivant ce
principe. Le parent d'un Chanoine qui
avoit ofïenfé î'Evêque de Saint-Maîo ,
avoit promis à I'Evêque que le Chanoine
pendant quatre mois ne paroîtroit pas
dans la ville , &c s'étoit obligé à payer
en cas de contravention une fomme de
300 liv. Le cas étant arrivé, la conven-
S iv
'416 Tr. des Oblig.
tion fut jugée valable , 6c la peine en-
courue.
Sec on d Principe.
Vil fi? 34°* ^a nullité de l'obligation pénale
/ n'entraîne pas celle de l'obligation pri-
mitive. La raifon eft que PacceiToire ne
peut à la vérité fubfifter fans le princi-
pal , mais le principal ne dépend pas de
l'accefïbire , èc peut fubfifter fans lui ;
c'efl: ce qu.e décide la Loi 97. rT. de verb.
oblig. Jl jiipulatus fum le Jijli , nlji Jliteris
hyppocentaurum dari , perinde erit atquefi
te jijli (olummodo jiipulatus ejfem , &£ com-
me dit Paul en la loi 126. §. 3. d. Tit.
JDetraciâ prima Jlipulatione prior manet
Utilis.
Troisième Principe,
341. L'obligation pénale a pour fin
d'aflurer l'exécution de l'obligation prin-
cipale.
De-là on doit conclure que la vue des
contraclans n'a point été d'éteindre ni
de réfoudre par l'obligation pénale l'obli-
gation principale , ni de la fondre dans
l'obligation pénale, L. 122. §. 2. f. de
verb. oblig.
C'en1 pourquoi quoiqu'il y ait eu ou-
Par t. II. Chap.V. 417
▼erture à Fobligation pénale , par la de-
meure en laquelle a été le débiteur d'exé-
cuter l'obligation principale ; le créancier V^ ^
peut , au lieu de demander la peine ft.ipu--fii.li-
lée , pourfuivre l'exécution de l'obliga-
tion principale , L.zS.ff. deacl. empt. L*
122. §. 2. ff. de verb. oblig. & pajjim.
C'ert pourquoi Jorfqu'cn ftipulant une
certaine fomme en cas d'inexécution d'une
première obligation , l'intention des par-
ties a été que dans ce cas , auffi-tôt que
le débiteur auroit été mis en demeure de
fatisfaire à la première obligation ? il ne
fut plus dû autre chofe que la fomme con-
venue , une telle flipulation n'eft pas une
ftipulation pénale ; l'obligation qui en re-
faite n'eft pas une obligation pénale, mais
une obligation aufîi principale qu'étoit la
première , dont les parties ont eu inten-
tion de faire novation : c'eft de cette ef-
pece dont il eft. parlé en la loi 44. §. j£/7.
ff. de obL & acï.
Sur la queftion de fçavoir quand on
doit eftimer que les parties ont eu cette
intention de faire novation. Voyez ce qui
en eft. ait infrà ,/\ 3. ch. z.art. 4. §. 2.
Quatrième Principe.
342. Cette peine eflftipulée dans l'in-
tention de dédommager le créancier de
S v
4*8 Tr. des Oblig;
l'inexécution de l'obligation principale Jy
tft- elle efl par conféquent compenfatoire des
flU. ^- ^dommages & intérêts qu'ilfoufFre de l'ine-
xécution de l'obligation principale.
Il luit de- là qu'il doit en ce cas choifir
ou de pourfuivre l'exécution de l'obliga-
tion principale, ou la peine; qu'il doitfe
contenter de l'une ou de l'autre , &C qu'il
ne peut pas exiger les deux.
Néanmoins comme l'obligation pénale
ne peut donner aucune atteinte à l'obliga-
tion principale ; ii la peine que le créan-
cier a perçue pour l'inexécution de l'obli-
gation principale ne le dédommageoit pas
fuffifamment , il ne laifîeroit pas , quoi-
qu'il ait perçu cette peine, de pouvoir
demander les dommages & intérêts ré-
fultans de l'inexécution de l'obligation
principale , en imputant & tenant comp-
te fur lefdits dommages & intérêts , de la
peine qu'il a déjà perçue : c'elt la déci-
sion des loix z8. ffl de aci. empt.41. & 42.
ff. pro foclo.
Au refte le Juge ne doit pas être facile à
écouter le créancier qui prétend que la
peine qu'il a perçue , ne le dédommage
pas fuffefamment de l'inexécution de la
convention ; car les parties ayant par la
fixation de la peine , réglé & fixé elles-
mêmes les dommages & intérêts , qui ré-
iiilteroient de l'inexécution de la conven-
Part. II. Chap. V. 4,^
tion , le créancier en demandant de plus
gros dommages &£ intérêts , femble reve-
nir contre une eftimation qu'il a faite lui-
même , en quoi il ne paroît pas receva-
ble , à. moins qu'il n'eût la preuve à la
main , que le dommage par lui foufTert ,
excède la peine convenue , comme dans
cette elbece ; fi un marchand m'a prêté
la voiture , à la charge que je la lui ren-
drois un certain jour, auquel il en auroit
befoin pour mener les marchandifes à
une certaine foire , à peine de trente liv.
faute de la lui rendre au jour indiqué ;
ce marchand à qui j'ai promis de la ren-
dre peut ne le pas contenter de cette fom-
me de trente livres , s'il a la preuve à la
main qu'il a été obligé d'en louer une
pour cinquante livres , &: que le prix
commun des voitures , pour aller à cette
foire , étoit de la fomme de cinquante
livres , dans le temps auquel je de vois lui
rendre la fienne.
343. De même que la claufe pénale
n'ôte point à celui qui a ftipulé la peine,
l'a£honqui naît de l'engagement principal,
de même elle ne lui ôte point non plus
les exceptions &c fins de non-recevoir qui
en pourroient réfulter.
Par exemple, fi je fuis convenu avec
un mineur devenu majeur, qu'il ne re-
viendroit point contre la vente d'un lié-
Svj
410 Tr. des O b li g.
ritage qu'il m'a faite en minorité , &C que
j'aie fHpulé de lui par forme de peine
une certaine fomme , au cas qu'il contre-
vînt à la convention; s'il vient par la
fuite à m'anVner en entérinement de
lettres de refcifion contre cette aliénation,
la claufe pénale inférée dans notre traité ,
n'empêchera pas que je ne puifTe oppofer
contre fa demande la fin de non-recevoir,
qui réfulte de l'engagement principal qu'il
a contracté dans notre traité , de ne point
revenir contre cette aliénation. Mais com-
me celui qui a ftipulé la peine ne peut pas
percevoir & la peine , &£ ce qui efl ren-
fermé dans l'engagement principal , û
j'ufe de la fin de non-recevoir, & que je
le fafle déclarer non-recevable , je ne
pourrai plus exiger de lui la peine que j'ai
fHpulée; &C vice versa û j'ai exigé de lui
la peine, je ne pourrai pas ufer de la fin
de non-recevoir. G'eït. ce qui réfulte de
la loi 10. §. i. ff. de pact.
La décifion de cette loi n'a rien de
contraire à celle de la loi 122. §. 6. ffi
de verb. ob/ig. rapportée infrà en Fart, filt-
rant , n, 348. Lorfque j'ai eu convention
fous une certaine peine , avec vous de-
venu majeur, que vous ne reviendriez
pas contre la vente d'un héritage que
vous m'aviez faite en minorité ; l'objet
de cette convention efl de me procurer
Part. II. C ha p. V. 421'
ta libération d'une action refciibire que
vous aviez effectivement contre moi ;
c'eft pourquoi lorfquen vous oppofant la
fin de non-recevoir qui réfulte de cette
convention , &: en vous faifant en confé-
quence déclarer non-recevable dans votre
action , je me fuis procuré la libération de
cette action, je ne peux plus vous de- A
mander la peine , autrement j'aurais tout
à la fois & la chofe &: la peine , ce qui
ne peut pas être : telle eft l'efpece de la
loi 10. §. 1. ffl depact. que nous venons
de rapporter; celle de la loi 122. qui
nous eft oppofée , eft très-différente.
Après un partage qui eft par lui-même
valable , & non fujet à aucune action ref-
cifoire , dans la crainte d'effuyerun pro-
cès , quoique mal fondé , nous fommes
convenus fous une certaine peine de ne
pas revenir contre ; l'objet de cette con-
vention n'eft pas , comme dans l'efpece
précédente , de me procurer la libération
de quelque action refeifoire que vous euf-
fiez contre ce partage , puifque vous n'en
aviez aucune ; le feul objet de cette con-
vention , eft de ne pas effuyer un procès %
c'eft pourquoi û vous m'en avez fait un y
quoique j'aie obtenu le congé de votre
demande , il y aura lieu à la peine ; car
la feule chofe qui faifoit l'objet de notre
convention > étant de ne pas effuyer un
"412 Tr. des Oblig.
procès , quoique mal fondé , m'en ayant
fait efTuyer un , il eu vrai de dire que vous
m'avez privé de ce qui faifoit l'objet de
notre convention , d'où il fuit qu'il y a
lieu à la peine.
344. Notre règle, que le créancier ne
peut avoir tout à la fois le principal &
la peine , foufFre exception , non-feule-
ment lorfqu'il eft. dit exprefîement dans
la claufe pénale , que faute par le débi-
teur d'accomplir fon obligation dans un
certain temps , la peine fera encourue 5c
due , fans préjudice de l'obligation prin-
cipale , ce qui s'exprimoit par ces termes ,
rato manente paclo , L. 16. ff. de tranf.
mais même toutes les fois qui'] paroît que
la peine eft ftipulée pour réparation de ce
que le créancier doitfouffrir, non de l'ine-
xécution abfolue de l'obligation , mais du
/il«j- fimple retard dans l'exécution de l'obliga-
$%. tion ; car en ce cas le créancier, qui a
foufFert du retard , peut recevoir le prin-
cipal & la peine.
Cinquième Principe.
4*vC 345. La peine flipulée en cas d'inexé-
41AV cuti011 d'une obligation peut , lorfqu'elle
eu excefîive , être réduite & modérée
par le juge.
Ce principe efï tiré d'une décifion de
Pat. t. II. Chap. V. 413
Dumoulin en fon traitée eo quod interejl ,
n. 1^ & Jeq* il le fonde fur ce que la
nature de la peine eft de tenir lieu dès
dommages &£ intérêts qui pourroient être
prétendus par le créancier , en cas d'inexé-
cution de l'obligation; donc, dit-il, de
même que lorfque le créancier fait monter
à une fomme excefîive les dommages &C
intérêts qu'il prétend fouffrir de l'inexé-
cution de l'obligation , le juge doit la ré-
duire , & que la loi unique , cod. de fent.
qux pro eo quod interejl prof, ne permet
pas qu'elle excède le double de la va-
leur de la chofe qui a fait l'objet de l'obli-
gation primitive ; de même lorfque la
peine flipuiée au lieu de dommages &
intérêts eft excefîive , elle doit être rédui-
te ; car cette peine peut bien à la vérité
excéder la fomme à laquelle montent les
dommages & intérêts , & être même due
dans le cas auquel le créancier n'en fouf-
friroit aucuns , parce qu'elle eft ffipulée
pour éviter la dlfcufïion du fait , Û le
créancier a fouffert effectivement , & à
combien monte ce qu'il a fouffert; mais
tenant lieu des dommages & intérêts du
créancier ; il encontre fa nature , qu'elle
puiffe être portée au de-là des bornes que
la loi preferit aux dommages & intérêts :
û la loi ci-denus citée les reilreint , &c
ne permet pas qu'ils foient prétendus ultra
414 Tr. des Oblig.
duplum , même dans le cas auquel l'inexé-
cution du contrat auroit effectivement
caufé une plus grande perte au créancier
qui par ce moyen fe trouve verfarl in dam-
no ; à plus forte raifon on doit modérer
la peine excefîlve à laquelle le débiteur
s'eft témérairement fournis , lorfque le
créancier n'a pas fouffert de perte , ou
qu'il n'en a fouffert qu'une beaucoup au-
deffous de la peine ftipulée , & par con-
féquent dans le cas auquel certat de lucro
captando ; enfin Dumoulin fe fonde fur le
texte de ladite loi un. cod. de fent. pro eo
quod interejl , &c. qui dans la généralité
de fes termes paroît comprendre interejfe
conventionale aiifïi-bien que toute autre
efpece de dommages & intérêts.
Azon a été d'une opinion contraire à
celle de Dumoulin , &: il décide qu'une
peine conventionnelle ftipulée par forme
de dommages &c intérêts, n'eff fujette à
aucune modération ; on peut dire pour fon
fentiment qu'il y a une différence entre
l'intérêt conventionnel , & les dommages
& intérêts qui ne font pas réglés par le
contrat ; à l'égard de ceux-ci , il eu bien
vrai que le débiteur en contractant l'obli-
gation primitive, eft cenfé avoir contracté
l'obligation fecondaire des dommages &
intérêts qui réfulteroient de l'inexécution
de l'obligation primitive , mais il y a lieu
Par t. IL Chap. V. 425
de préfumer qu'il n'a pas entendit s'obli-
ger in immcnjum aux dommages & inté-
rêts , mais feulement intràjujium modum^
& jufqu'à concurrence de la fomme à la-
quelle il étoit vraifemblable qu'ils piuTent
monter ; mais on ne peut pas dire la même
choie de l'intérêt conventionnel,car ubi efl
eiidcns voluntas , non rdinquitur pr&fump*
tïoni locus ; quelqu'excefTive que foit la
fomme ftipulée par forme de peine , en
cas d'inexécution de la convention , le
débiteur ne peut difconvenir qu'il a en-
tendu s'y obliger , lorfque la claufe du
contrat efl: exprefle. Nonobfïant ces rai-
fons , la décifion de Dumoulin paroît plus
équitable ; lorfqu'un débiteur fe foumet à
une peine excefîive , en cas d'inexécution
de l'obligation primitive qu'il contracte ,
il y a lieu de préfumer que c'eft la faufTe
confiance qu'il a , qu'il ne manquera pas
à cette obligation primitive , qui le porte
à fe foumettre à une peine aufîi excefîive,
qu'il croit ne s'engager à rien en s'y fou-
mettant , &c qu'il efl dans la difpofition
de ne s'y pas foumettre , s'il croyoit que
le cas de cette peine pût arriver ; qu'ainfi
le confentement qu'il donne à l'obligation
d'une peine aufîi excefîive, étant un con-
fentement fondé (ur une erreur, & fur
une illufion qu'il fe fait , n'efï pas un con-
fentement valable ; c'eft pourquoi cespei-
%i6 Tr, des Oblig.
nés excefiïves doivent erre réduites à fô'
valeur vraisemblable à laquelle peuvent
monter au plus haut les dommages & in-
térêts du créancier refliltans de l'inexé-
cution de l'obligation primitive ; cette dé-
cifion doit avoir lieu dans les contrats
commutatifs , parce que l'équité qui doit
régner dans ces contrats ne permettant
pas que Tune des parties profite & s'en-
richifle aux dépens de l'autre , il feroit
contraire à cette équité que le créancier
s'enrichit au dépens du débiteur , en
exigeant de lui une peine trop exceffive
&tropmanifeftementau-denTus de ce qu'il
a fbuffert de l'inexécution de Fogîigation
primitive : la décision doit pareillement
avoir lieu dans les donations , cum nemini
Çua liber a l'un s debeat effè capùofa.
Le texte des inftituts mithredeînut. Stip.
§. 20. non plus que la loi 38. §. 17. ffl de
verb. oblig. ne décident rien contre la déci-
fion de Dumoulin ; car de ce qu'il y eft
dit , pœnam cum quis Jiipulatur 9 non inf-
picitur quod inttrfit ejus , fcd quœ fit quan-
titas in conditions (lipulationis , il s'enfuit
feulement que la peine peut être due ,
quoique celui qui l'a ilipulée ne foufFre
rien de l'inexécution de l'obligation pri-
mitive , ou fouffre moins ; mais il ne s'en-
fuit nullement que cette peine puifle être
immenfe , 6c n'avoir aucune proportion
Part. II. C h a p. V. 417
avec ce qui fait l'objet de l'obligation
primitive.,
A l'égard de la loi 56. de Evicî. qui
fuppofe qu'on peut Stipuler dans un con-
trat de vente , la restitution du triple ou
même du quadruple du prix en cas d'é-
viction, on y répond différemment. Noodt
prétend que les mots triplum aut quadru-
plum font un mauvais GloSTeme qui n'efl
pas du texte , &: qui en doit être retran-
ché. Dumoulin, ibid. n. 167. & feq. ré-
pond mieux , en difant qu'il n'eSt pas ques-
tion dans cette loi de ce qu'on peut va-
lablement Stipuler en cas d'éviction, Se
qu'ai nfi on ne doit pas en conclure qu'on
puiffe toujours & indistinctement dans
tous les contrats de vente Stipuler vala-
blement la restitution du triple ou du qua-
druple du prix en cas d'éviction ; qu'on
en doit feulement conclure que cette Sti-
pulation peut avoir lieu quelquefois dans
les contrats de vente ; & ces cas font
ceux dans lefquels une chofe a été vendue
non purement & fimplement , mais dans
les circonstances d'un rifque de fouffrir
par l'acheteur une groffe perte dans (es
autres biens , en cas d'éviction de la cho-
fe vendue , lequel rifque a été prévu , &
connu par les parties contractantes ; com-
me dans cette efpece ; je vends à un mar-
chand un peu avant le temps de la Foire
^428 Tr. des OblîG.
une loge avec déclaration par le contrat
que c'en1 pour y mettre fes marchandifes ;
le rifque que court l'acheteur en cas d'é-
viction dans le temps de la Foire de ne
plus trouver de loge dans la Foire à ache-
ter ni à louer, & par conféquent de ne pou-
voir débiter fes marchandifes, eft le rifque
d'un dommage prévu au temps du contrat
par les contractans , qui peut furpaffer de
beaucoup le prix de la loge , & auquel
le vendeur fe foumet ; c'en1 pourquoi dans
ce cas , les dommages & intérêts qui ne
feroient pas fixés parle contrat pourroient
être efrimés au-delà du double , du triple
& du quadruple du prix de la chofe ven-
due ; pareillement on peut dans le même
cas flipuler une peine au-delà du double
du prix de cette chofe , & la peine n'efl
pas en ce cas jugée excefiive, pour n'avoir
pas de proportion avec le prix de la chofe
vendue , pourvu qu'elle en ait avec le
dommage que l'acheteur a fouffert de
n'avoir pu débiter fes marchandifes , puif-
que c'eft pour tenir lieu de ce dommage ,
qu'elle a été ftipulée.
346. Il refte à obferver que fi la peine
qui tient lieu de dommages & intérêts
ordinaires , eft réductible lorfcu'elle eft.
excefîive , à plus forte raifon les peines
ftipulées en cas de défaut de payement
d'une fomme d'argent ou autre chofe qui
Part. II. Chap. V. 419
fe confomme par l'ufage doivent -elles
être réduites au taux légitime des intérêts
dont elles tiennent lieu , ou même entière-
ment rejettées, dans les cas auxquels il
n'efi: pas permis d'en ftipuler.
Article IL
Quand y a-t-il li;ii à V ouverture de
C Obligation pénale.
$■ 1.
Du cas auquel la claufe pénale a été ajoutez
à V obligation de ne pas faire quelque chofe»
347. Il eft évident en ce cas qu'il y a
ouverture à l'obligation pénale , &c que
la peine en1 due , aufîi-tôt que celui qui
s'étoit obligé fous cette p^ine à ne pas
faire quelque chofe , a fait ce qu'il s'étoit
obligé de ne pas faire.
348. Eft- il néceffaire que le fait qui
donne ouverture à l'obligation pénale ait
eu effet? Cela dépend de l'intention qu'ont
eu les parties.
Suppofons qu'en fin d'un a£te de parta-
ge ou de tranfaction que nous avons fait ,
nous nous fommes promis réciproque-
ment de ne pas revenir contre, fous peine
par le contrevenant de payer une ce*-
430 Tr, des Oblîg.
taine fomme à i'autre ; depuis vous avez"
donné demande contre moi pour faire
déclarer l'acte nul; cette demande , quoi-
qu'elle n'ait pas eu d'effet , &c que le con-
gé en ait été prononcé , donne ouver-
ture à la peine contre vous , arg. L. 122.
§. 6 ■ ff. dt verb. ohllg. La raifon eft qu'en
ftipuiant de vous, fous une certaine pei-
ne , que vous ne reviendriez pas contre
l'acte , ce que j'ai entendu n'étoit pas
précifément que vous ne porteriez aucu-
ne atteinte à cet acte , lequel étant vala-
ble par lui-même , n'en étoit pas fufcep-
tible , quand même je ne l'aurois pas fti-
pulé; ce que j'ai entendu flipuler de vous
étoit plutôt que vous ne me feriezpas de
procès : ilfufîitdonc que vous m'ayez fait
un procès , quoique vous y ayez fuc-
combé , pour qu'il y ait ouverture à la
peine ; on nç peut pas dire en ce cas que
dans cette efpece je me fais payer tout-à-
la fois de l'obligation principale & de la
peine , ce qui eft contraire au quatrième
principe que nous avons établi en Parti-
cle précédent ; car l'obligation principa-
le que vous avez contractée envers moi
de ne pas revenir contre l'acte , ck; à la-
quelle l'obligation pénale étoit attachée,
avoit pour objet que vous ne me feriez
pas de procès ; je n'ai pas été fatisfait ,
puifquevous m'en avez fait efîuyerun:
je peux donc exiger la peine*
Part. II. C H a p. V. 431
Au contraire , ii j'ai itipulé de vous
fous une certaine peine que vous ne loue-
riez pas votre mai ion voiiine de celle que
j'occupe, à aucun ouvrier le fervant de
marteau ; le bail que vous en auriez fait
à un ferrurier , s'il n'a pas été exécuté ,
ne donnera pas ouverture à la peine ;
car ce que je me fuis propofé en ftipulant
cela de vous , éto;t que vous nemecau-
feriez pas l'incommodité du bruit que
font ces ouvriers ; le bail n'ayant pas été
exécuté , ne m'a caufé aucune incom-
modité , il ne doit donc pas donner lieu
à la peine.
Par la même raifonPapinien décide en
la loi 6. ffl deferv. export, que lorfqu'un
efclave a été vendu à condition que l'a-
cheteur ne l'affranchiroit point , & fous
une certaine peine , s'il le faifoit , l'ade
nul d'aifranchifTement ne donne pas ou-
verture à la peine,
§. m.
Du cas auquel la'claufe pénale a et i ajou-
tée à l'obligation de donner ou défaire
quelque chofe.
349. En ce cas il y a ouverture à la
peine , lorfque le débiteur a été mis en
demeure de donner ou de faire ce qu'$
432* Tr. des Oblig.
a promis. Les Loix Romaines font une
diftinclion , fi la convention contient un
terme préfîxdans lequel le débiteur doit
donner ou faire ce qui a été convenu ,
ou fi elle n'en contient point : au premier
cas elles décident que la peine eft due de
plein droit , aulîi-tôt que le terme eft. ex-
piré , fans qu'il foit befoin qu'il ait été
fait aucune interpellation au débiteur , &c
qu'il ne pourroit pas en être déchargé ,
en offrant après l'expiration du terme, de
fatisfaire à l'obligation principale , 1.23,
ff. de obi. & a ci.
L'expiration du terme paroifîbit aux
Jurifconfultes Romains tellement fuffifan-
te pour donner ouverture à la peine fans
qu'il fût befoin de conflituer autrement
en demeure le débiteur , qu'elle y don-
noit ouverture , même dans le cas auquel
le débiteur feroit mort auparavant , fans
laiffer aucuns héritiers , & par conféquent
quoiqu'il ne fe trouvât perfonne qui pût
être conflitué en demeure ; c'eflladéci-
fion de la loi 77. ff. de verb. oblig.
Il y a plus ; la loi 113 / ff. de verb. oblig.
décide que lorfque l'obligation à laquelle
la claufe pénale a été ajoutée, confifte à
faire dans un certain terme quelque ou-
vrage dont la conftruc"tion exige un cer-
tain temps , la peine eft due même avant
l'expiration du terme , aufli-tôt qu'il de-
vient
P ARf. II. Chap. V. 433
vient certain que l'ouvrage ne peut être
fait dans le terme préfix ; de manière que
la prorogation du terme quiferoit depuis
accordée au débiteur ne le déchargeroit
pas de la peine encourue avant cette pro-
rogation.
Au fécond cas , lorfque l'obligation de
donner ou faire quelque chofe ne contient
aucune préfîxion de terme ? en ce cas la
loi 112. §. 2. décide qu'il n'y a ouver-
ture à la peine que par la litis-contefta-
tion fur la demande du créancier.
Selon nos ufages , foit que l'obligation V* /**'
primitive contienne un terme dans lequel
elle doive être accomplie , foit qu'elle
n'en contienne aucun , il faut ordinaire-
ment * une interpellation judiciaire pour
mettre le débiteur en demeure , ck pour
donner en conféquence ouverture à la
peine.
Il nous refte à obferver qu'il ne peut
y avoir lieu à la peine , lorfque c'eft par
le fait du créancier que le débiteur a été
empêché de s'acquitter de fon obligation,
L. 12 2. §. j. de verb. oblig.
J'ai dit ordinairement , car il y a des cas auxquels la
peine > aufïi-bicn que les dommages & intérêts peuvent
être encourus fans interpellation , fuprà n. 147.
Tome I, T
434 T &• P^s Oblig.
Article III.
5i /e débiteur peut en s* acquittant par par-
ties de fon obligation , éviter la peine
pour partie.
3 50. Un débiteur ne peut payer à fon
créancier malgré lui partie de ce qu'il lui
doit , tant que fon obligation , quoique
divifible , eÛ encore indivifée , fuivant
que nous le verrons infrà , p. 3. ch. 1.
»« y art. 3 . §. 2. c'efc pourquoi les offres qu'il
feroit à fon créancier de lui payer partie
de ce qu'il lui doit , ne peuvent lui évi-
'ter aucune partie de la peine ftipulée en.
^iiil\. cas d'inexécution , fi le créancier refufe
ce payement partiel.
Mais fi le créancier a volontairement
reçu partie de fa dette, y aura-t-illieu
à la peine pour le total , en cas de défaut
de payement de la partie qui refte à
payer ? Ulpien en la loi 9. §, 1. if. Si
qui s caution, in jud. décide qu'encore
' bien que félon la fubtilité du droit, il put
paroître que la peine doit en ce cas être
encourue pour le total , néanmoins il
eiî équitable qu'elle ne le foit que pour la
même part oui refle à acquitter de l'obli-
gation principale ; la vraie raifon de cet-
te déchion efî celle que donne Dumou-
Part. II. Chap. V. 435
Bh , ev que nous avons ci-deiïus rappor-
, fçavoir , que la peine étant ceniée
prômife pour le dédommagement de l'ine-
xécution de l'obligation principale , le
ancierne peut pas recevoir l'un & l'au-
tre; lors donc qu'il a été payé pour une
partie de l'obligation principale, il ne peut
plus recevoir la peine pour cette partie ;
autrement il recevroit l'un &: l'autre ; ce
qui ne fe doit pas ; c'eft la dixième clef
de Dumoulin dans fon Traité dedivid. &
lnd.lv. p% l.fi. 112. in omnibus jive indi-
viduis ,Ji\edivïduis peena non committitur^
721/2 pri parte contraventionis efficacis , nec
pote fi exigi cum principah ; fed creditor non
tenetur partem princ'ip ails , & partem pœna
a cci père.
Ceci s'éclaircira par un exemple : en
me vendant une métairie dénuée de bef-
tiaux nécefTaires pour la faire valoir, vous
vous êtes obligé de me fournir deux pai-
res de bœufs , à peine de cinq cens liv.
de dommages 6k intérêts , au cas que vous
manqua fiiez de me les fournir ; vous ne
pourrez, pas dans cette efpece m'obliger
à recevoir une paire de bœufs, n'étant
pas obligé de recevoir pour partie ce qui
m'ert du ; & conféquemment les offres
que vous me feriez d'une paire de bœufs,
fi je ne veux pas la recevoir , n'empêche-
ront pas que vous ne foyez tenu envers
Tij
436 Tr. des Oblig,
moi de la peine entière de cinq cents Kr.
mais fi j'ai volontairement reçu une des
paires de bœufs que vous me deviez ,
faute par vous de me fournir l'autre paire,
je ne pourrai vous demander que la moi-
tié de la peine ; car ayant reçu une partie
de ce qui faifoit l'objet de l'obligation
principale , je ne peux avoir la peine en-
tière , ne pouvant pas avoir l'un & l'au-
tre.
351. Notre principe que la peine n'eft
due qu'à proportion &: pour la part pour
laquelle l'obligation principale n'eft pas
exécutée, a également lieu, foit que vous
vous foyez engagé à une telle peine au cas
que vous feriez telle chofe , foit que vous
me l'ayez promife au cas qu'un tiers fe-
roit une telle chofe ; par exemple, fi vous
vous êtes fait fort, fous peine de me
payer cent écus , que Pierre ne reven-
diqueroit pas fur moi un certain héritage ,
la peine fera due feulement pour la moi-
tié , û Pierre ne le revendique que pour
moitié , à moins qu'il n'apparût d'une
intention contraire des parties. Molin.
ïbld. p. 3 . n. 5 3 1 .
352. Ces décifions ont fur -tout lieu à
l'égard des obligations de chofes divifi-
blés : il fembleroit qu'elles ne pourroient
recevoir d'application aux obligations de
chofes indivisibles ; néanmoins elles s'y
appliquent quelquefois*
Part. II. Chap. V. 437
i°. Quoique l'exercice d'une fervitude
prédiale foit quelque chofe d'indivifible ,
& qu'en conféquence l'obligation que
contracte le pofTefleur de l'héritage fer-
vant , de fouffrir l'exercice de la fervi-
tude , foit une obligation indivifible ;
néanmoins fi cette fervitude eft limitée à
une certaine fin , pour laquelle elle a été
constituée , laquelle fin fe termine à quel-
que chofe de divifible , la peine fe divi-
fera , fi cette ûa a été remplie pour par-
tie , & n'aura lieu que pour la partie
pour laquelle elle n'aura pas été rem-
plie ; ceci va s'éclaircir par un exemple.
J'ai un héritage qui a un droit de fer-
vitude fur le vôtre , lequel droit confilte
€n ce que les porTeffeurs de l'héritage fer-
vant font obligés , au temps des vendan-
ges , de fouffrir que mes gens tranf-
portent ma vendange par cet héri-
tage , à peine de cent écus en cas de
trouble fait à mon droit de fervi-
tude ; dans cette efpece , fi après avoir
laifle paffer la moitié de ma vendange ,
vous avez empêché le tranfport du fur-
plus , par votre héritage , vous n'avez
encouru la peine de cent écus que pour
moitié ; car quoique la fervitude de paf-
fage foit indivifible 9 &: que l'obligation
de fouffrir l'exercice de cette fervitude ,
foit l'obligation de quelque chofe d'indi-
T iij
43 ^ Tr. des O b li g.
vifible ; néanmoins comme cette fervî-
tude efl limitée à une fin , qui efi le trans-
port de ma vendange , & que ma ven-
dange eil quelque chofe de divifîble, on
ne peut difconvenir que j'ai joui en par-
tie de la fin pour laquelle la fervitude a
été impofée , & que vous m'en avez
fouifert jouir en me lairTant tranfporter
par votre héritage la moitié de ma ven-
dange ; je ne pourrai donc demander que
la moitié de la peine ; car je ne peux pas
percevoir la peine pour le total, & jouir
en partie de l'utilité de mon droit de fer-
vitude ; je ne peux pas avoir tout à la
fois l'un & l'autre ; c'efl ce qu'enfeigne
Dumoulin dans l'efpece que nous venons
de rapporter , quia , dit-il , heu firvitus
de Je individua 9 dividuatur ex accidenti , &
ex fine dividuo... & débet judicari fecundhm
régulant dividuorum , p. 3.^.3 63 .
353. 20. Nos principes reçoivent en-
core quelqu'application , même à l'égard
des obligations indivifibîes dans l'efpece
fuivante 6k autres femblables ; vous vous
êtes engagé par un traité fous une cer-
taine peine à me faire conft.it.uer un droit
de fervitude de paflage , fur un héritage
dont vous avez l'ufufruit , & qui efl voi-
fin du mien , en vous faifant fort des
propriétaires ; trois des propriétaires ra-
tifient , un feul reflife d'impofer la fervi'
P ar t. Iî. Chap. V. 439
tudè ; là peine à la vérité m'eftdûe en en-
, car le refus d'un Seul propriétaire
d'impofer la fervitude , empêche qu'elle
ne foit aucunement impofée , nonobftant
la ratification des trois autres , un droit de
fervitude ne pouvant être impofe pour
partie, & ne pouvant par conféquent être
nnpofé que par tous les propriétaires ;
mais comme cette ratification , quoiqu'el-
le foit entièrement inutile pour impofer
un droit réel de fervitude fur l'héritage , a
néanmoins un effet , qui confifte à obliger
perfonnellement ceux qui ont ratifié à me
laifTerpaffer ; je ne peux exiger toute la
peine qu'en me défiftant de mon droit ,
quiréfultede cette obligation; autrement
je ne pourrai exiger qu'une partie de la
peine , ne pouvant pas percevoir toute
la peine , & en même tems percevoir
quelque chofe de l'obligation principale.
MoLin. p. 3. 7z. 472. & 473.
354. Notre principe que la peine n'efl
due qu'à proportion de la part pour la-
quelle l'obligation principale n'a pas été
exécutée a lieu , quand même la peine
confifteroit dans quelque chofe d'indi-
vifible. Finge , je vous ai vendu un héri-
tage dont vous m'avez payé le prix comp-
tant , fauf cinquante piftoles que vous
vous êtes obligé de me payer dans un
an ; & il a été convenu entre nous qu'à
Tiv
440 Tr. des Oblig.
défaut de payement de cette fomme J
vous m'accorderiez à la place de cette
fomme un droit de vue fur une maifon
à vous appartenante , voifine de la mien-
ne ; j'ai reçu de vous vingt-cinq piftoles ;
faute du payement dufurplus je ne peux
exiger la peine pour le total , mais feule-
ment pour la moitié pour laquelle l'obli-
gation principale n'a pas été exécutée ;
& comme la peine confiée dans un droit
de fervitude qui eft quelque chofe d'indi-
vifible , 6c non fufceptible de parties , il
faudra qu'en vous demandant que vous
m'accordiez ce droit de fervitude , je
vous offre de vous payer la moitié de
la valeur , la peine ne m'étant due que
pour moitié. Molin. p.^*n, 523. &fuiv.
V. fuprà.
Article IV.
Si la peine eji encourue pour le total &
par tous les héritiers du débiteur , par
la contravention de Cun d'eux.
Il faut à cet égard diftinguer entre les
obligations indivifibles ôt les obligations
diviîibles.
Part. II. Chap. V. 441
$. I.
Dccijion de la. queflion à regard des
Obligations indivijibks.
355. Lorfque l'obligation primitive Ç./l$
qui a été contrariée fous une claufe pé-
nale eft l'obligation d'une choie indivi-
fible , la contravention faite à cette obli-
gation par un feul des héritiers du débi-
teur , donne ouverture à toute la peine ,
non-feulement contre celui qui a donné
ouverture à la peine par fa contraven-
tion , mais même contre tous fes cohéri-
tiers qui font tous tenus de cette peine ,
pour la part dont ils font héritiers , fauf
leur recours contre celui qui par fa con-
travention a donné ouverture à la pei-
ne , pour en être par lui acquittés.
Par exemple , fi quelqu'un s'eil obligé
envers moi de me laifTer paffer fur fon
héritage contigu àlamaifon que j'occupe,
tant que j'occuperois cette maifon , à
peine de dix livres de dommages & inté-
rêts , en cas d'empêchement ; fi quel-
qu'un des héritiers de mon débiteur me
bouche le paffage , quoique fans la parti-
cipation & contre le gré defes cohéritiers,
la peine entière des dix livres fera encou-
rue , ôc elle le fera contre chacun des
Tv
44- Tr. des O b l i g.
héritiers de mon débiteur , qui en feront
tenus chacun pour leur part héréditaire ;
carie fait qui fait l'objet de l'obligation
primitive 9 étant indivifible , n'étant pas
iiifceptible de parties , la contravention
qui eft faite par l'un des héritiers du dé-
biteur à cette obligation , eft une con-
travention à toute l'obligation , qui doit
par conféquent faire encourir toute la
peine par tous ceux qui en font tenus ,
comme héritiers du débiteur qui s'en;
obligé à cette peine en cas de contra-
vention.
C'efl la décifion de Caton en la loi 4»
§. i.ff. de verb. oblig. Cato f crible : pœnâ
certœ pecuniœ promijfd , fi quid aliter fit
facîum ; mortuo promijjore , fi ex pluribus
heredibus nnus contra quàm cautum fit ?
fecerit ; aut ab omnibus heredibus pœnam
committi pro portione hereditarid ? aut ah
uno pro portione fud ; ab omnibus , fi id
facium de quo cautum ejl individuum fit ,
yeluti iter fieri , quia quod in partes divi-
di non poteji , ab omnibus quodam modo
facium vider etur. Et plus bas : Omnes com-
mifïffevidentur , quodnifi in folidum pec-
cari poterie , il/am ftipulat'wnem per te non
fieri quominiis mihi ire agere liceat.
Le Jurifconfulte Paul décide la même
chofe en la loi 85. §. ï-ff-d tit. quo-
niam liât ab uno prohibeor 7 non tamen
Part. II. Chap. V. 443
in parum prohibeor ; 6c il ajoute , j'ed
Uti famili* treifeundx judicio fardent
dam nu m.
Les héritiers n'étant tenus de la peine,
chacun que pour la part dont il efl héri-
tier , l'ont en cela différents des débiteurs
folidaires , qui font débiteurs de la peine
pour le total, lorsqu'elle eft encourue par
l'un d'eux , comme ils le font du princi-
pal. <tyi ^ *!•••
356. Le créancier peut-il demandera
peine entière à celui des héritiers qui a
fait la contravention ? La raifon de dou-
ter eft que la loi ne le dit pas, & qu'elle
dit au contraire que la peine eft due par
tous les héritiers , pour leur portion hé-
réditaire feulement. On ajoute que la con-
travention de l'héritier ne donne ouver-
ture à la dette de la peine qu'entant que
cette contravention eft comme la condi-
tion fous laquelle l'obligation de la peine
a été contractée par le défunt ; cette
dette de la peine qui a été contractée par
le défunt , étant une dette du défunt , 6c
une dette divifible ; l'héritier n'en peur
être tenu que pour la portion pour la-
quelle il eft héritier, 6c pour laquelle il
fuccede en cette qualité aux dettes dit
défunt.
Il faut décider néanmoins que l'héritier
qui contrevient à l'obligation indivifible
T v)
'444 Tr. des Oblig,
contra&ée par le défunt,devient débiteur
de la peine pour le total ; on ne peut dou-
ter qu'il en eft tenu au moins obliquement
& indirectement ; car étant tenu d'acquit-
ter fes cohéritiers des parts dont ils en
font tenus , le créancier doit être admis ,
pour éviter le circuit d'à Étions , à lui de-
mander la peine non-feulement pour fa
part , mais pour celle de fes cohéritiers
dont il eft tenu de les acquitter , & par
conféquent pour le total.
Dumoulin,/;. 3. n. 173. & 174. &
paffîm alibi , va plus loin , & foutientque
cet héritier doit la peine pour le total ,
non-feulement obliquement , mais même
directement ; car l'obligation primitive
étant fuppofée indivifible , il en eft débi-
teur pour le total, &c débiteur fous la
peine convenue : or fa contravention à
une obligation dont il eft tenu pour le to-
tal , doit lui faire encourir toute la peine.
Cela fe prouve par un argument tiré de
la loi 9. ff. depof. que nous avons ci-
demis rapportée ; il eft décidé que l'héri-
tier en partie du dépofitaire 5 qui par fon
fait a caufé la perte de la chofe donnée
en dépôt au défunt , eft tenu pour le to-
tal des dommages &: intérêts envers ce-
lui qui l'a donnée en dépôt , parce que
quoique l'obligation principale de refti-
tuer la chofe dépofée ? foit une obligation
Part. II. Chap. V. 44?
dlviiible , l'obligation accefToire de la
preftation de la bonne foi pour la con-
servation de la chofe dépotée , eft une
obligation indivifible , dont chacun des
héritiers du dépofitaire eft tenu pour le
total , & qui le rend débiteur pour le
total des dommages tk intérêts du créan-
cier, lorfqu'il y contrevient; que fi un
héritier pour partie qui contrevient par
fon fait à une obligation indivifible du
défunt , eft débiteur pour le total des
dommages & intérêts , il doit l'être aufïï.
pour le total de la peine , puifque la pei-
ne tient lieu des dommages & intérêts, ÔC
n'en eft que la liquidation convenue
par les parties elles-mêmes : tel eft. le rai-
sonnement de Dumoulin.
A l'égard de la première objection tirée
du §. Catc. La réponfe eft que lorfque
Caton décide que dans les obligations in-
divifibles , la contravention faite par l'un
des héritiers fait encourir la peine contre
chacun d'eux pour leurs portions hérédi-r
taires , il n'entend parler que des héri-
tiers qui n'ont point participé à la contra-
vention. A l'égard delà deuxième objec-
tion qui confifte à dire que l'obligation de
la peine étant une obligation divifible
contractée par le défunt , chaque héritier
ne peut être tenu que pour la part dont il
eft héritier; la réponfe de Dumoulin eft,
446 Tr. des Oblig.
que cela eft vrai lorfque l'héritier nreit
eft tenu que comme héritier, tanquàm
hères; mais lorfqu'il en eft tenu ut ipfe &
ex proprio facto , il en eft tenu pour le to-
tal , 6c c'eft une de (es clefs pour déci-
der les queftions fur cette matière : aliud
ejl teneri heredem ut heredem , aliud tenert
ut ipfum. Tr. de div. & indiv. p. 3. n. 5.
& 112.
357. Lorfque la contravention à une
obligation indivifible eft faite par un des
héritiers du débiteur , l'héritier qui a fait
la contravention étant tenu de la peine
pour le total , il faut par la même raiion
décider que lorfque la contravention a
été faite par plufieurs héritiers , chacun
d'eux eft folidairement tenu de la peine ;
car les contraventions de fes cohéritiers
ne diminuent pas la tienne , me qui pee-
cavit) ex eorelevari débet 5 quodpeccaticon-
fortem habuit ; multitude* peccantium non
exonérât , fed potiùs aggravât. Molin. ibid.
p. 3. n. 148.
358. Tout ce que nous avons dit dans
ce paragraphe à l'égard des héritiers du
débiteur d'une dette indivifible , reçoit
application à l'égard de plufieurs débiteurs
principaux qui ont contracté enfemble
fans folidité , & fous une peine , une obli-
gation indivifible ; la contravention faite
par l'un d'eux oblige les autres à la prêt-
Part. II. Chap. V. 447
tation de la peine , chacun pour fa part
virile , faut leur recours , de elle oblige
pour le total celui qui l'a faite ; lorfque
la contravention a été faite par plufieurs
elle y oblige folidairement»
s- n-
Dêcifion de la quefîion à l'égard des
Obligations divifibles.
359. Lorfque l'obligation primitive > d- ,,
qui a été contractée fous une claufe pé-
nale , efr. l'obligation d'un fait diviûble ,
Caton au paragraphe ci-derTus cité, paroît
décider que celui des héritiers du débi-
teur qui contrevient à cette obligation ,
encourt feul la peine pour la part dont il
eft héritier ; fi de eo cautum fit quod divi-
fionem rccipiai , veluti amplius non agi 9
mm hereddm qui adversùs eafecit,piopor~
îione fuâ folum pœnam committere.
On peut faire de cette manière l'ef-
pece de la loi ; une perfonne s'efl: enga-
gée envers moi , fous peine de 300HV.
a acquiefeer à la fentence d'un arbitre ,
qui avoit donné congé d'une demande,
par laquelle elle fe croyoit être ma créan-
cière de dix muids de bled ; un de fes
héritiers qui l'eft pour une cinquième
portion y a ? contre la foi de cette con-
'44^ Tr. des Oblig.
vention , renouvelle la conteftation , Se
m'a demandé fa cinquième portion de dix
muids de bled , que l'arbitre avoit jugé
que je ne de vois pas ; il encourt feul la
peine convenue , ôc il ne l'encourt que
pour la cinquième portion dont il eft. hé-
ritier ; la raifon eft que l'obligation eft
divifible , & cet héritier n'y ayant pu
contrevenir que pour la part pour la-
quelle il en eu tenu , il ne peut être tenu
de la peine que pour cette part ; fes cohé-
ritiers qui non - feulement n'y ont pas
contrevenu, mais ont fatisfait pour leur
part à cette obligation , en acquiefçant
pour leur part à la fentence de l'arbitre ,
ne peuvent être tenus de cette peine ; le
créancier qui eft fatisfait pour leur part
de l'obligation principale , ne peut exi-
ger la peine pour leur part , ne pouvant
être à la fois payé de l'obligation prin-
cipale & de la peine , comme on l'a vu
ci-defTus , 72.342. &fuiv.
Le paragraphe 4. fi forum de la loi 5.
d. lit. paroît contraire à cette décifion
de Caton ; il y eft décidé que lorfque l'un
des héritiers du débiteur a fatisfait à l'o-
bligation pour la part dont il étoittenu ,
il ne laifte pas d'encourir la peine , fi fon
cohéritier n'y fatisfait pas pareillement ,
feuf à lui fon recours contre ce cohéri-
tier qui a fait encourir la peine , en ne
P A R T. I I. C H A P. V. 449
fhtisfaifant pas de fa part à l'obligation ,
fi forum promiferis , & fi ta foluta non
effet , pœnam ; etiamfi unus ex heredibus
tuis portionem fuam ex forte folverît , ni"
hilominiis pœnam committet , donec portio
coheredis folvatur. . . . Sed à coherede ei
fatisfieri débet ; nec enim. aliud in his jlipu-
lationiBiis fine injuria Jîipulatori s conjlitui
potejl.
Les interprètes , tant anciens que mo-
dernes , fe font efforcés à concilier ces
deux textes : Dumoulin rapporte diffé-
rentes conciliations des anciens Interprè-
tes :; a'il réfute toutes.
II faut s'en tenir à celles de Cujas Se
de Dumoulin , Tr. de div. & ind.p. i. nm
62. & feq. qu'on doit réunir en une, ÔC
dire ; lorfque l'obligation eft divifible ,
tàm folutione quàm obligatione , lorfque
l'intention des parties , en ajoutant la
claufe pénale, a été fimplementd'affurer
l'exécution de l'obligation , & non d'em-
pêcher que le payement ne pût s'enfai-*
re par parties par les différens héritiers du
débiteur , fur-tout lorfque le fait qui fait
l'objet de l'obligation primitive , eft tel
que les différens héritiers du débiteur ne
peuvent l'ac freinent , que cha-
cun pour la >nt il eft héritier , en
ce cas la décifi de Caton doit avoirlieu;
celui des héritiers du débiteur qui çon-
450 Tr. des Ob li g.
frevientà l'obligation , doitfeul encourir
la peine , & pour la part feulement dont
il eu héritier; le fait rapporté dans l'ef-
pece du §. Cato : amplius non agi, eft
de ces faits dividbles tàm folutione quàm
obligationc , & qui par la nature des cho-
fes , ne peuvent s'accomplir parles difFé-
rens héritiers de celui qui a contracté
l'engagement , que pour la part dont cha-
cun eu héritier ; car aucun de ces héri-
tiers ne fuccédant que pour fa part au
droit & à la prétention que le défunt s'eft
engagé de ne pas exercer , chacun des
héritiers ne peut que pour fa part con-
trevenir à cet engagement ou l'exécu-
ter, en renouvellant , ou nerenouvellant
pas cette prétention pour la part qu'il
Au contraire , lorfque l'obligation efl
divifible à la vérité , quoad obligationzm ,
mais indivifible, quoadfolutionem , & que
l'intention des parties a été , en ajoutant
la claufe pénale , que le payement ne pût
fe faire que pour le total , &£ non par
parties ; en ce cas chacun des héritiers ,
en fatisfaifant pour fa part à l'obligation
primitive n'évitera pas d'encourir la pei-
ne ; & c'eitàce cas qu'on doitreftraindre
le §. Jifortem , lequel fe concilie avec le
§. Cato,
Dumoulin, p. i. n. 72. donne pour
Part. II. Chap. V. 451
exemple de la dccifion du §. Ji forum y
l'efpece d'un Négociant quia ftipulé de
l'on débiteur une certaine fomme par
forme de peine , au cas que la fomme
principale à lui due ne lui fut pas remife
dans un certain lieu, au temps d'une cer-
taine foire ; les offres que l'un des héri-
tiers feroit de lui remettre fa part de ladite
fomme , ne doivent pas empêcher que la
peine ne fait due pour le total , faute
d'offrir le total ; parce que ce négociant
ne pouvant faire les affaires qu'il a à la
foire , qu'avec le total de la fomme qui
lui eft due , l'intention des parties a été
en ftipulant la peine qu'elle fût encourue
pour le total , faute du payement du to-
tal de la fomme due , & nonobftant le
payement partiel qui en feroit fait ; car
ce payement partiel ne peut réparer, mê-
me pour partie , le tort que le créancier
fouffre du retard du payement dufurplus,
& c'efl pour la réparation de ce tort que
la peine a été ftipulée. Obfervez aunl
que dans l'efpece du §.Jî forum, la peine
eft ftipulée pour le retard de l'exécution,
cknon pour l'inexécution; c'eft pourquoi
le créancier doit recevoir le principal 6c
la peine.
La loi 85. §. 6. d. t. eft aufîi dans
l'efpece d'une obligation divifible à la
vérité, queadobUgationcm 7 mais indivi-
452. Tr. des Oblig.
fible, quoad folutlonem ; il eft dit dans
l'efpece de cette ftipulation ? fi fundus
Titianus datus non erit , ccntum dari ; nift
totus detur , pœna committitur ccntum , ncc
prodeji partes fundi dare cejfante uno ;
quemadmodùm ncc prodeji ad liberandum
pignus , partes creditorifolvere ; quoique
l'obligation de donner fundum Titianum
foit une obligation divifible , quoad obli-
gationem , néanmoins cette obligation,
foit qu'elle naifTe d'un contrat de vente ,
ou d'un contrat d'échange , ou de tran-
fa&ion, ou de quelqu'autre caufe , eft
îndivifible quoad folutlonem, le créancier
ayant intérêt de n'avoir pas le fond Titien
pour partie , 6c n'ayant entendu l'acquérir
que pour le total ; c'eft pourquoi fi l'un
des héritiers du débiteur eft en demeure
de donner fa part de cet héritage , les of-
fres des autres héritiers de donner les leurs,
la celîion même qu'ils en auroient faite
au créancier , qui ne l'auroit acceptée
qu'en attendant 6c comptant fur la cef*
fion du furplus , n'empêcheroit pas le
créancier de pouvoir demander la peine
pour le total , en offrant néanmoins de fe
défifter des portions de l'héritage qu'il au-
roit reçu ; car il ne peut avoir l'un &C
l'autre.
360. Dans le cas du §. fi forum ,
îorfque l'un des héritiers pour partie dit
Part. II. Chap. V. 453
débiteur , en ne fatisfaifant pas à l'obli-
gation primitive , pour la part dont il
étoit tenu , a fait encourir la peine con-
tre les autres qui étoient prêts d'y fatis-
faire pour leurs parts , encoure-t-il lui-
même cette peine pour le total ? Il ne l'en-
court directement que pour la part dont
il eft héritier ; car n'étant tenu de l'obli-
gation primitive que pour cette part ,
il ne peut y avoir contrevenu lui-même
que pour cette part , il ne peut donc
encourir que pour cette part la peine ,
qui doit être proportionnée à la contra-
vention ; en cela les obligations divifi-
bles différent des indivifibles ; mais quoi-
qu'il ne foit tenu directement de la peine
que pour fa part , il en eft tenu indirec-
tement pour le total ; car fes cohéritiers
qui étoient prêts d'accomplir l'obligation
pour leur part , ayant encouru pour leur
part la peine , par la demeure en laquelle
cet héritier a été d'y fatisfaire pour la
fienne , cet héritier eft tenu envers eux
judicio familiœ crcifcundœ, , de les en ac-
quitter , d. §. (I forum , & pour éviter un
circuit d'actions inutile , le créancier peut
être reçu à exiger de cet héritier la peine ,
non-feulement pour la part dont il eft tenu
directement , mais aufïi pour celles de
fes cohéritiers , dont il eft tenu de les ac-
quitter , & par çonféquent pour le total.
454 Tr. des Oblig.
361. Nous avons parlé jufqu'à préfent
du cas auquel l'héritier pour partie , à man-
qué de iatisfaire à une obligation divifi-
ble du défunt , pour la part dont il en
étoittenu; l'efpece du §. Cato 9 Se celle
du §.Jiforrem9 quoique différentes en-
tr'elles , comme nous l'avons obfervé ,
font l'une & l'autre dans ce cas ; on peut
fuppofer un autre cas , fur lequel nous
n'avons aucun texte de droit , c'eft celui
auquel l'héritier pour partie de celui qui
auroit contracté , fous une claufe pénale ,
une obligation divifible , contreviendroit
pour le total , oc non pas feulement pour
la part dont il eft héritier ? à cette obli-
gation du défunt.
Par exemple , une perfonne a affermé
fon héritage à quelqu'un , ck laiffe quatre
héritiers , dont l'un a expulfé le fermier
pour le total ; on fait fur cette efpece
deux queftions ; la première , de fçavoir
fi en ce cas la peine eft encourue pour
le total par cet héritier ; la féconde , fi
elle eft encourue , non-feulement contre
lui , mais contre (es cohéritiers pour
leur part héréditaire ? La raifon de douter
fur ces deux queftions ? eft que cet héri-
tier n'étant tenu comme héritier que pour
la part dont il eft héritier , de l'entretien
du bail , il doit être regardé comme
étranger pour les autres parts; le trouble
P ART. 11. C H A P. V. 455
qu'il tait au fermier , il ne le fait comme
héritier que pour fa part, il le fait com-
me étranger pour les autres parts : d'où
on conclue! , que de même que le trouble
qu'un étranger fans droit auroit apporté à
la jouifîance du fermier, n'auroit pas don-
ne ouverture à la peine , ni contre cet
étranger , qui auroit feulement été tenu
des dommages & intérêts ; ni contre les
héritiers du bailleur, qui auroient feule-
ment été tenus de faire remife au fermier
de la ferme , à proportion du définit de
jouiftance , en cas d'infolvabilitéde celui
qui a fait le trouble ; de même dans cette
cfpece la peine ne doit pas être encourue
contre cet héritier en partie, fi ce n'eft
pour la paît dont il eft héritier; il doit
feulement être tenu des dommages &C in-
térêts pour le furplus , & la peine ne doit
pas non plus être encourue contre fes co-
héritiers ; néanmoins Dumoulin , qui agi-
te ces queftions , p. 3 . n. 41 2. &jeq. dé-
cide que dans cette efpece , la peine eft
encourue pour le total contre cet héritier
en partie , & même qu'elle eft encourue
contre fes cohéritiers , pour la part dont
chacun eft héritier. Pour établir fa déci-
fion , & pour réfuter en même temps le
raifonnement que nous venons de rap-
porter, il diftingue dans cette obligation
d'entretenir le bail ? 6c dans toutes les
456 Tr. des Oblîg.
autres obligations divifibles, deux efpeces
d'obligations ; la principale, telle qu*eft,
dans cette efpece , celle d'entretenir le
bail , laquelle eil divifible ; 6l l'obliga-
tion acceflbire , qui eu l'obligation de la
preftation de la bonne foi , laquelle efl
îndivifible , & dont en conféquence cha-
que héritier eft tenu pour le total ; l'héri-
tier en partie du bailleur , qui expulfe
le fermier , n'étoit à la vérité tenu de
l'obligation principale que pour fa part ;
mais il étoit tenu pour le total & indivi-
fément , de la preftation de la bonne foi;
cette bonne foi Pobligeoit à n'apporter
aucun trouble à la jouiffance du fermier ,
non-feulement pour fa part, mais même
pour les autres parts ; en expulfant le
fermier , du total de la jouiffance , il ne
doit donc pas être confidéré comme
ayant fimplement péché comme étranger,
par rapport aux autres parts , mais com-
me ayant contrevenu à l'obligation de la
preftation de la bonne foi dont il étoit
tenu comme héritier , même par rapport
aux autres parts ; cette contravention
étant donc une contravention , même par
rapport aux autres parts , &C par confé-
quent pour le total, à une obligation héré-
ditaire contractée par le défunt , fous la
peine contenue en la convention , elle
doit donner ouverture pour le total à la
peine.
P art. II. Chap. V. 457
peine contre l'héritier qui y a contre-
u ; telle eft la décifionde Dumoulin
fur la première queftion. Dumoulin con-
firme cette décifion par ce raifonnement;
s'il étoit vrai , dit-il , que cet héritier en
expuliant totalement le fermier , ne dût
Être cenfé avoir contrevenu que pour fa
part , & dût être confidéré comme
n'ayant péché que comme étranger pour
les autres parts , il s'enfuivroit que le
fermier n'auroit point pour raifon de cette
contravention pour lefdites parts , l'hypo-
thèque furies biens du défunt réfultante
de fon bail ; il s'enfuivroit, que quoique
le bail eût été pafTé fous un fceau attri-
butif de jurifdiclion, tel qu'efl celui du
Châtelet d'Orléans , le fermier ne pour-
roit traduire cet héritier qui Pauroit ex-
pulfé devant le Bailli d'Orléans , fi ce n'efl:
pour la part dont il eft héritier : or c'efl:
ce que perfonne ne s'avifera de dire ; donc
cet héritier en partie en expulûnt le fer-
mier , doit être réputé avoir contreve-
nu , non-feulement pour fa part , mais
pour les autres parts , & pour le total ,
à une obligation héréditaire , & par con-
1 e quent il doit encourir , pour le total , la
peine convenue en cas de contravention.
A Pcgard de la féconde question , Du-
moulin par la même raifon décide que
la peine eft encourue, non -feulement
Tome I, V
458 Tr. des Oblig,
contre cet héritier , mais contre chacun
de fes cohéritiers pour la part dont ils font
héritiers ; car par la claufe pénale le dé-
finit s'eit obligé lui & tous fes héritiers
au payement de la peine , en cas de con-
travention à l'obligation primitive ; il fuf-
ût donc qu'il y ait eu une contravention
pour que Ton puiffe dire , que la condi-
tion fous laquelle a été contractée cette
obligation de la peine , ait exifté , &C par
conséquent pour que tous les héritiers du
défunt en foient tenus.
Si le défunt avoit donné des cautions
in omncm caufam , dont le cautionnement
s'étendit , tant à l'obligation primitive ,
qu'à l'obligation pénale ; le fait de cet
héritier , qui a expulfé le fermier , auroit
obligé les cautions à la prefration de la
peine ; à plus forte raifon doit-il obliger
fes cohéritiers qui fuccedent à cette obli-
gation comme débiteurs principaux.
362. Cette décifion fur la féconde
queftion a lieu quand même celui des
héritiers, qui a expulfé le fermier, fe-
roit feul tenu de l'obligation primitive
ée l'entretien du bail , comme dans cette
efpece. J'ai fait bail d'un propre pater-
nel à un fermier , fous la peine de deux
cents livres , au cas que je manquafTe à le
faire jouir; je laifîe un héritier de ce pro-
pre paternel , 6c plufieurs héritiers d'une
Part. II. Chap.V. 459
autre ligne à mes autres biens ; cet héri-
tier paternel empêche par fon fait le fer-
mier de jouir \putà, en vendant l'héritage
(ans charger l'acquéreur de l'entretien du
bail ; quoique cet héritier fut feul tenu
de l'obligation primitive de l'entretien du
bail , fuivant les principes expofés ci-
deflus , n, 301. cette obligation étant
l'obligation d'un corps certain auquel il
a feul fuccédé ; néanmoins fa contraven-
tion à catte obligation fera encourir la
peine à tous les héritiers ? pour la part
dont chacun eft héritier ; car la dette de-
là peine eft la dette d'une fomme d'argent
contractée par le défunt , fous la condi-
tion de cette contravention , à laquelle
dette par conféquent tous les héritiers du
défunt fuccedent ; au relie ils ont recours
contre celui qui a fait la contravention,
Molin. part. 3. ri. 430.
363. Voici une autre efpece ; unufu-
fruitier a fait un bail à ferme de l'héri-
tage dont il avoit l'ufufruit , en taifant fa
qualité d'ufufruitier , & fe portant pour
propriétaire ; il y a une peine de 200. 1.
ftipulée au profit du'f .rmier , au cas qu'il
manque de le faire jouir ; il laiffe quatre
héritiers, l'un defquels eft propriétaire
de l'héritage , qui en fa qualité de pro-
priétaire expuife le fermier ; il y a lieu
a la peine contre les quatre héritiers ;
Vii
Afio T R. DES O B L I G.'
mais celui qui l'a expuifé n'en efl tenu
que pour fa part ; &c n'efï pas obligé ,
comme dans l'efpece précédente , à in-
demnifer les autres ; car ayant en fa qua-
lité de propriétaire le droit de jouir de
fon héritage , il n'a pas péché contre la
bonne foi , dolo non facit qui jure fuo
utitur ; il n'eft tenu de l'inexécution du
bail & de la peine qu'en fa qualité d'héri-
tier , & par conféquent feulement pour
fa part héréditaire. Molin. ibid. n°. 43 2.
Article V.
Si la peine efl encourue pour le total 9 &
envers tous les héritiers du créancier , par
la contravention faite envers tun d'eux,
364. Paul en la loi 2. §.Jin. de verb*
oblig. décide cette queftion dans l'efpece
d'une Hipulation pénale appofée à une
obligation primitive indivifible ; finge ,
vous vous êtes par une tranfa&ion obligé
envers moi de me laifîer paffer moi &C
mes héritiers par votre parc , tant à pied
qu'à cheval &c avec des bêtes de charge ,
à peine de douze livres en cas de con-
travention à votre obligation ; j'ai laiffé
quatre héritiers ; vous avez empêché l'en-
trée du parc à l'un des quatre héritiers ,
& l'avez permife aux trois autres j Paul
Part. II. Chàp. V. 461
décide qu'en ce cas la contravention étant
ire à une obligation indivisible , &C non
ilifceptible de parties , ne peut être une
contravention partielle ; qu'ainfi la peine
à laquelle elle donne lieu , paroîtroit , fé-
lon la fubtilité du droit , devoir être en-
courue pour le total , au profit de tous
les héritiers; néanmoins que félon l'équi-
té qui doit en ce cas prévaloir à la fubti-
lité , la peine ne doit être encourue qu'en-
vers celui des héritiers à qui on réfiifç
l'entrée, & qu'elle ne doit l'être que
pour fa part héréditaire feulement, Sijli~
pulator dccejjhit qui Jiipulatus erû^fihihe*
redique fuo a^ere licere , & unus ex kzrzdU
bus cjus prohibeatur ; fî pœna Jit adjccla y
infolidum , conwiitwuî , fed qui nonfunt
prohibitif doli exceptime fummovebuntur* d.
§. La raifon efï que l'équité ne permet
pas que les trois héritiers , à qui ie débi-
teur a accordé l'entrée de fon parc , puif-
fent en même temps percevoir tout le
fruit de l'exécution de l'obligation , &c
percevoir la peine ftipulée pour l'inexé-
cution de cette obligation , ni qu'ils puif-
fent fe plaindre de la contravention , que
le débiteur a faite à fon obligation envers
leur cohéritier , à laquelle contraven-
tion ils n'ont aucuns intérêts , non débet
aliquis haberefimul implementum obligation
nis , & pœnam contraventions , & pœna
V iij '
462 Tr. des Oblig.
quœ fubrogatur loco ejus quodinterejl , non
débet committi kis qui non funt prohibitif &
quorum nullâ interejl çckcredem ip forum ejje
prohibition , Molin.p. 1 . n. 3 1. & 3 5 . La loi
3. §. 1. <£ m', paroît contraire : la réponfe
elr qu'Uîpien ne parle que- félon la îiibti-
îiîé du droit.
La contravention faite à l'obligation
par le débiteur envers l'un des héritiers ,
ne donnant lieu à la peine qu'envers cet
héritier, & pour fa part héréditaire feu-
lement y quoique l'obligation primitive
fût indivifibie ; à plus forte raifon doit-
on décider la même chofe , lorfque l'obli-
gation primitive efl une obligation divi-
sible.
CHAPITRE VI.
Des Obligations acceffbires desfidijujfeurs %
& autres qui accèdent à celle d'un prin~
' cipal débiteur,
CE Chapitre elt divifé enhuit Sections,
dont les fept premières concernent
les cautionnemens : nous traiterons dans
la première de la nature du cautionne-
ment ; nous verrons dans la deuxième
quelles font les différentes efpeces de
Part IL G h ap. VI. 463
cautions ; dans latroifieme nous traiterons
des qualités que doivent avoir les cau-
tions ; nous verrons dans la quatrième
pour qui , envers qui , pour quelle ef-
pece d'obligation , 61 comment fe con-
sent les cautionnemens ; dans la cin-
quième 5 à quoi ils s'étendent ; dans la
fixieme nous traiterons des manières dont
reignent les cautionnemens , ck des dif-
férentes exceptions que la loi accorde aux
cautions ; dans la feptieme , des adions
qu'a de fon chef la caution contre le dé-
biteur principal &c contre fes fidéjurTeurs ;
la huitième & dernière Section traite des
autres efpeces d'obligations accefîbires.
Section première.
De la nature du cautionnement : définition
des cautions oufidéjujjeurs ? & les Corol-
laires qui en dérivent.
365. Le cautionnement ert un contrat
par lequel quelqu'un s'oblige pour un dé-
biteur envers le créancier , à lui payer
en tout ou en partie ce que ce débiteur
lui doit , en accédant à fon obligation.
On appelle caution , ou fidéjufTeur ,
celui qui contracte une telle obligation.
Le cautionnement , outre le contrat
qui intervient entre la caution & le créan-
Viv
464 Tr. des Oblig.
cier envers qui la caution s'oblige , ren-
ferme auïïi afTez fouvent un autre con-
trat , qui eft cenfé intervenir au moins ta-
citement , entre la caution &: le débiteur
pour qui la caution s'oblige , & ce con-
trat efl le contrat de mandat , qui eft tou-
jours cenfé intervenir lorfque c'efl au fçu
& au gré du débiteur principal que la
caution s'oblige pour lui , fuivant cette
règle de droit 9femper qui non prohiba pro
Je intervenire 9 mandare crédit tir , £. 60.
ff.de R.J. Lorfque le cautionnement a été
fait à l'infçu du débiteur qu'on a caution-
né , il ne peut pas être cenfé renfermer
aucun contrat entre la caution & ce débi-
teur ; mais il efl cenfé intervenir en ce
cas entr'eux Pefpece de quafi - contrat ,
qu'on appelle , negotiorum gejiorum : nous
traiterons des obligations qui naifTent de
ce contrat de mandat , ou du quaû-con-
trat negotiorum gejiorum , en la feptieme
ie&ion de ce chapitre.
Le contrat qui intervient entre la cau-
tion & le créancier envers qui elle s'o-
blige , n'eft. pas de la clafTe des contrats
bienfaifans ; car le créancier ne reçoit par
ce contrat rien au-delà de ce qui lui eil
du ; il ne fe procure qu'une fureté pour
ce qui lui eft dû , fans laquelle il n'auroit
pas coiitra&é avec le débiteur principal ,
ou ne lui auroit pas accordé le terme
Part. II. Chap. VI. 465
qu'il lui accorde : mais le cautionnement
renferme un bientait à l'égard du débi-
teur pour qui la caution s'oblige.
De la définition que nous venons de
donner du cautionnement & des cautions,
dérivent plusieurs Corollaires.
Corollaire premier.
366. L'obligation des fidéjufïeurs étant
fuivant notre définition , une obligation
accefïbire à celle du débiteur principal ,
il en réfulte qu'il eu de l'effence de l'obli-
gation des fidéjiuTeurs,qu'il yaituneobli-
gation d'un principal débiteur qui foit
valable ; conféquemment fi celui pour
qui le ndéjuffeur s'eft obligé envers vous
n'étoit pas votre débiteur , le ridéjuiTeur
ne feroitpas obligé; l'obligation accef-
foire ne pouvant pas fubfifter fans une
obligation principale , fuivant cette rè-
gle de droit , cùm caufa principalis non
confijiit ^ ne ea quidem quee fcquuntur lo-
cùm habent , Z. 178. ffl de reg.jur.
Corollaire II.
3 67. Une féconde conféquence de no-
tre définition eft que le fidéjuffeur , en
s'obligeant pour quelqu'un , ne le dé-
charge point de fon obligation, mais ea
y y
466 T r. des Oblig.
contra cle une qui accède à la fienne ; en
quoi le fidéjinïeur efi différent de celui
qu'on appelle en Droit, Expromijjor ,
qui s'oblige envers le créancier de ma-
nière que le créancier l'accepte pour
débiteur , à la place de l'autre qu'il dé-
charge.
Corollaire III.
368. Il réfuîte de notre définition que
le fidéjufTeur ne peut valablement s'obli-
ger qu'à la preftation de la chofe même
à laquelle le débiteur principal eft obli-
gé , ou à la preftation d'une partie de cet-
te même chofe ; c'en: pourquoi fi quel-
qu'un fe rendoit caution envers moi pour-
cent muids de bled , pour une perfonne
qui me doit deux mille livres , ce cau-
tionnement feroit nul, L. 42. ff. defide-
juff. quia in aliam rem quam quce eji fide-
jufjbr obligari non potefi^ quia , non ut œf-
timatio rerum quce rnercis numéro habentur
ïnpecunid mimer atâfieri pote fi , ita pecunia
qjuoque merce cejlimanda eji.
Contra vice versa , on peut valablement
fe rendre caution envers moi pour une
Comme de deux mille livres , pour celui
qui me doit cent muids de bled ; car
Fargent étant l'eftimation commune de
toutes, les, chofes \x celui: qui me doit une
Part. II. Ch a p. VI. 467
quantité de cent muids de bled de valeur
de deux mille livres , nie doit effe clive-
ment &: véritablement deux mille livres,
cv par conféquent celui qui s'oblige pour
lui envers moi à me payer deux mille
livres , ne s'oblige pas à quelque chofe
de différent de ce qui m'ert dû par mon
principal débiteur.
369. Si quelqu'un s'étoit obligé envers
moi à me donner un certain héritage , &
qu'un autre le cautionnât pour l'umfhiit
de cet héritage , le cautionnement feroit-
il valable ? Oui , car l'ufufruit étant un
droit dans cet héritage qui m'efr. dû, tait
en quelque façon partie de la chofe qui
m'eft due , & par conféquent on ne peut
pas dire que la caution fe feroit obligée à
quelque chofe de différent de la chofe
due par le débiteur principal ; c'ert ce
eue décide Caïus en la loi 70. §. z.ffl de
fidejujj\ In eo , dit - il , videtur dubitatio
effe , ufusfrucîus pars rci Jit an proprium'
quiddam ? fed cum ufusfrucîus , fundi jus
eji , incivile efifidejujjorem , ex fuâ promif-
Jïone non temri.
Corollaire IV.
370. Il réfulte de cette définition crue fa
caution ne peut valablement s'obliger à
plus qu'à ce à quoi le débiteur principal
V vj,
468 Tr. des Oblig.
eft obligé ; & comme le plus s'ef lime non-
feulement quantitau , mais auffi du, loco ,
conditionc, modo, il en réfulte que le
fidéjuffeiir ne peut s'obliger à des condi-
tions plus dures , que le principal obligé;
car l'obligation acceiîbire ne peut furpaf-
fer la principale ; mais il peut s'obliger à
des conditions moins dures ; c'eft ce que
décide la Loi 8. §. j.ff.defidejujf. lllud
commune eji in univcrfis qui pro aliis obli-
gantur , quodjifuerint in duriorem caufam
adhibiti , placuit eos omninb non obligari ,
in leviorcm plane caufam accipi poffunt.
Il réfulte de ce principe que fi quel-
qu'un s'efl: rendu caution pour une fom-
me déterminée , putà pour une fomme
de trois cents livres , pour un débiteur
dont la dette n'étoit pas encore liquidée ,
îa fixation du cautionnement à la fom-
me de 300 liv. doit être cenfée n'avoir
été faite qu'en faveur de la caution , &C
à l'effet feulement que il par la liquida-
tion qui fe feroit , la dette mont oit aune
plus grande fomme , la caution n'en fe-
roit tenue que pour 3 00 liv. Mais fi par
la liquidation la dette étoit liquidée à une
fomme moindre , putà à 2 50 liv. la cau-
tion qui ne peut devoir plus que le prin-
cipal débiteur , ne fera débitrice que de
la fomme de 250 liv. &C fi elle avoitpayé
w celle de 300 liv, portée par fon caution^
P A R T. 1 1. C H A P. V I. 460
nement , elle auroit la répétition de l'ex-
cédent.
Le créancier peut-il en ce cas , avant
la liquidation de la dette , contraindre
la caution au pavement de la i'omme de
300 liv. par provifion , nonobliant qu el-
le demande qu'il foit procédé à la liqui-
dation de la dette qu'elle foutient ne de-
voir pas monter à fi grande fomme ? La
Coutume de Bretagne, art. 189. décide
pour l'affirmative ; mais cette décision ne
doit pas être fuivie hors fon territoire ;
car fuivant le principe que nous venons
d'expofer , la caution ne pouvant pas
être tenue à plus que le débiteur princi-
pal , elle ne doit pas être contraignable
au payement de la dette plutôt que le
débiteur principal, celui-ci n'y étant
contraignable qu'après la liquidation de
la dette , Ord. de. 1661. T. 33. art. 1. la
caution ne doit pas être contrainte au
payement plutôt. D'Argentré en fa note
fur l'article de la Coutume ci-derTus cité ,
convient que fa difpofition eft contraire
au Droit , contra Jus Romanum ; & dans
fon Commentaire iiir l'art. 206. de l'an-
cienne Coutume , dont celui-ci eft tiré y
il dit : Hkfe Authores confuetudinis pro~
dunt non Jurifconfultos.
371. Suivant ce principe, lorfque le
débiteur principal s'eft obligé purement
47<> T R. DES O B L I G.
&fimplement, la caution s'oblige vala-
blement à payer dans un certain terme ,
ou fous une certaine condition ; mais au
contraire fi le débiteur principal ne s'eft
obligé que fous une certaine condition
qui foit encore pendante , ou dans un cer-
tain terme qui ne foit pas encore expiré ,
.le ridéjufleurne peut pas s'obliger à payer
pour lui préfentement, & à la première
réquifition du créancier» Dicl* Leg. 8>
§•7-
Obfervez que fi le cautionnement n'ex-
prime rien, on y doit foufentendre le
terme ou la condition exprimée dans l'o-
bligation principale ; de même qu'il eu.
décidé enlaloi6i.^ d. tu. que le lieu
du payement exprimé dans l'obligation
principale eu foufentendu dans le caution»
nement.
372. Si le principal débiteur eft obli-
gé de payer dans un terme , la caution
peut s'obliger à payer dans le même ter-
me ou dans un terme plus long , mais elle
ne peut s'obliger à payer dans un terme
plus court.
De - là il fuit que lorfque le débiteur
principal eu obligé de payer dans un cer-
tain terme , fi la caution s'oblige fous une
certaine condition à payer auffî-tot que
îa condition fera accomplie , ce caution-
nement ne fçra pas valable-, £ la candi*
Part.IL Chap. VI. 471
tion vient à s'accomplir avant que le ter-
me de payement dans lequel "le principal
débiteur doit payer , (bit expire , L. 16.
§ . 5 . ff. d. t'u. car fi le cautionnement
étoit valable , la caution feroit obligée
de payer avant que la dette pût être exi-
gée du débiteur principal , & par confé-
quent in duriorem caiifam y ce qui ne fe
peut.
Lorfque le débiteur principal eft obligé
fous une condition , la caution peut bien
s'obliger fous la môme condition ? &t fous
une autre conjointement ; car en ce cas
la condition de la caution eft meilleure que
celle du débiteur , puifqu'elle ne peut être
obligée que les deux conditions ne foient
accomplies ; que fi la caution s'oblige fous
l'alternative de la condition fous laquelle
le débiteur principal s'eft obligé, &: d'une
autre condition , ou fimplement fous une
condition différente , le cautionnement
fera valable fi la condition fous laquelle
le débiteur principal s'eft obligé arrive
la première ; massfi c'eft l'autre qui arrive
la première , le cautionnement ne fera
pas valable , la caution ne pouvant pas
être obligée , avant que le débiteur prin-
cipal le Toit , L..yo.pp°. & §. i.ff..de
fidejuf
373. Le lieu du payement peut auflt
rendre plus dure L'obligation -y c'eft pour-
^72- T R. DES O B L I GJ
quoi fi la caution promettoit payer dans
un lieu plus éloigné que celui dans lequel
le débiteur principal doit payer , le cau-
tionnement ne feroit pas valable , comme
fait à une condition plus dure que l'obli-
gation principale , d. L. 16. §. i. & 2.
374. Si quelqu'un dans nos Colonies
s'étoit obligé envers un autre de lui don-
ner l'un ou l'autre de deux certains Nè-
gres ,putà Jacques ou Jean, lefquels fuf-
fent à-peu-près de même prix 9 le caution-
nement par lequel la caution s'obligeroit
pour le débiteur à donner Jean détermi-
nément , feroit-il valable ? la Loi 3 4. ff.
de Jîdejujf. décide qu'il eft valable , que
la condition de la caution eft dans cette
efpece , meilleure que celle du débiteur
principal, puifque la caution peut être
libérée par la mort du feul Jean , au lieu
que le débiteur principal ne peut l'être
que par la mort de l'un & de l'autre.
Contra fi le débiteur principal s'étoît
obligé à donner Jean déterriiinément , le
cautionnement par lequel la caution s'o-
bligeroit de donner Jean ou Jacques , ne
feroit pas valable , non-feulement par la
raifon que nous avons dit , que cette
obligation alternative eft plus dure que
l'obligation déterminée de Jean , mais en-
core par une autre raifon , qui eft que fi
la caution choififfoit de donner Jacques,
Part. IL Ch a p. VI. 47)
il le trouverait devoir autre chofe que ce
que devoit donner le débiteur principal ,
qui n'ell débiteur que de Jean ; ce qui ne
le peut , fuprà n. 36^. c'efl: la décifion de
la loi %. §. 8. ff. d. th.
Cela n'eit pas à craindre dans Pefpece
précédente, dans laquelle le débiteur prin-
cipal a promis Jean ou Jacques , ck la
caution Jean déterminément ; car dans
cette efpecefile débiteur principal offre
Jacques au créancier , &c le conilitue en
demeure de le recevoir, en déterminant
par ce choix fon obligation à l'obligation
de donner Jacques , il fe libère de l'obli-
gation de donner Jean , & il en libère par
conséquent ion hdtjuiTeur ; nam rco libe*
rato Liber uni ur fidejujfores. Le fidéjufleur
qui n'a voit accédé qu'à l'obligation de
donner Jean , ne doit plus rien ; fi au
contraire ce débiteur principal avoit offert
Jean y il devrait la mémo chofe que fon
fidéjufieur ; il ne peut donc point arriver
dans cette eipr.ee que le débiteur principal
<k la caution doivent différentes chofes.
Si le débiteur principal s'étoit obligé
à donner les Nègres Je-An ou Jacques
au choix du créancier , la caution s'obli-
gera valablement à donner l'un des deux
quelU voudra , d. L. 8. §. 10. car le
créancier confrrvant toujours fon choix
contre le débiteur principal jufqu'aupaye-
474 Tr. des Oblig.
ment , le débiteur fera toujours débiteur
de Tune des deux chofes , &c par confé-
quent de celle que la caution voudra.
$75. C'efl une queflion , fi le caution-
nement eft entie -3-ment nul, lorfque la
caution s'eft obligée à plus que le débi-
teur principal , ou s'il eft nul feulement
en ce qu'il excède l'obligation principale.
Il paroît que les Jurifconiultes Romains
ont penfé qu'il étoit entièrement nul, quoi-
que Dumoulin ad L. 51. SlÇtipidanti , §.
Sedjî mihi) n. 30. &fiq. ait voulu leur fai-
re dire le contraire ; celaréfulîe évidem-
ment de ces termes de la Loi 8. §. 7.
ci-defïus citée , placult eos omninb non
obligari. Il en1 vrai qu'Haloander dans fon
édition lit, non omninb ; mais c'eftde fon
autorité privée qu'il a changé la leçon
contre la foi des exemplaires , & contre
l'autorité des Interprètes Grecs , qui ont
traduit cestermes,omnÎ7zb /zo/z,par ifh 5W,
id ejl , nullo modo. C'eft ce qui réfulte
pareillement des autres textes ci - deffus
cités. La raifon que rapporte Connanus ,
Comment. Jur. n. 68. de ce fentiment
des Jurifconfultes Romains, efT qu'un cau-
tionnement étant efTenîiellement une obli-
gation acceffoire de l'obligation princi-
pale , & étant de l'efTence d'une obliga-
tion accefloire de ne rien contenir de plus
que la principale 5 un cautionnement par
Part.II. Chap. VI. 475
lequel la caution s'oblige à quelque chofe
de plus , pèche dans fa forme effentielle
de cautionnement, &l doit parconféquent
être abiblument nul. Ce raisonnement, fur
lequel il y a lieu de penfer que les Jurif-
coniiiltes Romains fe font fondés , eft
plus fubtil que folide. De ce qu'un cau-
tionnement cil un acceifoire de Pobliça-
tion principale , il s'enfuit feulement que
Ion que la caution s'efl obligée à plus ,
elle n'efr. pas valablement obligée à ce
plusj mais rien ne doit empêcher qu'elle
le foît jufqu'à concurrence de ce à quoi
le débiteur principal s'eft. obligé ; car en
voulant s'obliger à une fomme plus gran-
de , elle a voulu s'obliger à cette fomme
à laquelle le débiteur principal s'eil obli-
gé; c'en1 pourquoi les Loix Romaines n'é-
tant fuivies dans nos provinces qu'autant
qu'on les trouve conformes à l'équité na-
turelle ; je penfe qu'on doit en ce point
s'en écarter , & décider qu'une caution ,
qui s'eft obligée à une plus grande fomme
que celle portée par l'obligation princi-
pale , ou qui s'efr. obligée de payer pré-
sentement ce que le débiteur principal ne
devoit qu'au bout d'un certain terme , ou
fous une certaine condition , eu valable-
ment obligée à payer la fomme portée en
l'obligation principale aux termes ck fous
les conditions y portées ; la Coutume de
476 Tr. des Oblig.
Bretagne , art. 1 1 8. a fuivi ce fentiment }
& WifTembach ad T. de fid. n. 10. con-
vient que , quoique contraire aux textes
de droit , il eft fuivi dans la pratique.
376. Le principe que nous avons éta-
bli , que le fidéjufTeur ne peut s'obliger à
des conditions plus dures que ne l'en1 le
débiteur principal , in duriorem caufam 9
doit s'entendre par rapport à ce qui eft
dû & à ce qui fait l'objet de l'obligation ;
le fidéiuffeur ne peut pas à la vérité de-
voir plus que le débiteur doit , quantjfate9
die, loto , conditionc , modo; mais, quant
à la qualité du lien , il peut être plus
étroitement & plus durement obligé.
Par exemple , i°. fuivant les principes
du droit Romain , le ndéjuiTour qui accède
à une obligation purement naturelle eft
plus étroitement obligé que le débiteur
principal , puifqu'il peut être contraint à
payer , & que le débiteur principal ne le
peut être , le créancier n'ayant point d'ac-
tion contre lui.
20. Suivant les principes dumême droit
Romain , lorfque quelqu'un à cautionné
un débiteur qui a , ce qu'on appelle ex-
ceptionem competentiœ; comme fi quelqu'un
a cautionné le père envers le fils créancier
defon père , le fidéjufTeur eft plus étroi-
tement obligé que ne l'eft le débiteur prin-
cipal , puifque le fidéjufTeur peut être
P A R T. 1 1. C H A P. V I. 477
Contraint dans toute la rigueur au paye-
ment de toute la dette ; au lieu que le
)iteur principal ne le peut être que juf-
qif à la concurrence de ce qui lui refiera ,
en lui laiflant ce qui lui cil nécefTaire pour
fa fubfiitance , /,. 173. ffl de reg. jur.
3 °. Le fidcjufTeur d'un mineur eft fou-
vent plus étroitement obligé , que le dé-
biteur principal qui peut , s'il a été lézé ,
être reftitué contre fon obligation ; au
lieu que le fidéjufleur eft obligé , fans ef-
pérance de reftitution , Z. 13. de minor.
L. 1. cod. defidejuJJ] minor.
4V. Suivant nos ufages une caution ju-
diciaire eft contraignable par corps , quoi-
que le débiteur principal n'y foit pas fujet
put à , fi c'eft un prêtre , un mineur , une
femme , un feptuagenaire ; & par confé-
quentplus étroitement & , quant à la qua*
lité du lien , plus durement obligée.
Corollaire V.
377. Il réfuite de notre définition , que
le cautionnement étant une obligation ac-
ceffoire à celle du principal débiteur, l'ex-
tinction de l'obligation principale, entraî-
ne aufîi l'extinction du cautionnement,
puifqu'il eft de la nature des chofes ac-
cefïbires de ne pouvoir fubfifler fans la
chofe principale t toutes les fois donc que
478 Tr. des Oblige
le débiteur principal eft libéré , de quel-
que manière que ce foit , non-feulement
par le payement réel qu'il auroit fait de
la dette, ou par la compenfation de la
dette 9 mais aufîi par la remife qui lui en
auroit été faite , le fidéjufleur eft pareil-
lement libéré ; car l'eiïence du cautionne-
ment étant que le fidéjufTeur foit obligé
pour un principal débiteur , il ne peut
plus être obligé lorfqu'il n'y a plus de
principal débiteur pour qui il foit obligé.
378. Pareillement la caution eft libérée
par la novation qui eft faite de la dette ;
car la caution ne peut plus être tenue de
la première dette , pour laquelle elle a
été caution du débiteur , puifqu'elle
ne fubfifte plus , ayant été éteinte par la
novation ; elle ne peut être tenue auftl
de la nouvelle dette , en laquelle a été
convertie la première 9 puifque cette nou-
velle dette n'eft pas celle à laquelle elle a
accédé ; novatione légitime perfictâ debiti
in aliam fpeciem tranjlati , prions con-
traclus fidejujfores , vel mandatons liber atos
ejfe non ambigitur , fi modb in fequenti fi
non obligaverint , L. ^.cod. de fidejuf.
379. Pareillement lorfque le débiteur
principal devient feul héritier pur &fim-
ple du créancier , aut vice versa , lorfque
le créancier devient feul héritier pur &
fimple du débiteur principal , ou lorf-
P a r t. I î. Chap. VI, 479
qu'une même perfonne devient fucceiîi-
vement héritière de Tune ou de l'autre,
les fidéjufleurs font libérés , parce qu'il
ne relie plus de débiteur principal , par
la confufion qui fe fait des qualités de
créancier &£ de débiteur , lefquelles fe
trouvant réunies en une même perfonne,
fe détruifent Tune & l'autre , perfonne
ne pouvant être créancier de foi-même,
ni débiteur de foi-même.
Il en feroit autrement fi le débiteur
n'étoit devenu héritier du créancier que
fous bénéfice d'inventaire , autvice versa;
car un des effets du bénéfice d'inventaire
étant d'empêcher la confufion des quali-
tés , &: de diflinguer la perfonne de l'héri-
tier , de la fuccefîlon bénéficiaire , le dé-
biteur héritier bénéficiaire du créancier
demeurant toujours débiteur envers la
fucceflion bénéficiaire , fes cautions ne
font point libérées; car il y a un débiteur
principal.
Lorfque le créancier fuccede à fon dé-
biteur , non à titre d'héritier , mais à ti-
tre de donataire univerfel , ou de légatai-
re univerfel , ou de déshérence ? ou de
confiscation , comme dans tous ces cas
il n'efi: pas tenu des dettes indéfiniment,
mais feulement jufqu'à la concurrence de
la valeur des biens auxquels il fuccede ,
la confufion ne fe fait que jufqu'à cette
r4$0 T R. DES O B L I G.*
concurrence ; d'où il fuit que les cautions
ne font déchargées que jufqu'à cette con-
currence , & que s'il n'y a pas dans les
biens qu'a laiiîe le débiteur, de quoi ac-
quitter toute la dette , les cautions font
obligées de payer le furplus ; mais le
créancier ne peut les pourfuivre qu'il ne
leur ait compté des biens du débiteur au-
quel il a fuccédé.
Lorfque le débiteur devient héritier
pur & fimple à la vérité du créancier ,
mais pour partie feulement , aut vice. versa9
la confufion ne 4e faifant que pour la por-
tion pour laquelle il eu héritier , fes cau-
tions ne font libérées que pour cette por-
tion,
380. Lorfque le débiteur principal n'eft
pas libéré de plein droit , mais par quel-
que exception , ou fin de non-recevoir,
qu'il peut oppofer contre la demande du
créancier ; les fidéjufîeurs peuvent-ils op-
pofer les mêmes fins de non-recevoir que
peut oppofer le débiteur principal ? Il
faut à cet égard diftinguer entre les ex-
ceptions ou fins de non-recevoir qu'on
appelle , exceptiones in perfonam , & cel-
les qu'on appelle > exceptioncs in rem : les
exceptions in perfonam font celles qui font
fondées fur quelque raifon qui efl per-
Tonnelle au débiteur principal ; les ex-
ceptions in rem 9 font celles qui font ainfi
appellées ^
Part. II. Chap. VI. 481
appellées , parce qu'elles ne font pas fon-
dées ilir quelque raifon qui foit perfon-
nclle au débiteur principal , mais fur la
choie même , c'efl-à-dire , far 'la dette
elle-même.
Ces exceptions , in rem , peuvent être:
oppofées par les cautions , aurTi-bien que
par le débiteur principal ; ni cohœrentes
exceptiones etiam fidejujforibus competunt ,
L. 7. §. 1. ff.de except. &c c'efl de ces ex-
ceptions qu'il faut entendre ce qui en1 dit
en la loi 19. ff\ d. tit. omnes exceptiones
quœ no competunt ^jidejujjori quoque , etiam,
invito reo competunt.
Telle eu l'exception de dol ou de vio-
lence , telles font aufll l'exception de la
chofe >ugée, ou du ferment décifoire d.
L. 7. §. 1. car ces exceptions étant fon-
dées fur ce qu'il a été décidé par la fen-
tence , ou par le ferment décifoire , que
la chofe n'étoit pas due , font des excep-
tions qui tombent fur la chofe , &£ qui
ne font pas fondées fur quelque raifon
qui foit perfonnelle au principal débi-
teur ; &C par conféquent ce font des ex-
ceptions qui ne font point exceptiones in
perfonam , mais exceptiones in rem , qui
peuvent être oppofées par les cautions ,
aufli-bien que par le débiteur princi-
pal avec qui la chofe a été jugée , ou à
qui on a déféré le ferment : nec objïat regu-
Tome I, X
482 Tr. des Oblig.
la juris , que la chofe jugée , non plus
que le ferment décifoire, ne peuvent ac-
quérir de droit à des tiers qui n'ont pas
été parties , L, 2. cod. Quib. resjud. non
noc.-L. 3. §. 3. ff. de jurejur. car cette
règle ne doit pas s'entendre de ceux dont
le droit eft efïentieliement lié avec celui
de la perfonne qui a été partie , tels que
font les cautions à l'égard du principal
débiteur.
Lorfqu'un débiteur principal , par une
tranfa&ion avec le créancier fur la légi-
timité de la dette , eft convenu de la
payer , mais à la charge qu'il auroit ter-
me de trois ans ; l'exception que cette
convention donne contre le créancier,
s'il faifoit des pourfuites avant le terme,
eft âufïi une exception in rem , car elle
eft fondée fur la chofe même ; elle eft fon-
dée fur le doute qu'il y avoit fur la légi-
timité de la dette , fur lequel doute on a
tranfigé. Cette exception peut par confé-
quent être oppofée par les fldéjufTeurs ,
amli-bien que par le débiteur principal ,
quoiqu'ils n'ayent pas été parties en la
tranfaclion ; de-là naît une queftion : on
demande fi le débiteur par une nouvelle
convention avec le créancier, peut au
préjudice des fldéjufTeurs , permettre au
créancier d'exiger fa créance , avant le
terme porté par la première convention ?
Part. II. Chap.VI. 483
Paul en la loi 2.7. §. 2. ff. de pact. décide
formellement qu'il le peut , ( quoique
quelques interprètes pour concilier ce
texte avec la loi fin. fif.d. tu. qui décide
le contraire , ayent donné la torture au
texte , pour lui faire dire autre chofe. )
La railbn de la décifion de Paul eft que
le droit qui réfulte de la première con-
vention ayant été formé par le concours
des feules volontés dû créancier & du
débiteur , fans que les fidéjulTeurs y foient
intervenus, il peut fe détruire par un
confentement contraire ; cum quœquc eo-
dem modo dijfolvantur quo colligata funt*
au contraire Furius Anthianus décide que
la nouvelle convention ne peut priver les
fidéjufleurs de l'exception qui leur a été
acquife par la première ; L. fin. ff. de
pacl. 6c je penfe qu'il faut s'en tenir à cette
décifion ; la raifon alléguée pour celle
de Paul ne peut avoir lieu que lorfqu'il
n'y a pas un droit acquis à un tiers ; quel-
ques interprètes , dont j'ai fuivi autrefois
l'opinion, pour concilier Furius Anthianus
avec Paul, difent que la décifion de Fu-
rius n'a lieu que dans le cas auquel les fî-
déjuiïeurs ont ratifié & accepté la pre-
mière convention ; mais cette conciliation
eft divinatoire ; il n'eft pas dit dans cette
loi que les fidéjurTeurs avoient accepté
la première convention ; on ne peut pas
Xij
484 Tr. des Oblig.
même le fuppofer ; car en le fuppofant 1
Furius auroit mis en queflion ce qui n'au-
roit pas pu faire de queflion.
Pafïons maintenant aux exceptions in
pzrfonam.
Ces exceptions qui font fondées fur l'in-
fo lvabilité ou le peu de folvabilité du dé-
biteur principal , & fur le privilège per-
fonnel qu'il a de ne pouvoir être con-
traint fur fon néceffaire , ne peuvent être
oppofées par les cautions ; c'eft ce que
nous aprenons de la loi j.ff. de exccpt. qui
enfeigne que l'exception qui eft accordée
àftm débiteur, qui feroitou le père , ou
la mère , ou le mari , ou le patron , ou
l'aflbcié du créancier pour ne pouvoir
être contraint au payement fur fon nécef-
faire , ne peut être oppofée par les cau-
tions : la raifon eft évidente. L'état de pau-
vreté de ce débiteur principal ne le libère
pas de fon obligation ; & s'il venoit par
la fuite à avoir la commodité de payer , il
pourroit y être contraint ; en attendant
fon obligation ne laiffe pas de fubfifter
dans tout fon entier , & elle fert d'un fon-
dement fuffifant à celle de fes cautions. Son
état de pauvreté ne la détruit pas , elle en
arrête feulement l'exécution par l'excep-
tion qu'il a de ne pouvoir être contraint au
payement fur fon néceffaire : mais cette
exception étant fondée fur fa qualité de
Part. IL Chap. VI. 485
père ou de mari , &c. qui lui eft perfon-
nelle , ne peut être oppoice par fes cau-
tions.
Il en eft de même de l'exception qui
refaite de la cefîion de biens : lorfque le
débiteur principal a fait une celîîon de fes
biens, & qu'ils n'ont pas fuffi à payer ce
qu'il devoit , il n'en1 pas libéré du furplus ,
L. 1. cod. qui bon» ced. & fon obligation
qui fubfifte pour le furplus , eft un ronde-
ment fufrifant à l'obligation de fes cau-
tions pour ce furplus. Néanmoins tant
qu'il n'a pas acquis de nouveaux biens au-
delà de ce qui lui eft néceflaire pour fa
fubnftance,il peut oppofer contre les pour-
fuites que feroit contre lui un créancier ,
une fin de non-recevoir résultante de la
jceffion qu'il a faite de fes biens , L. 3.
cod. de. bon. author. Jud. pojjid. L. 4. ffl
de cejff. bonor. il en: évident que cette fin
de non-recevoir eft fondée fur une rai-
fonde faveur qui eft perfonnelle au débi-
teur , c'eft exceptio in perfonam 9 que fes
cautions ne peuvent oppofer.
Je penfe qu'il en eft de même de l'ex-
ception qui naît d'un contrat d'attermoie-
ment auquel un créancier auroit été obligé
d'accéder , par lequel on accorde au dé-
biteur remiie d'une partie de la' dette , Se
certains termes pour le payement du fur-
plus , je crois que l'exception que donne
Xiij
486 Tr. des Obug.
ce contrat au débiteur principal contre la
demande qui feroit donnée contre luiavant
les termes accordés par ledit contrat , ou
contre la demande de ce qui lui a été re-
mis par ledit contrat , ne doit pas parler
aux fidéjufleurs , &c qu'ils peuvent être
pourfuivis incontinent pour le payement
du total de la créance ; car il eil évident
que cette exception eu une exception m
perfonam , qui n'eft accordée au débiteur
qu'en considération de fon état de pau-
vreté , qui lui eft perfonnel ; les remifes
accordées par le contrat d'attermoiement
n'ayant pas été accordées animo donandl^
mais par néceiïité , l'exception qui refaite
de ce contrat , ainfi que la précédente ,
ne donne atteinte qu'à l'obligation civile;
l'obligation naturelle , pour ce qui rerte
à payer, fubfiftedans toute fon intégrité ,
ck fert d'un fondement fuffifant à l'obliga-
tion des fldéjiifTeurs ; cette raifon fert
de réponfe à celle qu'on allègue en pre-
mier lieu pour l'opinion contraire , qui
confifle à dire qu'il eu de l'eflence du cau-
tionnement que le fidé juffeur ne peut être
tenu à plus que n'efl: tenu le débiteur prin-
cipal ; quant au fécond moyen qu'on al-
lègue pour l'opinion contraire , qui con-
fifte à dife , que fi le fidéju fleur ne pro-
fitait pas du contrat d'attermoiement , &
pouvoit être obligé de payer le total de
Part II. Chap. VI. 487
la dette , il arriveroit indirectement que
le débiteur principal n'en profiterait
pas lui-même , à caufe du recours que le
fidejufTeur , qui auroit payé le total ,
auroit contre lui ; la réponfe eft que cela
n'arrivera pas, parce que Jefidéjuffeur qui
a payé le total eft , en fa qualité de créan-
cier de cette fomme pour fon indemr
nité , obligé , auiïi-bien que les autres
créanciers , d'accéder au contrat d'atter-
moiement, & de faire fur cette indemni-
té , au débiteur principal , les remifes qui
font portées audit contrat : il faut néan-
moins convenir que l'opinion contraire
eit autorifée par deux anciens Arrêts,
cités par Bafnage , dont l'un eil du Par-
lement de Paris , & l'autre du Parlement
de Normandie, & eft le 114. de ceux
rapportés par Montholon; mais je ne penfe
pas que la décifion de ces Arrêts doive
être fuivie par les raifons ci-deffus rap-
portées : cette décifion paroît même ré-
fifter à la nature du cautionnement, qui
eft un adle auquel un créancier a recours
pour fa sûreté , contre le rifque de Fin-
folvabilité du débiteur principal : or que
deviendroit cette sûreté , il le créancier
n'a voit pas le droit d'exiger de la cau-
tion ce que Pinfolvabilité du débiteur
principal l'obligeroit de remetrre au dé-
biteur principal : notre fentiment eft con-
X iv
4$$ Tr. des Oblig.
forme à l'article 1 3 . des arrêtés de M,
de Lamoignon fur ce titre.
Lorfqu'il y a eu convention entre un
créancier & le débiteur principal par la-
quelle le créancier pour gratifier le dé-
biteur principal , feroit convenu avec lui
de ne lui pas demander le payement de
la dette ; û le créancier par la fuite en de-
mandoit le payement aux cautions , les
cautions pouvoient à la vérité lui oppo-
fer l'exception qui réfulte de la conven-
tion qu'il a eue avec le débiteur prin-
cipal , mais fuivant l'ancien Droit Ro-
main , les cautions n'avoient ce droit
que parce que la demande donnée contre
les cautions refléchifloit contre le débi-
teur principal qui étoit obligé de les en
acquitter, acîione contraria, mandati azit ne*
gotiorum gefîorum ; c'en1 pourquoi dans le
cas auquel la demande donnée contre les
cautions n'eût pas dû refléchir contre le
débiteur principal,/»///^ parce que ces cau-
tions l'auroient cautionné donandi uni"
mo avec proteflation de ne rien répéter
contre le débiteur principal de ce qu'ils
feroient obligés de payer pour lui , les
cautions ne pouvoient en ce cas , fuivant
les principes de l'ancien droit, oppofer
l'exception qui naît de la convention
intervenue entre le créancier & le débi-
teur principal , parce que cette conven?
Part. II. C h a p. VI. 489
tion &: l'exception qui en réfulte étant
fondées fur la confidération perfonnelle
que le créancier a eu pour le débiteur
principal qu'il a voulu gratifier , c'eil une
exception in perfonam qui n'appartient
point aux cautions. C'eft ce que nous ap-
prenons de la Loi 32. ffl depaci. où il eft
dit : Quod diclum efl , fi cum reo paclum
fit tli non petatur ^ fidej uffori quoquc compe-
tere exceptionem , prop 'ter ni perfonam pla-
cuit y ne mandatijudicio conveniatur : igitur
fi mandtiti aclio nulla fît , forte fi donandi
animo fidej ufjerit ; dicendum efl non pro-
deffe exceptionem fidej ufjo ri.
Quand même la caution feroit une
caution ordinaire , qui a recours contre
le débiteur principal pour ce qu'elle eil
obligée de payer pour lui , elle ne pour-
roit , félon les principes du Droit Ro-
main , oppofer l'exception qui naît de la
convention intervenue entre le créancier
&le débiteur principal , fi par cette con-
vention le créancier , en promettant de
ne pas demander le payement de la dette
au débiteur principal, s'étoit expreïfé-
ment réfervé de pouvoir le demander à
la caution., débitons conventio fidej uffori-*
bus proficiet , nifi hoc aclurn efl ut dum-
taxât , à reo non petatur , à fidej ufforc
petatur : tune enim fidej uffor exceptionz non.
Utttur ? L. z 1 . §♦ i, in fin, L. 22. ffl d. Tu.
X v
490 Tr. des Oblig,
Cujas dans Ton Commentaire fur ledit
§.5. obferve fort bien qu'en cela les fi-
déjufTeurs différoient de ceux qu'on ap-
pelle en Droit ? mandatons pecuniœ cre-
dendœ ; car fi à votre requifition j'avois
prêté à quelqu'un une fomme d'argent ,
je ne pouvois pas par la fuite , en conve-
nant avec le débiteur que je ne' lui de-
manderais pas le payement de la dette ,
me referver valablement le pouvoir de
vous le demander ; il nous en donne cette
raifon de différence : lorfqu'à votre requi-
fition j'ai prêté une fomme d'argent à
quelqu'un , je fuis par la nature du con-
trat de mandat qui eu intervenu entre
nous , obligé de vous céder i'aclion qiiï
naît du prêt que j'ai fait en exécution
de votre mandat ; tout mandataire étant
obligé ? aciione mandati directd , à tenir
compte au mandant de tout ce qu'il a
acquis en exécutant le mandat : donc
lorîque par mon fait je me fuis mis hors
d'état de pouvoir remplir mon obliga-
tion envers vous , 6c de pouvoir vous
céder l'action qui naît du prêt que j'ai
fait au débiteur , foit en convenant avec
le débiteur de ne lui rien demander ,
foit en laiffant , par ma faute , donner
congé de ma demande contre ce débi-
teur , foit de qrelqu'autre manière que
ce foit 5 je ne dois plus être lecevable à
P A R T. I I. C H A P. V î. 49I
répeter de vous , actione mandati contra-
ria , Ja ibmme que j'ai prêtée par votre
ordre à ce débiteur , L. 95. §. pen.jffl de
folut. car c'eft un principe commun à
tous les contrats fynallagmatiques que la
partie qui manque à fon obligation, n'eft
pas recevable à demander à l'autre partie
PaccompLiTement de la Tienne.
Il n'en eft pas de même des fidéjuffeurs;
un créancier , fuivant les principes de
l'ancien Droit Romain , comme l'obfer-
ve Cujas ad d. §. ne contracte aucune
obligation envers les fidéjufleurs de leur
conserver fes actions contre le débiteur
principal contre lequel ils en ont une de
leur chef; c'eft par une pure raifon d'é-
quité qu'il n'en peut refufer la ceflion à
la caution lors du payement qu'elle fait ;
mais il n'eft tenu de les céder que telles
qu'il les a , & autant qu'il les a ; c'eft
pourquoi la convention qu'il a eu avec
le débiteur, par laquelle il a rendu inef-
ficaces (es actions contre lui , ne l'exclut
pas de pouvoir demander au fidéjuffeur
le payement de la dette.
Tel étoit l'ancien Droit , qui , com-
me l'obferve Cujas ad J. §, 6. ne peut
gueres avoir lieu depuis la Novelle
de Juftinien : Jure novo , dit Cujas , kaud
faclU procéder* poteJl\ car Juftinien ayant
par la Novelle accordé aux fi deju fours
Xvj
49* Tr. des Oblig,
l'exception de difcuffion , beneficlum or-*
dinis , qui confifte dans le droit qu'il leur
donne, lorsqu'ils font pourfuivis par le
créancier , à le renvoyer à fe pourvoir
auparavant contre le débiteur principal ,
&: à difcuter pour cet effet {es biens , il
eft évident que le créancier ne peut plus
aujourd'hui , en convenant avec le débi-
teur de ne lui pas demander le payement
de la dette , fe réferver le pouvoir de le
demander aux fïdéjuffeurs ; car il ne peut
par fon fait les priver du droit 6c de
l'exception que la loi leur donne.
Selon les principes du Droit François ,"
outre cette raifon tirée de la Novelle ,
pour qu'un créancier ne puiffe en conve-
nant avec le débiteur de ne pas lui de-
mander le payement de la dette , fe ré-
ferver le pouvoir de le demander aux
cautions ; il y en a une autre qui n'eft pas
moins décifive : elle fe tire de la diffé-
rence des principes du Droit Romain ,
6c des nôtres fur les fimples paa.es.
Selon les principes du Droit Romain y
il n'y avoit que les obligations qui avoient
été formées par lefeul confentementdes
parties qui pouvoient fe détruire par un
confentement contraire; à l'égard de tou-
tes les autres , lorfque le créancier vou-
loir en faire remife au débiteur , il ne
pou voit le faire que par la formule de
Part. II. Chap. VI. 493'
Pacceptilation ou fimple , ou Aquilienne :
fans cela la convention qu'il avoit eu
avec le debiteur de ne point exiger de lui
la dette , ifétoit qu'un fimple pa& qui ne
pou voit détruire l'obligation du débiteur;
car de même qu'un fimple pact ne peut
pas produire une obligation civile , il
iî£ peut pas auffi la détruire ; il efr. vrai
que cette convention donnoit au débiteur
une exception pour exclure le créancier
de la demande qu'il auroit donnée con-
tre lui contre la foi de la convention ;
mais le débiteur ne tenoit cette excep-
tion que de l'équité Prétorienne contre
la rigueur du droit ; l'obligation qu'il
avoit contractée ne laiflbit pas defubfif-
ter ipfo jure en fa perfonne , & étoit iut
fuffifant fondement pour conferver celle
des fîdéjuffeuvs qui y avoient accédé.
Il en étoit de même de la convention
par laquelle le créancier par libéralité
auroit accordé un certain terme à fon
débiteur qui avoit d'abord contracté une
obligation pure 6c fimple & fans aucun
terme ; cette convention n'étoit qu'un
fimple pact qui ne donnoit au débiteur
qu'une exception conrre la demande que
le créancier , contre la foi de la conven*
tion , auroit donné contre lui avant le
terme ; mais fi par la convention le créan*
cier avoit déclaré qu'il n'entendoit ac-
494 Tr. des Oblig,
corder le terme qu'au débiteur, & non
aux cautions , cette convention , fuivant
les principes de l'ancien Droit, ne l'em-
pêchoit pas d'agir contre les cautions
avant le terme , qui ne pouvoient pas
lui oppofer le principe de droit , qu'il
eft de la nature 6c de l'effence du cau-
tionnement que la caution ne foit pas
obligée à plus que le débiteur principal ,
& qu'elle ait les mêmes termes de paye-
ment : car la convention par laquelle le
terme a été accordé au débiteur n'étant
qu'un fimple patl: , n'a pu donner attein-
te à fon obligation , ni la diminuer ; elle
fubfifte ipfo jure telle qu'elle a été con-
tractée , comme obligatiou pure & fim-
ple & fans terme , & elle laifïe fubfifter
de même celle des cautions. Si le débi-
teur peut jouir du terme qui lui a été ac-
cordé par la convention , ce n'eft que
par une exception qu'il ne tient que de
l'équité Prétorienne contre la rigueur du
droit, &£ qui n'étant fondée que fur une
confidération perfonnelle pour le débi-
teur , ne paffe pas à fes cautions.
Ces principes du Droit Romain fur
l'effet des fimples pacls ne font point
puifés dans le droit naturel , & ne font
fondés que fur des flibtiîiîés très-oppo-
{ées à l'efprit 6c à la fimplicité de notre
Droit François» Nous ne connoiffons
Part. Iî. Chap. VI. 495
point la iblemnitéde l'acceptilation : tou-
tes les conventions peuvent produire
des obligations civiles , les éteindre 6c
les modiner. Lorfqifun créancier a con-
vention avec le debiteur.de ne point exi»
g r de lui la dette , cette convention
félon la iimplicité de notr? Droit Fran-
çois , libère de plein droit le débiteur ;
c'en1 pourquoi le créancier ne peut pas
valablement fe réferverd'en pouvoir de-
mander le payement aux cautions , la li-
bération du débiteur entraînant nécessai-
rement celle des cautions.
Pareillement dans notre Droit , lorf-
que depuis le contrat, un créancier par
libéralité accorde un certain terme de
payement à fon débiteur, il ne peut pas
valablement exclure de ces termes les
cautions ; car la convention ayant l'effet
de modifier de plein droit l'obligation
du débiteur , & d'une obligation pure ôc
fimple d'en faire une obligation avec
un terme de payement , l'obligation des
cautions reçoit néceffairement la même
modification , & a le même terme de
payement qura l'obligation du débiteur
principal ; étant de l'erTence du caution*
nement que la caution ne foit obligées
plus que le débiteur principal.
Si dans le cas d'un contrat d'attermoye-
ment fait entre les créanciers &c le dé*
Î49<5 Tr. des Oblig;
biteur, les cautions ne jouifTent pas des
remifes & des termes accordés au débi-
teur par le contrat , comme nous l'avons
décidé ci-deflus , c'eft que les remiles &
les termes qui font accordés au débiteur
par ce contrat , ne tombent que fur l'obli-
gation civile*; l'obligation naturelle de*
meure dans fon entier : en conféquence
de laquelle , le débiteur lui-même ^ fi la
commodité de payer lui furvenoit , ne
pourroitdans le for de la confcience jouir
îles remifes ni des termes qui lui ont été
accordés. Cette obligation naturelle fuffit,
comme nous l'avons dit , pour fervir de
fondement à celle des cautions; maislorf-
qu'un créancier de fon bon gré & par
libéralité a déchargé fon débiteur , ou
lui a accordé terme , le débiteur n'étant
plus obligé, ni naturellement, ni civile-
ment , de payer lafomme qui lui a été
remife , n'étant plus obligé ni naturelle-
ment , ni civilement de payer avant le
terme ; c'eft. une conféquence que les cau-
tions ne le foient plus aufïL
381. Lorfque le débiteur principal fe
fait reftituer contre fon obligation par des
lettres de refcifion , la refcifion de fon
obligation entraîne-t-elle la refcifion de
celles des cautions ? Il faut faire la même
diftin&ion que nous avons faite à l'égard
4es exceptions : & la reftitutioa eft fon-?
Part. II. Chap. VI. 4*97
dée (va quelque vice réel de l'obligation ,
comme iiir le dol , la violence , l'erreur,
la leiion énorme ; la refcifion de l'obliga-
tion principale entraîne celle des fldéjuf-
fairs ; que ii au contraire lareftitution eft
fondée fur des raifons qui foient perfon-
nelles au débiteur principal , comme par
exemple , fur fa minorité ; en ce cas la ref-
cifion qu'il obtient de fon obligation n'en-
traîne point celle des fidéjufleurs ; ce dé-
biteur principal n'acquiert par lareftitu-
tion qu'une défenfe qui lui eft perfonnelle
contre fon obligation , laquelle , nonob-
stant la refcifion , fubfifte en quelque fa-
çon natitraliur , & eft un fujet fuffifant
auquel l'obligation des fidéjufleurs peut
accéder; c'eft ce qui efl décidé par la
loi 1 3 . fF. de minorib. & bien nettement par
la loi i.cod. dejidijiiff.min.
Il y a néanmoins un cas auquel la ref-
cifion de l'obligation principale, quoique
pour feule caufe de minorité , entraîne
celle des fidéjufleurs ; c'eft lorfque le dé-
biteur principal s'efl: obligé en une qua-
lité que la refcifion a détruit; comme s'il
s'étoit obligé en qualité d'héritier, &c qu'il
fe fît reftituer contre fon acceptation* de
fucceflion ; car le débiteur principal n'é-
tant pas obligé de fon chef, mais en une
qualité d'héritier qu'il n'a plus &C qu'il
a perdue par la refcifion de fon accepta-
4ç>8 Tr. des Oblig.
tion de fuccefîion , il n'eft plus débi-
teur en tout y même naturaliser ; fon
obligation attachée à cette qualité qui eu.
détruite , ne fubfifîe plus : c'eft ce qui
efl décidé en la loi %$• ff. de acquir. kered.
382. La règle que nous avons établie
quel'extin&ion de l'obligation principale,
entraînoit celle du fidéjuffeur, fouffre une
efpece d'exception dans le cas auquel la
chofe due feroit périe par le fait ou la
faute du fidéjuffeur, ou depuis qu'il a été
confirmé en demeure ; en ce cas, quoique
l'obligation du débiteur principal qui n'a
pas été conftitué en demeure ,foit éteinte
par l'extinction de la chofe qui en faifoit
l'objet , le fidéjuffeur demeure obligé ;
c'efl: ce que décide la loi 32. §. j.ff. de
Ufur.Ji fidej u(for folus moram fccerit > nus
non tenetur , ficutiji flicham promijjum occi-
dent , fed UTILIS ACTIO in hune (fîde-
jujjbrem ) dabitur.
Ce qui a été établi contre le principe
de droit , qui ne permet pas que l'obliga-
tion du fidéjuffeur puiffe fubfifter après
l'extinction de l'obligation principale ;
c'eft ce que nous-marque le Jurifconfulte
en nous difant qu'en ce cas l'obligation
qui a lieu contre le fidéjuffeur eu une
action utile, acfio utilis , c'effà-dire , qui
eft donnée contra tenonm juris , itafua-
dente utilitate & œquitate par forme de
Part. TI. Chap. VI. 499
dommages 6c intérêts , 6c en punition
de la faute ou demeure du fidéjuneur.
Corollaire VI.
3S3. De ce que le fidéjuueur Suivant
notre définition , efl celui qui s'oblige
pour un autre , qui accède à l'obligation
d'un autre , les Jurifconfultes Romains
avoient tiré cette conféquence , que tou-
tes les fois que les deux qualités de débi-
teur principal 6k de fidéjuueur de ce dé-
biteur fe trou voient concourir dans une
même perfonne , ce qui arrive lorfque le
fidéjuneur devient héritier du débiteur
principal ; aut vice versa , lorfque le dé-
biteur principal devient héritier du fidé-
jufïeur; ou lorfqu'un tiers devient héritier
de l'un 6c de l'autre , en tous ces cas la
qualité de débiteur principal détruifoit
celle de fidéjuueur ; un fidéjuneur étant
euentiellement celui qui efl obligé pour
un autre , 6c ne pouvant être le fidéjuueur
de foi-même ; d'où ils concluoient que
dans tous ces cas , l'obligation du caution-
nement étoit éteinte , 6c qu'il ne refloit
plus que l'obligation principale , £. £3.
§. 2. & fin. ff. de folut. L. J. ffl d. fid+
L. 24. cod. dz fide/.
De-là ils concluoient que fi le fidéjuf-
itur avoit lui-même donné un fîdéjiuTeur
^oo Tr. des Oblïg.
qui accédât à fon obligation ; en tous ces \ l
cas l'obligation de ce fidéjuffeur du fidé-
juffeur étoit éteinte par l'extinfrion de
celle du fidéjuffeur , qui étoit comme une I
obligation principale , vis-à-vis de celle
de ce fidéjuffeur du fidéjuffeur, L. 38.
§. jfo. ffl de folut.
Selon nos ufages on n'a pas égard à
cette fubtilité , & un certificateur de
caution qui eft fidejujfor fidej ujjoris n'eft
pas déchargé parce que le fidéjuffeur qu'il
a certifié eft devenu héritier du princi-
pal débiteur , aut vice versa ; il y a d'au-
tant plus lieu de le penfer que les Jurif-
confiiltes Romains avoient été partagés
d'avis fur cette queftion , d. L, 93. §.fin.
aufurplus quand même on décideront fui-
vant le droit Romain qu'il fe feroit dans
ce cas confufion de l'obligation du fidé-
juffeur ; les hipotheques données par ce
fidéjuffeur ne laiffent pas de fubfifter, car
les hipotheques ne s'éteignent que par le
payement ; & cette confufion , qui félon
la fubtilité défoblige le fidéjuffeur en fa
qualité de fidéjuffeur , n'équipolle pas à
un payement : c'eft ce qui eft décidé d. L„
38. §./*.
Lorfque la caution devient héritière de
fon cofidéjuffeur , il n'eft pas douteux
qu'il ne fe fait en ce cas aucune confufion
& que les deux obligations fubfiftent^
Part. II. Chap. VI. 501
Quoique réunies dans une même perfonne,
L. 1 1. §. 1 . ff. defidej. de même que lors-
qu'un débiteur principal fuccëde à Ton
codébiteur principal , les deux obligations
iiibii lient , L, <j. jf. d. th.
384. De ce qu'il eft de TerTence de
l'obligation des fïdéjuffeurs d'accéder k
l'obligation d'un débiteur principal , il
n'en tant pas conclure qu'elle foit éteinte,
lorfque le débiteur principal eft mort fans
avoir lahTé d'héritiers ; la raifon de douter
feroit qu'il ne refte aucun débiteur prin-
cipal à l'obligation duquel le fidéjufTeur
puiffe paroître accéder ; la raifon de dé-
cider qui peut en même temps fervir de
réponfe à cette objection , eft que la fuc-
cefïion quoique vacante de ce débiteur
principal , le repréfente, & tient lieu de
fa perfonne , fuivant la règle kereditasja-
cens perfonœ defuncii vicem fufiinet , & par
conféquent il refte au moins ficïio ne Juris
un débiteur principal , à l'obligation du--
quel accède celle des fidéjurTeurs.
Vice versa, lorfque le créancier envers
qui le cautionnement a été fubi , meurt ,'
& laifle fa fuccefïïon vacante , cette fuc-
cefîion le repréfente , & eft une perfon-
ne fictive envers laquelle le cautionne-
ment continue de fubfifter.
385. Lorfque le cautionnement a été
fubi envers un créancier , dans une çer^
5oi Tr. des Oblig.
taine qualité qu'avoit le créancier , le
cautionnement fubfilîe envers les per-
fonnes à qui cette qualité a pafîe. Par
exemple, fi j'ai cautionné le débiteur d'une
fuccefïïon , envers l'héritier en fa qualité
d'héritier, cet héritier ayant depuis resti-
tué la fuccefïïon à un héritier fidéi-com-
miffaire en la perfonne de qui la qualité
d'héritier & tous les droits héréditaires
ont parlé , le cautionnement fubfifle en-
vers l'héritier fidéi-commiflaire , L. xi*
ff. de Jîd.
Section II.
Divljion des fidêjujjeurs ou cautions»
386. Nous avons dans notre Droit Fran-
çois trois différentes efpeces de cautions
ou fidéjufTeurs ; les cautions purement
conventionnelles , les légales , les judi-
ciaires.
Les conventionnelles font celles qui
interviennent par la convention des par-
ties , dans les différens contrats , comme
dans les contrats de prêt , de vente , de
louage , & autres femblables : par exem-
ple , une perionne emprunte de l'argent ,
& donne une caution qui s'oblige envers
le préteur à la reflitution de la chofe prê-
tée , ou bien acheté une chofe > ou la
Part. II. Chap. VI. 505
prend à loyer, & donne une caution qui
s'oblige avec lui au payement du prix ou
de la ferme ; telles cautions font cautions
conventionnelles ; ce n'eft. ni la loi ni le
Juge qui ordonne ces cautions ; c'eiï la
feule convention des parties qui les fait
intervenir , parce que l'emprunteur , l'a-
cheteur , le preneur font convenus avec
le prêteur , le vendeur , le bailleur , de
donner caution.
Les cautions légales font celles que la
loi ordonne de donner , telles que celles
qu'un donataire mutuel , ou autre ufufrui-
tier,eft tenu de donner, pour jouir des
biens dont on lui a donné ou légué l'ufu-»
fruit , &c.
Les cautions judiciaires font celles qui
font ordonnées par le Juge , comme lorf-
que le Juge ordonne qu'une perfonne tou-
chera par provifion une fomme , en don-
nant caution de la rapporter , s'il eft dit
que faire fe doive.
N
jo4 T r. des Oblige
Section III.
Des qualités que doivent avoir Us
cautions*
$. i.
Des qualités que doit avoir une perfonnt
pour contracter un cautionnement vala-
blement.
387. Il faut avant toutes chofes , que
la caution foit capable de contracter, &C
de s'obliger comme caution.
Tous ceux qui font incapables de con-
tracter , tels que font les fous , les inter-
dits , les pupilles , les femmes mariées
lorfqu'elles ne font pas autorifées , les .
Religieux, ne peuvent être cautions.
388. Par le Droit Romain les femmes
ne pouvoient s'obliger comme cautions
pour les affaires des autres ; le Senatuf-
confulte Velleïen infirmoit leur obliga-
tion.
Juftinien par fa Novelle 134. cap. 8.
avoit permis aux femmes, en s'obligeant ,
de renoncer à l'exception que leur don-
noit ce Senatufconfulte.
Ge droit a été autrefois fuivi en Fran-
ce ; mais comme la claufe de renoncia-
tion
Part. II. C h a p. VI. 505
tlon au Senatufconfulte Velleïen , qui
ctoit devenue de ilyle dans les acles des
Notaires , en rendoit l'effet inutile , &£
cu'il n'en pouvoir réfulterqùe des pro-
cès ; il a plu au Roi Henri IV. d'abroger
entierementpar fonEditde 1606. ledroit
du Senatufconftilte Velleïen , ck en confé-
quence il n'a plus lieu dans tout le Ref-
fort du Parlement de Paris , ou cet Edit
a été enregistré.
En Normandie où il ne l'a point été 9
]e droit de Velleïen y ert obiervé dans
toute fa rigueur £ tk la Novelle qui per-
mettoit aux femmes d'y renoncer , n'y
eit pas fui vie.
Dans cette diverfité de Jurifprudence,
on doit fiiivre la loi du lieu du domicile
qu'avoit la femme , lorfcu'eile a con-
tracté le cautionnement ; car les loix qui
règlent les obligations des perfonnes ,
telle qu'eft le Velleïen , qui ne permet
pas aux femmes de s'obliger pour autrui,
font des ftatuts perfonneis qui exercent
leur empire fur toutes les perfonnes qui
y font foumifes par leur domicile , qu'el-
les ont dans leur territoire, en quelque
lieu que foient fitués les biens de ces
perfonnes , &C en quelque lieu qu'elles
contractent ; c'efr. pourquoi ii une fem-
me domiciliée en Normandie fe rendoit
caution pour quelqu'un ? quoique l'aftç
Tome I, Y
<o6 Tr, des Oblig.
du cautionnement fût parle à Paris ou
le Velleïen efl abrogé , le cautionnement
fera nul.
Mais quoiqu'une femme ait été mariée
en Normandie , û fon mari a transféré
fon domicile à Paris , cette femme ayant
ceffé par cette tranflation de domicile
d'être foumife aux Loix de Normandie ,
les cautionnements qu'elle contractera
depuis cette tranflation de domicile feront
valables.
L'obligation perfonnelle qu'une Nor-
mande a contractée en fe rendant caution
étant nulle , c'efl une conféquence que
l'hypothèque de {es biens fous laquelle
elles'efl: obligée , foit pareillement nulle,
quoiqu'ils foient fitués à Paris , l'hypo-
thèque ne pouvant fubMer fans l'obli-
gation perfonnelle dont elle efl l'accef-
foire.
Vice versa û une Parifienne s'eft rendue
caution par un acle devant Notaires , (es
biens , quoique fitués en Normandie ,
ieront hypothéqués ; cette hypothèque
étant une fuite de l'obligation qu'elle a
contractée paruna£te authentique.
On fera peut-être cette objection : on
convient, dira-t-on , que le Velleïen eft
un fîatut perfonnel quant à fa première
partie , parlaquelleil défend auxfemmes
d'obligé* leurs perfonnes pour autrui ,
Part. II. Chap, VI, 507
mais il a unefeconde partie par laquelle il
leur défend autfi d'obliger leurs biens pour
la dette d'autrui ; le Velleien ayant pour ob-
jet de cette féconde partie, des chofes , il
eu quant à cette féconde partie un ftatut
réel , &: fuivant la nature des ftatuts réels,
il exerce fon empire fur toutes les chofes
fituées dans le territoire où il eft en vi-
gueur, à quelques perfonnes que ces cho-
fes appartiennent ; donc il annulle l'obli-
gation qu'une femme , quoique perfonne
non foumife perfonnellement à fon empi-
re , fait de fes biens finies en Norman-
die , pour la dette d'autrui.
Ma réponfe eft que cet argument prou-
ve feulement que ii une Parifienne fans
fe rendre caution & fans s'obliger per-
fonnellement , obligeoit {es biens fitués
en Normandie pour la dette d'autrui ,
cette obligation feroit nulle ; parce que le
Velleien obfervé en Normandie qui a em-
pire fur les chofes qui y font fituées, en em-
pêche l'obligation pour la dette d'autrui ;
mais lorfque l'obligationdefditsbiensn'efT:
qu'une fuite de l'obligation perfonnelle
contractée par un a&e devant Notaire par
*e Parifienne : la loi de Normandie ne
peut l'infirmer ; car cette loi n'ayant au-
cun empire fur l'obligation perfonnelle
d'une Parifienne , n'en peut avoir fur ce
qui n'en eft que l'aççeffoire,
Yi;
jfb8 T r. des Oblig.
Le Velleïen n'étant ftatut perfonneï
que quant à la première partie , & étant
ilatut réel quant à la féconde partie , il
s'enfuit qu'une femme Normande peut
en ne fe rendant pas caution , & en ne
contractant aucune obligation perfonneï-
le , obliger à la dette d'autrui lesf biens
qu'elle a, qui font limés hors la Norman-
die , dans une Province où le Velleïen
efî abrogé ; car les ftatuts réels n'exer-
cent leur empire que fur les chofes fituées
dans leur territoire.
389. Les mineurs ? quoiqu'émancipés ,'
ne s'obligent pas valablement comme
■cautions pour les affaires des autres ; car
l'émancipation ne leur donne que le pou-
voir d'admininrer leurs biens , & il effc
évident que le cautionnement pour les
affaires d'autrui , ne fait pas partie de cette
adminiftration.
Cela a lieu , même à l'égard d'un mi-
neur marchand , qui cautionneroit un au-
tre marchand , pour une affaire de com-
merce à laquelle il n'auroît aucun intérêt;
car fa qualité de marchand ne lui donne
le pouvoir de contracter fans efpérance
de renitution , que pour les affaires de
fon commerce ; or , une affaire d'un autre
marchand à laquelle il n'a aucun intérêt ,
n'efï pas une affaire de fon commerce*
Baf nage, Trahi des hypot. part, 2, ch. z*.
&tjj?cijjcs7 T. dis cautions , S, 1,
Part. 1 1. Chap. VI. 509
Par la même raifon an mineur qui , par
difpenfe du Prince , exerce une charge
publique , n'en eft pas moins reûStuable
contre un cautionnement qu'il auroit con-
tracté ; car la difpenfe du Prince ne le fait
réputer majeur , que pour ce qui concer-
ne la charge publique qu'il lui permet de
pofîeder ; d'où il fuit qu'il n'y a que les
ençaçemcns relatifs à Tadmininration de
cette charge , qu'il puifle contracter fans
efpérance de reftitution ; ces principes
font certains , malgré un Arrêt contraire
cité par DefpeirTes , ibid.
Il y a des cas extrêmement favorables ,
dans lefquels le cautionnement d'un mi-
neur peut être valable. Par exemple i
on a jugé un mineur non restituable con-
tre fon cautionnement , pour tirer fon
père de prifon.
Le cautionnement d'un mineur fait pour
cette caufe doit fur-tout être confirmé ,
lorfque le père n'avoit pas la voie de
la cefîion de biens pour fortir de prifon ,
& lorfaue ce cautionnement ne caufoit
pas un dommage & un dérangement trop
notable dans la fortune du fils ; mais fi le
père avoit la voie de la cefTion de biens,
on doit fubvenir au fils mineur qui a eu
la facilité de fubir un cautionnement con-
fidérable pour fon père, lequel n'étoif.
pas néceffaire ; on peut aurîi entrer ea
Y iij
^ïo Tr. des Oblîg;
confidération de l'âge du mineur; celui
qui étoit dans un âge qui approchoit de
ïa majorité , devant être plus difïkilement
reftitué contre fon cautionnement fait
pour cette caufe , que celui qui étoit dans
un âge moins avancé ; Bafnage prétend
que pour que le cautionnement d'un mi-
neur fut dans ce cas non fujet à la refci-
ûon , il faut que le mineur eût , lorsqu'il
Ta fubi , au moins l'âge de dix-huit ans
qui efl l'âge de la puberté complette , &C
celui auquel par la Noveile 115. cap. 3.
§. 13. les enfans croient obligés fous
peine d'exhérédation de racheter leurs
pères captifs ; il cite un Arrêt qui annuité
un cautionnement fait pour cette caufej
par un mineur de feize ans : dans tous ces
cas , on a beaucoup d'égard aux différen-
tes circonstances ; & de-là naît la variété
des Arrêts rapportés par Brodeau fur
Louet. L. A. ch> 9.
§. 11.
Des qualités requifes pour qu'une perfonnc
foit reçue À être caution.
390. Lorfqu'un débiteur eft obligé ,
foit par la loi , foit par le Juge , «foit par
la fimple convention , de donner à fon
créancier une caution ; pour que la eau-
Part. II. Chap. VI. 511
tion qu'il préfente foit recevable , il ne
fuffit pas qu'elle ait cette première qua*
lite qui elt requife avant toutes chofes ,
& q\ii confifte à être capable de s'obliger
comme caution ; il faut outre cela i°. que
cette caution foit folvable , & ait un bien
furHfant pour répondre de l'obligation à
laquelle elle accède.
Lorfque le créancier à qui la caution
eft préfentée , contefte fa folvabiliîé , la
caution doit en juftifier par le rapport des
titres des biens immeubles qu'elle poffé-
de , fmon la caution doit être rejettée.
Pour juger de la folvabilité d'une cau-
tion, & fi les biens font fuffifans pour
répondre de la dette, on n'a pas ordinai-
rement égard à fes biens meubles , atten-
du que ces biens s'aliènent facilement ,
& qu'ils n'ont pas de fuite par hypoté-
quï ; néanmoins lorfque la dette en1 mo-
dique , & qu'elle ne doit pas durer long-
tems , on admet pour caution des mar-
chands qui ont un commerce bien éta-
bli , quoique leur fortune ne confiée
qu'en biens meubles. Bafnage, ibid.
On n'a pas d'égard non plus aux biens
immeubles qui font litigieux, ni à ceux
qui font fitués dans un pays trop éloigné,
la difcufïïon en étant trop difficile. Baf-
ruge , ibid.
2°. La caution doit être domiciliée fur
Yiv
512 Tr. des Oblîg.
îe lieu où elle doit être donnée , c'eft-à-
dire , dans l'étendue du Bailliage , aiin
que la difcuffion n'en foit pas trop diffi-
cile. Fidejujjhr locupUs videtur non tanîum
ex facuUdtlbus , fid ex convcniendi fjcili-
tate. L. z. ff. Qà fatlfd. On eft néan-
moins à cet égard plus indulgent envers
ceux qui font obligés par la loi ou par le
Jugea donner caution, qu'envers ceux
qui s'y font fournis volontairement ; ceux-
ci ne doivent pas être reçus à alléguer
qu'ils n'en peuvent trouver fur le lieu ,
s'étant fournis volontairement à en don-
nerai imputart debent \ on doit facile-
ment admettre les autres à donner pour
cautions,des perfonnes de leur pays , lorf-
qu'ils n'en peuvent donner dans le lieu où
la caution doit être donnée. Bafnage %
Dcfpeijfcs,
3°. Par la même raifon , fi on préfen-
toit pour caution une perfonne puiffante 9
le créancier pourroit la rejetter ; on pour-
roit auffi rejetter une perfonne qui par fon
droit de commitimus pourroit traduire
le créancier dans une autre jurifdiclion ,
ou un militaire qui feroit dans le cas d'ob-
tenir des lettres d'étato Foyc^ Bafnage, tr.
des hyp. p. i. ck. 2.
C'eft encore une qualité requife dans les
perfonnes qu'on préfente pour cautions
judiciaires , qu'elles foient fujettes à la
Part. Iî. Chap, VI. 513
Contrainte par corps ; c'eït. pourquoi on
peut rejetter pour cautions judiciaires ,
les femmes , les eccléfiaftiques qui font
dans les Ordres facrés , & les feptuage-
naires ; parce que ces personnes ne font
pas fujettes à cette contrainte.
Sur la forme de la réception des cau-
tions : Voye^ l'Ordonnance de 1667. t. 28.
S- m-
Des cas auxquels un débiteur ejl tenu de.
donner une nouvelle caution à la place
de celle qui a été reçue.
391. Si la caution avoit les qualités
lorfqu'elle a été reçue , mais qu'elle ait
cefle depuis de les avoir, putà û de fol-
vable qu'elle étoit , elle eft devenue in-
folvable , le débiteur fera-t-il obligé d'en
donner une autre ? Il faut diflinguer ; il y
fera obligé, fi c'eft une caution légale oit
judiciaire, ficalamitas injîgnis fidejujfori-
bus , rel magna inopia accidit , ex intégra-
fatifdandum erit. L. 10. §. /. qlà fatifd*.
cog. L 4. ff, de jlipul. preut.
Si c'eft une caution conventionnelle 9
il faut fous-diftinguer : fi je me fuis obligé
à donner une caution indéterminément 7
& qu'en exécution de cette obligation,
j'en aye donné une , qui depuis eft de-
venue insolvable; il faudra que j'en donne
¥ v,
514 Tr. des Oblige
une autre ; mais fi j'ai contra&é d'abord
fous la caution d'un tel , ou que je me fois
obligé à donner un tel pour caution , &C
qu'il devienne enfuite infolvable , je ne
peux être obligé à en donner une autre,
parce que je n'ai promis de donner pour
caution que celui que j'ai donné.
39Z. IL nous refle la question de fçavoir
fi celui qui eft tenu de donner une caution,
peut être admis à donner à la place , des
gages fuffif ans pour répondre de la dette }
Pour la négative , on allègue cette ma-
xime de droit , alïudpro alio invito créditer
rifolvi non potejl , qui a lieu quand même
îa chofe qu'on onriroit feroit meilleure :
d'où il paroît fuivre que le créancier à
qui on doit une caution , n'eft pas obligé
de recevoir à la place des gages ; non-
obstant ces raifons , l'on doit être facile
â permettre à celui qui doit une caution
de donner des gages à la place , lorfqu'il
ne peut donner de caution ; parce que
■celui à qui la caution eft due , n'ayant
d9autre Intérêt que de fe procurer une
fureté ; &: en trouvant dans des gages
autant & même plus , iùm plus cautionis
fit in re quàm in perfond ; & tutiùs fit pigno-
ï.î incumbcrc , quàm in perfonam agerc , ce
feroit de fa part une pure mauvaife hu-
meur , de refufer les gages â la place de
lajcau tioja 9 fi ce qu'on lui offre pour ga-
Part. II. Chap. VI. 515
<; font des choies qu'il peut garder ians
aucun embarras , ni aucun péril. Eafnage,
ibid.
Section IV.
Pour qui , envers qui , pour quelle Obliga-
tion, G* comment le cautionnement peut-
il être fait,
$. 1.
Peur qui , & envers quL
393. On peut fe rendre caution pour
quelque débiteur que ce (oit , même pour
une fucceflion vacante, cùm perfonœ vicem
fuflineat , /. 22 .Jf. defidej. &C pareillement
envers quelque créancier que ce foit de
celui pour qui on s'oblige. On peut fe
rendre pareillement caution, même pour
les impubères , les fous , les interdits, pour
les caufes pour lefquelles ces perfonnes
peuvent être , fans aucun fait de leur part ,
valablement obligées ; par exemple , fi j'ai
utilement géré les affaires d'un impubère,
ou d'un interdit,, cet impubère ou cet in-
terdit étant en ce cas obligé envers moi
xx quafe contraclu à me rendre les fommes
que j'ai débourfées pour fes affaires , &C
qui ont tourné à fon profit , on peut fe
rendre caution envers moi pour lui , pour
lefdites fommes \ c'eft en ce fens que Cujas
Y vj
516 Tr. des Oblic;
enfeigne qu'on doit entendre la loi 2, 5^
jf. de fidejuffor. qui dit fi qui s pro pupillo
fine tutoris autoritau obligato , prodlgove ,
yel furiofo fidej :ujferit , magis effe ut ci non
fubveniatur Cette explication fait difpa-
roître la contrariété que Bafnage trouve
entre cette loi & la loi 6. ff. de verb. oblige
qui dit ts cui bonis interdiclum efi ...... .
non potefl promittcndo obligari , & ideb nec
fiàejujfor pro eo intervenire potefl ; car au
lieu que dans l'efpece précédente , l'in-
terdit doit être fuppofé valablement obli-
gé ; au contraire dans celle-ci , l'interdit
n'eil pas obligé , étant incapable de con-
tracter; d'où il fuit que fa cautionne l'eft
pas ; ne pouvant pas y avoir de caution-
nement, fans une obligation principale,,
fuprà n. 366. Gaius établit clairement
notre difiin&ion en la loi 70. §. 4.^ de
fidej uff. fi à furiofo , dit -il , flipulatus fut-
ris , non pojfe te fidej ujjorem accipere cer-
tum efi quod fi pro furiofo jure obli-
geto , fidej ufjorem acceperis 9 tenetur fide-
juffor.
Il eft évident qu'on ne peut fe rendre
caution pour foi- même , /. 21. §. i.jfl
d. t'a. ni envers foi-même.
394. On ne peut fe rendre caution qu'en-
vers le créancier de celui qu'on caution-
ne , le cautionnement qu'on contracleroit
envers celui qui n'eft pas fon créancier ,
Part. II. Chap. VI. 517
mais qui a reniement pouvoir de recevoir
la dette , ne feroit pas valable, /. 23. ffl d.
§. 11.
Pour quelle Obligation,
395. On peut fe rendre caution pour
quelque obligation que ce foit : fidejuffor
eccipi potcfl , quoties efi aliqua obligatio ci-
yilis vclnaturalis , cui applicetur. L, 16. §.
Z.ff.d. tic.
Obfervez que les obligations naturelles
pour lesquelles il eft dit dans ce texte >
que des cautions peuvent intervenir ,
font celles pour lefqu elles la loi civile
n'accordoit pas d'a&ion , telles que
celles qui étoient formées par un fimple
pa& , qui étoient contractées par des en-
claves , Se qui n'étoient pas' d'ailleurs ré-
prouvées parles loix; mais une caution
ne peut pas utilement intervenir pour des
obligations reprouvées par les loix, quoi-
qu'elles obligent dans le for de la confeien-
ce , & qu'elles puiffent en ce fens être ap-
pelles obligations naturelles.
C'eft fur ce principe que les loix dé-
cident qu'une caution ne peut valable-
ment accéder à l'obligation d'une femme
qui s'efr. obligée contre la défenfe du Se-
natufconfulte Velleïen , L. 16. §. i.fflad
\
5 1§ Tr. des Oblig,
S en. VelL L. 14. cod. d. t. car quoique
dans le for de la confidence , cette femme
foit tenue de s'acquitter de fon obligation;
néanmoins cette obligation ayant été con-
tractée contre la défenfe de la loi , elle
«il dans le for extérieur regardée comme
nulle , & ne peut par ccnféquent fervir
de fondement à l'obligation d'une cau-
tion ; la loi , en annuliant l'obligation de
la femme , annulle tout ce qui en dépend ,
ôc par conféquent les cautionnements qui
en font des acceflbires ; c'eft le fens de
ces termes de la loi 16. §. 1. quia totam
oblïgatiomm Senatus improbat.
Il me paroît qu'on doit décider la même
chofe à l'égard d'un cautionnement que
quelqu'un auroît fubi pour une femme
fous puhTance de mari qui a contracté
quel qu'obligation fans être authorifée :
on doit même le décider à fortiori ; car
la loi n'annulloit que per exceptionem l'o-
bligation de la femme qui s'étoit obligée
contre le Velleïen ; mais on peut dire
<jue félon notre Droit Coutumier , celle
4e la femme qui a contracté fans être au-
thorifée , quoiqu'elle puifle être valable
dans le for de la confcience , eft nulle
même ipfo jure dans le for extérieur ,
puifque nos Coutumes la déclarent abfo-
îument inhabile à contracter & incapable
=de s'obligea Femme mariée NE SE PEUT
Part. II. Chap. VL 519
tlfigtr, &c. Paris, art. 234. NE PEUT
unement contracter 9 Orléans, art. 194.
Domat. Tit. des cautions , Secî. 1 . n. 4. cil
cTiin avis contraire au nôtre , &c Bafnage
cite un Arrêt du Parlement de Bourgogne
rapporté par Bouvot , qui a jugé valable
un cautionnement pour une femme qui
avoit contracté fans être authorifée ;
mais je ne crois pas que la décifion
de cet Arrêt doive être fuivie ; la dif-
tinclion fur laquelle Bafnage veut fon-
der cette décifion , fi l'obligation princi-
pale eft nulle , ratione rei in obligationem
deducliZ , ou fi elle l'en1 ratione perfonœ 5
ne me paroît pas folide; une obligation
de quelque côté qu'elle foit nulle, foit
ratione rei , foit ratione perfonœ n'eft pas
une vraie obligation , &c il eft de la nature
des cautionnemens , qu'ils ne puifïent
fubfifter , s'il n'y a une vraie obligation
principale fuprà n. 366. on ne doit pas
comparer la femme fous puifTance de
mari au mineur ; l'obligation d'un mineur
n'eft pas nulle , la voie de la refritution
que les loix lui accordent contre fon obli-
gation , fuppofe une obligation ; il y en
a donc une , à laquelle des cautions peu-
vent accéder ; mais l'obligation d'une
femme fous puifTance de mari, qui con-
tracte fans être autorifée, eit abfolument
mille , il n'y a aiicune obligation à laquelle
la caution ait pu accéder*
'$2-0 Tr. des Oblig;
Mais fi quelqu'un s'étoit obligé con*
joîntement avec une femme non autho-
rifée , non comme caution de cette fem-
me, mais comme débiteur principal , la
nullité de l'obligation de la femme , n'en-
traîneroit pas la nullité de la fienne. Par
exemple fiunefemme , fans être authorifée
& moi , nous avons emprunté de vous une
certaine fomme d'argent qui a été tou-
chée par cette femme , 6c que nous nous,
fommes obligés folidairement de vous
rendre , la femme ne fera pas obligée
envers vous , fi elîa a diflipé cette fomme ,
mais je n'en fuis pas moins obligé à vous,
la rendre , en étant moi-môme débiteur
principal , & vous l'ayant empruntée ;;
car pour que j'en fois l'emprunteur y il
n'efl pas nécefTaire que je Paye reçue
moi-même , il fuffit que vousd'ayez réel-
lement comptée à cette femme de mort
confentement.
Les obligations qui font contraires aux,
bonnes mœurs étant nulles , on ne peut
les cautionner. Par exemple , fi quelqu'un
en me chargeant de commettre un crime,
s'étoit obligé envers moi de m'indemnifer
de toutes les fuites que ce crime pour-
roit avoir , & de me donner une certaine
récompenfe; on ne pourroit valablement
cautionner une pareille obligation , qui
étant contraire aux bonnes moeurs f eîl
Part. II. Chap, VI. 52*
ftulle , &: ne peut être par conféquent le
fujet d'un cautionnement ; c'en1 en ce fens
Cjifon dit maUficiorum fidejnjjorem acclpi
non pojjc ; mais on peut valablement cau-
tionner celui qui a commis le délit , pour
la réparation du tort qu'il a fait,/. 70. §.
fin. ff. de fidejujjor.
396. On peut fe rendre caution, même
de l'obligation d'un fait perfonnel dont la
prestation ne peut fe faire que par le dé-
biteur principal, /. 8. §. i.ff. de op. lib,
car cette obligation fe convertit par fort
inexécution , en une obligation de dom-
mages & intérêts , que la caution peut
payer , ce qui fuffit pour que le caution*
ncment foit utilement contracté.
3 97. Le droit Romain ne permettoit pas
qu'une femme reç/'t une caution de fon
mari , pour la reftitution de fa dot ; cette
défiance à l'égard de celui à qui elle con-
çoit & foumettoit fa perfonne , avoit
paru aux Empereurs , bïeffer labienféan-
ce , /. 1. & 1. cod. de fid. vel mand. dot.
Ces !oi?;ne font pas obfervées»parmi nous.
3 98. On peut fe rendre caution non-feu-
lement d'une obligation principale , mais
.* d'un cautionnement ; pro fidejujfore
fidej ujforem accipi pojje nequaquam dubium.
cji, l. 8. §. 12.
Nos Certiflcateurs de cautions , font
des efpeces de cautions de caution.
fil Tr. des Oblig.
399. Enfin on peut fe rendre caution i
non-feulement d'une obligation déjà con-
tractée , mais d'une obligation qui doit fe
contracter, quoiqu'elle ne le foit pas en-
core , adhiberi fidejujfor tam futurœ quàm
prœfenti obligationi poujî , /. 6. §. fin. d.
tit. de manière néanmoins , que l'obliga-
tion réfukante de ce cautionnement , ne
commencera à naître que du jour que fe
contractera l'obligation principale ; car il
eft de fon eflénce qu'elle ne puiffe fub-
ûOlqt fans une obligation principale. Sui-
vant ces principes, je peux bien dès au-
jourd'hui me rendre caution envers vous
pour une fomme de mille écus , que vous
vous propofez de prêter à Pierre ; mais
l'obligation réfultante de ce cautionne-
ment, ne commencera à avoir d'effet ,
que du jour que vous aurez effectivement
fait ce prêt à Pierre ; tant que vous ne
l'aurez pas encore fait, & que la chofe
fera entière , je pourrai changer de vo-
lonté , en vous dénonçant que vous ne
fafîiez pas le prêt à Pierre , & que je
n'entends plus être caution pour lui. Bafi»
wage , trait, des hyp.p, 2. çhap. 6»
Part. IL Chap. VI. 515
S- U.L
Comment fc contractent Us cautionnemenS'i
400. Par le droit Romain , le caution-
nement ne fe contra£toit , que par la fti-
pulation ; la ftipulation n'en1 point en ufage
parmi nous; le cautionnement peut fe
faire , par une convention (impie , foit
par acte devant Notaire , foit fous figna-
ture privée , foit même verbalement , fauf
que ii l'objet eft de plus de cent livres ,
la preuve par témoins n'eft pas reçue de
la convention verbale.
40 1 . Quoique le cautionnement fe puiffe
faire par une lettre mifîiye , ou même
verbalement , il faut néanmoins avoir
grande attention à ne pas prendre pour
cautionnement , ce que dit ou écrit une
perfonne , à moins qu'il n'y ait une in-
tention bien marquée de cautionner ; c'eft
pourquoi , fi je vous ai dit ou écrit par*
une lettre , qu'un homme qui vous de-
mandoit de l'argent à emprunter , étoit
folvable, on ne peut pas prendre cela pour
un cautionnement; car j'ai pu en cela n'a-
voir d'autre intention que de vous cer-
tifier ce que je croyois , & non pas de
m'obliger : fuivant ces principes , il a été
:é par ua Arrêt rapporté par Papon X.
514 Tr, des Oblig,
4. 12. que ces termes d'une lettre écrite
à un maître de penfion,. un tel doit mettre
fonfils en penfion che^ vous , çefiiin homme
de probité qui vous payera bien , ne ren-
fermement aucune obligation : fuivant le
même principe , û j'accompagne une per-
fonne chez un marchand , pour acheter
des étoffes , le marchand n'en doit pas non
plus conclure , que j'aie cautionné cette
perfonne.
Quoiqu'une perfonne foit entrée en
payement pour un autre , même pour fon
fils , en payant pour lui une partie de fa
dette , on n'en peut pas conclure qu'elle
a voulu le cautionner pour le furplus de
la dette /. 4. cod. ne uxor , pro maritoy.
&c.
S'il étoit porté par une obligation, qu'el-
le a été paffée en ma préfence , & que je
l'eufle fouferite , on ne pourroit en con-
clure que je me fuis rendu caution ; je
dois être cenfé en ce cas n'avoir figné que
comme témoin, /. 6. cod. defidej.
402. Lorfque le débiteur eft obligé de
donner caution , foit par la convention,
foit par la loi ; le créancier peut exiger
que la caution s'oblige par acle devant
Notaire.
Les cautions judiciaires s'obligent au
greffe de la juftice , par un acte reçu par
le Greffier»
Part. II. Chap. VI. jij
403. 11 n'importe que le cautionnement
te contracte en même temps que l'obliga-
tion principale , eu en dirrerens temps,
avant ou depuis.
Il n'elt pas nécefTa're que celui que Ton
cautionne y confente, /. ~$o.jff\d+ t'a.
Section V.
Ve retendue des cautionmmens,
404. Pour juger de retendue de l'obli-
gation de la caution , il faut bien faire
attention aux termes du cautionnement.
Lorfque la caution a exprimé pour
quelle fomme , pour quelle caufe elle fe
rendoit caution , ion obligation ne s'étend
qu'à la fomme ou à la caufe qu'elle a ex-
primée : par exemple, û* quelqu'un s'eft
rendu caution envers moi de mon Fermier
pour le payement de fes fermes , il ne
fera pas tenu des autres obligations du
bail 9 telles que. celles qui réfultent des
dégradations qu'auroit fait le Fermier, du
rembourfement des avances qui lui au-
roient été faites, &c.
Si quelqu'un s'eiî rendu caution pour la
fomme principale que devoit le principal
obligé , il ne fera pas tenu des intérêts
que cette fomme produit, /. 68. §. 1. ff.
d. tit,
fi6 Tr. des Oblig,
Au contraire, lorfque les termes du cau-
tionnement font généraux & indéfinis , le
fidéjurTeur cft cenfé s'être obligé à toutes
les obligations du principal débiteur re-
fusantes du contrat auquel il a accédé;
il eft cenfé l'avoir cautionné in omnem
caufam.
Par exemple , û le cautionnement par
lequel quelqu'un s'en1 rendu envers moi
caution pour mon Fermier , porte en ter-
mes généraux , qu'il s'eft. rendu caution
du bail ; il fera tenu non-feulement du
payement des fermes, mais généralement
de toutes les obligations du bail ; comme
par exemple des dégradations , de la refti-
tution des avances , ou des meubles qui
ont été biffés au Fermier pour l'exploita-
tion de la ferme, dotes prœdiorum , /. 52.
§. 2. jf. d. tlt. des dommages & intérêts
pour les anticipations que le Fermier au-
roit laiffé faire , ckc.
Celui qui fe rend caution en termes
généraux , efr. aurli tenu non - feulement
du fort principal dû par celui pour qui il
-s'eft. obligé , mais encore de tous les in-
térêts qui en feroient dus, /. 2. §. 1 1. &
ii.jff.de adm. rer. ad civit. pertin. L 54.
ff. locat.
11 eft tenu non-feulement de ceux qui
font dûs ex ni naturâ , mais même de
ceux que produit la demeure en laquelle
Part. II. Cm a p. VI. 517
cnMe principal débiteur; Vaidusnf pondit 9
(i in omnem caufam condu'dionis je obliga~
xit , eu m quoque exempta coloni , tardius
illutarum ; er m or uni coloni penjionum
pr^.jiare debere u juras , d. L. 54.
Il doit auflî être tenu des frais faits con-
tre le principal obligé ; car ces frais font
un accefToire de la dette ; mais il n'en doit
être tenu que du jour que les pourfuites
lui ont été dénoncées : ce qui a été établi
pour empêcher qu'on ne ruine une cau-
tion en frais , qu'on feroit fouvent à fora
infçu , &C qu elle peut éviter en payant 9
lorsqu'elle en eft avertie ; c'eft pourquoi
jufqu'à ce que les pourfuites lui foient
dénoncées , elle ne doit être tenue que
du premier commandement ou du premier
exploit de demande.
40 5 . Quelqu'étendu & général que foit
le cautionnement , il ne s'étend qu'aux
obligations qui naifTent du contrat même 9
pour lequel la caution s'eft obligée ; &:
non pas à celles qui naîtroient d'une caufe
étrangère.
En voici un exemple ; un créancier
dans nos colonies a prêté de l'argent à
quelqu'un, &C pour plus grande fureté,
le débiteur lui a donné en nantiiTement
un nègre qu'il favoit être voleur , fans
en avertir le créancier ; le nègre a volé
le créancier à qui il a été donné en nan-.
518 Tr. des Obliô.
tiffement ; le créancier peut agir en dom»
mages & intérêts , contraria pignoratuid
actions contre le débiteur qui ne l'a point
averti , mais le cautionnement ne s'éten-
dra pas à ces dommages & intérêts , qui
nahTent d'une caufe étrangère au prêt pour
lequel on a cautionné le débiteur ; ea aclio
fidejujjorem onerare non poterit 5 cum non
pro pignon ? fed pro pecunia muluâ fidcm
fuam obligée , /. 54. ff. defidejuff.
Parla même raifon , celui qui s'eft ren-
du caution pour un adminiftrateur des re-
venus publics , n'eft obligé qu'à la resti-
tution des deniers publics , àc non point
aux amendes auxquelles cet adminiflra-
teur auroit été condamné pour des mal-
verfations dans fon adminiitration; c'eft
ce qui a été décidé par l'Empereur Sévè-
re ; fidtjuffores magijlratuum in peenam vel
mulcfam non conveniri debere decrevit. L
6$.ff. d tit. & en général en quelque cas
que ce foit , le cautionnement ne s'étend
pas aux peines auxquelles le débiteur a
été condamné offîciojudicis , propterfuam
contumaciam ; car c'eft une caufe étran-
gère au contrat , non débet imputait fide-
jufjbribus , quod illc nus propttr fuam pœ-
nam pr œf t'ait ^ L 73. ffl d. tit.
Section
P A il T. IL ChAP-, VI. 529
Section VI,
De quelle manière s'éteignent les caution-
nemens , & des différentes exceptions que
la loi accorde aux cautions.
Article premier.
De quelle manière s'éteignent les caution*
nemens,
406. L'obligation qui refaite du cau-
tionnement s'éteint :
i°. De toutes les différentes manières
dont s'éteignent toutes les obligations ,
nous les rapporterons, infrà part. 3.
20. Il efr. de la nature des cautionne-
cnens , de même que de toutes les obliga-
tions accerToires , que l'extin&ion de
l'obligation principale , entraîne l'extinc-
tion des cautionnemens , &t la libération
des cautions , fuprà n. 377. &feqq.
30. La caution eft déchargée lorfque
le créancier s'eft mis par fon fait hors
d'état de lui pouvoir céder fes actions,
contre quelqu'un des débiteurs principaux
auxquels la caution avoit intérêt d'être
Subrogée, infrà P. 3. ch. 1 art. 6. §. 2.
40. Lorfque le créanciers reçu volon-
tairement du débiteur quelque héritage
en payement d'une fomme d'argent qui lui
Tom% I, Z
^o Tr. des Obiig,
eft due ,1a caution eil déchargée, quoique
long- temps après il fourrre éviclion de
cet héritage ; la raifon de douter eft que
le payemerit en ce cas n'eit pas valable ,
n'ayant pas transféré à celui à qui il a été
fait la propriété de la chofe , infrà P.^.ch. i.
art. 3. §• 3. par conféquent l'obligation
principale lubfiile ; d'où il femble fuivre ,
que celle des cautions doit fubfifler ; Bajfet
IV. 22. 5. rapporte un Arrêt defon Parle-
ment qui l'aainfi jugé ; nonobstant ces rai-
fons , &c quoiqu'on ne puiffe nier que le
payement en ce cas n'ed pas valable , &
que l'obligation principale fubfifte , il a été
j ugé par des Arrêts rapportés par Bafnage ,
trait, des hypotiques p. 3. ch. fin. que le
créancier étoit en ce cas non recevabîe
à agir contre les cautions , û pendant ce
temps , le débiteur principal étoit deve-
nu infolvable ; la décifion de ces Arrêts
eft fondée fur' cette règle d'équité , que
ntmo ex alterius facto prœgravari débet j
la caution ne doit pas foufFrir préjudice
de l'arrangement qui eft intervenu entre
le créancier & le débiteur principal ; or
û dans cette efpece le créancier étoit reçu
à agir contre la caution , elle auroit fouf-
fert préjudice de l'arrangement par lequel
le créancier a pris en payement cet héri-
tage ; le créancier par cet arrangement
ayant ôté le moyen à la caution , de pou-
P A Tl T. 1 1. C U A P. V I. 531
Toir , en payant le créancier pendant que
le débiteur étoit iblvable , répéter de ce
débiteur lafomme pour laquelle elle avoit
répondu.
Qjùd , fi le créancier avoit Amplement
accordé au débiteur une prorogation de
terme pour le payement , 6c que pendant
le temps de cette prorogation , le débiteur
'fût devenu inlblvable , la caution pourra-
t-elle fe défendre de payer ? Vlnnius Q.
illujîr. 1 1. 42. tient la négative ; cette ef-
efpece-ci eit bien différente de la précé-
dente ; dans l'efpece précédente la dation
de cet héritage donné en payement ayant
jufqu'au temps de l'évicuon fait paroître
la dette acquittée , un tel arrangement a
ôté tout moyen à la caution de pourvoir
à l'indemnité de fon cautionnement , mê-
me dans le cas auquel elle fe feroit apper-
çue que la fortune du débiteur qu'il a cau-
tionné , commençoit à fe déranger ; car
elle ne pouvoit demander à ce débiteur
qu'il la déchargeât de fon cautionnement, *
qui paroiflbit acquitté aufTi bien que la
dette principale ; mais la fimple proroga-
tion de terme accordée par le créancier
au débiteur ne faifantpasparoitrela dette
acquittée , n'ôte pas à la caution le moyen
de pourvoir à fon indemnité , & d'agir
contre le débiteur principal , fi on s'apper*
çoit que fa fortune commence à fe déran-
Zij
Ç32- T R« DES Oblig.
ger , fi bona dilapidure cœperit , L. IOV
cod. mand. elle ne peut donc pas préten-
dre que cette prorogation de terme ac-
cordée au débiteur , lui faffe tort , puif-
qu'au contraire elle-même en profite.
L'obligation du cautionnement s'étei-
gnoit aufti fuivant les principes du droit
Romain , par la confufion dont on a parlé
J'uprà n. 383. ce qui n'a pas lieu parmi
nous.
Les pduriuites faites par le créancier
contre le débiteur principal ne libèrent
pas la caution qui demeure toujours obli-
gée jusqu'au payement , L. 28. cod. de
fidej. C'eft pourquoi le créancier peut
abandonner les pourfuites commencées
contre le débiteur principal , pour pour-
iuivre la caution ; mais ordinairement elle
peut lui oppofer l'exception de difeuffion
dont nous allons traiter en l'article fui*
vant.
Article IL
De V exception de difcujjîon»
S- 1
Origine de ce droit,
407. Suivant le droit qui étoit en ufag<
avant la Nov. 4. de Ju.ftinien, le créanciei
IPart. TI. Chap, VI. 533
pouvoit exiger des cautions le payement
de ce qu": lui étoit dû avant que de s'adref-
fer au débiteur principal : Jure no(iro , dit
Antonin Caracalla en la loi 5. cod. defidej.
efl potcjLis creditori , rcliclo rco , el'igendi
fidejafjorcs , nifi inter contraluntes aliud
ptacitûm douatur ; Les Empereurs Dio-
cleticn & Maximien décident la même
choie- en la loi 19. cod. d, tit. Juftinien ,
d. Nov. cap. 1. a accordé aux fuléjuifeurs
l'exception qu'on appelle de difcxffîon ou*
exception d'ordre , ceft-à-dire par laquelle
ils peuvent renvoyer le créancier qui leur*
demande le payement de fa dette , à dif-
cuter auparavant les biens du débiteur'
principal ; ce droit de la Novelle efl. fui vi
parmi nous , mais non pas à l'égard de
toutes les cautions, ni dans tous- les- cas*
$.11.
Quelles cautions peuvent oppofir V exception
de difcuffîon.
408. Les cautions judiciaires ne peu-
vent oppofer cette exception. Louet , /.
/ 13.
Les cautions pour les fermes du Roi
ne font pas non plus aujourd'hui reçues à
oppofer cette exception , quoique l'Or-
donnance de Louis XII. de l'an 1513. la
Z iij
T34 Tr. des Qblïg;
leur eût accordée. La jurifprudence er\
étoit introduite dèsle temp s de M. le Bret r
qui en rapporte cette raifon, que ces cau-
tions font préfumées être fecrettement les
affociés du fermier débiteur principal, Le
Bret, Plaid, 42. in fin.
Enfin ks cautions qui par leur caution-
nement , ont renoncé à cette exception
ne peuvent pas l'oppofer , unie nique enirn
lic+t juri in favorem fuum introduclo re-
nunciare.
La caution eft-elle cenfée avoir renon-
cé à cette exception , lorfqu'il eil dit par
le cautionnement qu'elle s'oblige comme
débiteur principal} Les Auteurs paroifTent
partagés fur cette qneilion ; on rapporte .
des anciens Arrêts du Parlement de Paris ,
qui ont jugé que cela ne fiiffifoit pas , &
que la renonciation à cette exception doit
être. expreiTe ; Bafnage en fon traité des
hypoteques dit que la jurifprudence de
Normandie , eli que ces termes fumYent
pour conftater la renonciation à l'excep-
tion de difcufïion , & qu'on ne doit pas
croire qu'on ait employé ces termes pour
qu'ils ne fignifiafTent rien : cela ell con-
forme aux règles de l'interprétation des
conventions ,fuprà n. 92.
La renonciation aux exceptions de dif-
cufïion & de divifion ne doit pas s'inférer
de ces termes qui le trouveroientà la .fin de
Part. IL Chap. VI. 535
l'aftc de cautionnement , promettant , obli-
geant & renonceant , &c. cd terme renon-
ctdnt vague &C indéterminé , fans qu'on
exprime à quoi les parties renoncent ne
peut être regarde que comme un pur
ilile , qui ne fignifie rien , ea quœ funt
flyli non operantur. Cette décision a lieu,
quand même dans la groffe le Notaire au-
roit étendu cette claufe de renonuant , &cm
& y auroit exprimé la renonciation aux
exceptions de divifion & de difcuflion ,
Dumoulin tr. ufur. quœjl. y. in fin. dit
l'avoir fait juger ainfi par Arrêt; laraifoa
cft que le Notaire ne peut pas , par ce qu'il
ajoute dans la groffe , augmenter l'obliga-
tion des parties, infra p. 4. ch-, I. art* 3*
au commencement.
§. m.
En quel cas le créancier efl-il obligé à la
difcuffion , & quand l'exception de dif-
cuffion doit - elle être cppofcc.
409. Le créancier n'en1 pas obligé à îa
difcuffion en tous cas , & on peut à cet
égard établir pour principe que le créan-
cier n'eit pas obligé à une difcuffion qui
feroit trop difficile.
Ceft pour cette raifort que îa Novelle
en accordant aux fidéjiuTeurs le bénéfice
Z iv
$y6 Tr. des Oblig.
de difcufîion , en excepte le cas auquel lé
débiteur principal feroit abfent , à moins
que le fidéjuffeur n'offrît de le repréfen-
ter dans un bref délai qui lui feroit imparti
par le juge.
Cette exception que la Noyelle met
au bénéfice de difcufîion , n'a pas lieu
parmi nous , comme le remarque fort
bien Loyfeau ; les raifons fur lefquelles
elle eft fondée font tirées de la difficulté
qu'il y avoit félon la procédure des Ro*
mains, à difcuter un abfent; elles n?ont
parmi nous aucune application ; les afïi-
gnations &C fignifications à domicile qui
félon notre procédure , ont le même effet
que fi elles étoient faites à la perfonne
même, rendent la difcufîion du débiteur
principal , lorfqu'il efl abfent , auffi facile
que s'il étoit préfent.
410. Le créancier n'efl obligé à difcn-
ter le principal débiteur avant le fidéjuf-
feur, que Iorfque le fidéjufTeur le deman-
de , 6c oppofe l'exception de difcufîion ;
c'efl pourquoi , quoique le créancier n'ait
pas difcuté le débiteur principal , fa de-
mande & les- pourfuites contre le fidéjuf-
feur font bien faites , jufqu'à ce que le fî-
déjufïeur ait oppofé l'exception de dif-
cufîion-.
C'efl en conféquence dé ces principes
qu'il a été jugé par Arrêt du premier Sep-
P art. II. Chap. VI. 537
tembre 1705. cite par Brctonnier fur Hen-
rvs, que le juge ne pouvoir, d'office or-
donner cette diicuiîlon.
Cette exception de difeuffion eft du
nombre des exceptions dilatoires , puis-
qu'elle ne tend qu'à différer l'a&ion du
créancier contre le fîdéjiuTeur jufqu'après
le temps de la difeuflion , &c non à l'ex-
clure entièrement ; c'eft pourquoi félon
la règle commune aux exceptions dila-
toires , L. il. cod. de except. elle doit
être oppofée avant la conteftation en
caufe ; fi le fidéjiuTeur a contefté au fond 9
fans l'oppofer, il n'y eft pas recevable ,
étant cenfé en défendant au fond avoir
tacitement renoncé à ces exceptions ;
Guy Pape & les DD. par lui cités q. ^00
il pourroit néanmoins y être reçu en un
cas , fçavoir fi les biens dont il demande
la difeuftion n'étoient échus au débiteur
principal que depuis la conteftation en
caufe ; putà , par une fuccefliort qui lui
feroit échue depuis ; car la règle que les ex-
ceptions dilatoires doivent être oppofées-
avant la conteftation en caufe , ne peut
avoir lieu qu'à l'égard des exceptions déjà
nées , &- non à l'égard de celles qui ne
font nées que depuis ; le défendeur na'
pouvant pas être cenfé , lorfqu'il a dé--
fendu au fond, avoir renoncé à des ex-~
eepûonsqui m (ont nées que depuis. Gu-
7â y-
fj8 Tr. des Obéi g.
thierés & /es DD. par lui cités ? tracé, de
contr. jurât, xxij 1 8.
$. iv.
Quels biens le créancier eji-il obligé dt
difcuter.
41 1. Lorfque la difcuflion eftoppofée .,'.
le créancier, s'il n'a pas de titre exécutoire
contre le débiteur principal , doit l'affigner
& obtenir fentence de condamnation con-
tre lui ; en vertu de cette fentence , ou
fans afîignation , en vertu de fon. titre
exécutoire , lorfqu'il en a un, il doit pro-
céder par commandement contre le débi-
teur principal , &c faifir & exécuter les
meubles qui font en la maifon dudit dé-
biteur.
S'il n'y en a point fin* lefquels onpuirTe.
affeoir une exécution , l'Huifïier doit le
conftater par un procès-verbal de carence
de meubles , &: ce procès-verbal tient lieu
de difcwiïion mobiliaire.
A l'égard des autres biens meubles &£
immeubles , que pourroit avoir le débi-
teur principal , le créancier n'étant pas
obligé de les connoître, n'efr. pas obligé
de les difcuter , s'ils ne lui font indiqué*,
par la caution. Cette indication doit fe
iaire en une fois; on y doit comprendre-
Part. II. Ch a p. VI. 539
tous les biens du débiteur qu'on veut que
le créancier diieute ; on ne f eroit pas re-
cevable , après la difcufîion de ceux qu'on
a indiqués, à en indiquer d'autres ; arrê-*
tés de Lamoignon , /. des difcujfions , art.
9. Arrêt du 20. Janvier 1701. rapporté
par BretonnierfurHenrys, tom. iv. 34.
412. La difeuffion ne devant pas être
trop difficile, le créancier ne peut être
obligé à la difcufîion des biens du débi-
teur qui font hors du royaume. M. DE
Lamoignon vouloit qu'il ne put même
être obligé à la difcufîion de ceux finies
dans le refîbrt d'un autre parlement ; ar-
rêtés de Lamoignon, ibid.
Le créancier n'efl pas non plus obligé à
la diicufïïon des biens du débiteur qui font,
litigieux; car il n'en1 pas obligé à foutenir
des procès , ni à en attendre l'événement
pour être payé; c'en1 encore une fuite du
même principe , que la difeuffion ne doit
pas être trop longue , ni trop difficile.
Par la même raifon , il n'eft pas obli-
gé de difeuter les biens hypotequés par
le principal débiteur , lorfque le princi-
pal débiteur les a aliénés , & qu'ils font
poiTédés par des tiers ; ce font au contraire
ces tiers détempteurs, qui ont le droit de
renvoyer à la difcufîion du débiteur prin-
cipal 6c de fes cautions les créanciers qui
Z vj
54û T r. bes Oblig;
donneroient contr'eux l'action hypoté~
Caire. D. Nov. cap. 1.
II n'en eft pas de même de ceux qui ont
fuccedé à titre univerfel aux biens du dé-
biteur principal , tels que font des dona-
taires ck légataires univerfels , même le:
fifc , lorfqu'il a fuccedé au débiteur prin-
cipal à titre de déshérence ou de confifca-
tion ; ces fucceffeurs univerfels funt loca
heredis : ils tiennent lieu d'héritiers du
débiteur principal , &£ ils le repréfentent ;
ils doivent par conféquent être difcutés*
de même qu'auroit dû l'être le débiteur
principal , jufqu'à concurrence de ce dont
ils font tenus de fes dettes.
Lorfque plusieurs débiteurs principaux,
ont contracté une obligation folidaire , 8c
que l'un d'entr'eux a donné un tiers pour
caution , on demande û cette caution'
peut obliger le créancier à difcuter , non^-
îéulement celui des débiteurs pour qui el-
le s'efl rendue caution, mais pareillement
tous les autres débiteurs principaux? Je
penfe qu'elle le peut ; il fuffit pour s'en con-
vaincre d'examiner quelle eft la raifon fur
laquelle eft. fondée l'exception de diicuf-
fion ; ce n'efl point que l'on préfume que
la caution n'ait eu intention de s'obliger
qu'au défaut , & en cas d'infolvabilité de-
celui pour qui elle a répondu; cette inten-
tion doit être exprimée ; lorfc^u'elle ne-
Part. IL Chap. VI. 541
Peft pas , elle ne fe préfume pas , Se
l'obligation eft pure 6c fimplc ; fi cette
prétbmption avoit lieu clans les caution-
nemens ordinaires , le droit qu auroit la
caution de renvoyer le créancier à la dif-
cuiîion du débiteur principal , ieroit un
droit que la caution auroit en rigueur de
juilice , le créancier n'auroit pas d'a£tion
contre la caution avant que l'infolvabilité
du débiteur principal eût été conftatée par
la diicufïion ; or tous conviennent que
l'exception de difcuftlon que la loi accor--
de à la caution ne lui eft accordée que
comme une pure grâce , ckque la demande
du créancier contre la caution procède en
rigueur, &c eftbien fondée, quoique le.
principal débiteur foit folvable , & n'ait
pas été difcuté.; il faut donc chercher une
autre raifon de cette exception de difcuP
fion , & il n'y en a pas d'autre, que celle-
ci , fçavoir qu'il eft équitable qu'autant
que faire £b peut , une dette foit payée ,
plutôt par ceux qui en font les véritables
débiteurs , ck'qui ont profité du contrat 5
que par ceux qui en font débiteurs pour
autrui; qu'il y a toujours du défagrément
dé payer pour autrui ; c'ëft pourquoi it
eft de l'humanité , que le créancier , lorf-
que cela lui eft' à peu près indifférent ,.
épargne ce défagrément à la caution , 8c
fefcdîe payer plutôt par fes. véritables. dér
j4% Tr. des Oblig.j
biteurs , que par elle ; c'eft la raifon que
Quintiiien, déclam. 17 3. rend du bénéfice
de difcufîion ; après avoir dit que c'eft
une chofe facheufe pour une caution' que
d'être obligé de payer pour un autre ,
mifaabih c/i , il en conclud qu'un créan-
cier n'a pas bonne grâce à caufer ce dé~
{agrément à la caution, tant qu'il peut
fe faire payer par le véritable débiteur ;
nom aliter falvo pudore^ ad Jponforern ve-
nu creditor 9 quam fi ruiperc à debitore notz
poffit ; or il en1 évident que ces raifons
militent , pour obliger le créancier , à la
difcufïïon, non-feulement de celui des dé-
biteurs folidaires pour qui la caution ax':
répondu , mais à celle de tous les codé-
biteur principaux ; donc' la caution eft
bien fondée à demander la difcufîion ,-
non -feulement de celui des débiteurs,
pour lequel elle s'eft rendue caution , mais
même celle des autres débiteurs princi-
paux; on peut même dire que celui qui
/eft rendu caution pour l'un d'entre plu-
fïéurs débiteurs folidaires , eft auffi en
quelque façon caution des autres ; car
l'obligation de tous ces débiteurs n'étant
qu'une même obligation, en accédant à
l'obligation de celui pour qui il s'eft rendu
caution.,, il a accédé à celle-de tous.
Part. II Chap. VI. Ï4i
S- V
Aux dépens de qui doit fe faire lu
Hifcuffion.
413. La difcufîion fe fait aux rifques*
&T périls du fidéjulTeur qui a demandé
qu'elle fût faite , & comme celle des biens
immeubles ne fe peut faire fans de grands-
frais , le créancier peut demander que ce
fidéjulTeur lui fournifle des deniers pour
la faire. C'eft une règle générale pour
tous les cas auxquels l'exception de dif-
cufîion cil oppofée. Journal des Audien*
ces , tom. 1. /. ^. ck, 25, & c'elîune fuite
de notre principe.
s- v 1.
Le créancier qui a manque a faire ta dif"
cujjîon 9 ejl - il tenu de Cinfolvabilitè
du débiteur,
414. Il nous refte une queftion ; le
créancier à qui le fidéjulTeur a oppofé:
l'exception de difcufîion, n'a point jugé,
à propos de la faire aufïi-tôt , & a laifTé
pafTer plufieurs années pendant lefquelles-
le débiteur efl devenu infolvable, pourra-
t-il , en le difeutant depuis qu'il eft devenu
infolvable r revenir contre le fidéjiifleur?l:
Je crois le créancier bien fondé, & que
la. caution ne peut lui oppofer aucune fin
J44 Tr. DES Oblig;
de non recevoir fous le prétexte qui!
n'a pas fait afTez à temps la difcuffion
des biens du débiteur principal à laquelle
il a été renvoyé : la raiion eft que le
. droit que donne aux cautions l'exception
de difcuffion qui leur eft. accordée par la
Noveile , fe borne à arrêter les pourfui-
tes du créancier contr'elles, tant qu'il ne
s'eïl pas encore pourvu contre le débi-
teur principal , ck qu'il n'a pas difcuté
fes biens ; le bénéfice de cette Novelle
fe borne à ce que comme il y efl dit r
Crcditor non primùm ad fidcjujforem aut-
fponforem accédât ; mais pourvu que le.
créancier ne pourfuive pas les cautions
avant que d'avoir pourfuivi le débiteur
principal,. & difcuté fesbiens , le créan-
cier ne peut être obligé à le pourfuivra
que quand bon lui femblera : la Loi
avant fixe le temps dans lequel un créan-
cier peut exercer fes actions , le fidéjuf-
feur ne peut lui en fixer un plus court
que celui que la Loi lui accorde ; Sema
i \ i itus agerc ccmpcllitur toto tit. cod. ut
ntmo invitas , &c. crcditor ad pttitionemr
dtbiti urgeri minime pote fi l. 20. cod. de
pign. Donc fi le débiteur principal à la dif-
cuffion duquel le créancier a été renvo-
- : par la fuite devenu insolvable, la cau-
tion ne doit pas s'en prendre au créancier
q-dine Ta pas pourfuivi pendant qu'il étoit
Part. II. Chap. VI. 545
folvable ; le créancier n'y étoit pas obligé ,
& la caution , ii elle appréhendoit le cas
cTinlblvabilité qui eft arrivé , pouvoit ob-
vier à cela , en pourfuivant elle-même le
débiteur principal , comme elle en a le
droit , auuî-tôt qu'elle a été afîignée , infrœ
num. 440. Henry s , Tom. If, Liv. If^*
art. .34. e(l de notre fentiment ; il l'an--
thorife par un Arrêt rendu dans une ef-
pece approchante y & il attefte que c'é-
toit de fon temps l'opinion commune du
Barreau de Paris. La Coutume de Breta-
gne,^. 191. a une difpofitïon contraire;
je crois qu'elle doit être reftrainte à fou
territoire ; D'argentré fur cet article , dit
que cette difpontion tirée de l'ancienne
Coutume , a été confervée lors de la ré-
formation contre fon avis.
Nous n'avons traité la queftion qu'à l'é-
gard des fidéjuneurs ordinaires ; mais fi le
fidéjurTeur s'étoit feulement obligé à payer
ce que le créancier ne pourroit retirer du
débiteur principal , in id quod fervari non
pourit; le créancier qui auroit eu le moyen
pendant un temps confidérable, de fe faire
payer , ne feroit pas admis facilement ,
après que le débiteur , au bout d'un temps
confidérable feroit devenu infolvable , à
donner demande contre ce ndéjuneur ,
h. ^i.jT.d. th. parce que ce fidéjiuTeur
qui ne s'eft obligé qu'à ce que le créan^
546 Tr. des Ob lig,
cier ne pourroit retirer , lui oppoferoit qu'il
a pu très facilement retirer ce qui lui étoit
dû du débiteur principal r & qu'en con-
féquence il ne lui doit rien , L. 4i>ff* d, t*
Article III.
De r exception de divijion*
Origine de ce droit,
415. Lorfque plufienrs perfonnes fé
rendent cautions d'un débiteur principal ,
pour la même dette , elles font cenfées
s'obliger chacune à toute la dette ^Jîplures
Jint fidejujjbres , quotquot erunt numéro 9
Jinguli in folidum tenentur, Injiit. tit. dt
fidej. §. 4.
En cela plufieurs fidéjufTeurs font difFé-
rens de pluûeurs débiteurs principaux ,,
lefquels ne font cenfés s'obliger chacun
que pour leur part , à ce qu'ils promet-
tent conjointement , fi la; folidité n'eflr
point exprimée; la raifon de la différen-
ce » eft qu'il eft de la nature du caution-
nement, de s'obliger à tout ce que doit
le débiteur principal , & par conféquent
chacun de ceux qui le cautionnent v eft
cenfé contracter cet engagement , à moins
qu'il ne déclare expreffément qu'il ne s'o-
blige que pour partie : c'eft la raifon qu'en
rapporte Vinnius > feleci. quœjl. lib. 1 u
cap, 40,
Part. II. Chap. VI. 747
L'Empereur Adrien a apporté une mo-
dification à cette folidité , par l'exception
de divifion , qu'il a accordé aux fidé-
jutîeurs ; le fidéjufTeur à qui le créancier
demande toute la dette , obtient par cet-
te exception , que le créancier foit tenu
de diviler &c partager fa demande entre
lui & l'es cofidéjurTeurs , lorfqu'ils font
folvables, & qu'en conféquence il foit
reçu à payer au créancier fa portion P
faut au créancier à fe pourvoir pour le
furplus contre les autres ; ce droit a été
adopté dans notre pratique Françoife.
§. 1 1.
Qui font ceux qui peuvent ou non oppofefi
Cexctption de divifion.
416. Il y a quelques cautions, qui
ne peuvent pas oppofer cette exception ;
telles font les cautions pour les deniers
royaux. Voye^ le Bret , plaid. 42. in fin»
On en exclud aum* les cautions judi-
ciaires ; c'eft le fentiment de Bafnage.
Les cautions qui par leurs cautionnemens
ont renoncé à cette exception , ne l'ont
pas.
Lorfqu'il eft porté par le cautionne-
ment , que les cautions (e font obligées
folidairement & comme débiteurs princi^
p.iux y cette claufe eft-elle cenfée renfer-
54? Tr. des Oblig.
mer une renonciation à l'exception de* di-
vifion ? Ceux qui penlent que cette claufe
ne renferme pas une renonciation à l'ex-
ception de diicuiïion , doivent aufîî pen-
fer qu'elle n'en renferme pas une , à celle
de divifion; mais les railons qui nous ont
porté à croire qu'elle renfermoit une
renonciation à l'exception de difcufïion ,
&: que nous avons rapportées,/*//?/^ n. 408 -.
nous portent aufîi a croire, qu'elle em-
porte la renonciation à celle de divifion, I
Enfin les loix refufent l'exception de !
divifion aux .cautions qui ont commencé!
par dénier de mauvaife foi leur cautionne-
ment. Inficiantibîis aux'tlîum diyijionis non
cft indulgendum > L. 10. §. i.jf* de fi de/.
41 j. Non-feulement les cautions elles6-
mêmes , mais leurs héritiers, peuvent ufer
de cetre exception.
Le certificateur de la caution , qui efl
fidejujjbr fidej.ujjorls , peut aufïi oppoier
tes mêmes exceptions qu'auroit pu oppo-
fer la caution qu'il a certifié , & par con-
féquent il peut oppofer cette exception ,
& demander la divifion de la dette entre
fui & les GofidéJLifTeurs de celui qu'il a cer-
tifié.
s- r ÎL.
Qui font ceux entre qui la dette doit
être divifée.
418. Le fidéjuffeur peut demander h
Part. Il Chap. VI. 549
Jîvifion de l'a&ion entre lui &: les autres
fi lé tiffeurs, qui l'ont également fidéjuf-
feurs principaux ; il ne pourroit pas de-
mander qu'elle fût divifée entre lui &
fon certrficateur ; car il eft lui-même un
débiteur principal vis-à-vis de cecertifi-
cateur , L. 27. §. 4. ff. defid.
419. Il faut aufli que ceux avec qui
k fidéjulTeur demande que l'avion du
créancier foit divilée , foient fidéjufTetirs
du même débiteur ; que fi deux débiteurs
folidaires d'une même dette avoient don-
né chacun un fidéjivffeur , le fidéjulTeur de
l'un de ces débiteurs ne pourroit pas de-
mander que l'a&ion fût divifée entre lui
&c le fidéjulTeur de l'autre débiteur foli-
daire ; car quoiqu'ils foient fidéjinTeurs
d'une même dette , n'étant pas fidéjufleurs
d'un même débiteur, ils ne font pas pro>-
prement cofidéjulTeurs : c'eft la décifion
des loix 43. 51. §. 2. ff. d. tit.
420. Enfin il faut que les cofidéjulTeurs
avec lefquels le fidéjulTeur demande que
l'action foit divifée , foient folvables ; Se
ils font cenfés l'être , fi ne l'étant pas par
eux-mêmes , ils le font par leurs certifi-
cateurs : c'eft ce que décide la loi 27.
§. 2. Si quœratur an folvcndo fit princl-
•palis fidijuffor , etiam vires fequentis fide*
jujjoris , ci aggregand'JR funt.
Au refte fi mon cofidéjiuTeur étoit fol-
550 Tr. des Oblig,
vable lors de la conteffaiion en caufe, &
qu'en conséquence Faction du créancier
a été divifée entre lui & moi ; quoique
par la fuite depuis la conteftation en cau-
fe , il foit devenu infolvable , le créan-
cier ne pourra plus revenir contre moi ,,
pour fa part : c'eft la décifion de Papinien,
X. 5 i. §. 4. & L. 52. §. 1.
En cela l'exception de divifion diffère
de celle de difcuffion; la raifon de dif-
férence, vient de la différente nature de
ces exceptions ; celle de difcuffion n'eft
que dilatoire , elle ne fait que différer l'ac-
tion du créancier contre le fidéjuffeur ,
après que le créancier aura difcuté le dé-
biteur principal ; au lieu que l'exception
de divifion tient de la nature des excep-
tions péremptoires ; elle périme entière-
ment , lorsqu'elle a lieu , l'action du créan-
cier contre le fidéjuffeur qui l'a oppofée ,
pour la part de fes cofidéjuffeurs , avec
lefquels la divifion lui eft accordée ; &
c'eft pour cela que le créancier ne peut
plus revenir contre lui , quand même les
cofidéjuffeurs par la fuite déviendroient
infolvables.
Il y a plus , quand même lors de la de-
mande du créancier , mon cofidéjuffeur
auroit déjà été infolvable , fi le créancier
a volontairement divifé fon action , en
lipus demandant à chacun notre part , il
# ART. IL CHAP. VI. 55I
ne pourra plus me demander la part de
rmon cofidéjuffeur infolvable : c'eft. la dé-
cilion de Gordien en la loi 16. cod. d. t.
421. Pourvu que mon cofidéjuffeur
foit folvable , quoique le terme ou la
condition fous laquelle il s'eft obligé, ne
foit pas encore échue, je peux néanmoins
demander que l'aclion foit par proviiion
divifée entre lui &c moi , fauf au créan-
cier à revenir contre moi pour la part de
ce fidéjuffeur , fi à l'échéance du terme ou
delà condition il n'étoit pas folvable , L.
27- jff- d-efid. & à plus forte raifon fi la
condition, fous laquelle il s'eft obligé,
venoit à défaillir.
422. La demande du créancier ne de-
vant être divifée , que lorfque les cofidé-
juffeurs font folvables, s'il y a contefta-
tion entre le créancier & le fidéjuffeur
cjui demande la divifion , fur le fait de la
folvabilité des cofidéjuffeurs , le fidéjuf-
feur eft reçu , en offrant de payer fa part ,
à demander qu'avant de faire droit fur le
furplus , à fes rifques , le créancier foit
tenu de difeuter les cofidéjuffeurs , £. 10.
ff, d. tic.
423. Je ne peux pas oppofer l'excep-
tion de divifion fi mon cofidéjuffeur efl
demeurant hors le royaume ; car cette
exception , eft. une grâce que la loi n'ac-
corde --qu'autant que le créancier n'en
|5* Tr. des Ob ltg.
fouffriroit pas trop d'incommodité , Pi&
pon X. 4, 25..
$. I V.
Un cautionnement peut-il fe divifer avec
une caution qui na pas valablement
contracté , & avec une caution mineure.
424. Lorfque je me fuis obligé comme
caution pour quelqu'un , avec une per-
sonne qui étoit incapable de contracter
une pareille obligation , telles qu'étoienîi
chez les Romains toutes les femmes , je
ne peux éviter de payer le total de la
dette au créancier , comme fi j'étois feul
fidéjuffeur ; la perfonne incapable qui
s'eit rendue caution avec moi , ne de-
vant point être confidérée. On ne distin-
gue point en ce cas , fi j'ai contracté mon
cautionnement avant celui de cette per-
fonne incapable , ou fi je l'ai contracté con-
jointement ou depuis.
Il n'en elt pas de même , fvfcvant le droit
Romain , lorfque je me fuis rendu eau- !
don avec un mineur qui fe fait par la
fuite reftituer contre fon obligation; je
ne fuis tenu du total de la dette , qu'au
cas auquel j'aurois d'abord feul fubi le
cautionnement fans compter furie mineur
qui ne s'eft rendu caution que depuis ,
pour la même perfonne que moi ; mais û
bous nous fommes rendus cautions enfem-
Ue,
Pau t. II. Chap. VI. 553;
Lie , la reftitution qu'il obtient contre fou.
obligation , ne doit pas , fuivant le droit!
Romain, me charger feul de la dette , que
je m'étois attendu qu'il payeroit avec moi;
L. 48. pp. & §. i.ff. dejidej.
Papinien rapporte à cet égard cette rai-
fon de différence entre une femme ck. un
mineur ; celui qui fe rend caution con-
jointement avec une femme, n'a pas du
compter fur la femme , pour partager
avec elle l'obligation , puifqu'il devoit
içavoir qu'elle en étoit incapable , cum
ignorare non dtbucrït , muliefemfrujirà in-
ureederf ; mais il n'en eft pas de même de-
celui qui s'eft rendu caution arec un mi-
fleur ; propter , dit Papinien , inceftum œia-
tis & rejlitutionis , parce qu'il pouvoir,
ignorer qu'il fut mineur , ou efpérer qu'il
ne reviendroit pas contre fon obligation ;
c'étoit au créancier plus qu'à lui à s^qh
informer , lorfqu'il l'a admis pour cau-
tion , &: c'eft. le créancier plutôt que lui ,
qui doit foufFrir de la restitution que le
mineur a obtenu contre fon obligation ,
d. L. 48. pp. & §. 1.
Quelque refpe£t que j'aye pour les dé-
, cifions du grand Papinien , celle-ci me
paroît foufFrir difficulté ; plufieurs fidéjuf-
feurs étant , comme nous l'avons dit ci-
defïïis , débiteurs de toute la dette , la
divifion qu'en accorde la conftitution
Tom% I, A a -
554 Tr. des Ob l i g.
d'Adrien , lorfqu'ils font tous folvables ,"
n'efl qu'une grâce qui ne doit pas leur
être accordée , au préjudice du créancier.
Cette raiion qui fait qu'on me refufe la
divifion de la dette avec mon cofldéjuf-
feur , lorfqu'il efl devenu infolvable , doit
la faire refufer avec mon cofidejurleur ,
qui s'eft fait reflituer contre fon caution-
nement ; il n'y a pas plus de raifon de
l'accorder avec l'un qu'avec l'autre ; je
n'ai pas dû compter plus fur l'un que fur
l'autre ; fi j'ai pu prévoir Pinfolvabiiité ,
j'ai pu encore plus facilement prévoir la
reftitution. On ne peut pas direrque le
créancier a bien voulu' fe charger de ce
rifque en acceptant le cautionnemen
d'un mineur ; car ne s'étant pas conten
té du cautionnement de ce mineur , &
ayant exigé qu'on lui joignît une autre
caution , c'eft au contraire une preuve
qu'il a cherché fes fûretés contre la ref?
titution , &: qu'il n'a pas voulu fe char-»
ger de ce rifque.
Ces raifons me paroifTent fuffifantes
pour décider indiftin&ement, contre l'au-
torité de la loi Romaine, que la reftitution
obtenue pour çaufe de minorité ? par mon
cofidéjuffeur , doit , de même que fon in-
solvabilité 5 me charger du total de la dette.
Il y a plus : fi avant que mon cofidéjufc
fëur niineur fe fût pourvu contre fon çau«!
Part. II. Chap. VI. 55$;
tîonnement , j'étois pourfuivi par le créan-
cier , & que je lui oppofaffe l'exception
de diviiion , je penfe. qu'il feroit équita-
ble qu'il ne put être obligé de divifer fon
action entre ion cofidéjuffeur mineur &
moi , que fous la réferve de revenir con-
tre moi , dans le cas auquel ce mineur
fe feroit reftituer contre fon cautionne-
ment.
Mais fi le créancier avoit confenti à la
divifion de fon action , fans aucune ré-
ferve ; il y a lieu de penfer , qu'en ce cas
il auroit pris fur lui le rifque de la resti-
tution du mineur, & qu'il n'auroit aucun
recours contre moi.
§. v.
Quand l 'exception de divifion peut- elle
être oppofée,
415. On a fait une queftibn,de fça-
voir fi l'exception de diviiion ne pour oit
être oppofée, qu'avant la conteftation
en caufe ? Quelques anciens Docteurs ,
comme Pierre de Belleperche , Cynus &c
autres , étoient dans ce fentiment ; mais
le fentiment contraire , qui eft fuivi par
Vinnius,/c/. quœjl. n. 40. eft le plus
véritable , il eft fondé fur le texte formel
de la loi 10. §. 1. cod, h, tit. ut . , , . , ,
A a ij
5<f6* Tr. des Oblig.
dividatur actio inter eos qui folvendo funt ,
anu condemnation&m ex ordine folct poJÎU"
lari. Il fufrit aux termes de cette loi , de
demander la divifion de l'a&ion , avant la
fentence, & par conséquent on le peut
après la conteflation en caufe ; en effet
cette exception tient plus des exceptions
péremptoires , que des dilatoires , puif-
qu'elle tend à exclure entièrement l'a£tion
du créancier contre celui qui l'oppofe ,
pour les parts de {es cofldéjufTeurs ; le
texte des inftituts , tit. dcfid. §. 4. fur le-
quel fe fondent ceux de Fautre fentiment ,'
ne prouve rien ; il dit bien que tous les
fîdéjuffeurs doivent être folvables lors de
la conteftation en caufe , pour qu'il y ait
lieu à la divifion de l'action ; mais il ne
fuit pas de-là , que cette divifion ne puhTe
être demandée depuis.
La loi 10. §. i.jf. defid. où il efl dit
que îa caution qui a dénié ion cautionne-
ment n'en1 pas recevable à oppofer l'ex-
ception de divifion, n'eH pas contraire
à notre décifion; car c'eft. cette dénégation
faite de mauvaife foi , qui le rend indigne
de cette grâce , &£ non recevable dans
cette exception, &c non la litis-contefta-
tion ; la litis-conteftation intervenue entre
le créancier & la caution, ne fuppoie pas
que la caution ait dénié fon cautionne-
ment, elle a pu intervenir fur toute autre.
Part. II. Chap. VI. 557
chofe , puta fur ce que la caution a fou-
tenu la dette acquittée , ou qu'il y avoit
quelque fin de non recevoir , qui rendoit
le créancier non recevable en fa demande.
Quelques Docteurs ont donné dans l'ex-
cès oppofé en décidant que l'exception
de diviiion peut être oppofée même après
le jugement de condamnation, à l'exemple
de l'exception cedendariwi aclionum , &£
des exceptions Scti Macedoniani & Scti
VdUiani ; cette opinion efl démentie par
la loi 10. §. 1. cod. defid. où il eftdit que
les cautions peuvent propofer l'exception
de divifion , avant le jugement de con-
damnation , ante condemnationem ; donc
ils ne le peuvent pas après ; à l'égard des
exemples qu'on apporte des exceptions
qui peuvent s'oppofer même après le ju-
gement , la réponfe eu , qu'il y a une
grande différence entre l'exception de di-
vifion , & l'exception cedendarwn acîio-
num ; celle-ci n'attaque pas la fentence ,
ni le droit acquis par cette fentence au
créancier , qui n'a aucun intérêt , à refufer
la cefïïon de fes actions , à la caution qui
a été condamnée envers lui , lorfqu'elle
le paye ; au lieu que l'exception de divi-
fion, fi on la propofoit après le jugement
de condamnation , attaque ce jugement ,
& le droit acquis par ce jugement au
créancier, puifqu'elle tend à reftraindre a
A a iij
55S Tr. des Oblig.
une portion , le droit qui eft acquis atî
créancier par ce jugement , d'exiger le
total de la dette , de la caution qui a été
condamnée envers lui ; quant à ce qui eft
décidé pour les exceptions Scti Macedo-
niani , Scti Velkiani ; o'eft un droit fin-
gulier fondé fur la faveur de ces excep-
tions, ck fur une efpece d'intérêt public,
ad coercendos fœneratores & ad fubvenien-
dum fexul muliebri ; ce droit fingulier ne
peut être tiré à conféquence , & ne peut
être étendu à l'exception de divifion ,
ni aux autres exceptions peremptoires y
Vin. ibid.
Lorfque le jugement de condamnation
eft fufpendu par un appel , on peut dire
qu'il n'y a pas de condamnation , jufqu'à
ce qu'il intervienne un Arrêt définitif;
d'où il fuit que la caution peut être admi-
fe en caufe d'appel , à oppofer l'exception
de divifion; c'eft l'avis des Docteurs cités
par Bruneman ad L io. cod. de Jid. c'eft
aufîi l'avis de Vinnius.
$. VI.
De r effet de F exception de Divifion»
426. L'effet de l'exception de divifion
eft de faire prononcer par le juge , la di-
vifion de la dette entre les fidéjuffeurs
Part. II. C h ap. VI. 559
qui font iblvables , Se de reftiaindre par
ce moyen la demande qui a été donnée
contre le fidéjuffeur qui a oppofé la divi-
iion , à la part feulement.
Avant que cette divilîon de la dette
ait été prononcée par le juge fur l'ex-
ception de divifion , ou qu'elle ait été faite
volontairement parle créancier par la de-
mande qu'il auroit donné contre chacun
des fidéjuffeurs pour fa part, /. 1 6. cod. de
Jïd. chacun des fidéjuffeurs eff véritable-
ment débiteur du total de la dette ; c'efl
pourquoi , fi l'un d'eux a payé le total ,
il ne peut avoir contre le créancier aucune
repétition des parts de fes cofidéjuffeurs ,
/. 49 §. i.f.defid. car il de voit vérita-
blement le total qu'il a payé ; en n'ufant
pas de l'exception de divifion dont il
pouvoir, ufer , plenius fidem exfolvit, Mais
depuis que la divifion de la dette a été
prononcée, la dette efî: tellement divifée,
que quand même l'un des fidéjuffeurs en-
tre qui la dette a été divifée deviendroit
depuis infolvable , le créancier n'auroit
aucun recours contre les autres , pour la
part de cet infolvable, /. 51. §. 4. ff. de
fidej.
Il refte une queftion , fi le fidéjuffeur
qui demande la divifion de l'action du
créancier entre lui & fon cofidejuffeur,
avoit payé auparavant une partie de la
A a iv
560 Tr. des Oblig.
dette , doit-il payer la moitié de ce qui
refte du , fans rien imputer de ce qu'il a
payé ? Papinien l'avoit décidé ainfi , eam
&nim quanti ta te m inter cos convenu dividi ,
quam l'uis tempore debent. Cette décifion
quoique conforme à la rigueur du prin-
cipe , n9a pas été fui vie , & il a été trouvé
plus équitable d'accorder au fidéjuflfeur
la faculté d'imputer fur la part dont il efl
tenu de la dette , ce qu'il a déjà payé ,
Se de ne l'obliger à payer que le furplus
de fa part du total de la dette , & charger
de l'autre en entier fon cofxdéjufleur, fed
humanius efl , dit l'annotateur , fi & alter
folvendo fit , per exeeptionem ei qui folvit
fuccurri ? d. Il 5 i . §. i .
Article IV.
De la cefjlon d? actions oufubrogation que le
Créancier ejl tenu d'accorder aujidéjujfeur
qui le paye,
427. Un troifiéme bénéfice que les loix
accordent au fidéjuffeur, c'eft que lori-
qu'il paye, il peut requérir le créancier
de le fubroger à tous les droits , :a£tions
& hypotéques , tant contre le débiteur
principal qu'il a cautionné , que contre
toutes les autres perfonnes qui font tenues
fie cette dette ; c'en: ce qui réfulte de la
Part. II. Chap. VI. 561
loi 17. ff. de fid. /.il, cod. d. tlt. Se de
quantité d'autres textes. Voyez fur cette
ceiîion d'actions , 6\l fur l'exception qu'a
le fîdéjuffeur qui s'eft par fon fait mis hors
de les céder , infrà p. 3. ck. 1 . art. 6. §. 2.
Section VII.
Du droit qua la caution contre h principal
débiteur & contre fes cofidéjuffeurs.
41 8 . La caution a recours contre le débi-
teur principal après qu'elle a payé , nous
traiterons de ce recours dans un premier
article ; il y a même des cas auxquels la
caution a action contre le débiteur prin-
cipal , même avant qu'elle ait payé , dont
nous parlerons dans le fécond article ;
nous traiterons dans un troifiéme de la
queftion particulière , fi la caution d'une
rente conftituée peut obliger au bout d'un
certain temps , le débiteur au rachat delà
rente ; nous traiterons dans le quatrième
du droit de la caution contre fes cofidé-
jufîeurs.
^1%
À a v
56Z Tr. des Cblïg.
Article L
Du recours de la cauion contre le débiteur
principal après quelle a payé»
S- ï*
Quelles font les acîions qua la caution
contre le débiteur principal après quelle
a payé,
429. Après que la caution a payé , ii
elle s'eft fait fubroger aux droits & a&ions
du créancier , elle peut les exercer contre
le débiteur comme le créancier auroit pu
faire lui-même ; fi elle a négligé d'acqué-
rir cette fubrogation , elle ne lahTe pas
d'avoir de fon chef une action contre le
débiteur principal , pourfe faire rembour-
fer de ce qu'elle a payé pour lui.
Cette action eft l'action mandati con-
traria , û c'efî. au fçu tk. au gré du prin-
cipal débiteur qu'elle l'a cautionné ; car
ce confentement du débiteur principal y
renferme un contrat tacite de mandat >
fuivant cette règle de Droit ,femperquinon
prohibet profe intervenire, mandare creditur*
L 60. ffl de R. J. Si la caution s'eft obligée
pour le débiteur principal fans fa connoif-
iance y elle ne peut pas avoir contre lui
Part. II Chap. VI. 533
l'action mandati , mais elle a contre lui l'ac-
tion contraria negoùorum gejlorum , qui a le
même effet.
s- IL
Quel payement donne lieu à ces actions,
430. Il n'importe que la caution ait
payé en conséquence d'une fentence de
condamnation, ou volontairement & fans
fentence ; car en l'un & l'autre cas militer
d.bitoris negotium geffit , elle lui a procuré
la libération de fa dette , & par conséquent
il doit la rembourser de ce qu'il lui -en a
coûté pour la lui procurer.
Il n'importe que le payement ait été
un payement réel, ou une compenfation ,
ou une novation ; en tous ces cas , elle
a droit de demander que le débiteur prin-
cipal la remboufe , foit de la fomme qu'el-
le a payée , foit de celle qu'elle a com-
penfée , foit de celle qu'elle s'eft obligée
de payer pour éteindre l'obligation du
principal débiteur.
43 1. Que fi le créancier en confidéra-
tion de la caution , a fait remife de la dette
à titre purement gratuit , la caution ne
peut rien demander au principal débiteur,
qui a profité de cette remife , parce qu'il
n'en a rien coûté à la caution ; que fi la
A a vj
564 Tr. des Oblig.
remife étoit faite pour la récompenfe des
fervices que la caution a rendus au créan-
cier , la caution pourroit fe faire rembour-
fer de cette fomme par le débiteur prin-
cipal ; car en ce cas , il en a coûté à la cau-
tion la récompenfe qu'elle auroit pu efpé-
rer de fes fervices, dont elle fouffre la com-
penfation pour la dette de ce débiteur
principal , à laquelle elle a accédé comme
caution; c'eft la difpofition de la loi 12.
ff. mandat. & cela eft conforme à cette
maxime de la loi 26. ^.^.ff.d. tit.fcknium
eji non plus fidejujjhrem confequi debere-
mandati judicio ? quàm quodfolverit,
$■ m.
Trois conditions pour que le payement fait
parla caution donne lieu à P action contre
le débiteur principal,.
432. Pour que le payement fait par la
caution donne lieu à ces actions , il faut
i°. que la caution n'ait pas par fa faute
négligé quelque fin de non recevoir qu'elle
eut pu oppofer au créancier.
2°. Que le payement ait été valable ,
& ait libéré le débiteur principal.
30. Que le débiteur principal n'ait pas
payé une féconde fois par la faute de la
caution.
Part. II. Chap. VI. 565
Première Condition.
433. Pour que la caution qui a payé
ait recours contre le débiteur principal ,
il faut qu'elle n'ait pas négligé par fa faute
d'oppoferles fins de non recevoir , fi elle
en avoit quelques-unes à oppofer contre
le créancier ; par exemple , fi quelqu'un
m'a cautionné pour le prix d'un héritage
que j'ai acheté, & qu'ayant connoiffance
que cet héritage m'a été évincé , il paye
néanmoins le prix à mon vendeur , envers
qui il s'efl rendu caution pour moi , il
n'aura aucun recours contre moi , parce
qu'il pouvoit fe difpenfer de payer , en
oppoiant au vendeur l'exception réfultan-
te de Téviclion que j'avois foufFerte ; que
fi la caution avoit ignoré l'évi&ion , &
par conféquent l'exception qui en réfulte
contre la demande du prix que lui a fait
le vendeur , je ferai obligé de lui rendre
ce qu'il a payé , fauf mon recours contre
mon vendeur , car il n'eft pas en faute de
n'avoir pas oppofé une exception dont il
n'avoit pas de connoiffance, & c'eft moi
qui fuis en faute au contraire de ne l'en»
avoir pas averti. La loi 29.^ mand. éta-
blit ces principes dans une efpece affez
refîemblante; au reftei! n'y a que l'igno-
rance de fait , qui peut en ce cas exeufer
la caution ; il en fer oit autrement de l'igno*
5<S6 Tr. des Oblige
rance de droit; finge j'ai acheté fous votre
cautionnement une maifon queje croyois
fubfifter , & qui a voit été entièrement
brûlée avant le contrat ; quoique vous
eufîiez depuis appris l'incendie , vous avez
payé le prix que vous croyez par erreur
de droit être dû ; vous ne devez avoir au-
cun recours contre moi , d. L 29. §. 1.
434. Si la caution avoit une fin de non
recevoir à oppofer contre le créancier ,
mais qui fut telle qu'elle ne pût l'oppofer
honorablement , en ce cas la caution n'en1:
pas à la vérité obligée à l'oppofer ; mais
elle ne doit pas priver le débiteur de
la faculté de l'oppofer ; c'eft pourquoi
elle doit fe laifler afîigner pour le paye-
ment , & appeller en çaufe le débiteur
principal, afin qu'il puhTe l'oppofer fi bon
lui femble ; faute de le faire , la caution
n'aura aucun recours contre le débiteur
principal , de ce qu'elle aura payé ; c'eft
ce qui réfulte des loix 48. ff. mand. & L
10. §. 11. d. tit.
On peut apporter pour exemple de ces
fins de non recevoir , qu'on ne peut ho-
norablement oppofer , celle qu'on peut
oppofer au créancier de rente cqnftituée
qui a laiffé accumuler plus de cinq années,
435. La règle que nous avons établie
que la caution , pour avoir recours contre
îe débiteur principal 3 doit n'avoir pas
Part. IL Chap. VI. 567
bbmis par fa faute , d'oppofer les fins de
non recevoir qu'elle avoit à oppofer ?
fouffre exception , lorfque ces fins de non
recevoir lui étoient perfonnelles , & ne
pouvoient être oppofées par le débiteur
principal ; par exemple , fi la caution qui
m'a cautionné jufqu'à un certain temps ,
paye pour moi après ce temps ; quoiqu'el-
le eût pu fe difp enfer de payer , elle ne
laifTera pas d'avoir recours contre moi ,
parce qu'elle a payé pour moi ce que je
n'aurois pu éviter de payer ; c'eft. la dé-
cifion de la loi 29. §. 6. ff. mand. quam*
quant enimjam liberatus folvcrit , fidem im»
pievity & debitorem liberavit. Il fuffit qu'elle
m'ait procuré à fes dépens la libération ,
pour que je doive l'en indemnifer ; autre-
ment je m'enrichirois à fes dépens , ce que
l'équité ne permet pas , neminem aqiuim
ejl cum alurius detrimento locupletari*
Deuxième Condition.
436. Il faut , pour que la caution ait
un recours contre le débiteur principal,
que le payement qu'elle a fait , foit va-
lable ; c'eft pourquoi fi celui qui me doit
un cheval indéterminément , m'a donné
une caution , & que cette caution par la
fuite m'en fournifTe un qui fe trouve ne
lui pas appartenir, la caution n'aura point
de recours contre le débiteur principal,
568 Tr. des Oblig:
parce que le payement qu'elle a fait n'efl
pas valable , 6c n'a point procuré au prin-
cipal débiteur fa libération.
437. Cette règle fouffre exception dans
le cas auquel la caution pourfuivie par le
créancier , payeroit dans l'ignorance où
elle feroit que le débiteur principal a déjà
payé ; car quoique ce payement fait par la
caution , étant le payement d'une fomme
qui avoit ceffé d'être due, ne foit pas un
payement valable ; néanmoins la caution
ne biffera pas d'avoir recours acîionc man-
dati contraria , contre le débiteur princi-
pal , pour être rembourfée de la fomme
qu'elle a payée , à la charge feulement
par la caution de fubroger le débiteur
principal en fon action de répétition con-
tre*le créancier qui peut être infolvable ,
pour par le débiteur principal s'en faire
payer comme il pourra : c'eft la décifion
de la loi 29. §. z. ff. mand. Le débiteur
principal eft en faute de n'avoir pas averti
la caution , qu'il avoit payé.
Cette décifion ne doit pas avoir lieu ,
lorfque la caution a cautionné le débiteur
principal a à fon infçu; car en ce cas, le
débiteur principal n'eit pas en faute de
n'avoir pas averti du payement, cette
caution qu'il ne connohToit pas,
Part II. C h a p. VI. 569
Troifîéme Condition,
438. Un troifîéme cas, auquel la eau-
ion qui a payé , n'a pas de recours pour
a iumme qu'elle a payée , contre le débi-
eur principal , c'eft lorfque faute par elle
l'avoir averti le débiteur principal , ce
débiteur a payé une féconde fois au créan-
cier ; mais au moins elle peut demander
que le débiteur lui cède fon action pour
répéter contre le créancier qui a reçu , ce
qui ne lui étoit plus dû ; c'eft la décifion
de la loi 29. g. 3 . ff. mand.
Selon nos ufages ces cefîions fe fup-
pléent , & on permettroit en ce cas-ci , à
la caution de répéter reclâviâ du créancier,
ce qu'il auroit reçu une féconde fois.
§. 1 v.
Quand la caution qui a payé peut - eîl$
exercer fon recours .
439. Régulièrement la caution qui a
payé , peut agir en recours contre le dé-
biteur principal , auffi-tôt qu'elle a payé
pour lui ; mais fi elle avoit payé avant que
le terme fût échu , elle ne pourroit agir en
recours contre lui , qu'après l'expiration du
terme ; car elle ne doit pas par fon fait le
57o Tr. des Oblig,
priver du terme dont il a droit de jouir ^
/. 22. §. 1.7. ji. ff. mand,
%. Y.
Lorfqiilly aplujieurs débiteurs principaux ,"
l(i caution a-t-elU action contre chacun
d'eux , & pour combien .
440. La caution peut par l'aûion contra~t
fia mandati , ou par l'avion contraria nego^
tiorum gejlorum , agir contre chacun des
débiteurs principaux quelle a cautionné »
pour la répétition du total de ce qu'elle;
a payé ; car chacun de ces débiteurs prin-
cipaux, étant débiteur du total delà dette
envers le créancier, la caution en fe ren-
dant caution pour chacun d'eux , & en,
payant , a libéré chacun d'eux du total,
& par conféquent elle a droit de conclure
folidairement contre chacun d'eux , au
rembourfement du total de ce qu elle a
payé , & aux intérêts du jour de fa de-
mande.
Si dans ce que la caution a payé , il y
avoit des intérêts & des arrérages ; ces
intérêts & ces arrérages forment un capi-
tal , à l'égard de la caution qui les a payés ,
vis - à - vis le débiteur pour qui elle les a
payés, &C les intérêts en font dûs à la
caution du jour de fa demande. Arrêt
rapporté par Papon x. 4. 20.
Part. II. Chap. VI. .571
Obicrvez néanmoins , que pour ldfom-
mc qu'elle a payée pour ces intérêts &C
arrérages , la caution qui s'eft fait fubro-
ger auxdroitsducréancier,feracolloquée
fur les biens du débiteur, contre qui elle
exerce fon recours , dans le môme rang
qu'y feroit colloque le créancier , s'il n'é-
toit pas payé ; mais à l'égard des intérêts
de cette fomme , que nous difons lui être
dus du jour de fa demande; comme ce
n'eft que de fon chef, qu'elle a droit de
les prétendre , elle ne fera colloquée que
du jour de l'a£te d'indemnité , pafTé devant
Notaire fi le débiteur lui en a pafle , ou
s'il n'y en a point , du jour de la con-
damnation qu'elle aura obtenue contrelui.
La caution qui exige de l'un des dé-
biteurs principaux qu'elle a cautionné , le
total de la dette qu'elle a acquittée , doit
cédera ce débiteur non-feulement fes ac-
ti ons qu'elle a de fon chef contre les autres
débiteurs , mais auiîi les actions du créan-
cier auxquelles elle a dû fe faire fubroger
en le payant ; fi la caution en payant le
créancier a négligé de requérir cette fu*
brogation , & qu'elle fe foit par-là mife
hors d'état d'en pouvoir procurer la fubro-
gation , à celui des débiteurs principaux
de qui elle exige le total de la dette ,
qu'elle a acquittée ; ce débiteur pourra ,
en offrant de la rembourfer pour fa part ,
$7* Tr. bes Obli».
obtenir per oppojitam exceptionem cedenda-
ram aciionum le congé de la demande de
la caution , pour les parts des autres dé-
biteurs principaux.
Cela a lieu fi le débiteur avoit effecti-
vement intérêt à avoir la fubrogation aux
actions du créancier; mais s'il n'y avoit au-
cun intérêt à cette fubrogation , û la fu-
brogation aux actions que la caution a de
fon chef, lui donne le même avantage fur
les biens de fes codébiteurs , que la fubro-
gation aux actions du créancier; en ce cas
il n'eft. pas recevable à fe plaindre que la
caution n'ait pas requis en payant , la fu-
brogation aux actions du créancier , & ne
puiffe la lui procurer ; il eft par conféquent
non recevable dans l'exception adenda-
rum aciionum,
C'eft ce qui paroîtra par l'exemple fui-
xa.nt;jînge: plufieurs débiteurs ont em-
prunté folidairement une fomme d'un
créancier fous mon cautionnement, &ils
m'ont donné chacun un acte d'indemnité
devant Notaire de même datte que l'obli-
gation qu'ils ont contractée, envers le
créancier ; j'ai acquitté cette dette fans re-
quérir la fubrogation aux actions du créan-
cier , j'en demande le rembourfement pour
le total à l'un des débiteurs : il eft évident
qu'il ne peut pas fe plaindre de ce que je
ne peux lui procurer la fubrogation aux
P A R T. I I. C H A P. V I. 573
acYions du créancier ; car l'aclion que j'ai
de mon chef contre les codébiteurs \ &C à
laquelle je luis prêt de le fubroger , ayant
une hypotéque résultante de l'acte d'in-
demnité de même datte , que l'hypotéque
des actions du créancier ; la Subrogation
à cette aclion que je lui offre , lui procure
le même avantage fur les biens de (es co-
débiteurs, eue lui auroit procuré la fubro-
gation à celles du créancier, & par confé-
quent le rend fans intérêt , ck non rece-
vable à fe plaindre de ce que je ne la lui
ai pas pu procurer.
Lorique la caution ne s'eft rendue cau-
tion que pour l'un des débiteurs folidaires,
&: non pas pour les autres ; elle n'a , après
qu'elle a acquitté la dette, d'a&ion directe
que contre celui qu'elle a cautionné ; elle
peutfeulement , commeexerçant lesdroits
& actions de fon débiteur , exercer celles
que ce débiteur , en acquittant la dette ,
auroit pu exercer contr'eux , & de la mê-
me manière qu'il les auroit exercées. Sur
quoi voy^fuprà n. 28 1 .
Article II.
Des cas auxquels la caution a aclion contre,
le débiteur principal , même avant quelU
ait payé,
441, La loi iQtCod^and, ne reconnaît
574 • T r. des Oblig.'
que trois cas dans lefquels une caution puif-
fe avant qu'elle ait acquitté la dette , agir
contre le débiteur qu'elle acautionné , pour
en être par lui indemnifée. Sipro eâ contra
quamfiipplicasfidtjufflorfe.il mandator inter-
cefjlfii^ & neque condcmnatus es ; neque bona
fua eam dilapidarc pojleà cœpîjje comprobare
pofjis 9 ut tibi jufiam metuendi caufamprœ-
beat ; neque ab înitio ita te obligationem
fufcepiffe^ ut eam pojjis & antè folutionem
convenire ; nullâ ratione , antequam fatis
creditori pro eâfeceris ? eam ad folutionem
urgeri certum ejl , d. 1. 10.
Le premier cas rapporté dans cette loi
eft lorfque la caution a été condamnée à
payer 9 fi neque condemnatus es.
Selon notre pratique Françoife , la cau-
tion n'eft pas obligée d'attendre qu'elle
ait été condamnée ; aufîi-tôt qu'elle eft
pourfuivie par le créancier , elle peut
afîigner le débiteur principal , comme fon
garant, pour qu'il foit tenu de l'acquitter ;
elle doit même le faire , faute dequoi le
débiteur n'eit point tenu d'acquitter la cau-
tion , des frais faits avant qu'il ait été ap-
pelle en caufe , mais feulement de l'exploit
de la demande originaire , & des frais faits
depuis qu'il a été mis en caufe.
Le débiteur que la caution n'a pas ap-
pelle , peut même quelquefois fe défendre
de l'acquitter du principal , au payement
Part. II. Chap. VI. 575
duquel la caution a été condamnée, lors-
qu'il avoit de bons moyens de défenfe
contre la demande du créancier qu'il eut
pu oppoler , s'il eût été appelle en caufe ,
fuprà,n. 432.
Le fécond cas eft , lorfque le débiteur
principal eft en déroute , neque pojîeà bona
fua dilapidarc comprobarc pojjis '9 en ce cas
la caution , quoiqu'elle n'ait pas encore
payé , peut faire arrêt fur les biens du dé-
biteur principal , pour répondre du cau-
tionnement qu'elle a fubi pour lui.
Le troifiéme cas exprimé par cette loi ,'
eft lorfque le débiteur s'eft obligé à rap-
porter à la caution , la décharge de fon
cautionnement dans un certain temps ;
en ce cas , après le temps expiré , la cau-
tion peut agir contre le débiteur principal,
pour qu'il lui rapporte cette décharge ,
ou deniers à fuffire pour payer lç créan-
cier.
La loi dit , neque ab mitio , parce que
fuivant les principes du Droit Romain ,
cette convention devoit intervenir dès
le temps du mandat ; les conventions qui
n'interviennent que depuis le contrat ,
n'étant que de (impies pa&s qui félon la
fubtilité du Droit Romain ne pouvoient
pas produire d'action. Voye^ in Pand.
Jujlin. ta. de pacîis , n. 34. Ces fubtilités
p'ayant point été reçues dans notre Droit,
576 Tr. des Oblig.'
il n'importe que la convention foit inter-
venue dès le temps du contrat ou depuis.'
La loi 3 8. §. 1 . mand, rapporte un qua-
trième cas , ji dià rcus infolutinnz ceffavit :
fuivant cette loi , quoiqu'il n'y ait aucune
claufe , par laquelle le débiteur principal
feroit obligé à faire décharger la caution
de ion cautionnement , dans un certain
temps ; néanmoins la caution dont l'obli-
gation dure depuis un temps confidéra-
ble , peut afïigner le débiteur principal
à lui en procurer la décharge. La loi par
ce terme dià défigne un temps confidé-
rable ; mais elle ne le détermine pas pré-
cifément : Barthole l'arbitre à deux ou
trois ans ; plufieurs l'arbitrent au temps
de dix ans depuis la datte du cautionne-
ment ; on ne peut rien définir à cet égard ,
cela doit dépendre des circonstances , &
être laifTé à l'arbitrage du juge , gl. ad
d. L 38.
442. Lorfque l'obligation à laquelle une
caution a accédé , doit par fa nature durer
un certain temps; quelque long qu'il foit ,
la caution ne peut demander pendant tout
ce temps , que le débiteur principal l'en
fafTe décharger ; car ayant connu , ou du
connoître la nature de l'obligation à la-
quelle elle accédoit , elle a dû compter
qu'elle demeureroit obligée pendant tout
ce temps; c'eft pourquoi celui qui s'efl:
rendu
Part. IL Chap. VI. 577
rendu caution d'un tuteur pour la geftion
de la tutelle , ne peut demander au tuteur,
tant que fa tutelle durera , qu'il le falTe
décharger de fon cautionnement; parce
que l'obligation qui réfulte de l'admininra-
tion de fa tutelle , ne peut finir avant la fin
de la tutelle ; par la même raifon celui qui
s'eft rendu caution pour un mari envers
fa femme , de la reftitution de fa dot , ne
peut demander à ce mari , tant que le ma-
riage dure , à être déchargé de fon cau-
tionnement ; parce que l'obligation de la
reftitution de la dot , eft de nature à ne
pouvoir s'acquitter , qu'après la diflblution
du mariage.
Article II L
Si la caution d'une rente peut obliger le
débiteur au rachat,
443 . Ou il y a eu une convention entre
la caution & le débiteur principal , que le
débiteur feroit obligé de la décharger de
fon cautionnement , au bout d'un certain
temps convenu entre les parties ; ou il n'y
a eu à cet égard aucune convention : Le
premier cas fait moins de difficulté , il ne
laifTe pas néanmoins d'avoir quelque diffi-
culté apparente ; on peut dire qu'une telle
convention , n'eftpas valable comme con*
Tome I% B b
578 Tr. des Oblig.
traire à la nature des rentes conflituées ,'
de Pefience deiquelles il efl que le débi-
teur ne piiifTe jamais être forcé de les ra-
cheter ; on ajoute que de telles conven-
tions , il elles étoient perrnifes , ouvri-
roient la voie aux fraudes des créanciers ,
qui pour ie ménager le pouvoir de forcer
au rachat les débiteurs des rentes qu'on
leur conflitueroit , n'acquéreroientla ren-
te que fous la condition fecrette qu'on
feroit intervenir une caution à eux affidée ,
avec qui le débiteur auroit convention
de racheter la rente au bout d'un certain
temps; & par ce moyen ces créanciers
fe feroientindiflin&ement des rentes ufu-
raires , fans aliéner leur fond & leur prin-
cipal : nonobstant ces raifons , Dumoulin
tr. de ufur. Q. 30. décide que cette con-
vention eft valable , que la caution peut
au bout du temps convenu , exiger du
débiteur principal qu'il la falTe décharger
de fon cautionnement , & que pour cet
effet il foit tenu de rembourfer la rente :
û on oppofe contre cette convention ,.
qu'il efr de l'effence des rentes conflituées.
que le débiteur ne puiffe être forcé à les
racheter : la réponfe efl qu'il efl vrai , qu'il
efl de IV encè de ces rentes , que le débi-
teur ne puifle être forcé par le créancier à
les rembourfer; mais rien n'empêche qu'il
puifle y être forcé par un tiers : c'eflla par-
Part. II. C h a p. VI. 579
faite aliénation du (brt principal que le
créancier a payé pour l'acquifition de la
rente , qui fa t Peffence de la rente confti-
tuée ; mais il iuffit pour cette aliénation ,
que le créancier de la rente ne fe foit pas
retenu le droit de pou voir l'exiger, & qu'il
n'y puiffe jamais obliger le débiteur ; il eft:
indifférent , que le débiteur puifTe y être
obligé par un tiers. Quant à la féconde
objeclion tirée de la fraude , la réponfe
eft , qu'elle ne fe préfume pas ; il efl vrai
que la permifîion de cette convention ,
peut donner quelquefois occafion à l'ef-
pece de fraude ci deflus mentionnée , &c
c'eftun inconvénient ; mais fi fous le pré-
texte de cet inconvénient , cette conven-
tion qui en elle - même n'a rien que de
très-licite , étoit défendue , il en réfulte-
roit un plus grand , qui eft que fouvent
des perfonnes ne trouverolent pas l'ar-
gent dont elles ont befoin pour leurs
affaires , faute de trouver des cautions
qui vouluflent contracter une obligation ,
dont la durée ne feroit pas limitée.
Le fécond cas qui eft celui auquel il n'y
a eu aucune convention entre le débiteur
principal & la caution , fouffre plus de
difficulté ; Dumoulin ibid, décide qu'en
ce cas , la caution ne peut au bout de quel-
que long temps que ce foit , obliger le
débiteur principal à rembourfer la rsnte f
Bbij
5S0 Tr. des Oblig.
pour la décharger de fon cautionnement ;
parce que la nature de la rente étant de
durer perpétuellement , jufqu'à ce qu'il
plaife au débiteur de la racheter > la caution
qui en a connu la nature, & qui a bien
voulu la cautionner , s'eft foumife à con-
tracter une obligation perpétuelle , ainfi
que l'eft la rente. Non obflat^âït - il, quod
dm vel perpétua remanebit in obligatione ,
quia hoc ejl de naturâ obligationis 9 & Jîc
prœvifumfuit , & tamen fidejujjît , & fe per-
pétua obligavit ; Jimplex autem promiffio
indemnitatis , intelligitur Jecundùm natu-
ram obligationis principales . Ainfî , ajoute^-
t-il , celui qui le rend caution pour celui
qui a pris à bail un héritage pour le temps
de quatre-vingt ans , contracte un cau-
tionnement de pareille durée ; ainfi les
cautions d'une tutelle , ainfi les cautions
d'un mari pour la reftitution de la dot ,
contractent des cautionnemens qui doi*-
vent durer autant que la tutelle ou le ma-
riage , &: dont ils ne peuvent être déchar-
gés plutôt : c'eft la Jurifprudence du Par-
lement de Touloufe atteftée par Catelan,
t. 1. 1. 5. ch. ii. Nonobftantcesraifbns,
on tient au Palais que , même dans ce cas
auquel il n'y a eu aucune convention en-
tre le principal débiteur & la caution ,
lorfque la caution s'eft obligée à la prière
du débiteur , & que fon cautionnement
Part. IL Chap. VI. 581
Aire depuis un temps très-confidérabîe
comme de dix ans au moins , la caution
eft bien fondée à demander au débiteur
principal qu'il l'en décharge en rembour-
fant la rente dans un certain temps qui
lui fera limité par le Juge; la raifon eft
que fi une rente eft de nature à toujours
durer , jufqu'à ce qu'elle foit remboursée ,
elle eft aufîi de nature à pouvoir toujours
être rembourfée ; û la caution d'un pre-
neur par bail à longues années , d'un
tuteur, ou d'un mari , pour la reftitution
de la dot, ne peut être déchargée qu'après
l'expiration du bail , ou après l'expiration
du temps de la tutelle ou du mariage ,
c'eft qu'il eft de la nature de ces obliga-
tions de ne pouvoir finir plutôt ; c'eft
pourquoi celui qui s'eft rendu caution par
ces efpeces d'obligations , a dû compter
aue l'obligation de fon cautionnement
ne nniroit pas plutôt ; mais les rentes
conftituées pouvant être rembourfées ,
& fe rembourfant très - fréquemment ,
celui qui s'eft rendu caution pour le dé-
biteur a compté que le débiteur la rem-
bourferoit , &C que fon cautionnement
ne feroit pas éternel ; c'eft pourquoi ,
lorfqu'il dure trop long -temps, il doit
être reçu à demander que le débiteur le
décharge en rembourfant la rente : c'eft
B b iij
5?i Tr. des Oblig;
l'avis de Bafnage, /?. 2. ch. 5. Lacombe
cite un Arrêt qui l'a jugé.
Le droit qui réfulte de la convention ,
que le débiteur fera tenu de rembourfer
la rente dans un certain temps convenu ,
pour décharger la caution ? ne s'exerce
pas à la rigueur ; c\ft pourquoi fi la eau*
tion après l'expiration du temps conve-
nu , pourfuit le débiteur pour faire ce
remboursement , le Juge doit être facile
à accorder au débiteur une prorogation
de temps pour fatisfaire à cette obliga-
tion , lorfç£L£~le débiteur n'a pas la com-
modité de le faire incontinent. Mo/in. ibid.
444. Lorfque le fidéjuffeur qui eit con-
venu avec le débiteur principal, qu'il rem-
bourferoit la rente dans un certain temps ,
elî devenu l'unique héritier du créancier
de la rente , ou lorfqu'en étant devenu
héritier pour partie , la rente eft tombée
par le partage en fon lot ; il eft év'dent
qu'il ne peut plus exiger du débiteur
principal , le rembourfement de la rente;
car fon cautionnement fe trouve en ce
cas éteint , ne pouvant pas être caution
envers lui-même ; il ne peut donc plus
être recevable , à demander que le débi-
teur le décharge d'un cautionnement qui
ne fubfifte plus , &: dont il fe trouve libéré.
Quid , Si la rente pour laquelle il s'eft
rendu caution envers le défunt, efttom-
Part. IL Chap. VI. 583
bée an lot de Ion cohéritier , ou que le
partage ne foit pas encore fait ? Dumou-
lin , ibid. décide que fi la caution n'efl
devenue héritière du créancier , que pour
une petite portion , elle peut en l'un &
l'autre cas exercer le droit , qu'elle a de
l'on chef, d'obliger le débiteur à lui pro-
curer la décharge de fon cautionnement
en rembourfant la rente ; mais que fi elle
eft. devenue héritière du créancier , pour
une portion confidérable , comme pour
une moitié , ou pour un tiers , elle ne
peut ni dans l'un ni dans l'autre cas , exi-
ger du débiteur cette décharge ; la raifon
qu'il en apporte eft , que la caution , en
devenant héritière pour une portion con-
fidérable de la rente , eft devenue créaia-
ciere de cette rente pour une portion con-
fidérable , &C que cette qualité de créan*
cier pour une portion confidérable de la
rente qu'elle a , ou qu'elle a eu avant le
partage , réfifte au droit d'en exiger du dé-
biteur le rembourfement , pour fe procurer
la décharge de fon cautionnement ; d'au-
tant plus qu'il lui eft, ou qu'il lui a été fa-
cile , de fe procurer d'un autre manière
cette décharge , en faifant tomber par le
partage cette rente dans fon lot.
J'aurois de la peine à me rendre à cette
déciiion de Dumoulin , furtout dans le
cas auquel la rente eft échue en entier en
Bb iv
584 Tr. des Gblig.
partage au cohéritier de la caution "9 car
îuivant les principes de notre Jurifpru-
dence fur l'effet déclaratif & rétroactif
des partages , qui n'étoient pas fi bien
établis au temps de Dumoulin qu'ils le
font aujourd'hui , un héritier n'eft. cenfé
avoir fuccedé au défunt , qu'aux effets
qui lui font échus dans fon lot par le par-
tage ; la caution efl donc cenfée n'avoir
jamais fuccedé à la rente pour laquelle
elle s'eft rendue caution envers le défunt,
cette rente étant tombée en entier dans
le lot de fon cohéritier ; elle n'a donc , &
eit cenfée n'avoir jamais eu , pour aucune
portion, la qualité de créancier de cette
rente ; rien ne peut donc l'empêcher
d'exercer le droit oifelle a de fon chef,
d'exiger du débiteur , qu'il la rembourfe ,
pour lui procurer la décharge de fon cau-
tionnement ; quant à ce qu'ajoute Du-
moulin , qu'il a été facile à la caution de
fe procurer d'une autre manière la dé-
charge de fon cautionnement, en faifant
tomber la rente dans fon lot ; je réponds
i°. que cela ne dépendoit pas entière-
ment de la caution ; fon cohéritier à qui
cette rente pouvoit faire plus de plaifir ,
que des fonds d'héritages, ayant pu exiger
que le fort en décidât ; ±°. quand cela
auroit dépendu de la caution , je ne vois
pas qu'elle fût obligée, pour faire plaifir
au débiteur, de prendre cette rente, plu-
Part. II. Chap. VI. 585
tôt que d'autres effets de la fucceffion qui
pourvoient lui faire plus de plaiiir , & lui
être plus avantageux.
Le cas auquel le partage n'eft pas fait,
a plus de difficulté ; je penferois qu'en ce
cas , fur la demande que donneroit la cau-
tion contre le débiteur, pour le rembour-
fement de la rente , on devroit furfeoir
jusqu'après le partage ; car il n'eft pas
équitable que la caution pourfuive le dé-
biteur pour le rembourfement , lorfqu'elle
a efpérance d'acquérir la décharge de fou
cautionnement par le partage par lequel
il peut arriver que cette rente tombe
dans ion lot.
Qjàd , Si le partage étoit fait, Se que
la rente fut demeurée en commun entre
la caution & fon cohéritier ? Je conviens
qu'en ce cas ,• la qualité qu'a la caution
de créancier pour une portion de cette
rente , l'empêche de pouvoir exiger du
débiteur qu'il faffe le rembourfement du
total de cette rente; mais pourquoi ne
pourroit-elle pas, en lui déclarant qu'elle
confent qu'il la lui continue pour la por-^
tionquilui efl tombée en partage, exiger
qu'il la lui rembourfe pour la portion qui
appartient à fon cohéritier , pour la dé-
charger envers lui de fon cautionnement }
Je ne vois rien qui l'en doive empêcher.
La caution cefTe d'avoir le droit d'exi-
Bbv
586 Tr. ©e s Oblïg.
ger que le débiteur principal fafTe le ra-
chat de la rente , non-feulement lorfque
c'eft à titre d'héritier , qu'elle devient
propriétaire & créancière de la rente ,
mais aufli lorfqu'elle le devient à quel-
que titre que ce foit , foit univeriel, foit
particulier , put à fi elle devient donata're
ou légataire univerfelle du créancier de
la rente , ou donataire ou légataire par-
ticulière de la rente ; car elle n'a droit
d'e.i demander le rachat que pour être
déchargée de fon cautionnement , -& elle
n'a plus befoin d'en être déchargée , lorf-
qu'elle eft devenue propriétaire de la
rente , à quelque titre que ce foit ; puif-
que dès lors fon cautionnement eft éteint,
perfonne ne pouvant être caution envers
foi- même.
Si le droit de propriété de la rente , que
la caution a acquis , n'étoit qu'un droit re*
foluble , puta fi elle étoit donataire ou lé-
gataire de cette rente , à la charge de
fubftitution , l'obligation de fon caution-
nement feroit en ce cas plutôt fufpendue r
qu'éteinte : elle revivroit lorfque fon droit
de propriété viendroit à fe réfoudre , putk
par l'ouverture de la fubftitution; -c'efl
pourquoi la caution ne pourroit pas à la
vérité exiger le rachat de la rente , pen-
dant le temps qu'elle en feroit proprié-
taire ; ïnais fon droit de propriété venant
Part. II. Chap. VI. 587
à fe refoudre , & en conséquence l'obli-
ion de Ion cautionnement venant à re-
vivre envers celui à qui la propriété de la
rente a pafîe , le droit de demander au
principal débiteur, qu'il racheté la rente,
pour qu'elle foit déchargée de fon caution-
nement , doit pareillement revivre , &
le temps dans lequel il s'efr. obligé de
faire ce rachat qui a voit cefle de courir
pendant que la caution étoit propriétaire
de la rente , recommencera à courir.
Mais fi la caution qui eft devenue pro-
priétaire de la rente , cefle d'en être pro-
priétaire , par une aliénation volontaire
qu'elle en a fait , Si non par la réfolution
de fon droit ; l'obligation de fon caution-
nement ne revit pas , ni par conféquent
le droit d'exiger du débiteur le rachat de
la rente. Molïn. ibid. Quœjl. 29. n. 246.
Si la caution avoit elle-même fait le
rachat de la rente , quqjiju'elle fe fût fait
fubroger aux droits du cTOncier , & qu'au
moyen de cette fubrogation, elle pût îa
faire revivre contre le débiteur, néan-
moins elle pourra , en ne faifant pas nfage
de cette fubrogation , répéter du débiteur
jl'incipal , la fomme qu'elle a payée pour
ce rachat; la raifon eft qu'un mandataire
peut répéter aciione mandati cont'ariâ ,
tout ^e nue l'affaire dont il s'eft change Ya.
obligé de débourfer 7 quidquid $x musa
Bb vj
588 Tr. des Oblig;
mandati ipji inculpabiliter abeji ( v. Pand,
Jujîin. tit. mand. «.53. &/^») or, c'eft
le cautionnement que la caution a fubi à
la prière du débiteur , qui l'a obligé à
faire ce rachat , pour mettre fin à fou
obligation ; donc cette fomme ipji abejl
ex causa mandati ; & quidem intulpahili-
ter , car le débiteur principal ne peut dé-
faprouver cette dépenfe , puifqu'il s'éîoit
obligé lui-même à faire le rachat , pour
mettre fin à l'obligation de la caution fon
mandataire, fi la caution ne l'eût fait elle-
même ; donc ce débiteur principal ne peut
fe défendre de la répétition de cette fom-
me. Molin. ibid. Quœjî. 30.
Soit que la caution ait donné des de-
niers pour le rachat de la rente , foit
que du confentement du créancier , elle
lui ait donné quelque chofe équivalente
à la fomme dont elle étoit rachetable 9
elle a la répétitif de cette fomme contre
le débiteur principal ; car en l'un &c l'autre
cas , ipji ex causa mandati abejl,
Obfervez que fi la caution avoit fait le
rachat de la rente avant l'expiration du
temps dans lequel le débiteur s'étoit obligé
de la racheter, elle n'en pourroit avoir
la répétition qu'après l'expiration de ce
temps ; même après ce temps , cette
répétition ne doit pas s'exercer avec ri-
gueur 9 & lorfqu'elle eft demandée , le
Part. IL Chap. VI. 589'
Juge doit être facile à accorder terme au
débiteur pour trouver de l'argent.
Nous avons dit que la caution qui a
racheté la rente , ne pouvoit avoir la ré-
pétition des deniers du rachat contre le
débiteur principal qu'elle a cautionné ,
qu'autant qu'elle n'uferoit pas de lafubro-
gation à elle accordée pour faire revivre
la rente : Pourquoi cela ? 11 fembleroit au
contraire que la caution ayant deux qua-
lités duarum perfonarum vices fujlintns 9
pourroit exercer tout à la fois les droits
différens qui réfultent de ces deux qua-
lités ; fça\oir , celui d'exiger la continua-
tion de la rente , comme fubrogée aux
droits du créancier , & celui qu'elle a de
fon chef , d'exiger que le débiteur princi-
pal racheté la rente ; il femble qu'elle
le peut d'autant plus , que le débiteur
principal paroît ne fourTrir en cela aucun
préjudice ; puifque fi la caution n'avoît
pas fait le rachat , la caution pourroit exi-
ger de lui , qu'il le fît , &t nonobstant cette
demande de la caution, il ne lairTeroit pas
d'être tenu de payer les arrérages au créan-
cier , jufqu'à ce qu'il l'eût fait ; or , il lui
efl indifférent de les payer à la caution
fubrogée aux droits du créancier , ou au
créancier : nonobiaint ces raifons , Du-
moulin quœft. 29. d/cide q ie la caution
qui veut uiér du droit de Subrogation ,
590 Tr. des Oblig.
& fe faire fervir de la rente , ne peut
plus dès- lors ufer du droit qu'elle avoit
d'en exiger le rachat , parce que ce font
deux droits abfolument incompatibles ; le
créancier d'une rente conflituée, & celui
qui en veut exercer les droits , eft par cette
qualité obligé de procurer au débiteur la
libre jouiffance du fort principal de la
rente , aufîi long temps qu'il lui plaira ,
ce qui efl contradictoire avec le droit
d'exiger le fort principal.
Dumoulin , qur.fl. 30. n. 2.49. appor-
te ce tempéramment à fa décifîon , que
fi la caution dans l'ignorance de droit 011
elle étoit , qu'elle ne pouvoit pas cumu-
ler le droit de faire revivre à fon profit
la rente , & celui d'en exiger le rachat ,-
en avoit reçu une année ou deux d'arré-
rages, elle ne îaifleroit pas de pouvoir
être reçue à en exiger le rachat , en offrant
de renoncer à la fubrogation aux droits
du créancier, & d'imputer en conféquen-
ce furie principal , les arrérages qu'elle a
reçus.
Article IV.
Des actions de la caution contre fes
cojidéjujjeurs,
445. Une caution peut bien exercer
contre fes cofidéjuiTeurs ? les i.Ûions du
Part. II. Chap. VL 591
créancicrjorf qu'elle a eu la précaution de
s'y faire lubroger ; mais lui vaut les loix
Romaines , elle n'a de Ion chef aucune
action contr'eux , même dans le cas au-
quel elle auroit payé la dette : c'eft la
déciiion de la loi 39. ff. de Jid. L. 11.
cod. d. tit.
Le principe fur lequel les Jurifconfuîtes
Romains fe font fondés eft , que lorfque
plufieurs perfonnes fe rendent cautions
pour un même débiteur , elles ne con-
tractent entr'elles aucune obligation ; cha-
cune d'elle n'a d'autre intention , que
d'obliger le débiteur principal ; chacune
d'elles ne fe propofe de faire l'affaire que
du débiteur principal , & non celle de
fes cofidéjufïeurs , folius Rei principalis
mgotium gerit 9 non alur altcrius mgotium
gerit.
Ce principe eft vrai , Se on peut mê-
me dire évident ; mais la conféquence que
les Jurifconfuîtes Romains en ont tirée ,
qu'un fïdéju fleur ne peut jamais fans fu-
brogation d'aclions , avoir aucune aclion
de recours contre fes cofidéjufleurs,même
lorfqu'il a payé la dette entière , dont ils
étoient tous tenus , efl une conféquence
trop dure, & que nous n'avons pas ad-
mife dans notre Jurifprudence ; au con-
traire nos Jurifconfuîtes François ont pen-
fé que la caution qui a payé toute îa det-
59* Tr.- des Ob lig.
te , peut fans fubrogation d*aclions , en
répéter une part de chacun de fes cofldé-
jufieurs ; c'étoit l'avis de Dargentré fur
l'art. 2i3.de l'ancienne Coutume de Bre-
tagne & on en a fait une difpofition lors
de la reformation, art, 194.
Cette aclion ne naît pas du cautionne-
ment que ce fidéjufleur a fubi avec (es
cofîdéjuffeurs , puifquepar ce cautionne*
ment ils n'ont contracté aucune obligation
entr'eux, fuivantîe principe ci-deffus éta-
bli : elle ne naît que du payement que
ce fidéjuffeur a fait de toute la dette , &C
de l'équité qui ne permet pas, que fes
cofîdéjuffeurs , qui étoient tenus comme
lui de la dette , profitent à fes dépens du
payement qu'il en a fait ; cette aclion
n'eft pas la vraie aclion negotiorum gejlo~
rum ; ce fidéjufleur qui a payé la dette en-
tière ,. ayant payé ce qu'il devoit effecti-
vement , s'étant acquitté de fa propre
obligation ^ proprium mgotium gejjit , . ma*-
gis quàm confidejujjbrum ; mais cette ac-
tion efl une aclion ut'dis negotiorum geflo*
rum y.quce non ex fubtili juris ratio ne , fed
ex fold utUitads & œquitatis rat 10 ne pro~
ficijçitur; parce que, quoique ce fîdéjuf-
feur ipjîus infpecîo propojïto , en payant la
dette entière , fît plutôt fa propre affaire ,
que ele de fes cofîdéjuffeurs; néanmoins
tfficlu infpecïo , ayant , quant à l'effet , fait
Part. IL Chap. VI. pi
l'affaire de fes cofidéjufleurs , en même
temps qu'il faifoit la fienne , les ayant,
par le payement qu'il a fait , libéré d'une
dette qui leur étoit commune avec lui;
l'équité exige qu'ils portent leur part de
ce payement , dont ils ont profité autant
que lui.
Il y a quelques Auteurs qui ont été bien
plus loin , & qui ont foutenu que dans le
cas de l'infolvabilité du débiteur princi-
pal , un fidéjufleur avoit a&ion de fon
chef, contre fes cofidéiiiffeurs , non-feu-
lement après qu'il avoit payé le créancier ,
pour répeter d'eux leurs parts de ce qu'ils
auroient été tenus comme lui de payer au
créancier,mais que même avant que d'avoir
payé , chacun des nVléjiuTeurs avoit aftion
contre fes cofîdéjufTeurSjpour qu'ils contri-
buent avec lui au payement de la fomme
qu'ils doivent tous au créancier ; ils ont
été mêmejufqu'à dire, que dans le cas
de rinfolvabilité d'un débiteur de rente
conftituée, un fidéjiifTeur qui fe trouvoit
depuis un temps confidérable caution de
cette rente , avoit action contre (os co-
fîdé uffeurs , pour qu'ils fuffent tenus de
contribuer avec lui au rachat de cette
rente : V. Bafnage , Tr, des hypoteq. p. 2.
ck.6. qui cite quelques Arrêts du Par-
lement de Normandie , qui l'ont jugé
ninfi , & Brodeau fur Louct ,. lettre F* qK
594 T R« DES Oblig,
27. qui cite aufli un Arrêt du Parlement
de Paris ; mais je penfe que ces Auteurs
ont été trop loin. J'accorde que lorfque
l'un des fidéjufleurs eft pourfuivi par le
créancier , ce fidéjiuTeur pourfuivi a ac-
tion contre fes cofidéju fleurs , pour qu'ils
ayent à fournir chacun leur part de la
fomme demandée , dont le payement doit
faire cefltr les pourfuîtes , & qu'à faute
de ce faire , ils feront tenus chacun pour
leur part d^s frais faits depuis que les
pourfuîtes leur auroient été dénoncées ;
cette action naît des pourfuîtes faites con-
tre ce fidéjufleur , & de l'équité qui ne
permet pas qu'entre plufieurs qui font te-
nus également d'une même dette, l'un en
foit plus pourfuivi que les autres ; c'eft fur*
cette raifon d'équité , qu'a été établi le
bénéfice de divifion entre les cofidéjuf-
feurs : cette même raifon d'équité , qui
fait admettre un fïdéjufleur pourfuivi pour
le payement , à demander au créancier ,
qu'il partage fon action &c (es pourfuîtes
entre tous les fidéjufleurs , le doit pareil-
lement faire admettre à demander à hs
cofidéjuffeurs , qu'ils contribuent , chacun
pour leur part , au payement de la dette ,
6c faute de ce , au payement des frais
faits depuis que les pourfuîtes leur font
dénoncées. Il -doit être admis à cette de-
mande , même lorfqu il a renoncé au bé~
Part. II. Chap. VI. 59Ç
néfice de divifion , ou qu'il en eft exclus
par la nature de la dette cautionnée ; cette
renonciation 6c cette exclufion n'ayant
lieu qu'en faveur du créancier.
Mais tant que le fidéjufTeur n'en1 pas
pourfuivi pour le payement , il n'a au-
cune aclion contre fes cofidéjurTeurs pour
les obliger à contribuer avec lui au paye-
ment de la dette ; car les cofidéjurTeurs ,
fuivant le principe établi ci-defTus, n'ayant
pas entendu contracter entr'eux aucune
obligation , celle d'où naît Ta£tion que
l'un d'eux a contre fes cofidéjurTeurs,
lorfqu'il eu pourfuivi , n'efr. fondée que
fur une raifon d'équité , qui naît de la
pouriuite même qui efr. faite contre lui ;
d'où il fuit qu'il n'en peut avoir aucune
tant qu'il n'efr. pas pourfuivi ; à plus forte
raifon le fidéjufTeur d'une rente ne peut
pas, en cas d'infolvabilité du débiteur prin-
cipal, avoir aclion contre (es cofidéjuf-
feurs , pour les obliger à contribuer avec
lui au rachat de la rente ; car de quelle
obligation oourroit naître cette aciion >
Lorfque le fidéjufTeur l'a rachetée , il ne
peut non plus demander autre chofe à (es
cofidéjurTeurs , que la continuation de la
rente , chacun pour*leur part ; car l'aclion
qu'il a contr'eux ne pouva ntnaître que
de la règle d'équité , qui ne permet pas
que (es fîdéjufTeurs profitent de ce rachat
yç6 Tr. des Oblig.
à fes dépens , cfes cofidéjiuTeurs ne reti-
rant de ce rachat d'autre profit que la li-
bération de la prestation d'une rente , ils
ne peuvent être tenus à autre chofe , qu'à
lui continuer , chacun pour leur part ,
une rente pareille à celle dont le rachat
les a libérés envers le créancier.
Une caution qui a payé une dette exi-
gible , ou racheté une rente , a aQion
contre l^s autres cautions principales , &
en cas d'infolvabilité de quelques-unes
d'entr'elles , contre les certificateurs de
cette caution infolvable , qui à cet égard
la représentent ; mais elle n'a aucune ac-
tion contre fes propres certificateurs qui
l'ont certifiée elle-même ; car le certifi-
cateur eft le fidéjiiffeur de la caution qu'il
certifie, ejl fidtjuQor JidejuJJoris ; la cau-
tion vis-à-vis de fes propres certificateurs
tient lieu d'un débiteur principal , ejl inf-
tar Rel principalis.
Par la même raifon , lorfque le certi-
fie ateur a payé , il a recours pour le
total contre la caution qu'il a certifié.
Part. Iï. Chap. VI. 597
Section VIII.
De plufuurs autres efpcces d'Obligations
acccjjoircs.
Article Premier.
De F Obligation de ceux quon appelle en
Droit Mandatores.
446. Celui par l'ordre duquel j'ai prêté
de l'argent à quelqu'un eft, ce qu'on ap-
pelle en Dr oit Madator pecuniœ credendœ ,
toto tit, ff. de Fidej. & Mand.
Lorfque vous me donnez l'ordre de prê-
ter une certaine fomme d'argent à Pierre ,
cet ordre que je me charge d'exécuter,
renferme un contrat de mandat qui inter-
vient entre nous.
Suivant les principes du contrat <le
mandat , le mandataire étant obligé envers
le mandant àcllone mandati direeld , à lui
tenir compte de tout ce qu'il a ex causa
mandati , je fuis par ce contrat en ma
qualité de mandataire , obligé aclione man-
dati direeld envers vous qui êtes le man-
dant , à vous céder l'action qui naît du
prêt de la fomme d'argent que j'ai fait en
exécution de votre mandat , & que j'ai
par conféquent ex caufd mandata
598 Tr. dès Ob li g.
De votre côté vous êtes obligé envers
moi acilone mandait contraria, de me rem-
bourfer & indemnifer de la fomme que
j'ai débourfée , pour exécuter votre man-
dat , en la prêtant par votre ordre à Pierre.
Par cette obligation vous de venez envers
moi le répondant de Pie.re , pour la dette
qu'il a contractée envers moi par le prêt
que je lui ai fait.
En cela les mandatons pecuniœ creden-
dœ conviennent avec les fidéjufTeurs.
Il ne faut pas néanmoins les confon-
dre , & il y a une différence efTentielle
entre les uns & les autres.
L'obligation d'un fidéjuffeur, n'eft au-
tre chofe qu'une fimple accefîion à l'obli-
gation du débiteur principal , qui a pour
caufe , celle de l'obligation du débiteur
principal. Par exemple , lorl'que vous vous
rendez caution envers moi , pour une
fomme d'argent que j'ai prêtée à Pierre ,
ou pour une fomme d'argent que Pierre
me doit pour le prix d'une chofe que je
lui ai vendue , le cautionnement que vous
contractez , n'eft qu'une fimple accefîion
à l'obligation de Pierre ; la caufe de votre
obligation, auiTi-bien que de celle de
Pierre, à laquelle vous avez accédé, efl
la vente ou le prêt que j'ai fait à Pierr/e.
11 n'en efr. pas de même de l'obligation
que vous contractez envers moi* par
Part. II Chap. VI. 59?
Tordre eue vous me donnez de prêter
une certaine lomme à Pierre; il eft vrai
qu'elle a le même objet que celle que
Pierre contracte envers moi par le prêt
que je lui tais par votre ordre. La fom-
ine d'argent que vous me deve^z rembour-
ier iiaicnc mandati contraria , n'en1 pas
une pareille lomme , mais e(t préciiément
la même ibmme qui m'eft due par Pierre ,
6v il ne m'eft pas permis de la recevoir
de vous & de lui , fuivant la règle bona
fides non patiturut idem bis exigatur. L. 57.
ff. de R.J. Mais quoique votre obligation
ait le même objet que celle de Pierre,
quoique la fomme qui m'en1 due par vous
&C par lui , foit une feule & même chofe
dont Pierre eft le débiteur le plus princi-
pal , puisqu'il en eft le débiteur pour lui-
même absolument , & que vous en êtes
débiteur plutôt pour lui que pour vous ;
néanmoins votre obligation n'eft pas une
pure acceftion à celle de Pierre, elle a
une caufe différente de celle de i'obliga-
tion de Pierre , qui eu le contrat de man-
dat intervenu entre nous : ce contrat n'en1:
pas un fimple contrat acceflbire , tel qu'eft
un cautionnement , c'eft un contrat prin-
cipal : votre obligation qui naît de ce
contrat , oui eft une obligation ex causa
mandati , a donc une cauie diftinguée de
celle de l'obligation de Pierre, qui m'eft
débiteur ex causa mutui }
600 T r. des Oblic.
De ces principes fur la différence de
l'obligation d'un mandator pccuniœ creden-
dce , & de celle d'un fimple fidejufleur ,
fuit cette différence entre l'un & l'autre ,
que lorfqu'un fimple fidéjuffeur a payé
la dette ppur laquelle il s'eft rendu cau-
tion , fans requérir , en faifant le paye-
ment , la ceiîîon des actions du créancier
contre le débiteur principal , il éteint par
ce payement la dette du débiteur princi-
pal , & il ne peut plus par la fuite ie
faire céder les actions du créancier con-
tre le débiteur principal, qui ont été étein-
tes par ce payement : car fa dette n'étant
pas feulement une dette de la même chofe,
mais étant précisément la même dette que
celle du débiteur principal, à laquelle il
n'a fait qu'accéder , le payement qu'il a
fait , a éteint la dette du débiteur prin-
cipal.
Au contraire , lorfqu'un mandator pecu-
niœ credendr , par l'ordre de qui j'ai prêté
une certaine fomme à un tiers, puta à
Pierre , me rembourfe de cette fomme ;
quoiqu'il n'ait pas requis la cefîion de mes
actions contre Pierre , le payement qu'il
me fait n'éteint que fon obligation , &
celle de Pierre n'eft pas éteinte , je de-
meure nonobftant ce payement créancier
de Pierre ex causa mutul , non pas à l'ef-
fet que je puiffe exiger à mon profit la
fomme
Part. II. Chap. VI. 601
fomme qui m'eft due par Pierre ex causa
mutui , en ayant déjà été payé ex causa
mandatai mais j'en demeure créancier ,
à l'effet que je puiife céder les droits de
cette créance à mon mandant lorsqu'il le
requerra, comme j'y fuis obligé enve/s lui
ob/igatione mandat! directâ. C'efr. ce que
nous apprenons de la loi 28. ff. mand.
P apinianus ait mandatorcm débitons jol~
ventera ipfo jure reum non liber are ; propter
enim mandiitum fuum folvit & fuo nomine ;
idebque mandatori aciiones putat adversùs
reum cedi debere ; quoiqu'il ne l'ait pas re-
quife lors du payement.
A ces différences près les mandatons
pecuniez credejidz conviennent avec les
cautions ou fidéjuffeurs : quoique l'obli-
gation contraria mandati , qu'ils contrac-
tent envers celui qui a prêté à quelqu'un
une fomme d'argent par leur ordre , ne
foit pas tout-à-fait comme l'eft un caution-
nement , une pure acceffion à l'obligation
du débiteur à qui la fomme a été prêtée par
leur ordre , fk. qu'elle ait propriam caujam^
elle eft néanmoins , ainfi que celle des cau-
tions , acceffoire à l'obligation de ce débi-
teur , & elle en dépend ; elle n'eft valable
qu'autant que l'obligation de ce débiteur,
eft valable; les mandatons , de même que
les cautions peuvent oppofer toutes les
Tome L Ce
6oi T r. des Oblig.
exceptions in rem que le débiteur , à qui
la chofe a été prêtée par leur ordre ,
pourroit oppofer. L. 32. ff] de Jlde;\
L'extinfrion de l'obligation de ce dé-
biteur , de quelque manière qu'elle fe
fafie , foit par le payement réel de la
fomme prêtée , foit par la compenfation 9
la novation , la remife , la confufion ,
éteint l'obligation de ces mandatons , de
même que celle des cautions. La Novelle
4. §. 1. leur a donné de même qu'aux cau-
tions l'exception de difeuflion. Tout ce
que nous avons dit de cette exception,
fuprà , feft. 6. art. 2. s'applique aux rnan*
datons , de même qu'aux fidéjuffeurs.
Pour que quelqu'un foit réputé manda-*
tor pecuniœ endendee , & refponfable par
conféquent envers moi de la fomme d'ar-
gent que j'ai prêté à un tiers par fon or-
dre , il faut que ce qu'il m'a dit ou écrit
renferme un vrai mandat , par lequel il
m'a chargé de prêter la fomme à cette
perfonne , avec intention de m'en indem*
nifer : mais fi dans une converfation vous
ayant dit que j'avois une fomme de mille
écus à placer à constitution de rente , vous
m'avez dit que Pierre cherchoit à prendre
de l'argent à conititution , & que vous
croyiez l'emploi bon : ces termes n'expri-
ment pas un mandat , mais un {Impie con-
feil qui ne vous fait contracter envers
Part. II. C h a p. VI. 605
moi aucune obligation , félon cette règle
de Droit , confilii non frauduhnti nul/a ejl
obligatio nifi do/us interve/tcrit. L. 47. ffi
de Aeç. Jur.
- Obiervez néanmoins que pour qu'un
confeil n'oblige pas celui qui l'a donné ,
il faut qu'il ait été donné de bonne foi ,
c'efl pourquoi la loi ajoute niji dolus in-
ttrveaeru ; car û vous aviez connoiflanec
de la mauvaife fituation des affaires de
Pierre , lorfque vous m'avez confeiilé de
lui donner mon argent , ce feroit un dol
de votre part, qui vous obligeroit au
moins dans le for de la conicience dem'in-
demnifer de ce que je perdrois par l'in-
iolvabilité de Pierre.
Vous pourriez même en être tenu dans
le for extérieur fi j'avois une preuve bien
évidente que vous en aviez connoiffance.
Pareillement il ne faut pas prendre pour
un mandatum credendœ pecunite , ce qui
n'eft. qu'une fimple recommandation. Par
exemple , li vous avez dit ; Pierre notre
ami commun a befoin que vous lui prê-
tiez dixpifloles , je vous le recommande ;
ce difeours ne renferme pas un mandat ,
mais une fimple recommandation qui n'eft
pas obligatoire. L. 12. §. 12. ff. mandat.
Il en feroit autrement fi je vous avois
dit ; Pierre a befoin de dix piftoles ; je n'ai
pas pour le préfent la commodité de les
C c ij
604 Tr. des Oblig.
lui prêter , je vous prie de lui prêter cette
fomme à ma place ; c'eft un vrai mandat.
Pour qu'un mandator pecuniœ credend.r. ,
(bit obligé de vous indemnifer de l'argent
que vous avez prêté à un tiers par fon or-
dre , il faut que vous vous foyez renfermé
exactement dans les termes de fon man-
dat , diligenter enim fines mandati cujlo-
diendi j'unt , L. <j. fif. mand. Si donc vous
avez fait autre chofe que ce qui eft porté
par mon mandat ; put à , ii vous ayant
donné ordre de prêter une certaine fom-
me d'argent à Pierre , vous la lui avez don-
née à conftitution de rente , aut vice versa
fi vous ayant donné ordre de la lui don-
ner à conftitution de rente , vous lui avez
donnée à titre de prêt , je ne ferai point
obligé envers vous , car une constitution
de rente & un prêt étant chofes différen-
tes 9 on ne peut pas dire que vous ayez
fait ce qui etoit porté par mon mandat.
Si je vousavois donné ordre de prêter
une certaine fomme à Pierre, putà 500.
liv. &c que vous lui en ayiez prêté 600.
liv. la fomme de 500. liv. portée par
mon mandat , étant contenue dans celle
de 600. liv. que vous lui avez prêtée,
fuivant cette règle de Droit , in eo quod
plus fit femper inefi & minus 9 L. 1 10. fil
de R. J. il eft vrai de dire que vous^avez
fait ce qui étoit porté par mon mandat %
Part II. Ciup.VI. 605
e\: en conféquencejefuisobligé envers vons
cbligatione mandata, contraria pour Pierre,
julqiwi concurrence de cette fomme de
500. liv. à l'égard des 100. liv. de fur-
plus , ayant , quant à cet excédent , parlé
les bornes de mon mandat, je ne fuis pas
obligé envers vous à cet excédent.
Vice versa , fi vous avez prêté à Pierre
une fomme moindre que celle portée par
mon mandat, je fuis obligé envers vous
pour Pierre , car vous avez exécuté mon
mandat pour partie.
Si vous avez fait ce qui étoit à la vé-
rité porté par mon mandat , mais que
vous ne l'aviez pas fait de la manière qui
y étoit prefcrite , je ne ferai point obli-
gé envers vous. Par exemple , fi l'or-
dre que je vous ai donné de prêter une
certaine fomme à Pierre , portoit que
vous tirerez de lui des effets en nantiffe-
ment de cette fomme , & que vous n'en
ayez point tiré ; ou s'il portoit , que vous
lui feriez parler une obligation devant
Notaire , à l'effet d'acquérir une hypote-
que fur fes biens , & que vous vous foyez
contenté de fon billet ; dans tous ces cas
&c autres femblables , je ne ferai pas obli-
gé envers vous, parce que vous n'avez
pas fuivi ce qui étoit porté par l'ordre
que je vous ai donné , L. 7. cod. defidej.
Contra vice versa , fi je vousavois don-
C c iij
6o6 Tr. des O b li g;
né ordre de prêter à Pierre une certaine
fomme , & de vous contenter de fon
iirnple billet fans exiger de lui ni gages, ni
cautions, ôc que vous lui ayez fait pafler
une obligation pardevant Notaires de la
fomme que vous lui avez prêtée par mon
ordre , &C que vous ayez même exigé enco-
re de lui gage ou caution , je ne peux en ce
cas meplaindrequevousne vous foyez pas
renfermé dans les termes de mon man-
dat ; car vous avez fait ce qui y étoit ren-
fermé , en faifant à Pierre le prêt de la
fomme que je vous avois donné ordre
de lui faire , & ce que vous avez fait
de plus , ne pouvant m'être qu'avanta-
geux , je ne peux pas m'en plaindre.
Si je vous ai donné ordre de prêter
une certaine fomme à Pierre purement
& fimplement ; & qu'en la lui prêtant^
vous lui ayez accordé un terme pour le
payement ou la faculté de payer quel-
qu'autre chofe à la place , je ne contrac-
terai aucune obligation envers vous ; car
en lui accordant cela , vous avez pafîe
les bornes de mon mandat ; je ne me fuis
obligé obligationc mandat! contraria , à
vous rembourfer la fomme que je vous
ai donné ordre de lui prêter , qu'autant que
vous auriez été en état de me céder après i
que je vous aurois rembourfé cette fom*
me , des aâions contre Pierre par lefr
Par t. II. Chap. VI. 607
quelles j'enfle pû,auffi-tôt que je l'enfle
voulu , exiger cette ibmme de Pierre , fans
qu'il pût me donner autre choie à la pla-
ce ; vous étant , par les termes &: facultés
que vous avez accordé à Pierre, mis hors
d'état de pouvoir me céder ces actions ,
je ne fuis point tenu envers vous du prêt
que vous avez fait à Pierre.
Au contraire , fi je vous avois donné
ordre de prêter à Pierre une certaine
fomme > &c de lui accorder un certain ter-
me , & que vous la lui enfliez prêtée fans
lui accorder de terme , je ferai oblige
envers vous pour cette fomme , mais fans
que vous puiffiez l'exiger de moi qu'après
l'expiration du terme porté par mon man-
dat ; au refïeje ne peux me plaindre que
vous n"ayez pas accordé à Pierre le ter-
me porté par mon mandat ; car pourvu
que vous ne puifliez exiger de moi la fomme
qu'après l'expiration ê/à. ce terme , il m'efi
indifférent que vous puifliez l'exiger plu-
tôt du débiteur principal.
Article II.
De U Obligation des Commettants.
Nous verrons fur cette matière, i°. en
quel fens les commettants accèdent aux
obligations des contrats de leurs prépo-
C c iv
6o8 Tr. des Obiig.
fés , & en quoi ils différent des autres
débiteurs acceffoires ; 2°. en quels cas il
y a lieu à cette obligation des commet-
tants ; 3Q. de l'effet de cette obligation ;
4°. de l'obligation aeceffoire des com-
mettants à celles qui aaiffent des délits
de leurs prépofés.
s- i.
En quelfens les Commettants accèdent aux
obligations des Contrats de leurs prépofés 9
& en quoi ils différent des autres débiteurs
acceffoires.
447. Lorfqii'un Négociant a commis
quelqu'un à une mai fon de commerce , ou
au gouvernement d'un vaiffeau marchand,
&C pareillement lorfque des fermiers du
Roi ont prépofé quelqu'un à la direction
d'un Bureau ; dans tous les engagemens
que ce prépofé contracte , quoiqu'en fon
propre nom , pour les affaires auxquelles
il elt prépofé, il s'oblige comme débiteur
principal , & il oblige en même temps
fon commettant , comme débiteur accef-
foire ; car ce commettant efl cenfé , par
la commifîion qu'il lui a donnée , avoir
confenti par avance à tous les engagemens
qu'il contra&eroit pour toutes les affaires
auxquelles il l'a prépofé , ôc s'en être
Kendu refponfable.
1
Part. II. Chap. VI. 609
Ces commettants font des débiteurs
accelloires d'une cfpece différente des
cautions 6c des mandatons pccunia creden-
dx ; ceux-ci ordinairement , en accédant
à l'obligation du débiteur principal, s'obli-
gent pour l'affaire du débiteur principal, &
non pour leur propre affaire ; au contraire
le commettant en accédant aux contrats
de les prépofés , fait fa propre affaire plu-
tôt que celle de fes prépofés. Si dans le
contrat du prépofé , le prépofé par rap-
port aux engagemens qu'il y contracte,
eit regardé comme le débiteur principal,
& le commettant comme un débiteur ac-
ceffoire ; ce n'eff que parce que c'eff avec
le prépaie que le contrat fe parle ; le
commettant qui fouvent n'a pas môme
connoiffance du contrat , ne fait qu'y ac-
céder par une adhéfion générale qu'il eft
cenfé avoir faite d'avance aux contrats
que feroit fon prépofé , lorfqu'il l'a pré-
pofé à fes affaires ; mais ces contrats que
fait le prépofé font plutôt l'affaire du com-
mettant que de fon prépofé ; & au lieu
que les fidéjufTeurs & les mandatons pe-
cuniœ crcdendœ doivent être indemnifés
par le débiteur principal des obligations
qu'ils contractent : c'efl: au contraire le
commettant qui doit indemnifer fon pré-
pofé, ^
C c v
fcio Te. des Oblig.
§. IL
En quels cas y a-t-il lieu à Vobllgation
accejfoire des commettants.
448. Pour qu'il y ait lieu à cette obli-
gation accefïbire du commettant y il faut
que le prépofé ait contracté en (on pro-
pre nom , quoique pour les affaires du
commettant; mais lorfqu'il contracte dans
la qualité de fadeur ou de fondé de pro-
curation de fon commettant , ce n'eft pas
lui qui contracte , c'eft fon commettant
qui contracte par fon miniftere r fuprà
72. 74. le prépofé en ce cas ne s'oblige
pas ; c'efl le commettant feu! qui par le
miniftere de fon prépofé contracte une
obliga ion principale.
Lorfque le prépofé contracte en font
propre nom , pour qu'il oblige fon com-
mettant <> il faut que le contrat concerne
les affaires auxquelles il eft prépofé ? &
que le prépofé n'ait pas excédé les bornes
de fa commifïion ,. L. 1. §. y^& ix. dt
ixerc. acl.
Tels font les contrats de vente & d'a-
chat de marchandifes >. que fait un prépofé
à une maifon de commerce , les achats
que fait un capitaine prépofé à la con-
duite d'un vaiffeau marchand y des chofes
Part. II. Chap. VI. 611
nécefiaires pour équiper ou radouber fon
vaisfeau, &c.
Les emprunts de deniers faits par un
prépofé , font aufîi cenfés faits pour les
affaires auxquelles il eft prépofé , &C obli-
gent enconféquence le commettant, lorf-
que le contrat d'emprunt contient une dé-
claration de la caufe pour laquelle l'em-
prunt eft fait , & que cette caufe con-
cerne effectivement les affaires auxquelles
l'emprunteur eft prépofé.
Par exemple , fi un prépofé à la con-
duite d'unvaifleau marchand, après avoir
eftuyé une tempête , ou un combat qui a
fort maltraité fon vaiffeau , relâche à iiri
port , & y fait un emprunt d'une fomme
d'argent avec déclaration que c'eft pour
radouber fon vaiiTeau , le Négociant qui
l'a prépofé, fera obligé à cet emprunt.
On décide même que le commettant
eft en ce cas obligé , quand même le
prépofé auroit diverti les deniers , &
n'auroit point fait cet emploi , pourvu
que la déclaration faite par le contrat
d'emprunt fût vraifemblable , & que ta
fomme empruntée n'excédât pas de beau-
coup ce qui eft néceflaire à l'affaire pour
laquelle on a déclaré devoir l'employer ,
L. i. §. 8. & 9. L. 7. prtncip. & §. i„
ff, de exerc. acî.
Les prépofés obligent leurs eom-
C c vj
612 Tr. des Oblig.
mettants , tant que leur commiffion dure^
& elle eft. toujours cenfée durer , jufqu'à
ce qu'ils ayent été révoqués , & que la
révocation ait été connue dans le public
Quoique régulièrement tout mandat û-
nifTe par la mort du mandant; néanmoins
l'utilité du commerce a établi que la com-
miffion de ces perfonnes durât même après
la mort du Négociant qui les a prépofés,
jufqu'à ce qu'ils foient révoqués par l'hé-
ritier ou autre fucceffeur , &C en contrac-
tant pour les affaires auxquelles ils font
prépofés , ils obligent l'héritier du Négo-
ciant qui les a prépofés , ou fa fucceffion
vacante , s'il n'en a point lahTé , JL. 17. §.
2. & 3. L. 1 i.ff. inflit. a&.
Par la même raifon , le commis de la
direction d'un Bureau de Finance , oblige
Iqs iuccefTeurs des fermiers qui l'ont pré-
pôle , tant qu'il n'efl pas révoqué.
§• m.
De Pejfet des obligations accejjbires des
Commettants,
449. Cette obligation s'étend à tout a
que renferme l'obligation du prépofé ; ell<
en dépend, de même que toutes les obli-
gations accefïbires dépendent de l'obliga-
tion principale à laquelle elles accèdent ;
Part. II. Chap. VI. 613
c'eft pourquoi cette obligation du com-
mettant s'éteint, lorfque celle du prépo-
fé s'éteint , loit par le payement , ioit par
la novation , Z. 13. §. 1. jf. de injl act.
ou de quelqu'autre manière que ce foit ;
le commettant peut oppofer toutes les
exceptions in rem &: fins de non recevoir
que peut oppofer le prépofé. Il ne peut
pas oppofer le vice de l'obligation de
fon prépofé qui naîtroit de quelque in-
capacité perfonnelle de ce prépofé; car
le commettant qui Ta prépofé ne peut
pas arguer fon propre fait & le choix
qu'il en a fait ; c'eft pourquoi , quoiqu'un
impubère en contractant ne s'oblige pas
valablement , ne quidem naturaliter ( a ) 9
û ce n'eu quateniis locupletior , faclus ejl y
ÔC qu'en conféquence, des cautions ne
( a ) La Loi 59. ff. de obi. & afl. le dit for-
mellement : je fçais néanmoins que la queftion
eft controveriee : nous avons futvi le fentiment
de Cujas. Voyez in Pand. Jujlin. un fcholie
après le numcro 17. du titre de obi. & att. où
nous avons rapporte fort au long les raifons
fur lefquelles ce fentiment eft établi, & les ob-
jections. Par obligation naturelle , nous enten-
dons celle qui dans le for extérieur eft recon-
nue comme obligation naturelle & a j u ris effec-
tua ; car nous ne dïfconvenons pas qu'un impu-
bère pubertati proximus , s'il entend affez ce
qu'il fait , puiffe s'obliger, dans le for de la cons-
cience*
6i4 Tr. des Oblig;
puiirent intervenir ( b ) pour lui ; néan-
moins lorfqu un Marchand a prépofé à
fon commerce un impubère ,. il eft tenu
injîitorid actione des obligations qui naif-
fent des marchés faits par cet impubère ,
fans pouvoir oppofer le défaut d'âge
de celui qui les a fait ; pupillus inflitor
obligat eum qui eum prœpofuit infiitorid
aclione , quoniam Jibi imputare dtbet qui
eum prœpofuit, L. 7. §. fin. ff\ de injl.aci.
450. En ce qui concerne f exécution de
Faction inflltoria qui naît de l'obligation
acceiToire des commettants , il y a quel-
ques différences àobferverentr'eux aies
fïdéjufteurs.
Lorfque plufieurs Négociants ou plu-
fieurs fermiers du Prince ont commis
quelqu'un à leur commerce, à la conduite
de leur vahTeau , ou à la direction d'un
Bureau , ils font tenus folidairement des
obligations de leur prépofé , L. 1. $.fin.
& L. 2. ff. de exerc. acl. & ils n'ont pas le
bénéfice de divifion entr'eux , qui eft ac-
cordé aux fidéjuffeurs : cela doit d'autant
plus avoir lieu parmi nous , que félon
notre Jurifprudence , les affoeiés font te-
nus folidairement de tous les engagemens
relatifs à leur focieté.
( b ) Cujas dit que îa Loi 127. ff. de verb. ob.
qui dit le contraire , doit s'entendre du cas au-
quel l'impubère a profité du contrat»
Part. IL Chap. VI. 615
t . Lci - feurs , Se même les man-
dai très pecunix trùienJfé ont le bénéfice
de difcufîion qui leur a été accordé par
la NoveUe dv' Juitinien , tk. dont nous
avons traité fupràfcct* 6. art. 2. parce qu'ils
ont contracté leur obligation plutôt pour
les affaires du débiteur principal que pour
leurs propres affaires ; mais l'obligation
qu'un commettant contracte ex contracta,
injlitoris étant une obligation que ce com-
mettant contracte pour fes propres affai-
res , il n'a pas ce bénéfice de diicuiîion ,
quand même il auroit déjà indemnifé fon
prépofé, Se" lui auroit remis des fonds
pour payer ; mais en ce cas le créancier
doit , s'il en ert requis lors du payement ,
lui accorder la certion de fes aclions.
L'Ordonnance de la Marine , tit. 8.
art. 2. accorde un bénéfice particulier
aux armateurs , qui efl de pouvoir fe
décharger des engagemens contractés par
le Capitaine qu'ils ont prépofé à la con-
duite de leur vaifTeau , en abandonnant
aux créanciers le bâtiment & le fret ( a )»
{a) Tout ce qui étoît dans la première Editioo
au nombre 452. a été porté dans celle-ci au
commencement de ce paragraphe : c'eft pourquoi
nous avons fupprimé ce nombre^
616 Te. des ObliG.
S- IV.
De l'Obligation acceffbire des Commettants
qui naît des délits de leurs prèpofés.
453. Ce n'eft pas feulement en con-
tractant que les prèpofés obligent leurs
commettants : quiconque a commis quel-
qu'un à quelque fonction , efr. refponfable
des délits &C quafi-délits que fon prépofé
a commis dans l'exercice des fonctions
auxquelles il étoit prépofé , L. 5. §. 8.
ff. de infl. acl. & s'ils font plufieurs qui
l'ont prépofé , ils en font tous tenus foli-
dairement fans aucune exception de di-
vifion ni de difcuffion : par exemple fi un
Commis aux Aydes en faifant fon exercice
chez un cabaretier , a maltraité ce caba-
retier , ou lui a caufé quelque dommage
dans fes effets , les Fermiers du Prince ,
qui l'ont prépofé , font reiponfables de
ce délit , & obligés au payement des
dommages & intérêts auxquels leur Com-
mis fera condamné , fauf leur recours
contre lui; parce que le Commis a com-
mis le délit dans fes fonctions. Que fi le
Commisavoit maltraité ou volé quelqu'un
hors de fes fonctions , ils n'en feroient pas
tenus.
Cette obligation du commettant efl une
Part. II. Chap. VI. 617
obligation acccflbire à l'obligation princi-
pale du Commis qui a commis le délit.
Elle s'étend à tout ce que l'obligation
principale renferme pour les dommages
cV intérêts dûs à celui envers qui le délit
a été commis ; mais le commettant n'en
elt tenu que civilement , quoique celui
qui a commis le délit en foit tenu par
corps : les commettants ne peuvent op-
poler contre l'a&ion qui en naît , ni l'ex-
ception de divifion , ni celle de difeuffion ;
ils peuvent feulement requérir , en payant,
la cefîion des actions du créancier.
s- v.
Des Pères de famille & des Maîtres.
454. Une autre efpece d'obligation ac-
cefloire eft celle des pères de famille qui
font refponfables des délits de leurs en-
fans mineurs , & de leurs femmes , lors-
qu'ils ne les ont pas empêchés , ayant été
en leur pouvoir de le faire.
Ils font préfumés avoir pu empêcher
le délit , lorfqu'il a été fait en leur pré-
fence ; lorfqu'il a été fait en leur abfence ,
il faut juger par les circonstances , fi le
père a pu empêcher le délit: par exem-
ple, fi un enfant a eu une querelle avec
fon camarade, & l'a bleffé d'un coup
t£i8 Tr. des Oblig,
d'épée , quoique hors de la préfence de
fon père , le père peut être tenu de ce
délit , comme ayant pu l'empêcher , ce
qu'il pouvoit faire en ne permettant pas
à fon fils de porter l'épée , fur-tout s'il
étoit naturellement querelleur.
455. Ce que nous difons des pères
s'applique aux mères , lorfqu'après la mort
de leurs maris , elles ont leurs enfans fous
leur puifTance ; cela peut s'appliquer pa-
reillement aux précepteurs, pédagogues ,
& à tous ceux qui ont des enfans fous
leur conduite.
456. Les maîtres font atffîi tenus des
délies de leurs domefïiques, lorfqu'ils ne
les ont pas empêchés ayant pu le faire.
Ils font même tenus de ceux qu'ils n'ont
pu empêcher , lorfque les domeftiques les
ont commis dans les fondions auxquelles
ils étoient prépofés ; par exemple , fi
votre cocher en conduifant votre car-
rofTe a , par brutalité ou par impéritie 9
caufé quelque dommage , vous en êtes
civilement refponfable , fauf votre re-
cours contre lui , qui eft le débiteur prin-
cipal.
Les pères & les maîtres ne font pas
tenus des engagemens que contractent
leurs enfans ou leurs domeftiques , en
contractant , à moins qu'il ne foit jufti^-
fié qu'ils les avoient prépofé à quelquti
Part. ïî. Chap. VI. 619
adminiftration à laquelle ces engagerons
contractés par les enfans ou domeftiques
ont rapport.
Par exemple , s'il ctoit jurtifié que j'é-
tois dans l'ufage de payer aux marchands
les fournitures qu'ils faiioient à ma fille,
ou à ma cuifiniere pour l'approvifionne-
ment de ma maiibn ; un marchand fera
bien fondé à me demander le payement
de ce que madite fille, ou madite domef-
tique a acheté chez lui en mon nom , à
moins que ie ne prouvafTe que je l'ai averti
de ne plus lui en fournir ; ou à moins eue
ce qu'il a fourni n'excédât de beaucoup ce
qu'il faut pour la provifion de ma maifon :
faute par le marchand de prouver cet ufa-
ge , je dois avoir congé de fa demande , en
affirmant que lorfque j'ai envoyé ma fille >
ou ma cuifiniere acheter des provifîons ,
je lui ai donné de l'argent pour les payer»
Arrêt au Journal des Audiences , tom. 5,
6io Tr. des Oblig.
Section dernière
Ajoutée dans cette nouvelle Edition *.
Du Paci conflitutœ pecuniœ.
On a omis dans "la première Edition
de cet Ouvrage de parler du pac~t conjli-
tutœ pecuniœ , 6c de l'obligation qui en
naît , qui eft en quelque façon une efpece
d'obligation accefToire , puifqu'elle efl:
ajoutée à une première obligation , &
qu'elle n'en1 contractée que pour la corro-
borer. Nous en dirons ici quelque chofe.
i. Le pa£t conjlitutœ pecuniœ chez les
Romains étoit une convention par la-
quelle quelqu'un aiîignoit à un créancier
un certain jour ou un certain temps dans
lequel il promettoit de le payer. Diern
folvendœ pecuniœ conjlituebat : c'efl ce qui
réfulte des termes de l'Edit de conjiitutâ
pecuniâ.
Le mot pccunia , dans cet Edit comme
dans dans la Loi des 1 2 Tables & dans
les autres Edits des Prêteurs , fe prend
pour toutes les chofes tant corporelles
qu'incorporelles qui compofent les biens
des Particuliers , &C qui peuvent être
* Nous avons numéroté cette Section fépa-
rément afin que les nombres du fécond Volume
fe trouvent conformes à la première Edition.
Part. IL Chap. VI. 6ir
l'objet des obligations. Pecuniœ nomint
non folum numcr..t:; pecunia , fed omncs
res turii joli quam mobiles & tam corpora.
quant jura continentur , L. 222. ff. de Z7".
S. Pecuniœ appellatione rem fîgnificari %
Proculus ait , /. 4. ff. d. lit.
Selon nos ulages , le pa£t conflitutœ
pecuniœ peut le dciinir tout fimplement,
une convention par laquelle quelqu'un
promet à un créancier de le payer.
2. On peut faire cette promeffe à Ton
propre créancier , ou au créancier d'un
dutre.
Lorfque quelqu'un par ce pact pro-
met à ion propre créancier de le payer,
il naît une nouvelle obligation qui ne
détruit pas la première dont il étoit déjà
tenu , mais qui y accède ; & par cette
multiplication d'obligations , le droit du
créancier fe trouve fortifié.
En cela le droit de créance perfon-
nelle eft différent du droit de domaine
&C de propriété ; lorfque j'ai , en vertu
de quelque titre , le domaine & la pleine
propriété d'une certaine chofe , je ne
peux plus acquérir ce domaine en vertu
d'aucun autre titre ,dominium non potejl
ni fi. ex unâ causa contingere. L. 3 . §.4.
ff, de acq. poJJ'.
Au contraire , quoique je fois déjà
créancier d'une chofe en vertu d'un titre
#22 Tr. des Ob'lig.
je peux encore par îa fuite devenir créan-
cier de la même chofe , (bit du même
débiteur qui s'obligera de nouveau de
me la donner, foit d'autres débiteurs.
Paul en la Loi 159. ff. de Reg. Jur,
obferve cette différence entre le droit de
domaine ck le droit de créance person-
nelle, non ,ut ex pluribus caujis idem nois
deberi potejl , ha ex pluribus caujis jde/n
potejl nojirum effe.
3. A quoi , dira-t-on , peut être utile au
créancier la nouvelle obligation que con-
tracte envers lui fon débiteur par le pael:
conjlitutœ pecuniœ ? elle lui eft utile dans
l'un &: l'autre for. En ce qui concerne
le for intérieur ; plus les obligations du
débiteur font multipliées, plus il y auroit
d'infidélité de fa part de ne les pas ac-
quitter , ô£ par conféquent le droit qu'a
le créancier d'en attendre l'exécution efl
d'autant plus fort. A l'égard du for exté-
rieur , lorfque l'obligation du débiteur
qui , par ce pael , avoit promis à fon créan-
cier de le payer , étoit une obligation
purement naturelle , telles qu'étoient chez
les Romains toutes celles qui n'étoient
formées que par de fimples pacls non re-
vêtus de la ftipulation : il eft évident en
ce cas que l'obligation que le débiteur
contracloit par le pael: conjlitutœ pecuniœ
étoit tfès-utile au créancier ? puifqu'elle
Part. II. Chap, VI. 623
lui donnoit une action que ne lui don-
nent pas la première. Le degré d'infidé-
lité qu'il y a à manquer à des obligations
réitérées , avoit porté le Prêteur à don-
ner une adtion contre le débiteur , pour
le contraindre à accomplir l'obligation
qui naiiîoit de ce pael: : quoniam grave eji
fidem falUre L. i. ff. de pec. conft.
Lorfque l'obligation du débiteur qui
par ce pacl avoit promis à fon créancier
de le payer , étoit une obligation civile
qui lui donnoit une a&ion ; l'obligation
&c l'action qui naiflent de ce pa<S, ne
lui étoient pas à la vérité nécefïaires ; le
pact n'étoit pas néanmoins inutile , &c il
paroît qu'on l'interpofoit à l'égard des
obligations civiles aufîi bien qu'à l'égard
des obligations naturelles : Debltum ex
qudeumque causa conjlituti poteji , ex quo*
cumque contracta , &c L. i. §. 6. & feqq.
de conft. pec. Ce pa& fervoit fur-tout à
déterminer le temps dans lequel le paye-
ment devroit le faire , lorfqu'on ne s'en
étoit pas expliqué par le contrat ; & cette
détermination fervoit , félon les princi-
pes du Droit Romain , à mettre de plein
droit par le feul laps de ce temps le dé-
biteur en demeure , lorfqu'il n'avoit pas
fatisfait à fon obligation ; au lieu que
lorfqu'on n'avoit déterminé aucun temps,
le débiteur ne pouvoit être mis en de-
meure que par la litis-conteftation.
624 T r. des Oblige
4. Même dans le cas auquel le créancier
n'auroit pas eu befoin du pact cnnjlituta
pecuniœ , pour fixer le temps du paye-
ment qui fe trou voit déjà fixé & déter-
miné par le contrat, Ulpien décide que
le pacl peut encore avoir quelque utilité :
Si is qui & jure, civili & prœtorio debebat
in diem jît obligatus , an confîituendo te-
neatur habet utilitatem , ut ex die
obligatus conjlituendo fe eadem die folutu-
rum ter.eatur. L. 3. §. 2. ff. d. tit.
Pour comprendre en quoi pouvoit
confifter cette utilité , il faut faire atten-
tion que félon les principes de l'ancien
Droit Romain , les actions dépendoient de
formules embarrafTantes , dont la moindre
inobfervation faifoit décheoir le créan-
cier de fon droit d'action ; il étoit par
conféquent utile d'avoir plufieurs actions
pour la créance d'une même choie , afin
que fi par défaut de forme on venoit à
décheoir d'une , on pût avoir recours à
l'autre : c'eft pourquoi, quoique l'obli-
gation fût une obligation civile qui don-
noit une action au créancier , le pact
con/iitutœ pecuniœ qui donnoit une nou-
velle action , n'étoit pas tout- à-fait inu-
tile.
5 . Les pacts conjlitutv pecuniœ qui avoient
pour objet de déterminer un certain jour
ou un certain terme dans lequel quelqu'un
s'obligeoit
Part. Iï. Chap. VI. 615
s'obligeoit envers un créancier de lui
payer ce qui étoit du , ne font guéres en
uiage parmi nous ; car cette détermina-
tion du temps , dans lequel le payement
doit fe faire , qui , félon les principes du
Droit Romain , étoit utile au créancier
pour que le débiteur fût plus facilement
conftitué en demeure , n'eft ordinairement
félonies principes de notre Droit François
d'aucune utilité au créancier ; puifque
félon les principes de notre Droit Fran-
çois , foit qu'il y ait un certain terme
de payement , foit qu'il n'y en ait pas ,
le débiteur ne peut ordinairement être
conftitué en demeure que par une inter-
pellation judiciaire , c'eft-à-dire , par un
exploit de demande , ou lorfqu'il y a un
titre exécutoire de créance , par un com-
mandement*
Nous avons néanmoins parmi nous des
conventions qu'on peut aufli appeller des
pa&s conjîitutœ pecuniœ , par lesquelles on
promet a un créancier de lui payer ce
qui lui eft dû ; telles font celles par lef-
quelles les héritiers d'un débiteur parlent
un titre nouvel au créancier, 6c s'obli-
gent de lui payer ce qu'ils lui doivent en
leur qualité d'héritiers ; la nouvelle obli-
gation qui en réfulte , ôc qui eft ajoutée
à celle contractée par le défunt , à laquelle
4Ces héritiers ont fuccédé,çft utile air créant
Jomc U D d
616 Tr. des Oblig.
cier , puifqu'elle lui donne le droit d'exé-
cution que ne lui donnoit plus celle con-
tractée par le défunt
Nous verrons fur ce pacl , i°. Ce qui
eft néceflaire pour fa validité. 2°. S'il ren-
ferme nécessairement un terme dans le-
quel le payement doit fe faire. 30. Si par
ce pacl on peut s'obliger à plus , ou à autre
chofe , ou différemment que par la pre-
mière obligation. 40. Quelle eft la nature
de l'obligation qui naît de ce pa£t. Nous
dirons quelque chofe dans un 5 e. §.du pact
par lequel on promet à un créancier de
lui donner certaines sûretés.
§. 1.
De ce qui efl nèceffaire pour la validité
du Pacl conftitutae pecuniae.
6. Il réfulte de la définition aue nous
avons donnée du pacl: conjlitutœ pecuniœ ,
qu'il fuppofe la préexiftence d'une dette
qu'on promet de payer à celui qui en eft
le créancier. C'eft pourquoi , fi par er-
reur je fuis convenu avec vous de vous
payer une certaine fomme que je croyois
vous être due par moi ou par un
< utre , l'erreur ayant été depuis décou-
verte, vous ne pouvez pas en exiger le
payement , le pacl étant nul faute d'une
c ette qui en ait été le fondement : Haclenus
Cù-njtitutuîh valcbit jjl quod conjîituitur de-
litwnju, L, n.tf. ue conft. pec,
Part. II. Chap. VI. 6ij
QuiJ , ii je vous ai promis de vous
payer une lomme que j'ai déclaré vous
devoir , quoique dès lors j'eiuTe connoif-
jfance que je ne vous la devois pas ? cette
convention ne peut pas être valable com-
me pacl conflitutœ pccuniœ , faute d'une
dette qui en doit être le fondement ; elle
renferme en ce cas une donation que je
vous ai voulu faire , & elle ne peut être
valable , fi elle n'eil revêtue des formes
que la Loi civile requiert pour la validité
des donations.
7. Lorfque la dette qu'on a promis parle
pact conftïtutœ pecuniœ de payer, étoitfuf-
pendue par une condition fous laquelle
elle avoit été contractée , &: qui n'ctoit
pas- encore accomplie ; quoiqu'il n'y eût
pas encore alors de dette , néanmoins
ii par la fuite la condition s'accomplit ,
le pact fera valable ; car les conditions
lorsqu'elles font accomplies ayant un effet
rétroactif au temps du contrat , la dette
fera cenfée avoir exïfté dès le tems qu'elle
a été contractée , &: par conféquent dès
le temps du pacl oonflitutœ pecunix qui
n'eu intervenu que depuis. L. 19. fF. d. tité
Mais fi la condition vient à défaillir,
le pacl ne fera pas valable , il renferme
néceffairement la condition fous laquelle
la dette étoit due, quoique les parties ne
s'en foient pas expliquées.
Dd ij
6iS Tr. des O b l i g.
Qiùâ , fi j'avois promis exprelîément
de payer même dans le cas auquel la con-
dition viendroit à défaillir ? La promerTe
de payer en ce cas ne peut pas valoir
comme pa£t conjîituœ pccunia , faute d'une
dette qui y ferve de fondement ; elle
renferme pour le cas de la défaillance de
îa condition , une donation qui ne peut
être valable û l'acle n'eit revêtu des for-
mes des donations entre-vifs.
8. Il n'importe de quelle manière foit
dû ce qu'on promet de payer par le pacl
conftitutœ pîcuniœ ; carde quelque manière
que vous foit dû ce que je promets de
vous payer , ne fut-ce que par une obli-
gation purement naturelle , ce n'efl: pas
une donation que je vous fais , c'efï un
payement que je promets de vous faire ,
&: par conféquent c'eft la vraie efpecc du
pacl conjïitutœ pecuniœ.
Quid , fi la dette étoit de celles qui
font expreflément reprouvées par la loi
civile , le pacl c onjli tut œ pecuniœ par lequel
on fe feroit obligé à la payer feroit-il
valable ? Je penfe , que û cette dette étoit
reprouvée par la loi civile ? non par un
vice de la caufe d'où elle éroit née , mais
par une incapacité de la perfonne qui l'a;
contractée , à qui la loi civile défendoit
de la contraôer , 6c que cette incapacité
ne - Mi fiât plus lors du pacl:, le paft ne
hifferoit pas d'être valable.
Part. II. Chap. VI. 629,
Par exemple , lorfqu'une femme étant
fous puiiîance de mari , a emprunté une
fomme qui n'a pas tourné à fon profit , je
penfe qu'étant devenue veuve elle peut
valablement s'obliger par ce pa& à la
payer; car quoique cette dette foit re-
prouvée par la loi civile qui la déclare
nulle , il fuffit qu'elle foit due dans le for
de la conscience , pour que le payement
qui en feroit fait par cette femme , fût
un vrai payement ôc non une donation ;
d'où il fuit que la convention par laquelle
elle a promis de la payer , ne renferme
pas une donation , mais une promefTe de
payer, & par conféquent eft un vérita-
ble pa& conjiitutœ pecunicz , que cette fem-
me a pu valablement faire , puifqu'elle
étoit alors libre Se capable de s'obliger.
On oppofera que nous avons déciàéfuprà
/?. 395. que cette obligation ne peut pasfer-
vir de fondement à un cautionnement.
Donc , dira-t-Of! , il ne peut pas par la
même raifon fervir de fondement au pacl:
conflitutœ pecuniœ.
Je réponds qu'il y a une grande dif-
férence entre l'un & l'autre : un caution-
nement n'en1 qu'une fimple adhéfion à
l'obligation du débiteur principal, l'obli-
gation d'un cautionnement ne peut fub-
fifter feule par elle-même ; il faut qu'il y
ait une obligation principale dont elle
Ddiij
630 Tr. des Oblïg;
foit FaccefToire. Or, une obligation que?
la loi civile réprouve & qu'elle déclare
abfolument nulle , n'eft pas fiifceptible
d'acceftbires , &c ne peut par conféquent
fervir de matière à un cautionnement.
Le droit que j'acquiers contre vous lorf-
que vous vous rendez caution envers moi
pour quelqu'un ? n'étant qu'une extenlion
du droit que j'ai contre celui que vous
cautionnez ; û je n'en ai aucun contre lui ,
la loi déclarant fon obligation abfolument
nulle , je n'en peux avoir contre vous :
il n'en eft pas de même du pa& conjîitutœ
pecuniœ. Si on dit , que l'obligation qui
en naît eft acceffoire à l'obligation prin-
cipale qu'on s'oblige par ce pa& d'acquit-
ter , on ne le dit qu'en ce fens qu'elle eft
ajoutée à cette obligation principale ;
mais on ne le dit pas dans le même fens
qu'on le dit d'un cautionnement ; ce n'eft
pas une obligation , qui ne foit comme
l'eft un cautionnement , qu'une fnnple
adhéfion à l'obligation principale ; c'eft
une obligation qui fubfifte par elle-même ,
proprlis viribus , & même quelquefois
après que l'obligation principale a cefTé
d'exifter , comme nous le verrons infrà
par la loi 1 8. §. 1. ff. d. th.
S'il eft de FefTence du pa£t conflit utx
pecunix qu'il préexifte une dette , ce n'eft
que parce qu'il doit avoir pour objet \m
Part. II. Chap. VI. 631
payement, fans quoi il renfermèrent une
donation : or , pour que ce pael ne ren-
ferme pas une donation , &C qu'il ait pour
objet un payement, il fuffit que la dette
qu'on promet payer par ce pael , foit due
au moins dans le for de îa coniciencé ^
& qu'il y ait en conféquence un jufle fu-
jet d'en faire le payement, quoiqu'elle
foit pour le for extérieur déclarée nulle
parla loi civile.
9. Obfervez néanmoins que pour que le
pael conjlitutœ pecuniœ , pour lequel on a
promis de payer quelqu'une de ces dettes
que la loi civile reprouve &C déclare nul-
les , foit valable , il faut que cette dette
ne foit pas réprouvée par un vice de la
caufe d'où elle eftnée, mais feulement par
une incapacité civile de la contracter
dans la perfonne qui l'a contractée , &
que cette incapacité ne fubfifte plus dans
cette perfonne lors du pael: par lequel
elle promet de la payer ; telle qû'étoit
celle dont nous venons de rapporter l'e-
xemple ; mais li la dette qu'on a promis
payer par le pael: conjlitutœ pecuniœ, étoit
une dette que la loi civile reprouve
pour un vice de la caufe d'où elle eft née.
Putà , fi c'eft une dette pour dépenfçs
faites par un domicilié au cabaret; quoi-
qu'elle foit due dans le for de la confeien-
ce , & que le payement qui en feroit fait
Dd iv
<G3"i Tr. des Obiig,'
fat valable, néanmoins le pa& par lequel
on promettroit au cabaretier de la payer ,
rie feroit pas valable , & il ne feroit pas
écouté à en demander le payement ; la
raifon eftque le vice de la caufe de cette
dette fnf^^ - • ; • , ; • ■
— «i4Aic toujours : ioit que le caba-
retier en demande le payement , en vertu
de la première obligation qu'a contractée
celui qui a fait la dépenfe dans fon caba-
ret 5 foit qu'il le demande en vertu de ce
pacl , c'elt toujours la demande d'une
dette de cabaret , qui n'eft pas écoutée
en Juftice.
î o. Lorfque îa dette n'eft dette que félon
la fubtilité du droit , telle qu'eft celle
£[ui réfulteroit d'une promeffe que vous
auriez extorquée fans caufe & par violen-
ce , dont je ne fuis tenu ni dans le for
extérieur au moyen de l'exception par
laquelle je peux m'en défendre , ni dans
le for de la confcience , elle ne peut fer-
vir de fondement au pacl: conflitutœ pecu-
ni ce : Si quis conflituerit quod jure civili de~
bebat , jure pmtorio non debebat id ejî per
■exceptionem ; an conflituendo teneatur } El
ejl verum non teneri , quia débita juribus *
non ejl pecunia quœ conjlitutaejl. L. 3. §. t.
ff. de pec, conft. La raifon eft qu'étant
* îd efl nec jure naluraîl , nec quoad ejfeflum
jure çivili} propter €Xceptionem%
Part. IL Chàp. Vî. 63}
de l'efTence du pael conjlitutœ pecuniœ ,
qu'il ait pour objet le payement d'une
dette , une telle dette , dont il ne peut
fe faire un payement valable , ne peut
fervir de fondement à ce pa£t. ; car , ou
le payement s'en fait par erreur , &C il
li'eft Das valable puifqu'il y a lieu à la
répétition de la choie payée , L. 26. §.
3. ff. dt cond. ind. ou le payement s'en
fait avec connoiiTance du vice de la dette ,
ck en ce cas c'eit plutôt une donation
qu'un payement , fuivant cette règle :
Cujus per errorem dati condiciio ejl 9 ejus
per errorem dati donatio ejï. L. 53. ff. de
R. J. Or, une donation ne peut être l'ob-
jet du paft conjlitutx pecuniœ , ce ne peut
être que le payement d'une dette.
1 1. Il eu à la vérité néceffaire, comme
nous l'avons vu jufqu'à préfent 5 pour que
le pael: conjlitutœ pecuniœ foit valable,
que lors de ce pael il exifle une dette ,
qu'on promette par ce pael de payer;
mais il n'eft pas de même toujours nécef-
faire que la chofe qu'on promet par ce pael
le payer exifte ; car fi cettec hofe étoit pè-
le par le fait ou la faute de celui qui en étoit
le débiteur , ou depuis qu'il a été conf-
ritué en demeure , la chofe continueroit
?n ce cas d'être due , quoiqu'elle ait cefTé
l'exifter , comme nous le verrons infrci ,
?art, 3. ck, 6. art, 3, ce qui fuffit pour
Dd v
<^3 4 Tr. des O b lï g,
que le pacl conjiitutœ pecuniœ par lequcf
on promet de payer cette chofe , quoi-
qu'elle n'exiftât plus lors du paft , foit
valable & oblige celui qui a fait la pror
méfie , à payer le prix de cette chofe ;
c'eft ce que décide Julien : promijjbr ho-
minis , homine tnortuo quum per tum (lard
quominks traderetur ? Ji kominem daturum
fe conjlitucrit , de ' conjiitutd pecunid tenebi-
tur ut pruium ejus folvat. L. 23. fF. cl. tit*.
12. Pourvu que lors du pa£t, il exiite
une dette , dont le payement en fafTe
l'objet , il n'importe pour la validité du
pacl: , que ce foit le débiteur qui pro-
mette de la payer , ou que ce foit une autre
perfonne qui promette de la payer pour
lui ; & quod ego debeo tu conftitu&ndo.^
teneberis. L. 5. §. 2. d. tit.
Il n'eft pas même néceffaire que le
confentement du débiteur intervienne ,
lorfqu'un autre s'oblige par ce pa£l de
payer pour lui ce qu'il doit ; on pour-
roit même faire ce pael malgré lui ; car
de même qu'on peut payer pour quel-
qu'un fans fon. confentement & même
malgré lui , Z. 5 2, ff. defolut. de même on
peut s'obliger de payer pour quelqu'un
fans fon confentement & même malgré
lui : c'eft ce qu'enfeigne Ulpien utrùm
prœfcntc dcbïtorc an abfente conjïituat quis
parvi rtfert : Hoc amplius ctiam invito , . »
Part. II. Chap. VI. 635
\.v falfam putat opinioncm Labeonis exi-
jiimantis , fi poflquam quis conflituit pro
alio , dominus eï denuntiet ne folvat , ex-
ttptiontm dandam : Kec immeritb ; ncwi
curn fcnul fît obligatus qui conflituit , fac-
tu m débitons non débet euni exeufare. L. 2.7.
ff. d. t t.
Je peux à la vérité par le pa& confil-
tut» pecun'ue promettre de payer ce qui
eft dû par un autre ; mais il faut pour
que le pa& foit valable , que je promette
de le payer comme chofe due par celui
qui en eft effectivement le débiteur ; que
fi je promettois de le payer, comme
m'en croyant le débiteur , le pa£t ne feroit
pas valable , fi je n'étois pas le débiteur»
X. 1 1 . ff. d. tit.
1 3 . De même qu'un payement eft vala-
ble , non- feulement lorfqu'il eft fait au
créancier , mais lorfqu'il eft fait à un autre
de fon ordre ou de fon confentement ; de
même ce pac~t eft valable , foit que ce foit
au créancier lui-même à qui on promette
<le payer, foit que ce foità un autre , pourvu
que ce foit de fon confentement; c'eftainft
qu'il faut entendre ce que dit Ulpien 9
quod conftituitur y in rem exaclum efi , non
utique ut iscui confiituitur creditor fit ; nam
quod tibi debetur , fi mihi confiituatur^ de"
betur. L. 5. §. 2. pourvu, comme noirs
venons de le dire , que ce foit du con;-:-
D d vjj
£-$6 Tr. des Oblig.
fenîement du créancier ; mais fi on pro*
îiietîoit de payer à un autre qu'au créan-
cier fans fon confentement , le pacl: ne
ieroit pas valable , quand même ce feroit
à celui à qui on eût pu valablement payer :
c'eft ce qu'enfeigne Ulpien : Si mïhi aut
Titlo JlipuUr ; Titio conjlittd /ko nomlnt
non pojfe J ulianus ait \ quia non habet pe-
tiiionem^ tametfi à folvi poffitt L. 7. §» I.
ff. d. tli.
%. 11.
Si le pacl conflitutae pecuniae renferme
nécejfairement un terme dans lequel on
promet payer,
14. Chez les Romains , comme nous l'a-
vons déjà obfervé ci-deflus , le pacl: con-
Jlitutce pecuniœ renfermoit ordinairement
un certain jour ou un certain terme dans
lequel on promettoit de payer. Ce mot
confiitutum paroirToit tellement renfermer
l'idée d'un terme de payement qu'on
avoit douté fi le pacl: conjlitutœ pecuniez
pouvoit être valable , lorfqu'il n'y en
avoit aucun d'exprimé ; c'eft. ce que nous
apprenons d'Ulpien , qui penfe néanmoins
que le pacl en ce cas ne lahTe pas d'être
valable , mais qu'on doit y fous-entendre
un terme au moins de huit jours, £. 2,1,
§, i, ff, d> t'a.
Part. II. Chap. VI. 637
Cette décifion ne doit à mon avis
avoir lieu eue lorfque les parties ne s'é-
toient pas plus expliquées fur le temps
du payement par le contrat par lequel la
dette avoit été contractée , que par le
pacl conjiitutœ pecuniœ par lequel on s'eft
obligé de la payer ; mais fi le contrat
portoit le temps dans lequel elle devoit
être payée , je penfe que les parties qui
ne s'en font pas expliquées par le pacfc
conjîituta pecuniœ doivent être préfumées
être convenues du même temps qui efl
porté par le contrat.
Ce principe du Droit Romain , que
le pact conftitutœ pecuniœ doit toujours
contenir un certain terme exprès ou ta-
cite dans lequel devra fe faire le paye-
ment qu'on promet par ce paû défaire 9
n'a pas lieu parmi nous , fuivant ce que
nous avons obfervé au commencement
de cette Section,
§. m.
Si on peut par le pael conftitutae pecunîae
s* obliger à plus que ce qui ejl dû , ou a
autre ckcfe que ce qui eji dû , on iy
obliger l'une différente manière*
1 5 . Il n'eft pas nécefîaire pour la validité
*lu pa& conflituta pecunia que ce fait
6 3 S Tr. des Oblig,
précifément la même fomme qui eft due
qu'on promette par ce pacl de payer ;
ce peut être une fomme moindre ; fi quis
viginti debens , dccan confiituit fe foluturuni^
tenebitur. L. ly. ffl de pcc. confï. Obfervez
que dans ce cas , quoique le débiteur
ne foit tenu ex pacto conflittitœ pecunia
que in dccem , il ne laifTe pas de demeu-
rer débiteur de la fomme entière , e£
prijlind obligatione , le pacl confiante pe-
cuniœ ne détruifant point la première obli-
gation , & ne faifant qu'y accéder,
i6,On peut bien promettre valablement
par le pacl: conjîïtutœ peciwm de payer
une fomme moindre que celle qui eft due5
mais on ne peut pas valablement promet-
tre une plus grande fomme , & ii on. l'a
fait , le pacl ne fera valable que jufqu'à
la concurrence de la fomme due v. g. Si
quis centum aurcos debens, ducentos conflit
tuât, in centum tantummodo tenetut, L. 1 1.
§. i.ff. d. t.
La raifon eil , que ce qui feroit donné
de plus que la fomme due ne feroit pas
un payement , mais une donation ; or
comme nous l'avons déjà dit plusieurs
fois , le pacl conjlitutce pecuniœ ne peut
être valable que comme promefTe de
payer , & non comme donation.
Par la même raii'on , fi quelqu'un avoir
promis par ce pacl de payer avec ia.
Part. îï. Chap. VI. 6yy
fomme qu'il doit une autre choie , le pact
ne i croit valable que pour la fomme,/*
decem debtantury & dece/n & Stichum con~
Jîituut , potcjl d'ici deeem tantummodo no~
mine teneri. L. 12.
1 6. ïl n'efl pas néanmoins nécefTaire pour
la validité du patt conjlitutx pecuniœ , qu'on
s'oblige de payer précifément la même
choie qui eft due , on peut promettre vala-
blement de payer une autre choie, non pas
outre celle qui eft due, mais à fa place ;
car le payement qui eft fait d'une autre
choie à la place de celle qui eft due , étant
valable , lorfque le créancier y confent ,
comme nous le verrons infrà part* 3,
n. 49^. la convention de payer autre
chofe que celle qui eft due doit pareille-
ment être valable : c'eft ce qu'enfeigne
Ulpien : An poteji conjiitui aiiud quàm
quod debetur quœftum ejl ? fed ciim jam
p lacet rem pro rc folvi pojfc , nihil prohi-
bée & aliud pro~dïbito conjiitui. L. 1. §. ?,
d. th.
1 7. Ce pa£t de payer une autre chofe que
celle qui eft due , peut fe faire valable-
ment non-feulemen: pas le débiteur, mais
par un tiers qui. promet de payer cette
autre chofe pour le débiteur; car de même
qu'un tiers peut valablement payer pour
le débiteur une autre chofe à. la place
de celle qui eft due , lorfque le créancier
640 Tr. des Oblig.
y confent ; il peut aufli promettre vala-
blement par ce pacl de faire ce payement»
En cela , ce pacl eft différent du cau-
tionnement ; car y comme nous l'avons
vu fuprà y n. 368. une caution ne peut
valablement s'obliger à une autre çhofe
qu'à celle qui eft due par le débiteur prin-
cipal in aliam rem quàm quœ crédita eft.
jidtjuffor obligari non potefl. L, 42. ff. dt
fidej. La raifon de différence eft qu'un
cautionnement n'eft qu'une fimple adhé-
fion de la caution à l'obligation du dé-
biteur principal ; elle ne peut donc avoir
un objet différent : au contraire , le pacl
confiitutœ pecwiiœ fuppofe à la vérité la
préexiftence d'une dette , ayant pour
objet le payement de cette dette ; mais
il n'eft pas pour cela une fimple adhéfion
à l'obligation principale ; il peut avoir un
objet différent de celui de l'obligation
principale ; car le payement de la dette
principale qui eft l'objet de ce pacl , pou-
vant fe faire du confentement du créan-
cier en une autre chofe que celle qui
eft due ; on peut promettre par ce pacl
de payer une autre chofe que celle qui
eft due , auquel cas le pacl a un autre
objet que celui de l'obligation principale.
Une autre preuve que le pacl confii-
tutœ pecunicz n'eft pas une fimple adhéfion
à l'obligation principale, eft que l'obli-
Part. II. Chap. VI. €42
Ration qui naît de ce paft fubfifte quel-
quefois après que l'obligation principale
cil éteinte , comme nous le verrons au
paragraphe fuivant.
18. On peuts'obligerpar cepaft différem-
ment que par l'obligation principale ; par
exemple , on peut par ce pacl s'obliger de
payer dans un autre lieu que celui porté par
l'obligation principale. Eum qui Epheji
promijlt fc foluturum 9Jî conjiituit alio loco
fe foluturum , teneri confiât, L, 5. ff. de
pec. confl.
On peut même par ce pa& , s'obliger
de payer dans un terme plus court que
celui porté par l'obligation principale ;
fed &Jî citeriore die conftituat fe foluturum ,
f militer tenetur, L. 4. #. d. tit.
Ce padl par lequel on promet de payer
dans un terme plus court eu valable 9
foit qu'il foit interpofé par h débiteur/
{bit qu'il foit interpofé par un tiers qui
promet de payer pour lui , comme l'a fort
bien remarqué Àcurfe en fa glofe fur
cette loi.
Cela n'eft pas contraire au principe
de Droit que nous avons rapporté fuprà
n. 370. îllud commune e/l in univerfs qui
pro aliis obligantur , quod Ji fuerint in du-
riorem caufam adhïbiti , placuiteos omninb
non obligari. L. 8. §. 7. ff. de fidej. car
ce principe n'a lieu qu'à l'égard de çeu*
642 Tr. des Oblig.
dont l'obligation n'eïl: qu'une pure adhé*
fion à celle du débiteur principal , tels
que font des fidéjuffeurs ; mais l'obliga-
tion qu'on contracte par le pacl conftï-
tutœ pecunix , quoiqu'elle doive avoir
pour objet le payement d'une obligation
préexiftente , n'eft pas comme nous l'a-
vons déjà remarqué , une pure adhéfion
à cette obligation , puifque comme nous
l'avons déjà vu , on peut s'obliger par
ce pacl: à donner une autre choie que
celle qui eft due , pourvu que ce foit
en payement & à la place de celle qui
eft due qu'on promette de la donner,
pareillement pourvu que le pacl n'ait
d'autre objet que le payement de la dette ,
on peut par ce pa& s'obliger plus du-
rement à faire ce payement -, que ne
s'y étoit obligé le débiteur par l'obli-
gation principale , &: par conféquent
à le faire dans un terme plus court :
Acurfe obferve fort bien fur cette Loi
que celui qui s'oblige par ce pacl qu'il
appelle Reus conflitutez pecunice , efl en
cela différent du fidéjuffeur.
Je ne peux approuver le fentiment
de Cujas qui dans fon commentaire fur
Paul ad Ed. fur cette Loi, reprend Acurfe
d'avoir diltingué le Reus conjîitutœ pecu-
nlce du fidéjuffeur , & foutient que le fidé-
juffeur peut auiîi-bien que le Reus con~
Part. II. Chap. VI. 543
fil tut x pccunhz s'obliger à payer dans un
plus court terme que n'y eft obligé le
débiteur principal , & qu'on ne trouvera
nulle part dans les loix qu'il ne le puifte
pas : je répons qu'il fuffit que les loix
diient en général que les fïdéjuffeurs ne
peuvent pas s'obliger in duriorcm caufam
pour qu'on en puirTe conclure qu'ils ne
peuvent s'obliger à payer dans un terme
plus court que ne l'eft le débiteur prin-
cipal ; car il eft clair , que la condition
de celui qui eft obligé à payer hic & nurre
& fans terme , eft plus dure que celle
de celui qui as un terme ; 6c il eft vrai
de dire qu'il eft obligé à plus , puifque
le plus s'eftime nonfulùm quantitate , mais
DIE conditions loco , &c. Il y a plus 9
la Loi 16. §. 5. ff. de fidej. décide ex-
preiTément que fi quelqu'un a cautionné
fous une certaine condition , un débiteur
principal qui étoit obligé de payeraubout
d'un certain terme , 6c que la condition
s'accomplirTe avant le terme , la caution
ne fera pas obligée : N'eft-ce pas dire
bien exprefTément qu'une caution ne peut
être obligée à payer fans terme , lorfque
le débiteur principal a un terme.
19. La Loi 8. fF. depec. conjî. nous four-
nit un autre exemple du principe qu'on
peut s'obliger différemment &: plus dure-
ment par le paer. canjiitiuœ pecunix que
é44 Tr. des Oblig,
par l'obligation principale : elle décide
que je peux valablement convenir par
ce pael qu'on me payera à moi feul ce
qui , par l'obligation principale , étoit
payable ou à moi ou es mains d'une
autre perfonne ; ce qui ne fe pourroit pas
par un cautionnement , la condition de la
caution qu'on prive de la faculté qu'a le
débiteur de payer entre les mains d'une
autre perfonne étant plus dure que celle
du débiteur principal. L. 34. fF. defidej*
Cujas dans le même Ouvrage ad /eg.
ïo. & 13. dit que cette loi doit être res-
treinte dansfon cas, c'enV à-dire , lorfque
c'eft le débiteur lui-même qui me promet
par ce pa& de me payer à moi feul ce
qui étoit payable à moi ou entre les mains
d'une autre perfonne , & qu'un tiers ne
pourroit pas faire ce paér , parce qu'il
jne peut pas plus qu'un fidéjimeur s'obli-
ger in duriorcm caufam ; je penfe au COî>
traire que ce pael: n'étant pas une pure
adhéfion à l'obligation principale , un
tiers peut par ce pa& s'obliger in durionm
caufam , comme nous l'avons vu ci-
deffus.
20. Il nous refle à obferver que dans les
titres nouvels que pafTent des héritiers
par lefquels ils s'obligent au, payement
<le ce qui étoit dû par le défunt , ils
peuvent bien à la vérité , félon les prin*
Part.IL Chap. Vï. 645:
cîpes que nous venons de rapporter,
?ppofer pour ce payement des claufes
différentes que celles portées par le titre
primordial ; mais il faut pour cela qu'ils
déclarent qu'ils entendent en cela inno-
ver au titre primordial ; autrement tout
ce qui fe trouve dans les ades de diffé-
rent de ce qui eft porté par le titre pri-
mordial , eft préiumé s'y être gliiTé par
erreur & n'eft pas valable , la préemp-
tion étant que l'intention de ceux qui
paiTent ces actes , efr. de reconnoître & de
confirmer ce qui eu porté par le titre
primordial , & non d'y rien innover, V.
infrà n. 744.
§. iv.
De r effet du Pacî conftitutae pecuniae ,
& de C obligation qui en naît.
Premier Principe.
1 1 . Le pact. conjlitutœ pecuniœ , qui a pouf
objet le payement d'une obligation pré-
exiftente , ne renferme aucune novation "9
il produit une nouvelle obligation qui
n'éteint pas la première , mais qui y ac-
cède.
Second Principe*
. Quoique le paû conjlitutœ pecuniœ n'é-**
64S T R. DES OblIG;
teigne pas la première obligation , il y
apporte quelquefois quelques change-
mens ou modifications ; ce qui néan-
moins , félon la fubtilité des principes du
Droit Romain , ne fe faifoit pas ipfojure. y
maisper exceptionem.
Troisième Principe.
Quoique l'obligation qui naît du pacl:
conflit ut œ pecuniœ accède à la première ,
elle n'eft pas néanmoins une pure adhé-
fion à la première obligation ; elle fub-
fifle par elle-même , 6c même quelque-
fois elle continue de fubfifter , après l'ex-
tinction de la première.
Quatrième Principe.
Le payement de l'une de ces obliga-
tions éteint & acquitte les deux.
21. Le premier de nos principes n'a pas
befoin d'explication.
Le fécond s'éclaircira par des exem-
ples.
Premier Exemple.
Nous avons vu en l'article précédent,
qu'on pouvoit par le pa£t conjlitutœ p:cu-
mœ , promettre de payer à la place de la
Part. I T. Chap, VI. 647
Ibmme, ou de la :hofë qui e i\ due, une
autre chof ' qui eft due. Sup-
putons que mon d eur d'une fomme
de trente t^ îs , m'a promis de me
donner à la j ouiTaint fix poinçons du
vin cic fa récolte, en payement delà
fomme de trente pifloles qu'il me doit ;
ce p; v • d ' ruit point la première obli-
ga ion : je peux en vertu de la première
obligatio - mander à mon débiteur les
trente piilol s, 6c ma demande procède
if fo jure ; mais comme par le pa£t je fuis
convenu qu'il pourroit me payer , à la
piace de cette fomme , fix pièces du vin
qu'il auroit recueilli, il peut per excep-
tioncm pacii , en offrant lefdites fix pie-
ces de vin , demander à être renvoyé de
ma demande des trente piftoles. Au
moyen de cette exception qu'il peut
m'oppofer , fa première obligation qui
étoit une obligation pure ck fimple de me
payer préclfement la fomme de trente
piftoles , reçoit par le pa£r. une modifica-
tion , ôc devient une obligation de tren-
te piftoles , avec la faculté de payer les
fix pièces de vin à la place.
Le créancier etrmt créancier des tren-
te piftoles , en vertu de la première obli-
gation , & créancier des fix pièces de
\in en vertu de celle qui naît du paft
conjluutœ pecuniœ y il peut 9 ïi bon lui
g48 Tr. des Oblig,
iemble , intenter l'a&ion qui naît du padt
ôc demander les fix pièces de vin : mais
fi le débiteur aimoit mieux payer les
trente piftoles , il pourroit en offrant le
payement des trente piftoles , faire ceffer
la demande des fix pièces de vin , parce
que fuivant le quatrième de nos princi-
pes , le payement des trente piftoles qui
acquitte la première obligation, acquitte
les deux.
Second Exemple.
3.3. Si étant votre débiteur d'une
fomme qui étoit payable à vous feul
en votre domicile , je vous ai pro-
mis par le pact conjiitutœ pecuniœ de la
payer ou entre vos mains, ou entre celles
de votre correfpondant , dans un lieu
moins éloigné, ce pacl: apporte en ma
faveur une modification à mon obliga*
tion , en ce qu'au lieu que j'étois obligé
précifement de payer entre vos mains &C
au lieu de votre domicile , j'acquiers par
ce pa£t la faculté de pouvoir payer entre
les mains de votre correfpondant , & dans
un lieu qui m'efl plus commode ; ce qui
ne fe faifoit néanmoins félon la fubtilité
du Droit Romain que per exceptionem. Si
guis ptGuniam conjiituerit tibi aut Titio ;
Part. II. Chap. VI. 64$
\tlî ftriclojure , priori * aclione , pecunioe
conjîitutœ manet obtlgatus , cùamfi Titlo
folverit , tamen pcr exceptioncm adjuvatur ,
L. 30. fF. de pec. conft.
Troijieme Exemple,
24. Lorfque par le pa&côhjiituiœ pecunict
mon débiteur a promis de me payer dans
un certain terme la fomme qu'il me devoit
fans terme , ou dans un terme plus court : ce
padt apporte une modification à fa premiè-
re obligation , & la rend payable au terme
porté par cepacl; car je fuis cenfé lui
avoir accordé par ce pacl: le terme dans
lequel il a promis de me payer ; ce qui
doit me rendre non-recevable à le de-
mander plutôt , même par l'action qui
naît de la première obligation.
Il en feroit autrement û c'étoit un tiers
Îui m'eût promis de payer pour vous
ans un certain terme , ce que vous me
1
* Cujas a fubftîtué ce mot priori au mot pro-
■pria , qui n'a pas de fens ; au moyen de cette
correction, le fens de ce texte eft clair; quoique
le débiteur qui a payé entre les mains de Titius
demeure toujours jl riElo jure débiteur de la pre-
mière obligation , qui n'eft payable qu'entre les
mainsdu créancier ; néanmoins ce payement le dé-
charge per exceptionem doli aut patfi ; parce qu'il
peut oppofer au créancier, qu'il l'a fait en vertu
de la permiffion qu'il lui en a accordé par le pa&.
Tome I. E e
&ç6 Tr.' dés Oblige
devez fans terme ou dans un terme plitS
court; ce pacl: ne fait aucun changement à
votre obligation, & ne m'empêche pas de
vous demander avant le terme porté par ce
pacl: ce que vous me devez ; car ce n'eft
pas à vous à qui j'ai accordé le terme porté
par ce pacl: où vous n'étiez pas partie.
2 5 . 11 y a néanmoins des cas auxquels
vous pouvez profiter indirectement du
pacl: par lequel un tiers a promis de
payer pour vous : tel eft le cas auquel le
tiers auroit promis de payer pour vous une
certaine fomme à la place de la chofe que
vous devez; vous acquérez indirectement
par ce pacl: , quoique vous n'y foyez pas
partie , la faculté de vous libérer de vo-
tre obligation par le payement de cette
fomme ; car étant permis à toutes perfon-
nes de faire au nom du débiteur le paye-
ment de ce qui eft dû par un autre , lorf-
qu'elles ont quelqu'intérêt à faire ce
payement , il fuffit que vous ayez intérêt
au payement de la fomme que le tiers s'eft
obligé par le pacl: conjiitutœ puuniœ de
payer à la place de la chofe que vousde vez,
pour que vous deviez être reçu à faire
au nom de ce tiers le payement de cette
fomme ; & en la payant pour ce tiers &C
& l'acquittant de fon obligation , vous
vous acquittez auffi de la vôtre : car fui-
PartJ IL Chap, VL fcj£
Vânt le quatrième de nos principes , le
payement de l'une des obligations éteint
les deux.
Par la même raifon , fi un tiers a pro-
mis par ce pacl de payer dans un autre
lieu que celui où le débiteur étoit obligé
de payer ; ou s'il a promis de payer au
créancier , ou entre les mains d'une au-
tre perfonne , ce que le débiteur ne pou-
voit payer qu'entre les mains du créan-
cier ; le débiteur peut profiter indirec-
tement de ce pacl: , en faifant au nom de
ce tiers le payement aat lieu où il lui eu.
permis par le pacl conjlitutœ ptçuniœ de
le faire , & entre les mains de la perfon-
ne à laquelle il lui efl permis de payer ;
& en faifant ce payement pour ce tiers ,
vous vous acquittez de votre obligation
par laquelle vous étiez tenu de payer
précifement entre les mains du créancier ,'
ou dans un autre lieu ; car fuivant le
quatrième de notre principe , le paye-
ment de l'obligation qui naît du pa&
conjlitutœ pecuniœ ? éteint la première , &
vice versa.
26. Nous avons rapporté des exemples
des changemens & modifications , que la
première obligation pouvoit recevoir par
le pact conjlitutœ pecuniœ au profit du dé-
biteur ; elle en peut recevoir aufîi au pro-
fit du créancier.
Eeij
£jî Tr. des Oblig.4
En voici un exemple : lorfque celui
qui m'étoit débiteur d'une fomme paya-
ble à moi , ou entre les mains d'une
autre perfonne , me promet par le pacl
conjlitutœ pccuniœ de me la payer à moi-
même ; la première obligation reçoit par
ce pacl un changement au profit du créan-
cier ; car au lieu que c'étoit une obli-
gation avec la faculté de payer entre
les mains d'une autre perfonne , elle
devient par ce pacl: une obligation qui
n'eft plus payable qu'à moi-même. Si
( mihi aut Titio dare obligatus ) pojîeà
quàm foli mihi te foluturum conjiituijli 9
Jolveris Titio , nihilominus mihi teneberis 9
L. 8. ff. de conji. pecun. car parce pacl,
vous êtes cenfé avoir renoncé à la fa-
culté que vous vous étiez réfervé par
votre première obligation de payer en-
tre les mains de Titius , c'eft pourquoi le
payement que vous lui avez fait n'eft
pas valable.
Il en feroit autrement fi c'étoit un tiers
qui m'eût promis de me faire ce paye-
ment pour vous ; car ce pacl: oii vous
n'étiez pas partie n'a pu vous ôter la fa-
culté que vous aviez de payer entre les
mains de Titius.
27. Voici un cas où le pacl conjlitutœ pé-
tunia apporte des changemens à la pre-
mière obligation , tant de la part du créan-
Part. Iî. Chai». VT. G^f
cler que de celui du débiteur ; c'eft lorf-
que celui qui m'étoit débiteur de deux
choies fous une alternative m'a promis
de me payer déterminément l'une des
deux ; ce pacl: apporte par rapport au
créancier un changement à la première
obligation , en ce que la déterminant*
d'alternativeq u'elle étoit , à la chofe qu'il
a promis de payer , elle doane au créan-
cier le droit d'exiger cette chofe déter-
minément , fans que le débiteur puifle
avoir dorénavant le choix de payer l'au-
tre : c'eft ce qu'enfeigne Papinien : illud
aut illud dcbuit , & conflituit alutum ; an
vcl alurum quod non conjliluitfolvere pof-
Jit quœjitum eji ? Dixi , non ejfc audlcn-
duni ^Jivelit hodiefidem conjlitutx rei fran-
gcre , L. 25. ff. d. T.
La première obligation reçoit auffi err
ce cas un changement par raport au débi-
teur ; car étant par ce pacl: déterminée à
la fewle chofe que le débiteur a promis de»
payer , le débiteur pourra acquérir la li-
bération de fon obligation , par l'extinc-
tion de cette chofe furvenue fans fa faute
avant fa demeure ; au lieu qu'auparavant
ce pacl: , fon obligation n'auroit pu s'étein-
dre que par l'extin&ion des deux cho-
fes.
j£. Notre troifieme principe ,querobli*
gation qui naît du pa& conjlitutœ pecunicç
Ee iij
ïyl TrJ Ses OBtirf
n'eft pas une pure adhéfion à la première J
refaite affez de ce que nous avons dir
dans les articles précedens ; qu'elle pour-
roit avoir un objet différent ,- comme
lorfqu'on promet par ce paft de payer
Une autre chofe à la place de celle qui eft
due parla première obligation.
Cela refaite aufîî de ce qu'elle peut
être contractée fous des conditions plus
dures ; comme lorfqu'on promet de payer
dans un terme plus court que celui porté
par la première obligation, fuprà, n. i8„
Ce qui prouve encore plus évidem-
ment que l'obligation qui naît du pact r
n'eft. pas une fimple adhéfion à la pre-
mière obligation qu'on s'eft. obligé par ce
pacl: de payer , & qu'elle fubfifte par
elle-même ; c'en1 qu'elle peut continuer
de fubfifter après l'extinction de cette
première obligation.
C'eft ce qu'enfeigne Ulpien. Si quid
debitum tune fuit quum conflituetetur , nunc
non Ht , nïhilominus tenet conflitutum ; quia
retrorfum fe aclio refert : proinde temporali
actions obligatum , confituendo Ce/Jus &
Julianus teneri debere > lieu pofl conflitu-
tum dits temporali s aclio ni s exierit. Quarc
€tjl pofl tempus obligationis fe foluturunt
confinait , adhuc idem Julianus putat , quo-
niam eo tempore conflituit quo erat obligàtio^
lieet in id tempus quo non tenebatur. Lu. iS,
§, i. C depec. confh
Part. IL Chap: VI. fcjj
La GlofTe apporte pour exemple de
cette décifion , le cas auquel un vendeur
auroit par un pa& conjlitutœ ptcuniœ. pro-
mis à l'acheteur de lui payer une certai-
ne fomme pour le dédommagement d'un
vice de la chofe vendue , dont il étoit
tenu envers lui , aclione œjlimatoriâ : fui-
vant la décifion de cette Loi , l'obligation
qui naît de ce pa£t de payer cette fomme
dure même après le temps de fix mois
que duroit l'aclion œjlimatoriâ , & on au-
roit même pu par le pacl: afligner pour le
payement de la fomme un jour qui n'au-
roit du arriver qu'après l'expiration du
terme de fix mois de l'a&ion œjlimato-
ria.
Dans l'exemple qu'apporte la Glofle ;
on peut dire que quoique l'action œjli-
matoriâ foit éteinte par l'expiration du
temps de fjx mois, il refte néanmoins après
ce tems une obligation naturelle de dé-
dommager l'acheteur , laquelle peut être
la matière du payement que le vendeur a
promis faire par le pa£t conjlitutœ peca-
niœ.
Quid , fi la dette pour le payement de
laquelle eft. intervenu le pacl conjlitutœ
pecuniœ , & qui e-xiffoit au temps dudit
pact , a été depuis éteinte autrement que
par un payement réel ou fictif, de ma-
nière qu'il ne fubfifte plus aucune obliga-
E e iv
#5<5 Tr; des Oblige
tion ni naturelle ni civile , Pobligatïoiï
contra&ée par le pacl: confiitutœ pecuniœ.
pour le payement de cette dette , conti-
nuera-t- elle de fubfifter? Oui. C'eft
ce que décide Paul en la Loi 19, §. 2,
ff, de pec. conjî, où il dit que fi un père
débiteur de la fomme qui fe trouvoit
alors dans le pécule de fon fils envers
le créancier de fon fils , lui a promis
par ce pacl: de lui payer cette fomme , il
continue de la devoir en vertu de ce pacl: 9
quoique ne fe trouvant plus rien dans le
pécule de fon fils , l'obligation de pecu-
lio dont il étoit tenu , & en payement de
laquelle il a promis de payer cette fom-
me , {bit éteinte ; licet inurierit peculium ,
non tamen liberatur.
Voici d'autres exemples plus confort
mes à nos ufagès.
Fingc : je me fuis rendu caution envers
vous pour Pierre pour une fomme de
mille livres qu'il vous devoit , à la charge
que l'obligation de mon cautionnement
ne dureroit que pendant le temps de deux
ans , au bout duquel j'en ferois déchargé :
avant l'expiration des deux ans , & par
conféquent pendant que mon obligation
fubfiftoit , Jacques vous a promis de vous
payer pour moi cette fomme ; il vous a
même afligné pour le payement de cette
fomme 5 un terme qui tombe après le
Part. IL Chap. VI. 657
•temps de deux ans : Jacques après l'expi-
ration des deux ans fera-t-il obligé parle
pad confîitutœ pccunix de vous payer. La
raifon de douter , eft que ne m'étant obli-
gé qu'à la charge que mon obligation ne
dureroit que deux ans , & que j'en ferois
déchargé après ce temps , il ne fubfiiîe
plus en ma perfonne de dette ni naturel-
le ni civile qui puifîe fervir de matière au
payementqu'il a promis de faire pour moi.
La raifon de décider que quoique ma det-
te , en payement de laquelle Jacques a
promis de vous donner la fomme de mille
livres , foit éteinte , l'obligation de Jac-
ques continue de fubfifter , eu que c'efl:
au temps qu'eft interpofé le pacl: confîitu-
tœ pecuniœ qu'il faut confidérer fi la dette
pour le payement de laquelle il eft inter-
pofé exiftoit ; fi au temps qu'il a été inter-
pofé , je vous devois véritablement la
fomme de mille livres , en payement de
laquelle Jacques vous a promis de vous
payer mille livres , le pacl a été valable-
ment interpofé : Jacques a valablement
contracté l'obligation de vous payer cet-
te fomme. Il n'importe que depuis ma
dette ait été éteinte ; celle qu'il a con-
tractée fubfifte : fi quid debitum tune fuit
quum conftitueretur^ nunc non fit ? tenct conf-
titutum\ QUIA RETRORSUM SE ACTIO
refert, On objectera ; il s'eft obligé de
&5& Tr; ses OblïgJ
payer ma dette; ilnepeutpluslapayerj
îorfqu'elle eft éteinte ; fon obligation ne
peut donc plus fubfifter ; elle eft réduite
à quelque chofe d'impofïibJe. Je réponds
que c'eft à la vérité en payement de ma
dette qu'il s'eft obligé de vous paye»
mille livres , &: il étoit nécefTaire pou*
cela que je vous les dufle alors : mais
après qu'il en a contracté l'obligation , le
payement qu'il doit faire & qu'il fait de
cette fomme , eft le payement de fa pro-
pre dette ; ce n'eft qu'indirectement que
ce feroit aufli le payement de la mienne ,
li elle fubfiftoit encore.
Voici un autre exemple. Un tiers s'eft
obligé de vous payer pour moi trente
piftoles à la place d'un certain cheval que
je vous de vois , quoique depuis mon
obligation ait été éteinte par la mort du
cheval , celle de ce tiers doit fub(lfter«
Ce cas eft bien différent de celui d'une
perfonne qui feroit débiteur d'un certain
cheval , fi mieux il n'aimoit donner trenn
te piftoles à la place. En ce cas , la mort
du cheval le libère entièrement de fon
obligation , parce qu'en ce cas il n'y a
que le cheval de dû , les trente piftoles
ne {ontapiinfaculatefolutionis. Mais dans
notre cas , le tiers étoit véritablement
débiteur des trente piftoles ; ce n'étoit
pas même du cheval ', ce n'étoit que d$
Part. IL Chap. VI. 6j$
cette fomme dont il étoit débiteur : c'eft
pourquoi la mort du cheval qui éteint
mon obligation , n'éteint pas la fienrue.
29. L'obligation qui naît du pa£t confli-
tutx pccuniœ peut bien continuer après
l'extinclion de l'obligation principale pour
le payement de laquelle le pact a été inter-
polé ; mais il faut pour cela , comme nous
l'avons déjà obiervé, qu'elle ait été éteinte
autrement que par un payement réel ou
fï&if ; car fuivant le quatrième de nos
principes, le payement de l'une des deux
obligations , foit de l'obligation princi-
pale , foit de celle du paft , éteint les
deux.
30. La raifon de ce quatrième principe
eft évidente : ce qui eft promis par le
pacl confiitutx pccuniœ étant promis en
payement de l'obligation principale : cette
promefTe , lorfqu'elle eft effectuée par le
payement qui eft fait , renferme un paye-
ment de l'obligation principale ; le paye*
ment de ce qui a été promis par le pacl ,"
eft donc un payement des deux obli-
gations, & les éteint par conféquent l'une
& l'autre.
Vice versâ, le payement de l'obliga-
tion principale éteint celle du pa£t, en
rendant le créancier non recevable à en
demander le payement ; car ce oui lut
a été promis par ce pact ne lui ayant été
666 Tr. des Oblige
promis & ne lui étant dit que . pour lé
payer de l'obligation principale , ii après
avoir été payé d'ailleurs de l'obliga-
tion principale > il fe faifoit payer en-
core de ce qui lui a été promis par le
pa& conflitum pecuniœ. , il fe feroit payer
deux fois de l'obligation principale ; ce
que la bonne foi ne permet pas. Bona
fides nonpatiturut bis idem exigatur. L. 57.
ff, de R. J. on ne peut pas fe faire payer
deux fois d'une même dette.
31. Ce principe que le payement de Tune
des deux obligations éteint les deux , eft
vrai , non - feulement à l'égard du paye-
ment réel ; il l'efl pareillement à l'égard
des payemens fî&ifs, tels que font la
compenfation , la novation & même la
remife. Le créancier acquérant par la com-
penfation de pareille fomme qu'il devoit
la libération de cette fomme > fe trouve
par cette libération payé de celle qui lui
étoit due ; le créancier dans le cas de la
novation , fe trouve payé de la dette dont
il a fait novation par la nouvelle qui eft
contractée envers lui ; il ne peut donc
dans ces cas demander à être payé de ce
qui lui a été promis par le pa£t. confiitutiz
pecuniœ ? puifque ce feroit demander à
être payé deux fois.
Il en eft de même du cas de la remife; car;
quoique dans ce cas il n'ait rien reçu x i\
Part. II. Chap. Vl. €6i
fuffit que par cette remife, il fe fbîttenu
pour payé de l'obligation principale , pour
qu'il nepuiffe être recevable à demander
à en être payé une féconde fois.
3 2. Notre principe que le payement de
Tune des deux obligations éteint les deux,
a lieu , lorfque ce qui a été promis par
le pacî conjlitutœ pecunix a été promis
pour le payement de tout ce qui étoit
du par l'obligation principale : lorfqifon
n'a promis d'en payer qu'une partie , le
payement de ce qui a été promis par le
pacl , n'éteint l'obligation principale que
pour cette partie : par exemple , fi étant
votre débiteur de vingt piftoles , j'ai pro-
mis , ou un autre a promis d'en payer
quinze dans un certain temps , le paye-
ment des quinze piftoles promifes par le
pacl: , n'éteindra l'obligation principale
que jufquà concurrence de quinze plf-
loles.
3 3 . 11 nous refte à obferver à l'égard de
l'obligation conjlitutœ pecunics. que , fui-
vant la loi 16. ff. de pec. conjl. lorfque
deux perfonnes ont promis de payer ce
qui eft du par un tiers , elles en font te-
nues chacune folidairement, en quoi elles
refTemblent aux fidéjufleurs , fuprà tf . 5 1 5.
mais elles ont de même que les fidéjufTeurs
Texception de divifion , lorfqu'elles font
folYables. L.fin. cod, de pec. conflit.
66z Tr. des Oblige
Haloander a penfé que ceux qui OÀÏ
promis par le pacl: conjlitutœ pecuniœ de
payer ce qui eil dû par un tiers , ont auffi,
de même que les fidéjuffeurs, l'exception
de difcuflion , lorsqu'ils font pourfuivis
pour avoir manqué de payer au jour nom-
mé , & qu'ils font compris dans la dif-
|)ofition de la Novelle 4. ch. 1. fous le
rerme av-nça-v*™ qu'il traduit par conjiitutœ
pecuniœ nus.
$ v.
De Cefpece de P a cl par lequel on promet
Hu créancier de lui donner certaines sûretés.
34. C'cft une efpece de pacl: conjiitutœ*
pecuniœ , lorfqu'on promet au créancier ,
non de le payer , mais de lui donner dans
un certain terme certaines sûretés , com-
me gage , hypothèque , caution : Si quis
conjlituerit Je pignus daturum , débet hoc
conjlitutum admitti. L. 14. §. 1. ff. de
pec. confl.
L'effet de ce pa£t, eft que celui qui a
promis par ce pafr de donner certaines
sûretés , peut y faute par lui de les don-
ner , être contraint au payement de la
dette même avant le terme dans lequel
elle eft payable ; & fi c'eft une rente , il
peut être contraint au renibourfement du
principal
Part: II. Chap; VI. 'CSj
5 5. [Celui qui a promis par ce pa£t, de
Sonner pour caution une certaine per-
fonne , eft déchargé de fon obligation ,
fi avant que d'y avoir fatisfait , 6v d'a-
voir été en demeure d'y fatisfaire , la
perfonne qu'il a promis de donner pour
caution, vient à mourir, d. L, 14. §. 2.
la raifon eu que fon obligation devient
impoiïible par la mort de cette perfonne
qui ne peut plus fe rendre caution.
11 en feroit autrement , fi la perfonne
qu'il a promis de donner pour caution ,
réfufoit de fubir le cautionnement : Si
nolitfidcjubere ,puto teneri eum qui conjlituit^
niji aliud aclum eji , d. §. La raifon eft
que pour que mon obligation foit valable,
il fuffit que le cautionnement de cette per-
fonne , que j'ai promis , foit un fait pof-
fible en foi , quoiqu'il ne me foit pas pof-
fible par le refus que fait cette perfonne ,
de fubir le cautionnement ; c'efî: ma faute
d'avoir promis ce que je ne pou vois pas
tenir : cela eft conforme aux principes
établis au N. 136.
fin du premier Volume^
\
APPROBATION.
J'Ai lu par ordre de M. le Chancelier un
Manufcrit comprenant divers Traités de
Droit , & notamment le Traité des Obligations ,
par M. Pothter ; je n'y ai rien trouvé qui en
puifle empêcher l'impreiîion , & je ne doute
pas que ceux qui s'appliquent à l'étude des
Loixck des principes du Droit ne s'emprefTent
de profiter des remarques & des recherches
d'un Jurifconfulte fi éclairé. A Paris ce 5 Mars
1761. Signé 3 GIBERT.
PRIVILEGE DU ROY.
LOUIS, par la grâce de Dieu , Roi de France & de
Navarre : A nos arnés Se féaux Confeillers les Gens
tenans nos Cour* de Pa lement , Maîtres des Requêtes
ordinaires de notre Hôtel, Grand Confcil, Prévôt de
Paris , Baillifs, Sénéchaux , leurs Lieutenans Civls, & au-
tres nos Jufticiers qu'il appartiendra , S A L U T. Notre amé
Jean Debure, Nous a fait expoier qu'il défireroit faire
imprimer & donner au Public un Ouvrage qui a pour titre
Divers Traités de Droit par M. POTHÎEl^ , s'il nous plai-
foit lui accorder nos Lettres de Privilège pour ce néceflaires.
A Cts CAUsts, voulant favorablement traiter l'Expofant,
Nous lui avons permis cV permettons par ces Préfentes
de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que boa
lui femblera , & de le faire vendre & débiter par tout notre
Royaume pendant le rems de dix années confécutives , à
compter du jour de la date des Préfentes. Faifons défenfea
à tous Imprimeurs , Libraires cV autres perfonnes de quelque
qualité & condition qu'elles foient, d'en introduire d'im-
preffion étraneere dans aucun lieu de notre obéilîànce ;
comme aufTi d'imprimer ou faire imprimer, vendre , faire
vendre, débiter ni contrefaire ledit Ouvrage, ni d'en faire
aucuns extraits , fous quelque prétexte que ce puifle être,
fans la permiffion exprefle Se par écrit dudit Expofant , ou
de ceux qui auront droit de lui , à peine de confiscation
des Exemplaires contrefaits, de trois mille livres d'amende
contre chacun des contrevenans , dont un tiers à Nous,
*• tiers a l'Hôtel - Pieu de Paris , & l'autre tiers audit
Bxpofant , ou h celui qui aura droit de lui, à peine de rotSs
dépens , dommages & intérêts , à la charge que ces Préfentes
feront enregistrées tout au long fur le regiftre de la Com-
munauté des Libiaires & Imprimeurs de Paris, cV ce dans
trois mois de la date d'icelles ; que l'imprelTion dudit
Ouvrage fera faite dans notre Royaume , & non ailleurs
en bon papier & en beaux caractères, conformément à la-
Feuille imprimée & attachée pour modèle fous le contre-
fcel des Préfentes 5 que l'impétrant fe conformera en tout
aux Réglemens de la Librairie , & notamment à celui du
10. Avril 172 s. qu'avant. de l'expofer en vente, le ma-
nufcrit qui aura fervi de copie à l'impreffion dudit Ouvra-
ge , fera remis dans le même état où l'approbation y aura
été donnée , es mains de notre très-cher & féal Chevalier .,
Chancelier de France le fieur Delamoignon; & qu'il en
fera enfuite remis $eux Exemplaires dans nor-re Bibliothèque
publique , un dan& celle de notre Château du Louvre , &
un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier , Chan-
celier de France , le tout à peine de nullité des Prefentes.
Du contenu, defquelles vous mandons & enjoignons de
faire jouir ledit Expofant & fes ayans caufe , pleinement
& paisiblement , fans fouffrir qu'il leur foi* fait aucun trou-
ble ou empêchement. Voulons que la copie defdites Pré-
fentes , qui fera imprimée tout au long , au commence-
ment ou à la fin dudit Ouvrage , foit tenue pour duement
fïgniflée , & qu'aux copies collationneés par l'un de «os-
âmes & féaux Confeillers Secrétaire , foi foit ajoutée comme
à l'Original. Commandons au premier notre Huiflîer ou.
Sergent fur ce requis , de faire pour l'exécution d'icelles
tous aétes requis & néceflàires , fans demander autre per-
miffion , & nonobftant Clameur de Haro, Charte Nor-
mande, & Lettres à ce contraires : Car tel eit notre plaifir*
DONNE' à Marly le vingt- neuvième jour du mois de
Mai l'an de grâce mil fept cent foixante-un 3 & de notre
Règne le quarante-lîxieme. Par le Roi en fon ConfeiL
LE BEGUE.
Je foufligné , reconnois avoir cédé & tranfportè
à M. Jean Rouzeau -Montaut , Libraire
d'Orléans , la moitié du préfent Privilège pour
en jouir comme à lui appartenant , fuivant les
conventions faites entre nous. A Paris, ce ia
Juin 1761.
JEAN DEBURE.
Regifiréenfemble le prèfentPrlvilêge^& la cejjlon
cl- jointe , fur le Regijlre de la Chambre Royale
& Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris*
«°. 279. fol. 184. conformément au Règlement de
1723. A Paris 3 ce 15. Juin 1761.
G, SAU6RAINt
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